Paralysie aiguë pseudobulbaire au cours d'une encéphalite herpétique chez un toxicomane séropositif

Paralysie aiguë pseudobulbaire au cours d'une encéphalite herpétique chez un toxicomane séropositif

FAIT CLINIQUE PARAL YSIE AIGUE PSEUDOBULBAIRE AU COURS D'UNE ENCf=PHALITE HERPETIQUE ~.HEZ U N T O X l C O M A N E S E R O P O S l T I F Je R O H A N...

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FAIT CLINIQUE

PARAL YSIE AIGUE PSEUDOBULBAIRE AU COURS D'UNE ENCf=PHALITE HERPETIQUE ~.HEZ U N T O X l C O M A N E S E R O P O S l T I F Je R O H A N - C H A B O T , R. ZEGDI, P. ESCHWEGE, J.M. C O U D R A Y , D. SELCER

RESUME

SUMMARY

Un homme de 29 ans, toxicomane, sSropositif pour le VIH1, prSsentait une mSningoenc6phalite aigu~. Le diagnostic d'encSphalite herp~tique, suspect8 sur l'examen clinique et la tomodensitom~trie, fut confirm~ par une s~roconversion. Au cours de l'~volution ~tait not~ un tableau de paralysie pseudobulbaire avec dipl~gie faciale et troubles de la dSglutition qui persistaient apr~s gu6rison de l'encSphalite. L'IRM montrait des l~sions operculaires bilat~rales. L'Svolution du syndrome bioperculaire fut lentement r6gressive.

Acute pseudobulbar p a l s y complicating herpes simplex encephalitis in a seropositive drug a d d i c t A 29 years old drug-addict, HIV infected, presented acute

R~an. Urg., 1992, 1 (2), 300-303

meningoencephalitis. Herpes simplex encephalitis, suspected on clinical examination and temodensitometry, was confirmed by a rise of antibodies in both serum and CSF. Evolution was complicated by an acute pseudobulbar palsy with facial diplegia and swallowing troubles which persisted after encephalitis recovered. MRI revealed bilateral opercular lesions. The syndrome improved over a long time.

Mots-clds : Syndrome bioperculaire, enc~phalite herp~tique, infection VIH.

Key-words : Bi-opercular syndrome, herpes simplex encephalitis, HIV

L ' e n c 6 p h a l i t e h e r p 6 t i q u e est u n e affection relativement r a r e (2,3 cas/million d%abitants/an) [1], dont le p r o n o s t i c s p o n t a n S m e n t s6vSre a 8t6 t r a n s f o r m 8 p a r les c h i m i o t h S r a p i e s a n t i v i r a l e s a u p r e m i e r r a n g d e s q u e l l e s l'acyclovir. L a prScocit6 de m i s e en oeuvre d u t r a i t e m e n t , facilit6e p a r l ' a v S n e m e n t de m o y e n s d i a g n o s t i q u e s c o m m e I ' I R M [2], a r 6 d u i t la m o r t a l i t 6 et la gravit6 des s6quelles [3] qui, le plus souvent, affect e n t les c o m p o r t e m e n t s et la m S m o i r e [4]. N o u s r a p p o r t o n s ici l ' o b s e r v a t i o n d ' u n p a t i e n t sSropositif p o u r le V I H 1 qui a pr6sent~ u n e encSphalite h e r p 6 t i q u e avec p a r a l y s i e aigu~ p s e u d o b u l b a i r e l a i s s a n t p o u r s~quelles u n s y n d r o m e b i o p e r c u l a i r e et u n e a p h a s i e .

