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Les interventions précoces chez le nouveau-né à risque de déficits neurologiques et comportementaux. Quels bénéfices ? Stéphane Marret, Stéphane Rondeau, Carole Vuillerot
21.1 Introduction La prise en charge précoce des enfants avec un trouble du développement neurosensoriel et/ou comportemental demeure aujourd’hui une priorité éthique et de santé publique. La réduction des troubles du développement de l’enfant n’a pas été à la hauteur des espérances dans les dernières années. En effet ni le diagnostic anténatal de certaines malformations cérébrales, ni la quasi-suppression de certaines situations à risque d’insuffisance intellectuelle (telles que la trisomie 21), ni l’amélioration des techniques de réanimation à la naissance ont permis une diminution significative de la prévalence des déficiences et des handicaps neuro-psychiques secondaires. De même l’accentuation des politiques d’intervention dans le domaine de l’obstétrique, qui s’est traduit par une augmentation des taux de césariennes, n’a pas permis de diminuer les taux de « paralysies cérébrales » chez les nouveau-nés à terme. La place importante de l’environnement de la grossesse (alcool, tabac, toxicomanie, infections virales, stress de toute origine…), ainsi que des premières années de la vie de l’enfant (stress, nutrition, parentalité, morbidité néonatale…), par rapport aux accidents génétiques, est encore beaucoup trop sous-évaluée. La prévalence des troubles du spectre autistique est aujourd’hui estimée à 1 % en France. Selon l’Académie européenne des déficiences de l’enfant, bien que son efficacité ne soit pas totalement démontrée scientifiquement et que des méthodes d’évaluation appropriée manquent, l’intervention précoce est maintenant acceptée comme un droit [1].
21.2 Qu’est ce que « l’intervention précoce » ? Chez l’enfant, elle fait référence à des programmes de soutien et d’interventions directes et indirectes (éducation neuromotrice, psychomotricité, orthophonie, rééducation bucco-faciale, orthoptie, techniques d’appareillage, accompagnement et programmes éducatifs des familles…), conçus pour les jeunes enfants présentant des problèmes de développements (ou dans des situations à risques de troubles graves du développement notamment pour certains enfants nés prématurés, avec un diagnostic anténatal de trouble de l’architecture cérébrale ou avec une encéphalopathie néonatale précoce), ainsi que pour leur famille. Néonatologie : bases scientifiques © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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L’objectif d’une intervention précoce est de favoriser un meilleur développement et de prévenir ou de minimiser les limitations physiques, cognitives et émotionnelles des jeunes enfants désavantagés en raison d’une exposition à différents facteurs de risques environnementaux ou biologiques [2]. Elle inclut des composantes éducatives et thérapeutiques et se conceptualise en une méthode d’intervention systématique et planifiée basée sur les besoins de l’enfant dans le but de limiter les restrictions de participation sociale des enfants et de leurs familles. Nous limiterons aux deux-trois premières années de vie. Elle sera souvent mise en place avant l’affirmation des séquelles. Ce n’est bien souvent qu’entre 1 et 2 ans que l’on pourra affirmer une paralysie cérébrale (PC)1 et plus tardivement entre 2 et 4 ans des troubles du développement cognitif global ou plus spécifique et/ou comportemental.
21.2.1 Pourquoi soutenir le développement des enfants handicapés par une intervention précoce ? La trajectoire de développement de l’enfant est un processus dynamique suivant lequel les enfants évoluent d’une dépendance envers les aidants naturels dans tous les domaines fonctionnels pendant la petite enfance, vers une autonomie et une indépendance croissante dès la fin de l’enfance (âge scolaire primaire), à l’adolescence et à l’âge adulte. Les compétences apparaissent dans un certain nombre de domaines interdépendants : sensori-moteur, cognitif, socio-affectif et en communication. Le développement dans chaque domaine procède par une série d’étapes ou de stades et consiste généralement à la maîtrise de compétences simples sensorielles et motrices avant que des compétences cognitives et comportementales plus complexes de haut niveau puissent être confirmées. L’intégration sensorielle, c’est-à-dire le processus par lequel le cerveau intègre et organise les informations obtenues par le toucher, le goût, l’odorat, l’audition, la vision et la position des différentes parties du corps, ainsi que le développement tonico-postural, constituent les bases pour accéder plus tard à des structures d’apprentissage et de comportements plus complexes [3]. Les enfants jouent un rôle actif dans le développement de leurs propres compétences, mais ce dernier est également influencé par les interactions au sein de leur environnement. La recherche fondée sur les preuves et des expériences dans plusieurs pays constitue un argument solide pour investir dans le développement précoce de l’enfant (DPE), en particulier pour les enfants présentant un risque de retard de développement ou de handicap.
