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Mycoses profondes et transplantation Florence Robert-Gangneuxa, Brigitte Degeilha, Sylviane Chevriera, Claude Guiguena, Jean-Pierre Gangneuxa,*
RÉSUMÉ D nombreux De b agents t fongiques f i opportunistes t i t sontt responsables bl de d mycoses profondes gravissimes en cas d’altération des défenses de l’hôte. La greffe de moelle et les transplantations d’organes solides, de part les protocoles utilisés et les maladies de fond traitées, constituent des terrains favorisant ces infections. La première difficulté est diagnostique. Elle est due à la biodiversité de ces agents, nombreux genres de levures et de filamenteux, pour lesquels le biologiste doit savoir utiliser les outils de laboratoire nécessaires à leur isolement et à leur identification. La seconde difficulté est la prise en charge médicale, qui repose sur une thérapeutique adaptée en fonction des indications mycologiques données par le biologiste, mais qui repose également sur des stratégies de prévention, vis-à-vis des réservoirs endogènes de levures, ou du réservoir environnemental de filamenteux. Greffe de moelle – transplantation d’organes solides – aspergillose – candidose – alternariose – prévention – prophylaxie.
1. Introduction Au cours des actes de transplantation, les facteurs de risque propres au type de greffe et l’utilisation au long cours d’immunosuppresseurs pour prévenir le rejet de greffe peuvent favoriser l’émergence d’une infection fongique invasive. L’incidence des septicémies et des infections profondes est en augmentation régulière, que ce soit en cas de greffe de moelle osseuse ou en cas de transplantation d’organes solides [9, 30, 36]. Parmi elles, les candidoses et les aspergilloses représentent les deux infections les plus fréquentes. Toutefois, une infection par des germes plus rares est possible, et on peut notamment observer des mycoses dues à d’autres champignons filamenteux (Fusarium, Alternaria, Mucorales…), des cas de cryptococcose, de pneumocystose, et
a Laboratoire de parasitologie-mycologie Centre hospitalier universitaire – Hôpital de Pontchaillou 1, rue Henri Le Guilloux 35033 Rennes cedex Faculté de médecine de Rennes 2, rue du Professeur Léon-Bernard 35043 Rennes cedex
* Correspondance
[email protected] article reçu le 22 février, accepté le 29 avril 2008. © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
SUMMARY Invasive fungal infections and transplantation Various opportunistic fungal agents are responsible for life-threatening invasive mycoses when host defenses are altered. Bone marrow and solid organ transplantations are risk factors for invasive fungal infections, due to immunosuppressive protocols and to the underlying disease. The diagnosis of such infections is the first hard task, notably because of the biodiversity of these infectious agents belonging to numerous genera of yeasts and filamentous fungi. The second difficulty is the medical management of these diseases. The therapeutic approach must rely on mycological data provided by the laboratory. Beside, prevention strategies must be set up in order to avoid infections from endogenous yeasts or exogenous filamentous fungi. Bone marrow transplantation – solid organ transplantation – aspergillosis – candidiasis – alternariosis – prevention – prophylaxis.
en zone d’endémie, d’histoplasmose. Le pronostic de ces infections est souvent péjoratif ; leur diagnostic est difficile et repose sur un excellent dialogue clinico-biologique, qui permettra de cibler au mieux les examens pertinents en fonction du terrain sous-jacent.