tion p o u r une m#ningoenc~phalite ayant dAbut# trois j o u r s a u p a r a v a n t p a r des convulsions et une fi#vre ~t 39,5 °C. Une ponction lombaire avait recueilli un liquide clair, contenant 60 ~ l ~ m e n t s / m m 3 ~t formule panachee, O, 72 g / l de prot#ines et 0,96 g / l de glucose. L'examen bactdriologique direct dtait ndgatif et les cultures st~riles. I1 f u t trait# p a r ampicilline 12 g / 2 4 h a v a n t son transfert en r~animation motiv# p a r une alteration de la conscience et une hypoventilation. A son admission, il ~tait obnubil~, p a r m o m e n t s agit~ et pr~sentait u n syndrome m~ning~ sans dAficit m o t e u r des membres ni atteinte des nerfs crfmiens. II ~tait f~brile 40 °C et fur soumis d u n e ventilation assist#e. Le scanner X pratiqu~ montrait une hypodensit~ temporale gauche avec r~action oedAmateuse et prise de contraste cotonneuse en pdriphdrie, et une hypodensitd temporale droite de p l u s petite dimension. Une seconde ponction lombaire confirmait la r#action lymphocytaire du LCR, p a r ailleurs h~morragique. Dans l'attente des rdsultats des examens bactdriologiques et s#rologiques et compte tenu des localisations c~r~brales et du contexte d~mmunoddpression possible, un traitement antiinfectieux ~t spectre large #tait institu~ (ampicilline 12 g / 2 4 h, acyclovir 30 m g / k g / 2 4 h, quadruple antibioth#rapie antituberculeuse). L ~ v o l u t i o n i m m e d i a t e #tait marquee p a r une aggravation du com a avec hypotonie des quatre membres et apparition



Observation

Un h o m m e de 29 ans, frangais m~tropolitain, herofnomane, #tait hospitalis~ le 7 mai 1989 en r~animaService de reanimation polyvalente, CHG, 91160 Longjumeau. Correspondance : Dr P. de Rohan-Chabot, Service de R~animation Polyvalente, CHG de Longjumeau, 159, Gde Rue, F-91160 Longjumeau

Paralysie a i g u ~ p s e u d o b u l b a i r e - 3 0 1 -

Fig. 1. -- IRM en sequence T2 : hypersignaux dans les lobes temporaux, predominants a gauche, s'etendant aux regions insulaires et aux opercules rolandiques. T2-weighted MRI sequence : high density signals in both temporal lobes, principally the left, spreading to insula and opercular regions.

d'une dipldgie faciale. L'EEG rdalis~ sous phenobarbital 10 cg/24 h montrait des ondes lentes monomorphes, predominant sur les rdgions antdrieures, sans activitds paroxystiques. La sdrologie pour le VIH1 dtait positive ( E L I S A et Western Blot), alors que l'antig~n#mie P24 ~tait nulle ; les lymphocytes T CD4 #taient & 217 m m 3, avec un rapport O K T 4 / O K T 8 dt 0,29. Devant l'absence de rdsultats bact~riologiques positifs, le traitement par ampicilline et antituberculeux #tait interrompu, l'acyelovir dtait maintenu dt la m~me posologie jusqu'au 31 mai. L'apyrexie ~tait alors obtenue et le L C R en voie de normalisation. Le diagnostic de m#ningoencdphalite herp#tique dtait confirm# par une sdroconversion progressive dans le sang et le L C R (1/32 e le 19-5, 1 / 1 2 8 e le 28-6 clans le sang ; 1 / 8 e le 12-5 et 1 / 3 2 e le 30-5 clans le LCR). A la mimai l~tat de vigilance s'am#liorait, le patient ouvrait les yeux dt l'appel et orientait son regard mais demeurait a m i m i q u e et immobile ; il pr~sentait un syndrome extrapyramidal des quatre membres avec hypertonie plastique et tremblements. Il dtait sevr~ du respirateur le 19 mai, alors conscient, montrant sa comprdhension par clignement des paupi~res ; il #tait mutique, le faci~s fig~ p a r la dipl~gie ; il ne deglutissait pas sa salive ; l'ouverture buccale #tait incomplete ; la protrac-

