Arch Pkdiatr 1999 ; 6 SuppI 0 Elsevier, Paris
: 235-7
ConsCquences pbdiatriques
du diagnostic antknatal
Les hernies diaphragmatiques P.H. Jarreaul, L. Desfr&rel, M. Dommergues2, C. Nihoul-F6k6t63, P. Hubert4, G. Moriettel ‘Service de mkdecine nkonatale de Port-Royal, hepita Cochin-Port-Royal, 123, boulevard 75679 Paris cedex 14 ; ‘maternit& ‘service de chirurgie pkdiatrique, 4service de &animation hapita Necker-Enfants Malades, 149, rue de Svres, 75743 Paris cedex 15. France
En depit de l’amelioration de la prise en charge neonatale, le pronostic des hemies diaphragmatiques congenitales reste sombre, particulierement en cas de diagnostic antenatal (mortalit > 50 %). En fait, cette notion est actuellement remise en cause. 11semble qu’elle soit 1iCeessentiellement a une frequence plus importante de malformations associees et que, en leur absence, le pronostic d’une hemie diaphragmatique congenitale diagnostiquee en antenatal ne soit pas different de celui d’une hemie diaphragmatique congenitale diagnostiquee dans les 12 premieres heures de vie [ 11. Les nouvelles techniques de reanimation neonatale permettent d’esperer un meilleur pronostic. Leur efficacite est fonction de la precocite de leur mise en ceuvre, soulignant l’indr&t d’un diagnostic antenatal [2]. PHYSIOPATHOLOGIE Les anomalies anatomiques et biologiques rendant compte de l’importante mortalite de la hemie diaphragmatique congenitale associent : - une hypoplasie pulmonaire, bilattrale mais predominant du cot6 de la hemie, avec une reduction importante de la surface d’echange alveolocapillaire ; - une reduction du diametre inteme des arterioles a l’origine d’une augmentation des resistances vasculaires pulmonaires responsable d’une hypertension arttrielle pulmonaire. Le role des mtdiateurs vasoactifs et de leur eventuelle dysregulation est l’objet de nombreuses recherches ; - une immaturite pulmonaire, dont l’existence est discutee, et qui pourrait Ctre a l’origine d’un deficit en surfactant (ce qui fait parfois proposer une corticotherapie antenatale) ; - une hypoplasie ventriculaire gauche dans les formes SCvbes dont le mecanisme est discute.
de Port-Royal, pediatrique
polyvalente,
Les consequences postnatales de ces anomalies sont : - une hypertension arterielle pulmonaire like en partie aux anomalies anatomiques vasculaires, mais aussi a des facteurs fonctionnels induits par l’hypoxbmie, qu’elle contribue en retour a aggraver, aboutissant a la creation d’un cercle vicieux ; - une hypercapnie souvent severe qui reflete essentiellement la gravite de l’hypoplasie pulmonaire ; - une grande fragilitt de ces poumons hypoplasiques, les rendant particulibrement sensibles au baro-volotraumatisme ; - une instabilite hemodynamique, dans la gentse de laquelle peut intervenir l’hypoplasie ventriculaire gauche. PRISE EN CHARGE
POSTNATALE
La prise en charge postnatale doit tenter d’assurer une hematose correcte, malgre des conditions anatomiques et fonctionnelles souvent incompatibles avec cet objectif. L’objectif est de faire regresser les anomalies fonctionnelles (reactivite vasculaire pulmonaire) et de mettre les poumons dans des conditions anatomiques favorables (par la chirurgie) dans l’attente de retablir une adaptation cardiorespiratoire proche de la normale, suffisante pour assurer l’autonomie respiratoire. Ces objectifs doivent Ctre atteints en preservant ces poumons hypoplasiques et fragiles de toute lesion iatrogene, notamment celles induites par la ventilation. Les techniques et strategies ont ainsi beaucoup CvoluC ces 15 demibres annees : - le benefice de la chirurgie differee n’a jamais et6 clairement demontre, mais il a ett prouve que ce choix n’aggravait pas le pronostic. Compte tenu des consequences physiopathologiques immediates de l’intervention (reduction de compliance, liberation de substances vasoactives),
236s
P.H. Jarreau et al