21.2.1.1 Argument scientifique Les trois premières années de la vie d’un enfant constituent une période cruciale où la plasticité cérébrale est maximum, même si elle reste possible la vie durant en cas 1
La PC désigne les troubles cliniques permanents du développement du mouvement et de la posture, responsables de limitations d’activité, causés par des atteintes non progressives survenant au cours du développement sur le cerveau du fœtus, du nouveau-né et plus rarement du nourrisson.
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d’agression cérébrale. Elles sont caractérisées par un développement rapide, notamment celui du cerveau, et fournissent ainsi les fondations essentielles à la croissance, au développement et aux progrès ultérieurs [4]. Le débat entre « l’inné et l’acquis » est maintenant largement dépassé, les deux étant inextricablement liés. Leur interdépendance et l’impact de leur interrelation sur le développement cérébral sont beaucoup plus importants qu’on ne l’imaginait. Les progrès de l’imagerie cérébrale ont permis de reconnaître des erreurs structurelles du développement cérébral des plus mineures au plus importantes, et aux bases génétiques du développement cérébral lui-même. La plupart des malformations cérébrales ont ainsi une origine génétique. Les gènes impliqués dans le développement régulent tous les aspects du développement : prolifération cellulaire, différenciation cellulaire, migration, apoptose (ou mort cellulaire programmée), myélinisation, fonction synaptique et des circuits neuronaux. Des erreurs dans l’un de ces gènes peuvent conduire à des malformations visibles, mais le développement cérébral et son fonctionnement peuvent être perturbés en l’absence de tout trouble de l’architecture cérébrale identifiable par les techniques radiologiques actuelles. De plus, les progrès de l’épigénétique nous permettent tout juste de comprendre comment les facteurs de l’environnement, y compris la qualité de la parentalité, peuvent modifier l’expression des gènes, affectant possiblement une ou plusieurs générations. À la naissance, à 41 semaines de terme, l’enfant a tout l’équipement nécessaire, en cellules neurales. Durant les trois premières années, la neuroplasticité est à un pic de formation de nouvelles connections qui se font au rythme effrayant de plus de 1000 par seconde. Les processus de myélinisation, de stabilisation synaptique par élimination des synapses redondantes et de stabilisation des connections et des circuits neuronaux se poursuivent permettant une spécialisation fonctionnelle de ces derniers. La neuroplasticité peut ainsi se définir comme la propriété que possède le cerveau, les cellules nerveuses et les réseaux neuronaux qui le constituent de pouvoir modifier leur structure, leur réseau de connectivité et/ou leur mode de fonctionnement en réponse à des changements intrinsèques (facteurs génétiques ou épigénétiques) ou extrinsèques (lésions clastiques ou modifications environnementales). Les capacités de compensation motrice du système nerveux central immature secondairement à des lésions de l’aire précentrale sont supérieures à celles de l’adulte chez le singe (principe de Kennard) [5]. Chez l’enfant, deux paradigmes de plasticité cérébrale sont classiques. Le premier est celui de la déprivation sensorielle visuelle secondaire à un strabisme chez l’enfant qui peut aboutir à une amblyopie en l’absence d’un dépistage et d’une prise en charge précoce. Le deuxième est celui d’un meilleur développement du langage en cas d’accident vasculaire cérébral périnatal ou infantile survenant pendant la fenêtre développementale des cinq premières années, par comparaison aux troubles plus sévères du langage observés en cas d’accident vasculaire cérébral chez l’enfant de plus de cinq ans [6]. Chez le nouveau-né à terme, la trajectoire développementale ultérieure peut être notamment modifiée en cas d’encéphalopathie néonatale précoce souvent d’origine anoxique. Chez l’enfant né prématuré, divers facteurs anténatals (insuffisance de croissance, maladie vasculaire de la grossesse, infections de la mère, variants nucléotidiques génétiques), périnatals (inflammation/ischémie/privation en facteurs de
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croissance ou en hormone) ou post-natals précoces (hyper- ou hypoxie chronique, carences nutritionnelles, médicaments, stress, troubles émotionnels et troubles de l’attachement) peuvent parfois entraîner des lésions clastiques (hémorragies intracrâniennes ou leucomalacies périventriculaires) [7].
