Le traitement médical de l'insuffisance cardiaque chronique

Le traitement médical de l'insuffisance cardiaque chronique

Ann Cardiol Ang6iol 2001 ; 50 : 30-7 © 2001 l~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s Le traitement m dical de l'insuff...

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Ann Cardiol Ang6iol 2001 ; 50 : 30-7 © 2001 l~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s

Le traitement m dical de l'insuffisance cardiaque chronique R. Isnard* Service de cardiologie, groupe hospitalier Piti6-Salp~trikre, 47-83, boulevard de l'HOpital, 75651 Paris cedex 13, France (Accept6 le 15 d6cembre 2000)

Rdsumd Le traitement de rinsuffisance cardiaque par alteration de la fonction systolique a fait d'enormes progres depuis dix ans ; ces progr~s reposent sur les resultats d'essais therapeutiques de grande taille dans lesquels des dizaines de milliers de patients ont et6 inclus. On dispose donc dans I'insuffisance cardiaque d'une medecine basee sur les preuves. Les objectifs du traitement se sont elargis : non seulement soulager les symptSmes, mais aussi diminuer la fr6quence des ~pisodes de decompensation et des hospitalisations, et prolonger la survie. Trois classes th6rapeutiques emergent & I'aube du nouveau millenaire : les inhibiteurs de renzyme de conversion, la spironolactone et les b6tabloquants, qui contre-indiques il y a encore peu de temps, representent la v6ritable revolution du traitement. A c6te du traitement medicamenteux, une prise de conscience apparaff sur le r61e primordial de I'education et de rinformation du patient, comme avec d'autres maladies chroniques. A cet egard, des experiences de reseaux de soins se mettent en place. Cependant, les donnees epidemiologiques recemment acquises montrent que les progres realises dans rinsuffisance cardiaque ne concernent qu'une minorit~ de patients ; les patients &g6s, les femmes et les patients ayant une insuffisance cardiaque malgre une fonction sy.stolique normale, qui representent une majorite, ne sont pas represent~s dans les essais. © 2001 Editions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS insuffisance cardiaque chronique I traitements mddicamenteux Summary - The medical treatment of chronic heart failure. The treatment of chronic heart failure by alteration of systolic function has made remarkable progress over the past ten years; this progress has been linked to the results of large-scale clinical trials involving tens of thousands of patients. The medical approach to heart failure is therefore based on established clinical data. The therapeutic aims have been extended: not only should treatment relieve the symptoms of the disease, but also reduce the frequency of relapse and hospitalization, and prolong survival duration. At the onset of the third millenium, three therapeutic classes have emerged: conversion enzyme inhibitors, spironolactone, and beta-blockers, which although counterindicated only a short while ago, now constitute the revolutionary aspect of the approach to treatment of chronic heart failure. In addition to drug therapy and as in the case of other chronic diseases, the significant role of patient awareness, i.e., the information and education that is made available to the individual regarding his or her illness, should also be taken into consideration. Regarding the latter aspect, the experience gained in this field by the care systems can be utilized. However, recent epidemiologica/ data have shown that the advances made in the treatment of heart failure only concern a minority of

* Correspondance et tir~s ~ part.

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patients; and that elderly subjects, women, and patients suffering from heart failure in spite of normal systolic function, which constitute the majority of cases, have not been considered in these trials. © 2001 E-ditions scientifiques et m~dicales Elsevier SAS