2. Les facteurs de risque d’infection fongique varient en fonction du type de greffe Si l’immunosuppression thérapeutique nécessaire à la prévention du rejet du greffon par l’hôte est un facteur de risque incontournable, indépendamment de l’organe greffé, d’autres facteurs de risques peuvent se surajouter et sont spécifiques à chaque type de transplantation (tableau I). r Rôle des protocoles immunosuppresseurs et de la pathologie sous-jacente Chez les patients greffés de moelle, l’aplasie initiale et le recours à des protocoles de chimiothérapie particulièrement neutropéniants ou immunosuppresseurs (analogues des REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 //
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Tableau I – Facteurs de risque des infections fongiques invasives en transplantation. Type de transplantation
Facteurs de risque
Greffe de moelle
- Neutropénie profonde et prolongée - Corticothérapie à forte dose et prolongée - Autres immunosuppresseurs (anticorps monoclonaux, anti-TNFalpha, inhibiteurs de mTOR) - Allogreffe plus à risque qu’autogreffe - Donneurs non apparentés - Réaction du greffon contre l’hôte - Antécédent d’aspergillose invasive
Toutes transplantations d’organe solide
- Colonisation préalable du patient - Altération de la réponse immune - Infection par le cytomégalovirus - Traitements immunosuppresseurs dont corticothérapie à forte dose et prolongée - Dialyse après transplantation
Transplantation pulmonaire
- Colonisation préalable du greffon - Transplantation d’un poumon unique - Bronchiolite oblitérante
Transplantation hépatique
- Réintervention ou retransplantation - Greffe pour hépatite fulminante - Insuffisance rénale avec créatinine > 180 micromol/L - Choledocojéjunostomie - Transfusions peropératoires - Colonisation fongique - Prophylaxie par fluconazole
purines tels que la fludarabine ou anticorps monoclonaux tels que les anti-CD52, anti-CD20 ou anti-CD22) sont les facteurs favorisants majeurs. r Rôle de la colonisation préalable du patient par un champignon La colonisation préalable du patient au niveau pulmonaire, par Aspergillus, ou au niveau digestif, par les levures du genre Candida, est une situation à risque dans tous les types de transplantation, organes solides ou greffe de moelle osseuse. Des protocoles de décontamination digestive ont été proposés chez les greffés de moelle, patients les plus à risque. La colonisation digestive à Candida est également une porte d’entrée fréquente d’infections fongiques systémiques chez les greffés hépatiques, liée aux soins d’urgence et de réanimation dans la transplantation hépatique. r Rôle de la colonisation préalable du greffon par un champignon Cette situation est surtout observée dans le cadre des transplantations d’organe solide. Il peut s’agir soit 1) d’une colonisation liée à une infection disséminée évoluant chez le donneur lors du prélèvement d’organe, soit 2) d’une contamination de l’organe lors du prélèvement au bloc opératoire (contamination lors de la résection digestive avec une souche endogène saprophyte digestive ou souillure du liquide de conservation d’organe, voir § 3.1.) ou encore 3) de la colonisation banale de l’organe prélevé. Ce dernier cas de figure est observé dans le cas des greffons pulmonaires, dont la colonisation asymptomatique banale par des spores d’Aspergillus peut conduire à une infection gravissime chez le receveur en l’absence de prophylaxie. r Rôle de l’exposition du patient transplanté à des facteurs de risque environnementaux Outre les facteurs de risque directement liés à l’acte de greffe et à son état sous-jacent, le patient est soumis, en
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post-transplantation, à l’acquisition d’infections variées, liées à son environnement et à son traitement immunosuppresseur au long cours. C’est ainsi que l’on peut observer chez tous types de transplantés, des aspergilloses invasives, des pneumocystoses, et plus rarement des cryptococcoses, des alternarioses ou encore des mucormycoses.