21.2.1.2 Argument éthique Tant la convention relative aux droits de l’enfant (CDE) des Nations-Unies (1989) que la convention relative aux droits des personnes en situation de handicaps (CDPH) des Nations-Unies (2006) stipulent que tous les enfants handicapés ont le droit de se développer « dans toute la mesure du possible ». Ces conventions reconnaissent l’importance de mettre l’accent non seulement sur l’état de santé de l’enfant ou sa déficience, mais aussi sur l’influence de l’environnement et de la participation sociale comme étant la cause du sous-développement et de l’exclusion, selon la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé de l’OMS (2001). De plus, l’annonce maintenant plus précoce à des familles, bien renseignées par le réseau Internet d’un risque de séquelle avec possibilité de handicap neuropsychique chez leur enfant, génère une angoisse, renforcée par l’évolution de la société actuelle dans laquelle l’enfant avec un handicap même mineur est difficilement accepté. Un accompagnement plus précoce de l’enfant et de sa famille sera d’autant plus justifié pour renforcer le sentiment de compétence des parents vis-à-vis de leur enfant. Une étude récente portant sur des enfants à haut risque de développer une PC a conclu qu’une implication parentale forte type family coaching dans la prise en charge globale de l’enfant est associée à une amélioration significative au niveau moteur et fonctionnelle à l’âge de 18 mois [8].
21.2.1.3 Argument médico-économique et macro-éthique Les approches combinant des programmes basés dans un centre et des interventions auprès des parents, y compris des programmes de visites à domicile, peuvent conduire à de meilleurs taux de survie, de croissance et de développement, et garantissent que les programmes d’éducation ultérieurs soient plus efficaces pour devenir des adultes en bonne santé et productifs. Cela peut potentiellement réduire les coûts ultérieurs d’éducation, de soins médicaux et d’autres dépenses sociales.
21.3 Comment pouvons-nous soutenir le développement des enfants handicapés ? Promouvoir le développement des nourrissons et des jeunes enfants ayant un trouble du développement neurosensoriel et/ou comportemental nécessite de reconnaître que les enfants handicapés et leurs familles ont des besoins courants, et doivent avoir accès aux programmes et services ordinaires tels que les soins de santé, les services de garde d’enfants (crèches, haltes-garderies) et d’éducation, mais peuvent également nécessiter l’accès à des services ciblés (Centre d’action médico-sociale précoce [CAMSP],
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Centre médico-psychologique [CMP], Centre médical psycho-pédagogique [CMPP], Service d’éducation spéciale et de soins à domicile [SESSAD]) qui doivent être également répartis sur le territoire et au mieux organisés en réseau pour permettre un parcours de soins optimum.
21.3.1 Pour une approche globale Une approche globale est nécessaire, elle doit comprendre : • • • •
le dépistage précoce ; la planification du dépistage et de l’intervention précoce ; la prestation de services ; le contrôle et l’évaluation par des outils appropriés.
Une planification englobant l’ensemble du cycle de vie fournit un cadre utile pour identifier les priorités et les interventions pérennes pendant le stade de la petite enfance, et assurer un continuum de soins, de services de santé, d’assistance et d’éducation de qualité, au fur et à mesure que l’enfant passe de la naissance aux premières années de l’école primaire.