chronic heart failure / drug therapy

Les progrrs importants rralisrs dans la comprrhension physiopathologique de l'insuffisance cardiaque depuis 15 ans ont 6t6 ~ l'origine d'avancres thrrapeutiques majeures. En effet, si l'atteinte cardiaque initiale reste 6videmment le primum movens de la maladie, l'insuffisance cardiaque n'est plus seulement une maladie de la pompe. En rrponse h la dysfonction cardiaque initiale, de nombreux mrcanismes d'adaptation se mettent en place au premier rang desquels une activation des principaux systrmes neurohormonaux et des cytokines, responsables d'une vasoconstriction et d'une rrtention d'eau et de sel. Cette activation ~t long terme a des effets drlrt+res sur l'rvolution de la cardiopathie. Les traitements mrdicamenteux, dont l'efficacit6 a 6t6 la plus marquante, sont justement ceux qui s'opposent point par point h cette activation, qu'il s'agisse des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, des brtabloquants ou plus rrcemment de la spironolactone. Dans cette revue, nous n'aborderons que le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique par altrration de la fonction systolique. T R A I T E M E N T I~TIOLOGIQUE ET PRI~VENTIF La prrvention de l'insuffisance cardiaque passe par la prise en charge de t o u s l e s facteurs pouvant la causer. I1 peut s'agir de diminuer le travail impos6 au ventricule gauche dans les surcharges de pression ou de volume, ou d'rpargner une certaine quantit6 de myocytes : le traitement de l'hypertension artrrielle, la reperfusion prrcoce ~ la phase aigu~ de l'infarctus du myocarde destinre fi limiter la taille de la nrcrose et fi prrserver le muscle cardiaque, la revascularisation d'un muscle cardiaque ischrmique ou la correction d'une valvulopathie avant un retentissement irrrversible sur le ventricule sont autant d'actions destinres ~ preserver la structure et la fonction du myocarde et sans doute les meilleurs traitements long terme.

Mesures hygi~no-di~t~tiques Ces mesures grnrrales s'adressent ~ presque tous les patients et restent fondamentales, bien qu'aucun essai ne les ait validres. Comme dans toutes les maladies chroniques, le succ~s du traitement drpend 6troitement de l'rducation du patient et de la comprrhension qu'il aura de sa maladie [1]. R~gime pauvre en sel Toujours de mise, il consiste ~ bannir la salirre de la table, ~tne plus saler l'eau de cuisson des aliments, et remettre au patient la liste drtaillre des aliments contenant le plus de sel. Chez certains malades, le rrgime sans sel peut 6tre nuisible en conduisant ~t un certain degr6 de drnutrition ; l'aide d'une dirtrticienne peut dans ce car s'avrrer utile pour indiquer au patient d'autres agents de sapidit6 en remplacement (rpices, sel de rrgime). Si un 6cart de rrgime est fait, on peut alors conseiller au patient d'augmenter sa dose de diurrtiques le jour m~me, voire le lendemain. Surveillance du poids et des sympt6mes La pesre rrgulirre permet au patient de consulter rapidement si une prise de poids de 2 h 3 kg est constatre afortiori si elle est soudaine, en deux ~t trois jours. A contrario, une perte de poids progressive en l'absence d'~edrme, signe un certain degr6 de drnutrition, qui trmoigne souvent de la gravit6 de l'insuffisance cardiaque et indique un mauvais pronostic. L'aggravation de la dyspnre, l'apparition d'une orthopnre ou l'apparition d'oedrmes des membres infrrieurs ou d'un mrtrorisme abdominal doit aussi alerter et inciter le patient ~ consulter sans attendre. Alcool et tabac En cas de cardiomyopathie dilatre, lorsqu'une consommation excessive a 6t6 reprrre, l'arr~t total

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de l'alcool peut dans certains cas s'accompagner d'une r6gression partielle voire totale de la cardiopathie. Ce conseil vaut 6galement pour les autres causes, compte-tenu du caract6re potentiellement aggravant de l'alcool ; d a n s ce cas, il est licite de conseiller une r6duction de la consommation m~me si aucune donn6e n'existe pour attester de l'efficacit6 de ces mesures. L'arr6t du tabac est imp6ratif chez tous les patients a fortiori s'ils sont atteints d'une cardiopathie isch6mique.