3. Les deux infections fongiques invasives les plus fréquentes chez les patients transplantés : les candidoses et les aspergilloses 3.1. Les candidoses La greffe de moelle osseuse et la greffe hépatique sont les deux transplantations les plus à risque de candidémie ou de candidose invasive, pour lesquelles des protocoles de chimioprophylaxie antifongique ont été évalués. L’origine du champignon est essentiellement endogène et Candida albicans, commensal couramment retrouvé sur les muqueuses, est l’espèce la plus fréquemment responsable. Cependant, la tendance épidémiologique de ces dernières années a mis en évidence l’incidence croissante des espèces « non albicans » avec l’émergence notamment de Candida krusei ou Candida glabrata, dont la sensibilité au fluconazole, antifongique largement utilisé en prophylaxie, est diminuée [1, 2, 21, 28, 35, 45]. En transplantation rénale, l’infection à Candida peut compromettre l’anastomose vasculaire et induire une dilatation anévrysmale jusqu’à la rupture de l’artère rénale, et imposer de fait une détransplantation précoce [3, 22]. La souche à l’origine de ces infections peut provenir soit du receveur, par contamination endogène lors de la transplantation, soit du donneur, par contamination du greffon lors des étapes de prélèvement, de conservation ou de transport. Les situations de prélèvements d’organe à risque septique élevé sont les prélèvements multi-organes, les prélèvements chez les donneurs ayant séjourné plus de 7 jours en soins intensifs et chez les donneurs en arrêt cardiaque. Une alerte sur les infections graves à Candida a conduit, dès 2005, l’Agence de la biomédecine à proposer des recommandations sur l’analyse des liquides de conservation d’organe par culture bactériologique et mycologique. En 2006, la positivité de 650 cultures de liquides de conservation d’organe a été signalée, dont 8 ayant conduit à un événement grave chez le receveur (détransplantation, candidose invasive, décès). De nouvelles recommandations, plus drastiques, ont été émises par un groupe de travail piloté par l’Agence de la biomédecine courant 2007, et requièrent : 1) une analyse systématique du liquide de conservation d’organe par culture bactériologique et mycologique sur 25 ml minimum chacune, prélevés dès ouverture du flacon au bloc opératoire, 2) un dépistage infectieux systématique du donneur, le plus proche du passage au bloc, avec prélèvements de sang et d’urine à la recherche d’agents bactériens et fongiques, 3) un prélèvement profond pulmonaire en cas de prélèvement de greffon pulmonaire, 4) le signalement et le prélèvement pour cultures de toute brèche digestive chez le donneur, au moment de l’incision, afin qu’un traitement
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prophylactique puisse être donné au receveur en attente du résultat des cultures et que son suivi soit resserré. Ces directives devraient être publiées et mises en ligne prochainement (www.agence-biomedecine.fr). Par ailleurs, en cas de détransplantation, quelle qu’en soit la cause, une recherche à la fois bactériologique et mycologique doit être effectuée sur le greffon. Ces différents prélèvements sont transmis aux laboratoires spécialisés concernés, en lien avec les coordinations hospitalières de prélèvement et de greffe. Toute souche isolée doit être identifiée, doit bénéficier d’un antifongigramme complet, et doit être conservée au moins 12 mois. Le diagnostic des candidoses invasives repose sur la mise en évidence des levures dans les flacons d’hémoculture ou sur un prélèvement profond. Un seul flacon d’hémoculture positif à Candida doit être pris en considération du fait de la mortalité encore élevée de ces infections (30 à 50 % de mortalité dès le premier flacon d’hémoculture positif selon les différentes études). Un bilan de colonisation permet d’identifier la porte d’entrée et parfois d’être prédictif d’une infection systémique. La recherche d’une localisation secondaire doit systématiquement être effectuée : fond d’œil, auscultation cardiaque et échographie trans-œsophagienne, examen mycologique des urines et recherche de foyer profond hépatique ou splénique par exemple. Les sérologies anticorps et antigènes Candida n’ont pas fait formellement la preuve de leur supériorité par rapport aux hémocultures. L’intérêt de la PCR est encore en évaluation. En cas de culture positive, l’identification d’espèce et l’étude de la sensibilité aux différents antifongiques systémiques sont des arguments de choix thérapeutique [38].