21.3.2 L’identification précoce des retards de développement et/ou du handicap Certains problèmes de santé associés au handicap peuvent être décelés pendant la grossesse, quand on a accès au dépistage prénatal, tandis que d’autres handicaps peuvent être identifiés pendant ou après la naissance. Le dépistage ou le contrôle du développement des enfants peut avoir lieu lors de visites auprès des différents professionnels de santé : pédiatres, voire médecins généralistes formés au dépistage précoce, ou dans les structures de soins de santé pédiatriques. Au mieux, des procédures de dépistage sont organisées pour les enfants vulnérables dans les réseaux de suivis, développés au sein de chaque région française. Chez certains enfants (prématurés, hypotrophes, encéphalopathie néonatale précoce, accident vasculaire cérébral périnatal), la fréquence des troubles du développement moteur (paralysie cérébrale mais aussi retard moteur plus modéré), cognitif (retard mental ou troubles spécifiques du développement des praxies, du langage oral et/ou écrit et des fonctions exécutives notamment), comportemental (déficit attentionnel/hyperactivité ou troubles du spectre autistique) et/ou sensoriels (visuels ou neurovisuels) exige un suivi pour dépister le plus tôt possible des difficultés et entreprendre des actions éducatives précoces. Des procédures de dépistage plus ciblé (visuel et auditif notamment) sont réalisées tardivement dans les établissements scolaires français en grande section de maternelle. Les familles pourront d’autant plus solliciter les différentes structures de diagnostic si elles sont préoccupées par le développement de leur enfant et si elles décèlent un retard dans la réalisation des étapes clés du développement tels que : • •
ne pas s’asseoir vers 9 mois ; ne pas marcher avant 18 mois ;
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ne pas exploser son vocabulaire à 18 mois ; ne pas faire de phrases de deux mots à 24 mois ; ne pas avoir d’attention conjointe en fin de première année ; ne pas comprendre les consignes dans la deuxième année (Tableau 21.1).
Depuis plusieurs années maintenant, le dépistage des troubles précoces du développement moteur global a été amélioré grâce aux travaux de Grenier, Lemétayer et AmielTison, mettant en évidence la motricité libérée ou, autres exemples, des difficultés à la course, le lancer de balle ou le coup de pied dans le ballon à partir de 18–24 mois [9]. L’échelle de Brunet-Lézine [10] est largement utilisée en France et s’avère un bon moyen de dépistage des troubles de la motricité globale, du langage, de la socialisation et de la motricité fine et des manipulations. Le dépistage des troubles sensoriels est systématique lors de toute évaluation développementale. Le comportement visuel et le contact doivent être analysés dès les premières consultations de suivi et la vision sera vérifiée de principe vers l’âge de 3 ans par un ophtalmologiste. Le dépistage auditif est maintenant obligatoire à la naissance en France, mais ne doit pas faire oublier qu’une surdité moyenne ou légère peut se démasquer secondairement notamment en cas d’otites chroniques. Tableau 21.1 Propositions
de quelques moyens de dépistage
Âge corrigé
Type d’examen
Consigne
Matériels
3 mois 9 mois
Examen sensoriel Éveil Motricité fine Examen sensoriel
Cible ou Sensory Baby Test Jeton plastique Sensory Baby Test ou cible
12 mois
Éveil Motricité fine Éveil Motricité globale
Contrôle fonction visuelle Passage actif objet Pince pouce-index Contrôle fonction visuelle/auditive Cube dans récipient Pince pouce-index Perle dans bouteille Bouchon sur bouteille Tour de trois cubes Encastrer forme Coup de pied balle Lancer balle en levant bras Mettre perle dans flacon Encastrer formes Faire tour huit cubes Imiter un trait Enfiler perle avec lacet Tourner page d’un livre Nommer des images
18 mois
24 mois
Autre
Éveil Motricité fine Langage
Évaluation neurologique Amiel
1 cube plastique + 1 récipient 1 jeton plastique 1 perle 1 flacon + bouchon à visser 3 cubes en plastique 1 puzzle bois 1 ballon mousse de 15 cm 1 balle mousse de 7 cm 1 perle, 1 flacon avec bouchon 1 puzzle en bois trois formes 8 cubes plastique 4 perles bois de couleur et lacet Imagier plastifié
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L’émergence du langage peut s’aider de grille de dépistage tel que les inventaires français du développement communicatif (IFDC), adaptés de MacArthur-Bates dès l’âge de 1 an, et/ou de la dénomination des images sur un livre à 24 mois. Les fonctions de communication et de socialisation sont évaluées et dépistées par exemple avec l’aide de la M-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers) de 16 à 24 mois. La motricité fine, les habiletés manuelles et le comportement de jeu sont au mieux appréciées sur la préhension bi-manuelle à 6 mois, la pince pouce-index à 1 an, la réalisation d’une tour à 18–24 mois, la tenue du crayon, l’enfilage des perles, l’émergence du dessin, les puzzles à 24 mois. Insistons sur l’importance d’une évaluation globale du développement de chaque enfant dans toutes ses composantes sensorielles, motrices, cognitives et comportementales compte tenu de la fréquence des troubles du développement associés et du fait de l’interrelation étroite entre les différentes fonctions cérébrales. L’enfant né prématuré représente, à ce titre, un modèle d’intégration des différents troubles du développement auquel un enfant peut être soumis. On sait aussi, par exemple, que des prérequis moteurs sont indispensables au développement du langage de l’enfant et que les troubles du spectre autistique sont associés à des comorbidités dans 70 % des cas, justifiant largement des confrontations multi-disciplinaires entre pédopsychiatres et neuropédiatres.