il est logique de ne la realiser qu’apres complete stabilisation du patient ; - la reduction du baro-volotraumatisme en ventilation mecanique conventionnelle, par l’acceptation d’une hypercapnie c( permissive >), peut, a elle seule, ameliorer le pronostic [ 1, 31 ; - le benefice la ventilation par oscillation a haute frequence est discute. En <>,elle n’apporte aucun benefice en termes de survie [4] ; utiliste de premiere intention, et done avant la creation de lesions pulmonaires par la ventilation mecanique conventionnelle, elle semble ameliorer le pronostic [5, 61 ; - l’efficacite du monoxyde d’azote n’est plus a demontrer dans les autres causes d’hypertension arterielle pulmonaire, mais les resultats dans la hemie diaphragmatique congenitale sont decevants [7]. Cela reflete vraisemblablement l’importance des anomalies vasculaires anatomiques par rapport aux anomalies fonctionnelles potentiellement levees par le monoxyde d’azote ; - certains arguments plaident pour une utilisation <( prophylactique >>du surfactant. Un essai multicentrique sur son inter&t dans la hemie diaphragmatique congenitale est en cows ; - les techniques d’assistance respiratoire extracorporelle sont utilistes par certaines Cquipes avec des benefices discutCs ; -la prise en charge hemodynamique est bien stir essentielle et doit &tre adaptee a I’Ctat de chaque patient, de meme que la sedation avec ou sans curarisation. IMPACT DU DIAGNOSTIC SUR LA PRISE EN CHARGE
ANTfiNATAL PfiDIATRIQUE
La prise en charge de la hemie diaphragmatique congenitale est t&s lourde, tant sur le plan du materiel que de la disponibilite d’un personnel soignant entraint (une infirmiere a temps plein, un medecin quasi exclusivement consacre a cet enfant au moins dans les premiers jours). Aucun facteur pronostique antenatal n’est suffisamment fiable pour predire le devenir postnatal au point de modifier ou d’adapter la prise en charge postnatale [8]. Quelle que soit la strategic choisie, le diagnostic anttnatal de la hemie diaphragmatique congenitale permet d’optimiser la prise en charge. Prise en charge initiale La collaboration obstetrico-chirurgico-ntonatologique doit conduire a programmer l’accouchement dans un centre adapt6 inttgrant idealement matemitt, reanimation nbonatale et chirurgie pediatrique. Cela permet une prise en charge optimale en Salle de travail par des neonatologistes guides par la connaissance du diagnostic et des Cventuelles malformations associees. La proximitt de la matemite et
du service de reanimation est indispensable afin de limiter la duree du transport de ces patients tres instables, de debuter le plus rapidement possible la strategic therapeutique choisie et, si besoin, d’operer sur place les enfants les plus instables. Gestion des ressources
mbdicales
Le diagnostic prenatal permet de programmer la date de l’accouchement, idealement de jour, lorsque I’ensemble de l’equipe, notamment les medecins les plus experiment&, est present. Dans les centres qui regoivent un grand nombre de hemies diaphragmatiques congenitales, il est preferable d’essayer de programmer ces accouchements avec un certain delai entre eux afin d’assurer la disponibilite du personnel soignant et du materiel ntcessaire. Prkparation
psychologique
des parents
Une information honnete et comprehensible sur les difficult& de la prise en charge postnatale, mais aussi sur les espoirs de guerison, est la base du soutien psychologique des familles. Avant la naissance, cette information est rendue plus concrete, et done plus rassurante, par un contact direct des parents avec les membres de l’equipe mtdicale impliquee dans la prise en charge postnatale. En outre, les liens tisses avant la naissance entre les parents et l’equipe postnatale simplifieront la communication avec la famille dans des circonstances diffciles. L’EXPfiRIENCE
DE PORT-ROYAL
