Paludisme d’aéroport

Paludisme d’aéroport

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Presse Med. 2009; 38: 1106–1109 ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mise au point

Maladies infectieuses/ Parasitologie

Paludisme d’aéroport Benjamin Queyriaux1, Bruno Pradines2,3, Lilia Hasseine4, Sébastien Coste5, Patrick Rodriguez6, Thierry Coffinet7, Rachel Haus-Cheymol8, Christophe Rogier2

1. Département d’épidémiologie et de santé publique, Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées, Marseille, France 2. Unité de recherche en biologie et épidémiologie parasitaires – Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes – Unité mixte de recherche 6236, Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées, Marseille, France 3. Centre national de référence du paludisme, Marseille – Paris, France 4. Laboratoire de Parasitologie-Mycologie, Centre Hospitalier Universitaire de Nice, Hôpital de l’Archet, Nice, France 5. Base aérienne 107, Villacoublay, France 6. Service médical d’Air France, Roissy, France 7. Unité d’entomologie médicale, Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées, Marseille, France 8. Département d’épidémiologie et de santé publique, Ecole du Val de Grâce, Paris, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 17 mars 2009

Benjamin Queyriaux, DESP/IMTSSA, Allée du Médecin colonel Eugène Jamot, Parc du Pharo, BP 60 109, F-13262 Marseille Cedex 07, France. [email protected]

Key points Airport malaria

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Airport malaria is a particular form of autochthonous malaria: it happens when the Plasmodium infected Anopheles genus mosquito travels from an endemic area to a malaria free airport. Since 1969, 30 cases of airport malaria have been reported in France, 2 during summer 2008. The severity of airport malaria is explained by the frequency of Plasmodium falciparum infecting non immune individuals and an often important diagnosis delay. It is a compulsory notification disease in France. The International Health Regulations (IHR) require states to check that airplanes coming from malaria or arboviral endemic area are systematically disinsected. Vector control measures have to be implemented within a distance of at least 400 meters around the perimeter of airports in malaria or arboviral endemic areas. In France, this measure applies to all airports of French overseas territories, except for the island of Saint-Pierre and Miquelon.

Points essentiels Le paludisme d’aéroport est une forme particulière de paludisme autochtone : c’est le moustique du genre Anopheles infecté par un Plasmodium qui voyage depuis une zone d’endémie jusqu’à un aéroport en zone indemne de paludisme. Depuis 1969, 30 cas de paludisme d’aéroport ont été déclarés en France, dont 2 au cours de l’été 2008. La gravité du paludisme d’aéroport s’explique par la fréquence de Plasmodium falciparum infectant des individus non prémunis et par un retard diagnostic souvent important. C’est une maladie à déclaration obligatoire en France. Le Règlement sanitaire international (RSI) impose aux états de vérifier que les avions en provenance de zone d’endémie palustre ou arbovirale soient systématiquement désinsectisés. Des mesures de lutte antivectorielle doivent être mise en oeuvre dans un rayon d’au moins 400 mètres autour du périmètre des aéroports en zone d’endémie palustre ou arbovirale. En France, cette mesure concerne tous les aéroports des DOM - TOM, à l’exception de Saint-Pierre et Miquelon.

tome 38 > n87/8 > juillet–août 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.11.014

Paludisme d’aéroport

Paludisme d’aéroport Un cas de paludisme d’aéroport se définit par la présence de Plasmodium au frottis sanguin ou à la goutte épaisse chez une personne ne pratiquant pas de toxicomanie intraveineuse, n’ayant pas reçu de transfusion sanguine récemment, vivant en zone non endémique et n’ayant pas voyagé en zone d’endémie palustre pendant les 12 mois précédents le début des signes cliniques [4]. Il s’agit d’une forme particulière de paludisme autochtone, puisque ce n’est pas un cas index qui amène le parasite depuis une zone d’endémie, mais un moustique vecteur. Le paludisme d’aéroport touche essentiellement des personnes qui fréquentent ou vivent à proximité d’une zone tome 38 > n87/8 > juillet–août 2009

Prévention du paludisme d’aéroport La prévention du paludisme d’aéroport repose sur la lutte antivectorielle à bord des aéronefs quittant les zones d’endémie par la diffusion d’insecticide dans les cabines et les soutes