21.4 La planification des interventions précoces 21.4.1 Les programmes d’interventions ultra-précoces La prise de conscience par les pédiatres du rôle de l’environnement dans le développement mental et cognitif de l’enfant a permis de développer des actions de prévention dans plusieurs domaines. Ses diverses actions sont souvent évaluées dans le cadre de méta-analyses, dont les niveaux de preuve sont assez souvent discutables. Les études rapportées dans chaque méta-analyse sont très hétérogènes, car utilisant des protocoles variés difficilement comparables, manquant de puissance, randomisées contre d’autres interventions plutôt que contre une absence d’intervention. Au cours de l’hospitalisation néonatale, sont favorisés : une préservation de la relation mère-enfant et des processus d’attachement par la création d’unités mère–enfant ou une invitation rapide des parents dans les unités de soins intensifs destinées aux nouveau-nés (USINN) ; la pratique du peau à peau avec les parents dès les premiers jours de l’hospitalisation chez l’enfant prématuré, voire prématurissime, puis leur participation, dès que possible, aux soins de leur enfant hospitalisé ; un soutien en posture asymétrique pour favoriser une bonne régulation tonico-émotionnelle ; des programmes de réduction des stress douloureux, lumineux et des bruits ; un respect des rythmes de l’enfant par une observation attentive des soignants. L’ensemble de ces actions est théorisé dans les programmes de « soins de développement individualisés à chaque enfant » en service de réanimation néonatale (Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program [NIDCAP] ou soins de développement
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type Bullinger) et justifié par une diminution significative de la morbidité néonatale, de la durée moyenne de séjour et des troubles neurocomportementaux à court-moyen terme, avec notamment une réduction des taux d’anxieté/dépression/retrait/troubles du sommeil à 18–24 mois et une amélioration des fonctions exécutives à l’âge scolaire [11]. Pendant l’hospitalisation de l’enfant prématuré, un bénéfice net de la succion non nutritive sur la maturation de la fonction de succion–déglutition a été montré. Les effets de la variété chimio-sensorielle ou de la stimulation oro-faciale sont, bien que très probablement efficients, plus variables selon les études [12]. Après la sortie de l’hospitalisation néonatale, certains programmes de soutien au développement tel que le Mother-Infant Transaction Programme (MITP), comportant notamment une éducation et une sensibilisation des familles dont l’enfant pesait moins de 2000 g à la naissance ont observé une réduction des troubles cognitifs (plus de cinq points de QI) et comportementaux à 5 ans dans le groupe intervention [13]. Le Infant Health and Development Program (IHDP) dans les années 1980 a clairement démontré l’efficacité d’une intervention précoce complète pour diminuer les problèmes de développement et de santé des bébés prématurés PPN à 3 ans [14]. Les résultats à l’âge de 3 ans ont montré que le développement cognitif pouvait être amélioré, que les problèmes de comportement pouvaient être réduits et qu’aucun effet négatif sur la santé ne résultait de soins en groupe de grande qualité et qui commençaient à un an. Ces effets étaient plus élevés pour les bébés les plus lourds et pour ceux des familles socioéconomiquement défavorisées. De plus, le programme d’intervention a conduit à des effets positifs modestes sur les modèles d’interaction mère–enfant et sur la qualité de l’environnement familial. Les bénéfices à long terme de ces programmes d’intervention précoces montrent inconstamment la persistance d’un bénéfice significatif sur le développement cognitif [15]. De même, aux États-Unis, certains programmes très coûteux de visites à domicile effectuées par des infirmières chez des nourrissons de certaines familles disposant de faibles ressources psychologiques ont montré moins d’expressions émotives aberrantes associées à la maltraitance (par exemple, faible niveau d’affect, référencement social de la mère considéré insuffisant) lorsque la famille était inscrite au programme [16].