Notre centre a pris en charge 5 1 hemies diaphragmatiques congenitales en 13 ans, en collaboration avec le centre de medecine fcetale du professeur Dumez, l’tquipe de chirurgie pediatrique du profeeseur FekCtt, et l’equipe de rtanimation pediatrique du professeur Hubert. En 1992, en raison des mauvais r&hats obtenus, nous avons modifit notre strategic de prise en charge ; c’est la comparaison des resultats de ces deux ptriodes que nous rapportons. Dans le groupe 1, 19 enfants nes entre 1985 et 1992 ont CtC pris en charge en ventilation mtcanique conventionnelle et rapidement transfer& en vue d’une intervention en urgence. Dans le groupe 2, 32 enfants nts entre 1992 et 1997 ont tte pris en charge sur place, ventilts immediatement en oscillation a haute frequence et operes apres stabilisation, dans le service et sous oscillation a haute frequence en cas d’instabilite. Certains d’entre eux ont et& trait& par monoxyde d’azote inhale et/au surfactant exogene. Ces deux groupes Ctaient cornparables en termes de facteurs pronostiques antenatals et postnatals immediats. Les faits les plus marquants de la comparaison de ces deux groupes sont : - l’augmentation significative de la survie, passant de
237s
Les hernies diaphragmatiques
26 % dans le groupe 1 a 66 % dans le groupe 2 (p < 0,02). Cette difference Porte a la fois sur les de&s pre- et postoperatoires ; - la survenue plus tardive des decks postoperatoires dans le groupe 2 (mediane 540 heures versus 48 heures, p < W2) ; - une evolution prolongee a type d’insuffisance respiratoire chronique chez trois enfants du groupe 2, aboutissant dans un cas a un decks tardif ; l’un d’eux Ctait porteur d’une hemie droite et un autre d’une atresie de l’cesophage. Nous n’avions pas observe de telle evolution dans la periode precedente. Cette prise en charge a done permis une meilleure survie, mais au prix de quelques evolutions respiratoires prolongees et de de&s tardifs. Ce devenir est different de celui observe avec la strattgie therapeutique prealable, marqut soit par une survie saris stquelle (plus rare), soit par des de&s prdcoces. CONCLUSION La hemie diaphragmatique congenitale reste grevee d’une mortalite importante et sa prise en charge est trb lourde. Le diagnostic antenatal permet un accueil programme de l’enfant et une prise en charge pluridisciplinaire. L’amtlioration des taux de survie dans notre tquipe, comme dans d’autres centres [3, 91, est probablement due, au moins en partie, a de nouvelles approches therapeutiques qui ne peuvent ttre mises en ceuvre qu’apres diagnostic prenatal. Toutefois, cette amelioration de la survie a pour consequence l’apparition d’une morbidite non negligeable qui doit &tre
prise en compte dans les informations delivrees aux parents avant la naissance. RI?FhENCES 1 Wilson JM, Fauza DO, Lund DP, Benacerraf BR, Hendren WH. Antenatal diagnosis of isolated congenital diaphragmatic hernia is not an indicator of outcome. J Pediatr Surg 1994 ; 29 : 815-9. 2 Shaw KS, Filiatrault D, Yazbeck S, St-Vi1 D. Improved survival for diaphragmatic hernia, based on prenatal ultrasound diagnosis and referral to a combined obstetric-pediatric surgical center. J Pediatr Surg 1994 ; 29 : 1268-9. 3 Wung JT, Sahni R, Moffitt ST, Lipsitz E, Stolar CJ. Congenital diaphragmatic hernia: survival treated with very delayed surgery, spontaneous respiration, and no chest tube. J Pediatr Surg 1995 ; 30 : 4069. 4 Azarow K, Messineo A, Pearl R, Filler R, Barker G, Bohn D. Congenital diaphragmatic hernia. A tale of two cities: the Toronto experience. J Pediatr Surg 1997 ; 32 : 395.400. 5 Miguet D, Claris 0, Lapillonne A, Bakr A, Chappuis JP, Salle BL. Preoperative stabilization using high-frequency oscillatory ventilation in the management of congenital diaphragmatic hernia. Crit Care Med 1994 ; 22 : S77S82. Reyes C, Chang LK, Waffam F, Mir H, Warden J, Sills J. Delayed repair of congenital diaphragmatic hernia with early high-frequency oscillatory ventilation during preoperative stabilization. J Pediatr Surg 1998 ; 33 : 1010.6. 7 Mercier JC, Lacaze T, Storme L, Rozt JC, Dinh-Xuan TA, Dehan M, et al. Disease-related response to inhaled nitric oxide in newborns with severe hypoxaemic respiratory failure. Em J Pediatr 1998 ; 157 : 747. 52. 8 Dommergues M, Louis-Sylvestre C, Mandelbrot L, Oury JF, Herlicoviez M, Body G, et al. Congenital diaphragmatic hernia: can prenatal ultrasonography predict outcome? Am J Obstet Gynecol 1996 ; 174 : 1377-81. 9 Wilson JM, Lund DP, Lillehei CW, Vacanti JP. Congenital diaphragmatic hernia A tale of two cities: the Boston experience. J Pediatr Surg 1997 ; 32 : 401-5.