Activit6 physique L'exercice doit &re encourag6 en dehors des 6pisodes de d6compensation. Contrairement ~t ce qui 6tait pr6conis6 il y a quelques ann6es, le repos strict n'est pas souhaitable, car le d6sentrainement physique progressif (d6conditionnement) ne fait qu'aggraver les sympt6mes fi l'effort. Des programmes de r6entrainement ~ des niveaux d'effort assez important (de l'ordre de 70 % de l'effort maximal), plusieurs heures par semaines permettent d'augmenter significativement la capacit6 ~ l'effort [2]. Cependant, ces programmes n'ont pas fait la preuve de leur innocuit6 et le maintien d'un b6n6fice long terme suppose que le programme soit poursuivi et donc l'adh6sion du patient. Aussi, le m6rite de ces travaux est surtout d'avoir fait prendre conscience qu'une activit6 physique r6guli6re et prolong6e (marche par exemple) ~ un rythme n'essouffiant pas le malade pouvait am61iorer son &at.

Travail et r~insertion professionnelle Dans l'insuffisance cardiaque av6r6e, la poursuite d'une activit6 professionnelle n6cessitant des efforts physiques importants (manutention, port de charge, bfitiment et travaux publics) est proscrite, de m~me que certains emplois fi risque (chauffeur de poids lourds ou de transport en commun par exemple). Dans les cas les plus graves, une demande d'invalidit6 doit ~tre envisag6e.

Vaccinations Les patients insuffisants cardiaques sont plus fragiles et une surinfection bronchopulmonaire peut

parfois ~tre ~ l'origine d'un 6pisode de d6compensation. C'est la raison pour laquelle la vaccination antigrippale est ~t conseiller surtout chez les sujets ~g6s.

Contraception La grossesse expose ~t des risques : cela vaut pour l'insuffisance cardiaque s6v6re o~) le pronostic vital de la m6re peut ~tre engag6, mais aussi pour l'insuffisance cardiaque plus mod6r6e, en raison de l'effet d616t6re possible d'une grossesse sur la cardiopathie. Le choix peut se porter sur des contraceptifs minidos6s en oestrog6ne ou sur des dispositifs intraut6rins. LES T R A I T E M E N T S MI~DICAMENTEUX

Les leqons des grands essais th~rapeutiques Les inhibiteurs des phosphodiest6rases, en augmentant I'AMP cyclique intracellulaire, entra]nent une augmentation de la contractilit6 des myocytes et une relaxation du muscle lisse vasculaire ~ l'origine d'une vasodilatation. Malheureusement, plusieurs essais ont montr6 une surmortalit6 avec cette classe m6dicamenteuse, essentiellement par augmentation du nombre de morts subites. Ces r6sultats ont fait abandonner le d6veloppement de ces m6dicaments en administration chronique par voie orale. Leur usage est actuellement r6serv6 fi l'insuffisance cardiaque aigu~ par voie intraveineuse.

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion Plusieurs essais ont d6finitivement d6montr6 le b6n6fice des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), dans l'insuffisance cardiaque s6v6re, dans l'insuffisance cardiaque mod6r6e fi moyenne, chez les patients pr6sentant une alt6ration isol6e de la fonction systolique et apr6s infarctus du myocarde lorsqu'existent une dysfonction ventriculaire ou une insuffisance cardiaque. Le b~n6fice sur la mortalit6 et sur la morbidit6 est d'autant plus important que l'insuffisance cardiaque est s6v~re. En moyenne, la r6duction de la mortalit6 est de l'ordre de 20 % ~t deux ans. Les IEC permettent 6galement de diminuer les pouss6es d'insuffisance cardiaque et les hospitalisations et retardent la progression de la maladie en ralentissant les processus de remodelage.

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30 25 20 15 I0 5 0

R~luction du risque (%) [ [] ConsensusI • SOLVDT [] SOLVD P [] II SAVE • AIRE • TRACE ] Figure 1. Effets des inhibiteurs de l'enzyme de conversion sur la mortalit6 [5-10].