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e 23 août 2008, 2 cas de paludisme d’aéroport ont été signalés aux autorités sanitaires françaises. Les derniers cas déclarés en France remontaient à 1999, où 4 personnes avaient été infectées par des Plasmodium falciparum (dont un avait une co-infection P. falciparum et P. malariae) autour de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle [1]. Des anophèles africains avaient été transportés dans un avion en provenance d’Angola maintenu en zone de fret pour une opération de maintenance. Un couple de 21 et 25 ans, domicilié à Paris intramuros et n’ayant jamais voyagé en zone impaludée a été hospitalisé le 23 août 2008 au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nice pour paludisme non compliqué à Plasmodium falciparum. Le couple a séjourné du 5 au 7 août à Saint Mard (7 kilomètres à l’est de l’aéroport de Roissy) puis en Normandie du 8 au 12 août et à Saint Raphael (Var) à partir du 13 août. A leur arrivée au CHU de Nice, la parasitémie était de 3,2 % pour l’homme et de 0,15 % pour la femme. La présence de trophozoïtes de P. falciparum s’accompagnait d’une thrombocytopénie chez les 2 patients. Les 2 patients ont été traités avec succès par de la quinine. L’analyse génomique des souches de Plasmodium falciparum isolées chez ces 2 patients a montré que les infections plasmodiales étaient constituées de plusieurs clones génétiquement identiques chez les 2 patients. La probabilité que 2 anophèles distincts portent et injectent exactement les mêmes clones est quasiment nulle. Cela suggère que les souches plasmodiales ont été inoculées par un unique anophèle à l’occasion d’un « repas sanguin interrompu ». Le diagnostic de paludisme d’aéroport dû à un unique moustique importé d’un pays d’endémie palustre paraît le plus probable. Cependant, l’éventualité qu’un porteur de gamétocytes (e.g. un migrant immun infecté par P. falciparum) ait infecté un anophèle autochtone, c’est à dire présent en France métropolitaine, chez qui le développement de P. falciparum est possible, en particulier pendant l’été où les conditions de température sont favorables, ne peut être totalement exclue [2,3].

aéroportuaire : emploi sur un aéroport, séjour dans un hôtel sur une zone aéroportuaire, résidence sur une commune limitrophe d’aéroport, fréquentation d’un aéroport, réception de fret en provenance d’une zone d’endémie. Cette infection est liée à la piqûre d’un anophèle qui s’est infecté en zone impaludée et qui a été transporté par voie aérienne en zone indemne. Sa gravité particulière s’explique par l’espèce plasmodiale, i.e. le plus souvent P. falciparum, l’absence d’immunité antipalustre des individus infectés et le retard thérapeutique. En effet, l’absence de séjour en zone d’endémie des malades retarde l’évocation du diagnostic. En France, le premier cas de paludisme des aéroports a été diagnostiqué, rétrospectivement, en 1969 [5]. Jusqu’en 2007, 28 cas ont été recensés en France et plusieurs études ont été publiées sur le sujet [1,4,6–10]. Sur ces 28 cas, le diagnostic d’espèce a mis en évidence P. falciparum dans 25 cas, une infection à P. vivax, une co-infection à P. falciparum + P. ovale et une co-infection P. falciparum + P. malariae. L’aéroport de Roissy Charles de Gaulle aurait été la porte d’entrée du vecteur infecté dans 21 cas. D’autres aéroports importants, comme celui de Nice, ont été aussi suspectés dans des cas de paludisme aéroportuaire ou de moustiques transportés dans des bagages [11,12]. Des anophèles infectés peuvent aussi être importés par des navires et être à l’origine de paludisme des ports, dont 2 cas ont été rapportés à Marseille [13] et 1 à Cherbourg. L’aspect clinique est celui d’un accès palustre classique. Le signe cardinal est la fièvre. Il est relativement aisé d’y penser lorsqu’un sujet est exposé par sa profession au fret ou aux aéronefs. Chez les riverains d’aéroports, le diagnostic peut logiquement être évoqué chez les proches voisins. Des cas groupés survenus dans le passé ont suggéré qu’il pouvait y avoir un transport d’anophèles loin des aéroports [1,4,10], mais l’hypothèse d’une transmission par des vecteurs autochtones à partir d’individus porteurs de gamétocytes ne peut généralement pas être exclus lorsque les conditions climatiques sont favorables. Les biologistes ont un rôle clé dans la détection des cas. Certaines anomalies biologiques évocatrices comme une thrombopénie, même isolée, devraient les inciter à réaliser une recherche de Plasmodium, même si elle n’a pas été demandée. Le paludisme d’aéroport, comme le paludisme autochtone ou d’importation, est une maladie à déclaration obligatoire en France [14]. Chaque médecin ou biologiste diagnostiquant un paludisme d’aéroport doit déclarer dans les plus brefs délais le cas à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de rattachement.