3.2. Les aspergilloses Il s’agit d’un risque majeur puisque la mortalité des aspergilloses invasives reste très élevée malgré l’utilisation d’antifongiques récemment arrivés sur le marché. La contamination aspergillaire a lieu via l’inhalation des spores disséminées dans l’environnement. L’omniprésence de ces spores justifie l’isolement des patients neutropéniques en chambre à flux et le contrôle de leur environnement comme nous le verrons plus bas. L’incidence de l’aspergillose invasive est la plus élevée au cours de la greffe de moelle, avec deux pics bien identifiés : la période initiale de neutropénie, puis les épisodes de réaction du greffon contre l’hôte [32]. Les allogreffes sont à risque plus élevé que les autogreffes, et les nouveaux protocoles d’allogreffe non myélo-ablatifs qui diminuent la période de neutropénie mais qui majorent l’immunosuppression lymphocytaire T n’ont finalement pas d’impact évident sur le nombre d’infections opportunistes ; ils semblent seulement les retarder. Plus récemment, les patients non-neutropéniques ont également été identifiés comme terrains à risque [7, 17, 32, 36, 38]. La transplantation pulmonaire, du fait de l’exposition importante de cet organe aux spores aspergillaires, correspond ensuite à l’acte de transplantation le plus pourvoyeur d’infection, en moyenne 6 % des patients transplantés. Le délai moyen d’apparition d’une aspergillose invasive après transplantation pulmonaire est de 4 mois. Pour les autres organes, l’incidence varie de 5,2 % en
Tableau II – Incidence, délai d’apparition et mortalité de l’aspergillose invasive chez les patients transplantés (d’après [2]). Type de transplantation
Incidence moyenne
Délai moyen d’apparition
Mortalité moyenne
Greffe de moelle - allogénique - non myélosuppressive - autologue
10 % (5-26) 11 %(8-23) 4,8 % (2-6)
78 jours (46-120) 107 jours (4-282) 20 jours (7-456)
78 % - 92 % 63 % - 67 % 78 % - 92 %
Transplantation pulmonaire
6 %(3-14)
120 jours (4-1.410)
68 %
Transplantation cardiaque
5,2 % (1-15)
45 jours (12-365)
78 %
Transplantation hépatique
2 % (1-8)
17 jours (6-1.107)
87 %
Transplantation du petit intestin
2,2 % (0-10)
289 jours (10-956)
66 %
Transplantation pancréatique
1,1 % - 2,9 %
Non disponible
100 %
Transplantation rénale
0,7 % (0-4)
82 jours (20-801)
77 %
transplantation cardiaque à 0,7 % en transplantation rénale, et le délai moyen d’apparition varie de 15 jours à 10 mois après la transplantation (tableau II). Les espèces à l’origine d’aspergillose invasive sont majoritairement A. fumigatus (> 80 %), puis les espèces A. flavus, A. terreus et plus rarement A. nidulans. L’atteinte pulmonaire est la plus fréquente, suivie par la localisation cérébrale. Les signes cliniques de l’aspergillose invasive sont peu différents chez les transplantés d’organes solides comparativement aux greffés de moelle (dyspnée, douleur, toux), si ce n’est une fièvre moins fréquente [7]. La documentation du diagnostic d’aspergillose invasive repose sur un faisceau d’arguments : - mycologiques (examen direct à la recherche de filaments septés ramifiés à angle aigu (figure 1) + culture sur milieu Sabouraud ou Malt) à partir d’échantillons profonds (lavage bronchiolo-alvéolaire principalement, mais aussi divers sites normalement stériles) ; - anatomopathologiques, qui pourront authentifier les phénomènes d’angio-invasion ;
Figure 1 – Filaments aspergillaires colorés au May Grunwald Giemsa.
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Figure 2 – Cryptococcus neoformans dans le liquide céphalo-rachidien (examen à l’encre de Chine).
- radiologiques notamment grâce à l’utilisation du scanner haute résolution ; - sérologiques, principalement la détection d’antigènes circulants galactomannanes d’Aspergillus fumigatus qui signera la dissémination hématogène de l’infection. La détection d’antigènes galactomannanes sériques est souvent un élément précoce du diagnostic et justifie un dosage bi-hebdomadaire chez les patients à risque, en suivi préventif. La sensibilité et la spécificité du dosage par technique ELISA sont très bonnes, mais la survenue possible de faux positifs doit être connue et analysée en fonction des interférences possibles (notamment traitement antibiotique et aliments).