Malgr6 ces r6sultats, les IEC sont encore insuffisamment prescrits ou le sont h des doses insuffisantes, sans doute en raison de craintes sur les effets secondaires possibles (hypotension, insuffisance r6nale). L'6tude Atlas r6cemment publi6e confirme que des doses 61ev6es d'IEC permettent une r6duction de la morbidit6 et de la mortalit6 par rapport/l des doses faibles. I1 est actuellement conseill6 d'utiliser des doses les plus proches possibles des doses utilis6es dans les essais th6rapeutiques (par exemple enalapril 20 mg, captopril 150 mg, ramipril 10 mg)

(figure l). Les bfitabloquants sont 6galement devenus incontournables dans le traitement de l'insuffisance cardiaque. Leur efficacit6 a 6t6 d6montr6e pour trois mol6cules (le carv6dilol, le m6toprolol, et le bisoprolol) d'abord dans l'insuffisance cardiaque de gravit6 mod6r6e it moyenne (patients en stade II et III de la NYHA) puis plus r6cemment dans l'insuffisance cardiaque s6v+re (patients en classe III et IV de la NYHA) chez des patients recevant d6j~ un traitement par IEC, diur6tiques plus ou moins digitaliques. La r6duction de la mortalit6 obtenue sur 12 18 mois est importante, de rordre de 35 % et touche non seulement la mortalit6 par insuffisance cardiaque mais 6galement la mortalit6 par mort subite. Elle s'accompagne d'une r6duction du nombre d'hospitalisations. L'amplitude de l'effet est pratiquement identique dans les diff6rentes 6tudes. N6anmoins, il ne s'agit pas compl6tement d'un effet de classe puisque des r6sultats identiques n'ont pas 6t6 retrouv6s avec un b&abloquant, le bucindolol (6tude Best

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non publi6e). Les conditions d'administration restent assez strictes chez des patients stabilis6s avec la n6cessit6 d'une surveillance m6dicale sp6cialis6e de quelques heures au cours de la premi6re prise, de commencer avec des doses tr6s faibles et d'augmenter la posologie tr6s progressivement. Les donn6es r6centes de l'6mde Copemicus laissent penser que le traitement pourrait &re d6but6 plus pr6cocement au d6cours de la pouss6e avant la sortie de l'h6pital. Trop peu de patients regoivent aujourd'hui des b&abloquants, malgr6 l'amplitude attendue du b6n6fice. Les diur6tiques restent des m6dicaments irrempla9ables pour traiter les signes congestifs ; les plus utilis6s sont les diur6tiques de l'anse de Henl6. Cependant/l l'6re des grands essais, leur efficacit6 en chronique n'a pas 6t6 valid6e. On sait m6me qu'ils pourraient ~tre d616t6res en favorisant l'activation du syst6me r6nine angiotensine. La seule 6rode d'envergure disponible est l'6tude Rales et conceme la spironolactone : elle a permis de montrer que l'adjonction de 25 mg en moyenne de spironolactone au traitement conventionnel (IEC, diur6tique) permet de r6duire la mortalit6 et les morts subites chez des patients en insuffisance cardiaque grave de mani6re tr6s significative. On ne sait pas si cet effet passe par des propri6t6s particuli6res de la spironolactone ou simplement sur un effet favorable sur la kali6mie. La digoxine, qui est la plus ancienne mol6cule utilis6e dans le traitement de l'insuffisance cardiaque, n'a pas 6chapp6 ~ une 6valuation dans une ~tude randomis6e. L'6mde Dig a montr6 que la digoxine ajout6e au traitement conventionnel par IEC et diur6tique, avait un effet neutre sur la mortalit6 globale, mais qu'elle permettait de r6duire de mani6re non significative la mortalit6 par insuffisance cardiaque et significativement un crit6re combin6 (mortalit6 et hospitalisations pour insuffisance cardiaque). Plusieurs 6tudes avaient 6galement montr6 un effet potentiellement favorable sur les sympt6mes. M~me si la digoxine n'est pas un traitement majeur, on peut consid6rer qu'elle repr6sente un traitement d'appoint souvent utile dans rinsuffisance cardiaque s6v6re. Les d6riv6s nitr6s n'ont 6t6 6valu6s qu'en association avec un vasodilatateur art6riel, l'hydralazine, qui n'est plus disponible en France. Cette association faisait mieux que le placebo dans l'6tude VheFT I, mais moins bien que r6nalapril dans l'6mde VheFT II.

