Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 64—67
LETTRE / Génito-urinaire
Léiomyosarcome de l’uretère : un cas rare夽 É. Aubert a,∗, I. Millet a, I. Serre b, P. Taourel a a
Service d’imagerie médicale, hôpital Lapeyronie, CHRU de Montpellier, 371, avenue Doyen-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France b Service d’anatomie pathologique, hôpital Lapeyronie, CHRU de Montpellier, 371, avenue Doyen-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France
MOTS CLÉS Uretère ; Léiomyosarcome ; Tumeur ; Immuno-histochimie ; TDM
La majorité des tumeurs de l’uretère est représentée par des tumeurs épithéliales primitives (95 % environ) de type carcinome à cellules transitionnelles. Le léiomyosarcome est une tumeur extrêmement rare puisqu’une vingtaine de cas seulement ont été décrits dans la littérature [1]. Nous rapportons un cas de léiomyosarcome de l’uretère de découverte tomodensitométrique.
Observation Madame R., âgée de 57 ans, décrit depuis plusieurs semaines des douleurs abdominales prédominant en fosse lombaire droite. Une échographie de débrouillage est donc réalisée, révélant une urétérohydronéphrose droite isolée. À visée antalgique, une sonde JJ est mise en place. Un uroscanner est secondairement pratiqué, montrant un syndrome de masse tissulaire, rétropéritonéal, bien limité, de forme arrondie, rehaussé en périphérie, en contact très étroit avec l’uretère droit (Fig. 1 et 2). Aucune autre anomalie significative n’est mise en évidence et notamment au niveau de la vessie. Deux hypothèses sont alors évoquées : soit une adénomégalie rétropéritonéale responsable d’une compression extrinsèque de l’uretère, soit une tumeur urothéliale à développement extrinsèque. Une biopsie à visée diagnostique est pratiquée. L’analyse anatomopathologique et plus particulièrement l’étude des marqueurs immuno-histochimiques ont permis d’affirmer le diagnostic de léiomyosarcome de l’uretère (Fig. 3 et 4). Un complément d’investigation par TEP scan a confirmé un foyer d’hyperfixation en topographie rétropéritonéale, para-urétérale droite, sans aucun autre foyer d’hyperfixation ganglionnaire (Fig. 5). Une exérèse chirurgicale complète de la lésion est pratiquée avec confection d’une anastomose urétéro-urétérale termino-terminale. Les suites opératoires ont été simples. Comme l’état général de la
DOI de l’article original : 10.1016/j.diii.2011.10.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (É. Aubert). 夽
2211-5706/$ — see front matter © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jradio.2011.05.018
Léiomyosarcome de l’uretère : un cas rare
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Figure 1. Tomodensitométrie abdominopelvienne au temps portal en coupes axiales montrant un syndrome de masse rétropéritonéal droit (a : pôle supérieur de la lésion ; b : portion médiane) en contact très étroit avec l’uretère repéré par la sonde JJ.
Figure 2. Tomodensitométrie abdominopelvienne au temps portal en reconstructions projection du maximum d’intensité (MIP) coronales (a) et sagittales (b) centrées sur l’uretère droit dans sa portion proximale. Syndrome de masse tissulaire, rétropéritonéale, bien limitée, de forme arrondie, rehaussée en périphérie, en contact très étroit avec l’uretère, dont la lumière est repérée par la sonde JJ.
patiente le permettait, une chimiothérapie adjuvante a été mise en route. Les contrôles scannographiques précoces et à neuf mois n’ont révélé aucun signe de complication ni de récidive.
Figure 3. Histologie, grossissement × 250, coloration HE : prolifération assez dense de cellules fusiformes à disposition fasciculée.
Discussion Le léiomyosarcome urétéral est une tumeur mésenchymateuse maligne extrêmement rare, puisque seulement une vingtaine de cas ont été décrits dans la littérature [1]. Les circonstances de découverte associent principalement des douleurs lombaires et une hématurie macroscopique [2]. Son pronostic est réservé puisque le taux de survie à cinq ans est de l’ordre de 50 % [2—4] en rapport avec de fréquentes localisations secondaires (synchrones et métasynchrones), dont les sites les plus fréquemment rapportés sont mésentériques, pulmonaires, hépatiques ou lymphatiques [2]. Son traitement repose, à l’heure actuelle, sur une exérèse chirurgicale complète. La prise en charge adjuvante est encore très discutée reposant sur la chimiothérapie (notamment dans les formes métastatiques d’emblée) et/ou sur la radiothérapie (lésion volumineuse, marges d’exérèse atteintes) [1,3]. L’aspect en imagerie en coupes du léiomyosarcome de l’uretère n’a été que très peu rapporté dans la littérature du fait du petit nombre de cas étudiés et ne semblait pas spécifique. Il s’agissait, en général, d’une lésion infiltrante à point de départ pariétal, visualisée sous la forme d’un épaississement pariétal circonférentiel ou excentrique de
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Figure 4. Immuno-histochimie, grossissement × 100, anticorps anti-muscle lisse : marquage cytoplasmique diffus et intense des cellules tumorales.