4. Autres mycoses opportunistes chez les greffés d’organes 4.1. Cryptococcose La porte d’entrée des infections à Cryptococcus neoformans est le plus souvent pulmonaire, par inhalation de levures présentes en forte densité dans les fientes d’oiseaux, en particulier de pigeons. L’infection pulmonaire initiale peut être symptomatique ou non, et conduire à une dissémination de l’infection, se traduisant le plus souvent par une atteinte cérébrale de type méningo-encéphalite, et plus rarement à une atteinte disséminée multi-organes avec localisations cutanées secondaires. Une localisation cutanée primaire est également possible en transplantation [10]. La cryptococcose est plus souvent observée chez l’homme que chez la femme (sex ratio 3,5 : 1), et semble résulter d’une production plus forte de cytokines à action proinflammatoire chez la femme, permettant l’élimination accrue du champignon [26]. En France, on rencontre deux sérotypes de cryptocoques, A et D ; les infections à sérotype A étant souvent plus sévères. C’est essentiellement une infection opportuniste du sujet VIH+ (environ
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75-80 % des cas). Une étude approfondie, multicentrique nationale prospective sur les années 1997-2001, a été pilotée par le Centre national de référence des mycoses (CNR, Institut Pasteur), en lien avec les membres du réseau Cryptocoque (« French cryptococcosis study group ») [11]. Les données issues de cette étude montrent que parmi les patients séronégatifs pour le VIH (53/230 patients), les greffés représentent 21 % des patients développant une cryptococcose, et que les patients présentant une maladie hématologique sous-jacente représentent 36 % (lymphomes et leucémies lymphoïdes, dont on ne sait rien sur le statut potentiel de greffé de moelle). Parmi les transplantés, la greffe de rein semble la plus à risque (8/11 cas). La mortalité globale dans cette étude est de 12 % à 3 mois, avec un taux de décès précoce non négligeable de 38 %, et une mortalité attribuable élevée (86 %), sans distinction du statut VIH. D’une manière générale, la cryptococcose représente la 2 e cause de méningo-encéphalite, après la listériose, chez le transplanté d’organe. L’infection survient en général à partir du 4e mois après la transplantation. D’autres localisations sont possibles, notamment cutanées, pouvant précéder l’atteinte neurologique. Le diagnostic de cryptococcose repose sur l’isolement de la levure à partir du sang, du liquide céphalorachidien, des urines ou encore de produits pulmonaires. La culture est longue (3 à 4 semaines), de préférence à 27-30° C. Les levures capsulées caractéristiques peuvent être également mises en évidence à l’examen direct du LCR à l’encre de Chine (figure 2). La recherche et le dosage d’antigène cryptococcique dans les liquides biologiques (sang, LCR) permet un diagnostic rapide, et un titre élevé (> 1/512) est corrélé à un échec thérapeutique à 2 semaines de traitement [11]. Outre une antigénémie élevée, la persistance de levures dans les prélèvements profonds (sang, LCR) après deux semaines de traitement est liée à une infection disséminée initiale, et l’absence de bithérapie antifongique associant la flucytosine à l’amphotéricine B en induction pendant 2 semaines. Aucun échec de ce type n’a toutefois été observé chez les transplantés. Le traitement doit être poursuivi en monothérapie (fluconazole 400 mg/j minimum) pendant 10 semaines et une prophylaxie secondaire en cas de persistance de facteurs d’immunodépression.
4.2. Pneumocystose Bien que la pneumocystose pulmonaire reste la première infection opportuniste parasito-fongique au cours du sida (4 e rang en terme de mortalité chez les patients atteints de sida) [27], le nombre d’infections à Pneumocystis jiroveci est croissant chez les patients VIH-. En effet, 27 % des pneumocystoses déclarées dans le réseau APHP surviennent chez des patients VIH-, en particulier chez des greffés (21 %) et des porteurs de pathologies tumorales diverses (57 %). Les facteurs de risque chez ces patients sont liés à une neutropénie, une corticothérapie ou un traitement immunosuppresseur au long cours [14]. Parmi les transplantés, les plus à risque sont les greffés de moelle osseuse (8 % des cas), et de rein (8 %) [27], mais cette infection peut concerner tous types de greffes.