21.4.2 L’éducation neuromotrice précoce Ses objectifs sont de recruter des nouveaux circuits (plasticité cérébrale), d’aider à automatiser des réponses motrices adaptées aux différentes stimulations en suivant les niveaux d’évolution motrice et de prévenir les effets secondaires des déficiences motrices (rétractions musculaires et tendineuses, prévention des postures anormales, des co-contractions parasites et des difficultés de décontraction automatique, prévention des luxations de hanche). Les revues ou les méta-analyses des essais d’intervention précoce avant l’âge de 6 mois dans des populations à risque de PC, telles que les enfants grands prématurés, n’ont pas objectivé d’amélioration du développement moteur et d’effet préventif sur la survenue d’une PC. Cela tient à l’hétérogénéité des interventions et des populations à risque et du manque de puissance de ces essais, incluant de nombreux enfants qui n’auront pas de PC [2]. Dans une récente revue de la Cochrane, Spittle [17],
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sélectionnant des essais contrôlés et randomisés, n’a observé qu’un effet modéré sur le devenir cognitif et un faible effet sur le devenir moteur, ne se maintenant pas à l’âge scolaire. Des recommandations sont faites pour sélectionner plus étroitement les populations à risque de PC en utilisant l’IRM cérébrale combinée à l’absence ou l’anomalie de mouvements généraux fins des extrémités (fidgety movements) selon Prechtl normalement observés à 8–9 semaines d’âge corrigé chez l’ancien prématuré et dont la sensibilité et la spécificité sont de 100 % pour le diagnostic de PC [18]. L’analyse des mouvements fins des extrémités à 2 mois d’âge corrigé est cependant difficile et nécessite un entraînement. Chez les enfants plus âgés avec une PC, dont le diagnostic peut-être fait dès l’âge de 1 an, la kinésithérapie traditionnelle essayant de promouvoir un développement moteur normal par la stimulation passive de mouvements (stretching) par le kinésithérapeute n’a pas montré d’avantage. Pour être bénéfique et compenser au mieux le déficit moteur, l’éducation neuromotrice doit être initiée précocement et basée sur un apprentissage requérant une participation active de l’enfant avec l’initiation d’actions et de mouvements dirigés vers un but [14]. Ces essais avec enrichissement de l’environnement ont permis d’améliorer le fonctionnement neuromoteur, la force, l’endurance, les postures, les interactions avec l’environnement et cela, jusqu’ à l’adolescence [19]. Ces études ont aussi montré l’importance de séances de kinésithérapie plus intenses, plus longues et plus fréquentes insistant aussi sur l’intérêt de séances à domicile quotidiennes par les parents pendant une vingtaine de minutes. L’ergothérapie, surtout dans le champ de l’hémiplégie, a un intérêt certain, dans l’éducation neuromotrice précoce mais également dans l’acquisition de l’autonomie au quotidien. Pour l’hémiparésie du nourrisson, des programmes de contrainte induite adaptée au nourrisson mis en place précocement dès l’âge de 9 mois forçant l’utilisation du bras parétique ont montré des résultats intéressants à court et moyen termes, en complément d’une rééducation intensive. La récupération serait d’autant plus importante qu’elle est effectuée précocement durant la période de plasticité maximum. D’autres protocoles de thérapie bi-manuelle (Habit) de 9 à 18 semaines, basés sur l’apprentissage moteur par l’enfant lui-même et le système des neurones en miroir, favorisent une récupération des circuits moteurs descendants lésés par des actions volontaires d’imitation par rapport au membre supérieur intact [20]. Citons encore l’éducation conductive, créée par le pédiatre hongrois Peto. Cette méthode globale d’éducation spécialisée pour enfants avec PC semble prometteuse [21]. Par une série de jeux et d’exercice, l’enfant est amené à développer ses acquisitions dans son environnement familial par l’accompagnement d’un conducteur formé en psychologie, kinésithérapie, orthophonie, pour concevoir des exercices globaux par opposition à des prises en charge traditionnelles plus parcellisées.