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Les d6riv6s nitr6s sont donc actuellement plus consid6r6s comme un traitement d'appoint chez les patients symptomatiques qui gardent des pressions de remplissage 61ev6es ou une fuite mitrale volumineuse. Les inhibiteurs des r6cepteurs de l'angiotensine agissent comme les IEC en bloquant le syst6me r6nine angiotensine mais de mani+re plus sp6cifique en bout de cha]ne ; contrairement aux IEC, ils interagissent moins avec le syst6me des bradykinines. Ils ont l'avantage d'6tre mieux tol6r6s, en particulier d'induire moins de ph6nom6nes de toux. Deux strat6gies ont 6t6 6valu6es, la premi+re en substitution aux IEC, la seconde en association avec les IEC. Une premi6re 6tude I~lite destin6e/~ comparer le losartan au captopril en terme de tol6rance r6nale, n'avait pas montr6 de diff6rence entre les deux m6dicaments ; en revanche, et de mani6re inattendue, une r6duction de mortalit6 avait 6t6 not6e sous losartan. Ces r6sultats n'ont pas 6t6 confirm6s dans une grande 6tude de mortalit6 l'&ude l~lite 2, dans laquelle aucune diff6rence significative n'6tait not6e entre le captopril et le losartan, saul chez les patients recevant des b&abloquants chez lesquels le captopril faisait mieux que le losartan. Ainsi actuellement, le traitement de base reste les IEC et il ne parait raisonnable de les remplacer par un ~ que chez les patients intol6rants. Dans l'6tude ValHeFT (pr6sent6e mais non publi6e), la seconde strat6gie 6tait 6valu6e : dans cette 6tude, l'adjonction de valsartan /t fortes doses au traitement conventionnel par IEC n'a pas eu d'impact sur la mortalit6 totale, mais s'est accompagn6e d'une baisse significative de 13 % d' un crit6re composite (d6c6s + hospitalisations pour insuffisance cardiaque et arr6ts cardiaques r6cup6r6s) et de 27 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Cependant, aucun b6n6fice n'6tait observ6 chez les patients trait6s par b&abloquants. AUTRES T R A I T E M E N T S

Les inhibiteurs calciques Ils ne sont pas des traitements de l'insuffisance cardiaque. Le diltiazem et le v6rapamil repr6sentent plut6t une contre-indication. Les nouvelles dihydropyridines (f61odipine et amlodipine) ont un effet neutre sur la mortalit6 et peuvent donc ~tre prescrites

lorsqu'une indication associ6e est pr6sente (angor, hypertension art6rielle).

L'amiodarone Elle n'a pas fait la preuve de son efficacit6 dans la r6duction de la mortalit6 ou des morts subites chez l'insuffisant cardiaque. Sa prescription est r6serv6e aux patients pr6sentant des troubles du rythme grave ou une fibrillation auriculaire r6duite, pour pr6venir les r6cidives. Elle peut ~tre associ6e au traitement b6tabloquant.

Les antiagr~gants plaquettaires et les anticoagulants Leur prescription est mal codifi6e. I1 est habituel de mettre sous aspirine les patients pr6sentant une cardiopathie isch6mique. Des 6tudes ont montr6 que l'aspirine A fortes doses pourrait diminuer l'efficacit6 des IEC ; n6anmoins la pertinence clinique de cette interaction 6ventuelle reste fi d6montrer en particulier lorsque l'on emploie des faibles doses. Les antivitamines K sont r6serv6es aux patients en fibrillation auriculaire, ayant un thrombus intracavitaire ou ayant fait des AVC emboliques. STRATI~GIE THl~RAPEUTIQUE Elle d6pend d'abord de l'~ge du patient, de l'existence de maladies associ6es, du m6canisme de l'insuffisance cardiaque et enfin de son stade 6volutif. L'~ge du patient et la comorbidit6 sont des facteurs fondamentaux qui conditionnent l'inscription ou non sur une liste d'attente de transplantation, lorsque le traitement m6dical devient insuffisant. Enfin, la correction des facteurs potentiellement aggravants sera toujours une priorit6 : r6duction d'une fibrillation auriculaire, correction d'une anomalie valvulaire significative, revascularisation lorsqu'une isch6mie ou une viabilit6 a 6t6 mise en 6vidence.