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B Queyriaux, B Pradines, L Hasseine, S Coste, P Rodriguez, T Coffinet et al.

[15]. Les moustiques présents dans les bagages des passagers, le fret ou les logements des trains d’atterrissage peuvent échapper à cet insecticide et survivre au vol. Même si la mise en oeuvre de cette mesure de prévention était parfaite, elle n’offrirait donc pas de protection absolue contre le paludisme d’aéroport. Le risque d’importation de vecteurs infectés augmente avec l’intensité du transport aérien, mais aussi avec la taille et la complexité des aéronefs actuels qui leur ménagent une multitude de niches échappant aux traitements insecticides.

Mesures réglementaires de désinsectisation des aéronefs

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L’annexe 5 « mesures particulières concernant les maladies à transmission vectorielle » du Règlement sanitaire international (RSI), publié en 2005 par l’Organisation mondiale de la santé, impose aux états signataires que : « [. . . ] Les moyens de transport quittant un point d’entrée situé dans une zone où la lutte antivectorielle est recommandée doivent être désinsectisés et maintenus exempts de vecteurs. Lorsque l’Organisation préconise des méthodes et des matériels pour ces opérations, ceux-ci doivent être utilisés. [. . . ] Les Etats Parties doivent mettre sur pied des programmes pour lutter contre les vecteurs susceptibles de transporter un agent infectieux constituant un risque pour la santé publique dans un périmètre d’au moins 400 mètres à partir des zones des installations au point d’entrée qui sont utilisées pour les opérations concernant les voyageurs, moyens de transport, conteneurs, cargaisons et colis postaux, voire davantage si les vecteurs présents ont un plus grand rayon d’action. [. . . ] » La désinsectisation implique la pulvérisation d’insecticide de type pyréthrinoides dans diverses parties de l’aéronef, notamment le poste de pilotage, la cabine passagers et les soutes. Cette procédure, qui vise à prévenir la transmission de maladies par les insectes, doit s’appliquer à tout aéronef décollant d’un aéroport situé en zone d’endémie palustre ou arbovirale, y compris les DOM-TOM (à l’exception de Saint Pierre et Miquelon). Les aéroports recevant des vols internationaux ou des vols en provenance des DOM-TOM (à l’exception de Saint Pierre et Miquelon), qu’il s’agisse de vols commerciaux civils, de vols militaires, de vols privés ou de fret, doivent s’assurer que la désinsectisation a bien été réalisée. Sinon, elle doit être faite dès l’arrivée de l’aéronef. Trois méthodes de désinsectisation se sont révélées efficaces [1,15]. 1) La de´sinsectisation « apre`s l’enle`vement des cales » s’effectue apre`s l’embarquement des passagers et la fermeture des portes, et avant le de´collage. L’ae´ronef est traite´ par les membres de l’e´quipage qui parcourent la cabine en pulve´risant des doses uniques d’ae´rosols. La soute est traite´e avant le de´part, et le poste de pilotage avant l’embarquement de l’e´quipage.

2) La pulve´risation avant-vol et « au de´but de la descente » : un insecticide est pulve´rise´ dans la cabine avant l’embarquement des passagers a` l’aide d’un ae´rosol contenant une mole´cule re´manente, ce qui permet d’ouvrir et de traiter les casiers et de ne pas incommoder les passagers. La pulve´risation avant-vol est suivie d’une pulve´risation spatiale de la cabine pendant le vol « au de´but de la descente », c’est a` dire au moment ou` l’ae´ronef amorce sa descente vers l’ae´roport d’arrive´e. 3) Le traitement re´manent : les surfaces internes de l’ae´ronef, a` l’exception des aires servant a` la pre´paration des repas, sont pulve´rise´es re´gulie`rement avec un insecticide re´manent. Chaque insecte entrant dans l’appareil recevra une dose efficace d’insecticide de`s qu’il touchera une surface. Ce traitement demeure efficace huit semaines et n’expose pas l’e´quipage ou les passagers aux pulve´risations d’ae´rosols. Les compagnies aériennes choisissent une de ces 3 méthodes. Pour les 2 premières, le contrôle sanitaire aux frontières des aéroports de destination peut exiger la présentation des bombes aérosols vides. Le contrôle de la troisième méthode se fait par présentation d’un certificat de traitement délivré par une autorité compétente. De plus, conformément au RSI, les aéroports des DOM-TOM (à l’exception de Saint Pierre et Miquelon) doivent mettre en oeuvre des mesures de désinsectisation au moins 400 mètres autour du périmètre de l’aéroport.