21.4.3 L’orthoptie La recherche de troubles neurovisuels par un bilan orthoptique précoce devrait être plus systématique devant des troubles oculomoteurs et du regard (poursuites, saccades, coordination oculo-manuelle…) ou des lésions cérébrales (leucomalacie
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périventriculaire ou accident vasculaire cérébral ischémo-hémorragique anténatal notamment) avec atteinte plausible des voies ventrales et dorsales de la vision centrale rétro-chiasmatique entravant la perception, la reconnaissance ou le développement de l’exploration et l’attention visuelle, et l’organisation et la représentation dans l’espace ou la coordination visuomotrice. Des programmes de rééducation adaptés pourront être initiés à la suite du bilan et pourront aider à la facilitation des apprentissages en éducation neuromotrice. Des tâches générées par ordinateur pourraient aussi permettre une stimulation de l’attention par un meilleur contrôle du regard aléatoire [22].
21.4.4 La psychomotricité Par les différents exercices présentés sous forme de jeux, l’objectif est d’amener l’enfant à travailler la dimension sensori-perceptivo-motrice et affective qui, dès les premiers échanges de la vie relationnelle, va influencer la qualité de la posture, le tonus, la gestualité intentionnelle, le renforcement des coordinations et permettre la construction du schéma corporel en lien avec l’image du corps.
21.4.5 L’orthophonie Les troubles du développement du langage oral sont le plus souvent secondaires à une phonologie perturbée en réception et en production. Des études d’intervention précoces pendant 3 mois sur les retards de langage en expression à 2 ans par les parents eux-mêmes ont montré un bénéfice à court-moyen terme avec 75 % d’enfants « normalisés » à 3 ans dans le groupe intervention, contre 44 % dans le groupe sans intervention [23]. Des programmes d’entraînement individuel plus précis de type « Dire et Faire » [24] visent à développer, dès l’âge de 2 ans et demi–3 ans, la morphosyntaxe par une mobilisation intensive du vocabulaire nominal et une activation des structures liées aux verbes.
21.4.6 Les techniques d’accompagnement des enfants avec des troubles du spectre autistique Dès le diagnostic d’autisme, voire avant en cas de forte suspicion, une prise en charge des enfants et de leur famille doit être initiée. Plusieurs méthodes scientifiquement validées sont proposées (ABA, TEACCH, PECS…). La méthode ABA ou « Analyse comportementale appliquée » élaborée par O.I. Lovaas est une approche comportementale validée, basée sur l’intervention intensive dans les apprentissages au minimum 15 à 20 heures par semaine, complétée par l’intervention de l’entourage [25]. Elle améliore essentiellement les processus cognitifs. Le programme Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped CHildren (TEACCH) de E. Schopler est un programme individualisé de traitement et d’éducation structurée, visant à une meilleure intégration de l’enfant dans sa famille et son environnement par l’acquisition de compétences et comportements adaptés
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[26]. La mise en place de ce programme s’aide notamment de l’évaluation d’un profil psycho-éducatif révisé (PEP-R) des aptitudes émergentes, qui sont distinguées d’aptitudes acquises et d’autres pas encore accessibles. Enfin, la méthode de Denver pour jeunes enfants s’inspire de la psychologie du développement et de la thérapie comportementale ; elle est encore peu proposée en France bien qu’ayant montré, elle aussi, des bénéfices.