l’uretère sans caractéristique de rehaussement spécifique [5]. Dans notre cas, il s’agissait plutôt d’une masse nodulaire de la paroi de l’uretère à développement exophytique avec un rehaussement en « couronne » (centre hypodense et périphérie fortement rehaussée). Ce type de rehaussement est classiquement décrit dans les tumeurs malignes rétropéritonéales, l’hypodensité centrolésionnelle étant le témoin d’un remaniement nécrotique d’autant plus visible que les tumeurs sont volumineuses et/ou de haut grade de malignité [6]. La cinétique de rehaussement des léiomyosarcomes de l’uretère n’est pas décrite de manière spécifique dans la littérature, cependant il semblerait que les léiomyosarcomes, de manière générale, prendraient le contraste plutôt de manière précoce et massive avec un centre
É. Aubert et al. nécrotique hypodense traduisant leur agressivité [6]. Ce type de rehaussement est celui de notre tumeur. Mais, devant une masse nodulaire rétropéritonéale au contact de l’uretère présentant un aspect tomodensitométrique aussi peu spécifique que décrit ci-dessus, plusieurs hypothèses diagnostiques doivent être évoquées. Par argument de fréquence, nous citerons le carcinome urothélial d’autant que des épisodes d’hématurie macroscopique sont rapportés [7]. Ce dernier se présente dans la plupart des cas comme un épaississement pariétal circonférentiel le plus souvent symétrique, rapidement sténosant, intéressant l’uretère distal dans deux tiers des cas [7,8]. Les lésions sont alors volontiers multifocales avec, dans environ 40 % des cas, une atteinte vésicale synchrone associée [5,7]. Le principal diagnostic différentiel à évoquer reste celui d’une compression extrinsèque de l’uretère par un processus tissulaire et notamment par une adénomégalie rétropéritonéale. Celle-ci peut être en rapport par ordre de fréquence, soit avec une prolifération lymphoproliférative, soit avec une localisation secondaire d’un cancer génito-urinaire, soit avec un processus infectieux au premier rang desquels la tuberculose. Dans le premier cas, il s’agit en général d’adénomégalies multiples, périvasculaires, polycycliques et confluentes formant une masse tissulaire homogène non modifiée par l’injection de produit de contraste. En ce qui concerne les adénopathies métastatiques, l’aspect en imagerie est proche de celui des lymphomes, et plus que la distribution anatomique des ganglions, c’est le contexte clinique qui sera évocateur. Mais c’est surtout les ganglions de la tuberculose qui auraient pu mimer l’aspect de notre lésion puisqu’il s’agit volontiers d’adénopathies de plus petite taille que les lymphomes, peu confluentes et présentant une hypodensité centrolésionnelle nécrotique avec un rehaussement en périphérie [6]. L’analyse des angles de rac-
Figure 5. a et b : TEP scan au FDG révélant un foyer d’hyperfixation intense correspondant à un syndrome de masse latérocave refoulant l’uretère droit (SUV max = 10,5). La fixation est, par ailleurs, sans anomalie sur le reste des structures ganglionnaires rétropéritonéales ou pelviennes.
Léiomyosarcome de l’uretère : un cas rare cordement pourrait théoriquement différencier une lésion extrinsèque à l’uretère, de type adénomégalie compressive, qui présenterait des angles de raccordement aigus, alors qu’une lésion intrinsèque, à point de départ pariétal et développement exophytique, comme le léiomyosarcome présenté, devrait plutôt avoir des angles de raccordement obtus. Mais cela ne reste que théorique et, en pratique, il est souvent difficile de différencier ces deux entités. Dans le rétropéritoine, d’autres métastases moins fréquentes doivent être évoquées avec pour origine principale le mélanome et le cancer du poumon (métastase extrasurrénalienne) [6]. La fibrose rétropéritonéale ou la carcinose rétropéritonéale se présente plutôt sous la forme d’une infiltration « engainant » l’uretère le plus souvent dans sa partie moyenne et responsable d’une urétérohydronéphrose d’amont uni- ou bilatérale [6,7]. Le contexte clinique est encore une fois un élément clé d’orientation. Devant cette abondance d’hypothèses diagnostiques, c’est l’analyse anatomopathologique de la lésion par biopsie percutanée ou chirurgicale qui viendra bien souvent confirmer le diagnostic. Dans le cas du léiomyosarcome de l’uretère et outre l’étude structurale microscopique, la confirmation diagnostique repose plus particulièrement sur l’analyse des marqueurs immuno-histochimiques. En effet, ce type de tumeur a une immunoréactivité pour l’actine muscle lisse et pour l’H-caldesmone, ce qui le différencie du rhabdomyosarcome (dont les marqueurs sont la desmine, la myoglobine et la myogénine) [1,9,10].
Conclusion Le léiomyosarcome de l’uretère est une tumeur rare de pronostic réservé dont l’aspect TDM est peu rapporté dans la littérature. On retiendra le caractère excentré de la lésion, de type infiltrant ou nodulaire, sans atteinte vésicale associée. Les caractéristiques de rehaussement ne sont pas
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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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