Dans les compagnies aériennes (exemple d’Air France) et dans les armées La désinsectisation des aéronefs est réglementaire pour tous les avions et hélicoptères, civils ou militaires, quittant une zone de transmission du paludisme ou d’une arbovirose (dengue, Chikungunya, fièvre jaune, . . .). La méthode utilisée est la désinsectisation « après l’enlèvement des cales ». Elle utilise des bombes aérosols insecticides renfermant un pyréthrinoïde de synthèse à 2 % et un gaz vecteur, conformes aux normes aéronautiques, à usage unique. L’application d’insecticides à effet rémanent (perméthrine) intéresse les avions-cargos pour lesquels la désinsectisation par aérosols pose des problèmes de faisabilité et d’efficacité. La liste des pays concernés par la désinsectisation a été publiée dans l’Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France du 16 janvier 2004 relatif au contrôle sanitaire aux frontières. Cette liste n’a pas été réactualisée depuis. Pour la compagnie Air France, une liste actualisée par le service « sûreté » des escales concernées est consultable sur le réseau informatique interne par toutes les personnes concernées. Cette liste est tenue à jour à partir des informations fournies par la DDASS de rattachement de l’aéroport (DDASS de Seine Saint Denis pour l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle). tome 38 > n87/8 > juillet–août 2009

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La DDASS est aussi responsable du contrôle sanitaire aux frontières, et vérifie la bonne application des mesures de désinsectisation. Tout équipage doit être en mesure de présenter à l’arrivée sur un aéroport français :  les ae ´ rosols vides pulve´rise´s en cabine ;  les bouchons des sprays diffuse ´ s en soute ;  la « De ´ claration ge´ne´rale d’ae´ronef », document qui doit comporter les nume´ros des bombes insecticides utilise´es. Cette réglementation fait référence à la notion de « pays infecté » et non d’ « escale infectée », et ne tient pas compte des variations saisonnières. Aussi, ces mesures paraissent inutiles au départ d’aéroport situé à des centaines de kilomètres de la zone d’endémie, d’où parfois l’incompréhension des autorités locales et la mauvaise acceptabilité de ces mesures par les passagers. C’est le cas pour les aéroporst d’Afrique du nord (Le Caire, Alger, Rabat, . . .) ou jusqu’à il y a peu l’aéroport d’Istanbul en Turquie. De rares pays, souvent des îles, exigent une désinsectisation au départ des aéroports français, essentiellement pour prévenir l’installation de nouvelles espèces vectorielles sur leur sol. C’est le cas par exemple de l’île Maurice.

Les bases aériennes françaises situées à l’étranger (Sénégal, Tchad, Djibouti, Tadjikistan, . . .), mettent elles-aussi en oeuvre une lutte antivectorielle dans un périmètre de 400 mètres minimum autour des installations aéroportuaires, en collaboration avec les autorités aéroportuaires locales avec qui elles partagent les infrastructures et les pistes.

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Conclusion Le nombre de cas de paludisme d’aéroport est infime en regard du nombre de paludisme d’importation observé en France. En 2007, le nombre de cas de paludisme importés en France est estimé à 4403 pour 2134 notifications effectuées par 95 correspondants (représentativité estimée à 51 % des cas nationaux métropolitains) [16]. La connaissance de ce type d’infection palustre est néanmoins primordiale pour les médecins exerçant à proximité d’aéroports afin de limiter le retard du diagnostic potentiellement fatal pour les patients. Il s’agit d’un paludisme en grande partie évitable par l’application des mesures de désinsectisation imposées par le Règlement sanitaire international, et selon les méthodes recommandées par l’OMS.

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