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Le mode d’infestation par P. jiroveci, agent de la pneumocystose humaine, est encore mal connu, bien que l’on suspecte fortement que le réservoir est humain et que la transmission est interhumaine, par dissémination de kystes dans l’air environnant. En effet, de l’ADN parasitaire a été mis en évidence dans des prélèvements d’air en milieu hospitalier [31], et des porteurs sains ont été identifiés parmi les soignants en contact avec des patients infectés [29, 43]. Le contact avec le champignon a lieu dans le plus jeune âge, puisque l’on estime que plus de 80 % des enfants de moins de 4 ans ont des anticorps spécifiques, témoins d’un contact, mais ne protégeant pas contre une réinfection. La prévalence élevée de cette infection justifie une prophylaxie primaire (par cotrimoxazole le plus souvent) chez les patients les plus immunodéprimés, au cours des premiers mois suivant la greffe. Une prophylaxie secondaire après un premier épisode est également conseillée si l’état d’immunodépression persiste. Toutefois, les effets secondaires de ces traitements entraînent parfois un abandon de cette prophylaxie. Le diagnostic repose sur l’examen direct d’un lavage bronchiolo-alvéolaire (à défaut, d’une expectoration induite), à l’aide de techniques de colorations spécifiques (Giemsa, Gomori-Grocott, Bleu de toluidine, marquage par immunofluorescence) (figure 3). Pneumocystis n’est pas cultivable. La recherche par PCR est possible, mais l’interprétation doit tenir compte de la possibilité d’un portage sain.
Figure 3 – Kystes de Pneumocystis jiroveci (coloration de Gomori Grocott).
Figure 4 A – Alternariose cutanée chez un greffé rénal.
4.3. Autres infections à filamenteux 4.3.1. Alternariose Les alternarioses sont des affections cosmopolites causées par différentes espèces appartenant au genre Alternaria. Elles appartiennent aux phaeohyphomycoses, mycoses provoquées par des champignons filamenteux dématiés (mycélium brun). Les Alternaria, moisissures saprophytes des plantes et du sol, peuvent se comporter comme parasites tant pour les végétaux que pour l’homme. L’inhalation des spores présentes dans l’atmosphère explique les manifestations d’allergie respiratoire, pathologie la plus fréquemment rencontrée. Chez l’immunodéprimé, ces champignons peuvent être à l’origine de pathologies opportunistes, à type d’atteintes cutanées le plus souvent [5]. La pénétration cutanée du champignon se produit à l'occasion de microtraumatismes ou d'inoculation traumatique. Les lésions surviennent préférentiellement sur les zones découvertes et sont plus fréquentes chez les agriculteurs ou les jardiniers. L'alternariose cutanée a été décrite principalement chez les patients sous corticothérapie au long cours ou ayant un traitement immunosuppresseur suite à une greffe rénale ou hépatique [12, 13, 23]. La corticothérapie induit une fragilité cutanée favorisant la pénétration du champignon. Les lésions cutanées peuvent être uniques ou multiples. Elles n'ont pas de caractère spécifique, elles sont indolores et se présentent soit sous forme de simple papule soit de lésions plus ou moins florides parfois ulcérés soit de nodules parfois violacés (figure 4 A). Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’éléments fongiques à l’état frais (figure 4 B) et après biopsie. Ils peuvent revêtir plusieurs aspects : soit des formes rondes, vésiculaires,
Figure 4 B – Filament d’Alternaria à l’examen direct.
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soit des filaments septés courts dont la paroi se colore bien au PAS et au Grocott. L’aspect histologique se caractérise par des lésions de type granulome mixte bien limité siégeant dans le derme superficiel mais pouvant atteindre le derme profond. Seule la culture mycologique permet l’identification de l’espèce en cause. Les principales espèces responsables sont Alternaria alternata et A. tenuissima. Le diagnostic différentiel en anatomo-pathologie se pose avec une infection à Fusarium qui se caractérise aussi par l’association de formes rondes et de filaments septés. Mais le contexte clinique est différent car il existe alors une atteinte de l’état général avec fièvre élevée et le pronostic est très sombre (voir ci-dessous). L’évolution de l’alternariose est en règle générale favorable. Il n’a jamais été décrit d’envahissement viscéral et les décès observés étaient liés à la maladie sous-jacente. Le simple arrêt du traitement immunosuppresseur peut suffire à la régression des lésions. Sinon, le recours à l’exérèse chirurgicale suivie d’une cure d’antifongique permet le plus souvent la guérison.