21.5 L’évaluation par des outils appropriés Plusieurs instruments peuvent être utilisés pour le dépistage des différentes déficiences, pour leur diagnostic, puis pour l’évaluation de l’efficacité des prises en charge. Les évaluations seront au mieux renouvelées régulièrement pour aider aux réunions de synthèse multidisciplinaire des différents professionnels pour programmer les modifications dans les plans d’intervention. Les instruments de dépistage que nous pourrons utiliser sont essentiellement des questionnaires destinés aux parents : questionnaire de développement global : l’ASQ (Ages & Stages Questionnaires) ; questionnaire de développement du langage : l’IFDC (Inventaire français du développement de la communication) ; • questionnaire de communication : la M-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers) compte 23 items qui testent plusieurs domaines de développement, dont ceux qui intéressent l’autisme, mais aussi d’autres domaines, comme par exemple le développement moteur ; • questionnaire de comportement : le SDQ (Strength and Difficulties Questionnaire). Il compte 22 items de comportement et est validé à partir de 3 ans. • •
Une évaluation plus précise du développement devra ensuite être effectuée pour diagnostiquer précisément le ou les trouble(s) du développement : trouble du développement global avec l’échelle de Bayley-III ou le Brunet-Lézine pour le développement global ; • trouble du langage oral par la batterie informatisée Cléa à partir de 2 ans et demi, voire BILO petits (bilan informatisé de langage), ainsi que l’analyse des prérequis au développement du langage (COSMO) ; • trouble envahissant du développement à l’aide notamment de la Childhood Autism Rating Scale (CARS), une échelle d’évaluation diagnostique simple basée sur les comportements, de l’ADOS (échelle de référence internationale d’observation standardisée pour le diagnostic de l’autisme) et de l’échelle de Vineland (pour apprécier les capacités socio-adaptatives de l’enfant) ; • trouble neurovisuel : une batterie rapide d’évaluation des capacités visuo-attentionnelles, de l’analyse et de la mémoire visuelle est disponible seulement chez l’enfant de 4 à 6 ans. Cette batterie composée de neuf épreuves devrait être proposée de manière systématique et standardisée à tous les enfants de grande section de maternelle scolarisés en France, en complément de l’examen ophtalmologique déjà mis en place [27]. Un test simple, rapide, évaluant la perception visuo-spatiale élémentaire (test PVSE) a été créé pour l’enfant âgé de 4 à 12 ans. Il a l’avantage de ne solliciter ni le langage, ni la motricité dans le dépistage des troubles de la perception visuelle [28]. •
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21.6 L’accès aux services de soins Ils doivent être proposés le plus rapidement possible aux parents pour permettre une prise en charge globale. Lorsque les parents sont prêts, quelques semaines, voire mois après l’annonce du handicap, ils peuvent adresser vers un Camsp pour une prise en charge d’un polyhandicap ou de déficiences neuromotrices ou intellectuelles, ou vers un CMP, ou un CMPP pour la prise en charge des déficiences intellectuelles et/ou des troubles du langage et/ou des troubles autistiques. C’est la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) qui accorde le droit d’accès aux services du type SESSAD ou CMPP, ainsi que l’allocation d’enfant handicapé (AEEH) ou à une auxiliaire de vie scolaire (AVS). Bien évidemment, l’orientation vers tel ou tel type de structure se fera en fonction des possibilités locales.
21.7 Conclusion Aujourd’hui 200 millions de jeunes enfants âgés de moins de 5 ans n’atteignent pas leur potentiel de développement à travers le monde. De nombreux enfants handicapés, en particulier ceux qui ont un handicap « léger à modéré », ne sont malheureusement identifiés que lorsqu’ils atteignent l’âge scolaire. Même si les niveaux de preuve du bénéfice des interventions spécifiques individuelles (kinésithérapies, orthophonie…) sont encore faibles, compte tenu de la quasi-impossibilité d’effectuer des études randomisées intervention contre aucune intervention, les systèmes de dépistage précoce sont indispensables pour faciliter l’accès en temps opportun à des services de soins. Il est en effet bien montré qu’une prise en charge globalisée et une guidance familiale sont essentielles pour : • • • • •
soutenir et améliorer le développement des enfants avec un trouble précoce du développement ou à haut risque de retard de développement ; prévenir les sur-handicaps ; promouvoir la qualité de vie et la dignité de l’enfant handicapé ; aménager la place des parents ; promouvoir leur sentiment de compétence.
Il est de plus indispensable de s’assurer que le dépistage précoce ne contribue pas à davantage de discrimination et d’exclusion des services ordinaires tels que l’éducation. La décision de procéder à l’identification et au dépistage doit tenir compte de la disponibilité des services ou des ressources malheureusement insuffisantes, pour assurer par la suite des interventions, ainsi que l’efficacité de ces interventions.
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Les interventions précoces chez le nouveau-né à risque de déficits...
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