Au stade de la dysfonction systolique asymptomatique (patient en classe I de la NYHA) La dysfonction systolique asymptomatique se d6finit par une alt6ration de la fonction systolique en

Traitement mCdica1 de l’insuffisance

TableauI. M&a analyse Solvcl/Save/Aire/Trace

globale

IDM Hospitaiisation

IC

DC&s ou hospitalisation D&Whospitalisation

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chronique

[ 111. Placebo n=6372

Oddsratio

1467 (23 %)

1 710 (26,8 %)

0,80*

571 (8,9 %)

703 (11 %)

0,79*

876 (13,7 %)

I 202 (18,9 %)

0,67*

I 962 (30,7 %)

2 354 (36,9 %)

0,74*

IEC n=6391 Mortalid

cardiaque

IC

IUIDM

2 161 (33,8 %)

2610(41

%)

0,72*

*p
l’absence d’antecedent, de symptbmes ou de signes d’insuffisance cardiaque. L’etude Solvd Prevention [3], qui a suivi plus de 4 000 patients pendant 3,9 ans, a montre que l’administration d’un IEC permettait de ralentir la progression de la maladie et la survenue d’une insuffkance cardiaque, et de diminuer les episode de dkompensation cardiaque sans modifier la mortalite (tableau I). Ces don&es sont confirmees par les etudes realisees au d&ours immediat d’un infarctus [4] : l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion apres infarctus avec alteration de la fonction ventriculaire gauche (fraction d’ejection inferieure a 3540 %) reduit de 20 a 30 % l’evolution vers l’insuffisance cardiaque et augmente l’esperance de vie. A ce stade, il n’y a pas d’argumcnts pour penser que les diuretiques soient utiles. 11s pourraient au contraire provoquer une activation precoce du syst&me renine-angiotensine [5]. Les autres classes de medicaments n’ont pas pour le moment d’efficacite prouvee. Les betabloquants pourraient etre interessants dans une optique de prevention et de ralentissement de l’evolution, mais cela reste a demontrer a ce stade, sauf apres un infarctus, ou leur efticacite est Ctablie.

tent et si le traitement d&ode est diffkile a respecter. Lorsque les signes de retention ont disparu, on peut tenter de diminuer la dose de diuretiques, en maintenant la plus petite dose possible, voire d’arreter totalement son administration. En cas de probleme d’hypotension, il vaut mieux tenter de diminuer d’abord les doses de diuretiques, puis celles des IEC pour pouvoir introduire le betabloquant. Le bisoprolol (recemment disponible en France) et le metoprolol (prochainement disponible) sont probablement moins hypotenseurs que le carvedilol du fait de l’absence de proprietes vasodilatatrices. En cas d’intolerance aux IEC, les H sartans )) representent une option interessante m6me si elle n’est pas encore totalement valid&e, mais ils n’ont pas encore obtenu I’autorisation de mise sur le marche pour l’insuffisance cardiaque. Le traitement digitalique n’est justifie que si les symptomes persistent, a condition qu’il n’existe pas d’hyperexcitabilite ventriculaire. Son arret peut s’accompagner d’une aggravation des symptomes. Les derives nit& ne sont prescrits a ce stade qu’en cas de persistance de pression de remplissage ClevCe ou de fuite mitrale importante, a condition que les doses maximales des medicaments precedents aient deja et6 atteintes.