4.3.2. Fusarioses Mycoses cosmopolites, elles sont occasionnées par des champignons filamenteux appartenant au genre Fusarium. Ces champignons peuvent provoquer des pathologies localisées chez l’immunocompétent (onyxis, kératite chez les porteurs de lentilles...) mais ils peuvent également se comporter en opportunistes, responsables d’atteintes profondes chez les patients immunodéprimés. Classiquement, elles surviennent chez les patients neutropéniques ou greffés de moelle osseuse, mais un nombre croissant de cas sont décrits chez les transplantés d’organes solides (5 cas chez des transplantés rénaux, 2 cas chez des transplantés de poumon, 1 cas après greffe cœur-foie et 1 cas après transplantation hépatique) [4, 16, 19, 25]. Les Fusarium sont des moisissures communes de l’environnement (sol, eau, air, végétaux). Les principales espèces incriminées en pathologie humaine sont Fusarium solani, F. oxysporum. Les portes d’entrée sont multiples, inhalation ou ingestion de spores, traumatismes cutanés pouvant être iatrogènes, ou tout simplement onyxis méconnu ou négligé, pouvant être à l’origine d’une dissémination secondaire hématogène. Les fusarioses ont donc les mêmes facteurs favorisants que les aspergilloses et leurs signes cliniques sont proches (fièvre élevée résistante aux antibiotiques, parfois symptomatologie pulmonaire associée). Les lésions cutanées sont consécutives à la dissémination hématogène du champignon et se présentent sous forme de papules ou nodules érythémateux nécrotiques. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du champignon à l’examen direct, et en culture à partir des produits pathologiques (lavage bronchiolo-alvéolaire, hémoculture, biopsie). Les colorations spécifiques classiques (Giemsa, Gomori-Grocott) peuvent mettre en évidence des filaments septés ramifiés. À la différence des Aspergillus, les hémocultures sur milieux spécifiques peuvent être positives. L’examen anatomopathologique permet de visualiser, après coloration PAS ou Grocott, les filaments hyalins septés au sein d’un granulome inflammatoire avec tendance à l’envahissement des parois vasculaires. Le pronostic des fusarioses est très sombre en cas d’atteinte disséminée et dépend de la pathologie sous-jacente.
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4.3.3. Mucorales Chez les patients greffés, comme chez les patients neutropéniques, des infections fongiques invasives liées à des mucorales sont diagnostiquées. L’augmentation de leur incidence chez les patients traités par voriconazole fait encore débat [39, 41]. La source d’infection est environnementale et les modalités diagnostiques sont superposables à celles de l’aspergillose invasive.
4.4. Mycoses exotiques Des champignons dimorphiques (Histoplasma capsulatum, Coccidioïdes immitis), non présents en France, peuvent être responsables d’infections gravissimes chez les patients immunodéprimés, vivant en zone d’endémie. Des cas d’histoplasmose à H. capsulatum ont été rapportés chez des greffés de moelle osseuse ou d’organe solide, principalement rein et foie. Il s’agit très majoritairement de patients vivant en zone d’endémie (États-Unis en particulier). Tandis que l’infection est souvent asymptomatique chez le sujet immunocompétent, elle revêt un caractère disséminé chez l’immunodéprimé. Les études américaines rapportent une incidence de 0,5 % en moyenne pour l’histoplasmose dans la population de transplantés vivant en zone endémique [42]. Cette incidence subit une augmentation parallèle aux pics épidémiques observés dans la population générale, pouvant multiplier par cinq le taux d’incidence de base. Le mode d’acquisition majeur de l’histoplasmose chez ces patients immunodéprimés semble donc principalement la primo-infection classique, par inhalation de spores issues de l’environnement, après la greffe et à la faveur du traitement immunosuppresseur. Toutefois, la réactivation d’une infection ancienne est également possible, bien que sans doute moins fréquente, et de rares cas de transmission par le greffon (rein) d’un donneur ayant vécu en zone d’endémie ont été rapportés chez des receveurs ne vivant pas en zone d’endémie et n’ayant jamais voyagé [24]. Le délai de survenue, même en cas d’acquisition via le greffon est long (8-9 mois) [35], et peut atteindre 18 mois chez les greffés rénaux vivant en zone d’endémie (primo-infection probable) [44]. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du champignon par culture et/ou examen direct de moelle osseuse, sang ou biopsies diverses. À l’examen direct au MGG, le champignon se présente sous forme de petites levures intracellulaires, dans les cellules histio-monocytaires. Un test de détection antigénique sur sérum et une sérologie peuvent compléter le diagnostic. La culture offre un aspect de champignon filamenteux et ne peut être manipulée qu’en milieu protégé pour éviter toute contamination de l’opérateur.