Insuffhance cardiaque modCrCe h moyenne (stade II voire III de la NYHA)

Insuffkance cardiaque d’emblke plus ski3e (stade III de la classification de la NYHA) ou s’aggravant (stade IV de la NYHA)

Le traitement doit aujourd’hui comprendre dans l’ordre d’introduction IEC, diuretiques et betabloquants. Les doses cibles Q atteindre sont celles utilisees dans les essais therapeutiques. Le traitement diuretique est associe, surtout s’il y a deja eu des episodes de decompensations avec des signes de retention hydrosodee, a fortiori si ces signes persis-

Quand les symptomes restent s&&es sous traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion et diuretique ou quand ils s’aggravent, un certain nombre de facteurs sont toujours a rechercher (tableau II). Parfois, les symptomes peuvent Ctre dus a I’hypotension secondaire a un traitement vasodilatateur

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trop important, situation qu'il faudra savoir 6voquer pour 6viter une escalade th6rapeutique d616t6re. Dans le doute, le recueil des pressions de remplissage par cath6t6risme droit peut parfois ~tre utile, mais le Doppler cardiaque peut aujourd'hui donner souvent une information 6quivalente. Dans le cas contraire et lorsque les facteurs d'aggravation ont tous 6t6 ~limin6s ou corrig6s, on peut augmenter le traitement par IEC, si la dose n'est pas maximale. Si un traitement b~tabloquant n'est pas encore prescrit, il faudra essayer de l'introduire. Enfin, le traitement digitalique peut 6galement trouver lh sa place si les sympt6mes demeurent. Si des signes de r6tention hydrosod6e persistent, la dose de diur6tique sera augment6e et la spironolactone pourra ~tre associ6e en surveillant 6troitement la kali6mie et la cr6atinin6mie. En cas d'oed6me r6fractaire malgr6 de fortes doses de furos6mide, l'introduction de tr6s faibles doses d'hydrochlorothiazide (6,25 ou 12,5 mg) peut se r6v61er efficace. Les d6riv6s nitr6s peuvent ~tre ajout6s h l'inhibiteur de l'enzyme de conversion si sa dose maximale est atteinte et si les pressions de remplissage restent 61ev6es. En cas de pouss6e d'insuffisance cardiaque chez un patient sous b~tabloquant, il faut essayer de ne pas arr&er le traitement, saul en pr6sence d'un 6tat de choc cardiog6nique requ6rant les inotropes ; souvent l'augmentation des diur6tiques ou la baisse transitoire de la posologie du b&abloquant est suffisante. En cas de

r6ponse insuffisante, l'inscription sur une liste d'attente de transplantation doit se discuter en l'absence de contre-indication. Ainsi le traitement de l'insuffisance cardiaque par alt6ration de la fonction systolique a fait d'6normes progr6s au cours de ces demi6res ann6es. M~me si d'autres mol6cules sont en cours d'6valuation, il n'est pas certain qu'elles permettent de faire mieux que l'association IEC-b&abloquant, dont on peut estimer qu'elle diminue la mortalit6 par rapport au placebo d'environ 45 ~t 50 %. L'effort dolt actuellement porter sur l'information des m6decins et l'6ducation des patients de fagon ~ ce que ces traitements soient r6ellement prescrits et pris, et que l'on puisse par des prises en charge plus pr6coces et innovantes, peut-&re au sein de r6seaux de soins, diminuer la fr6quence des hospitalisations. Cependant, une majorit6 d'insuffisants cardiaques ne sont pas concem6s par ces acquis des grands essais th6rapeutiques : ce sont les patients ~g6s, les femmes et les insuffisants cardiaques dont la fonction systolique du ventricule gauche est conserv6e, qui forment en r6alit6 un m6me sous-groupe de patients. I1 est important que les prochaines ann6es soient mises ~ profit pour mieux caract6riser ces patients et 6valuer l'impact des diff6rents traitements dont nous disposons. Plusieurs 6tudes ont d6j~ d~but6 pour r~pondre ~t ces questions.

Traitement mddical de l'insuffisance cardiaque chronique

RI~FI~RENCES 1

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