5. Prévention et chimio-prophylaxie des infections fongiques invasives chez les greffés d’organes L’incidence élevée des infections fongiques invasives chez les transplantés a conduit à développer deux stratégies de prévention : la prévention physique de l’exposition aux spores et la chimioprophylaxie antifongique. La population la plus à risque pour laquelle ces recommandations ont été proposées est la population de patients greffés de
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moelle. En revanche, il n’y a pas de consensus pour les transplantés d’organe solide.
5.1. Prévention de l’exposition au réservoir fongique environnemental Elle est basée sur les mesures physiques, essentiellement pour diminuer l’incidence des infections à champignons filamenteux [15]. La protection maximale à l’heure actuelle, validée par le CDC d’Atlanta, est l’hébergement des patients à très haut risque en chambres à flux laminaire (filtration de l’air de haute efficacité + cascade de pression positive + haut renouvellement d’air). Des alternatives sont en cours d’évaluation, notamment l’épuration de l’air grâce à la technologie Plasmair® (AirInSpace) via le système Immunair® récemment évalué en multicentrique [33]. Bien évidemment, l’introduction des biens (alimentation, effets personnels) et des personnes et les protocoles de bionettoyage doivent répondre à des règles strictes [16]. En transplantation d’organe solide, il n’y a pas à l’heure actuelle de recommandation d’un environnement protecteur pour l’hébergement des patients, même si des expériences isolées en ont prouvé l’intérêt [34].
5.2. Chimioprophylaxie antifongique L’indication d’une chimioprophylaxie par fluconazole pour la prévention des candidoses invasives chez les greffés de moelle a été consensuelle dès la parution des premiers essais cliniques de Slavin et Goodman [18, 37]. Plus récemment, l’arrivée du posaconazole a permis de disposer d‘un
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antifongique à plus large spectre (levures + filamenteux), dans la prophylaxie des infections fongiques invasives chez les greffés de moelle présentant une réaction du greffon contre l’hôte et chez les patients atteints de leucémie aiguë [6, 40]. Il convient bien sûr de rester vigilant sur l’éventuelle émergence de souches résistantes, comme on a pu l’observer dans plusieurs études évaluant le fluconazole. En transplantation pulmonaire, l’utilisation de l’itraconazole en prophylaxie fait toujours débat, mais des données récemment publiées montrent l’intérêt du voriconazole dans cette indication [20]. En transplantation hépatique, la prophylaxie antifongique réduit le nombre d’épisodes d’infections fongiques (principalement candidoses) et la mortalité attribuable, mais n’a pas d’effet sur la mortalité globale selon une méta-analyse publiée en 2006 [8].
6. Conclusion Les greffes de moelle et transplantations d’organes solides sont des facteurs favorisants des mycoses invasives. En fonction des signes cliniques d’appel, pulmonaire, cutané, cérébral etc., le biologiste doit non seulement envisager le diagnostic d’une candidose ou d’une aspergillose, mais également celui de mycoses plus rares. Les données mycologiques, et notamment d’identification précise du germe, sont d’autant plus importantes que l’arsenal thérapeutique s’est récemment élargi et permet d’adapter au plus près la thérapeutique au champignon impliqué.
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