tion linguale impossible. Les r#flexes naus~eux et v~lopalatins ~taient abolis. L'akin#sie dtait majeure avec conservation des sensibilitds. La topographie des l~signs cdr#brales, ~tendues de fafon bilat~rale et asym#trique aux lobes temporaux et aux r~gions operculaires et insulaires, fur prdcisde p a r une I R M (Fig. 1). L~volution ultdrieure se fit vers une rdcup#ration complete de la motricit# et du tonus musculaire, p a r contre, d trois mois du debut, il persistait une dipl~gie facio-linguo-pharyngo-laryngo-masticatrice invalidante ; la voix ~tait murmur#e, la cl~glutition impossible. Le patient ne pr~sentait ni troubles du comportement ni troubles mn~siques mais une alexie aphasique. L'effondrement du rapport O K T 4 / O K T 8 , persistait. A sa sortie du centre de r~ducation six mois plus tard, les troubles de deglutition et de phonation avaient r~gress#, il persistait une pardsie linguale. L'aphasie avait #galement rdgressd, laissant un m a n q u e du mot.

• Commentaires L e p r o n o s t i c de l'enc6phalite h e r p 6 t i q u e repose s u r la r a p i d i t 6 de raise e n oeuvre de la chiRCan. Urg., 1992, 1 (2), 300-303

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Paralysieaigu# pseudobulbaire

mioth6rapie antivirale, les cas de gu~rison spontahoe r e s t a n t l'exception [5]. Cette imp~rieuse n~cessit~ a m i n e 9` prendre le risque de traiter sans diagnostic de certitude, cette derni6re ne pouvant venir que de l'isolement du virus dans le syst~me nerveux p a r biopsie c~r~brale ou, d'une s~roconversion darts le sang et le LCR. La biopsie n'est pas toujours r~alisable, ni d6pourvue de risques, la s~roconversion peut ~tre longue 9` se produire. C'est donc essentiellement sur les donn6es de la clinique et des explorations neuroradiologiques que l'on se base pour traiter, bien que le tableau clinique de m6ningoenc~phalite herp6tique n'ait rien de sp~cifique et que les signes scanographiques puissent ~tre retard~s [6, 7]. U n progr~s important semble fourni p a r I'IRM [2] qui p e u t montrer des l~sions invisibles au scanner X et par la tomographie p a r 6mission de simple photon [8]. Les controverses sur la n~cessit~ ou non de pratiquer une biopsie c~r~brale [9, 10] n'ont plus gu~re de raison, l'~vocation du diagnostic suffisant 9` justifier un t r a i t e m e n t d'~preuve par l'acyclovir, la s~roconversion 6tablissant ou infirmant ult6rieurement le diagnostic. Ce patient, contamin~ p a r le VIH1, pr6sentait une diminution importante du nombre de lymphocytes T CD4 ÷ ; on ne p e u t pas affn'mer cependant qu'il ~tait atteint du syndrome d'immunod~ficience acquise, puisque l'infection herp~tique du syst~me nerveux n'est pas consid~r~e comme opportuniste. Plusieurs observations [11, 12] font cependant 6tat d'infection &Herl~ virus du syst~me nerveux au cours du SIDA av~r~ ou du syndrome de lymphad~nopathie chronique, mais ces observations sont peu nombreuses et trop inhomog~nes pour que l'on puisse consid~rer l'enc~phalite herp~tique comme l'expression d'une infection opportuniste. La premiere particularit6 de cette observation r6side dans le fait que le patient ait gu~ri de son enc~phalite sans presenter les s~quelles habituellement observ~es : troubles mn6siques, 6pilepsie ou syndrome de Kluver-Bucy [13], mais une dipl6gie facio-linguo-pharyngo-laryngo-masticatrice. Ce syndrome d6crit en 1926 p a r Foix, Chavany et Julien Marie [14] r~sulte le plus souvent de 16sions isch6miques bilat6rales constitu6es simultan~ment ou successivement, occupant les r6gions p~risylviennes ant~rieures, suffisamment localis~es pour ne pas donner d'atteintes motrices ou sensitives majeures. Si l'origine vasculaire est largement pr~dominante [15], quelques cas cong~nitaux ont ~t~ rapport~s [16-18]. L'origine infectieuse semble tout aussi exceptionhelle : 9` notre connaissance seulement trois cas en ont ~t~ rapport~s : deux au d6cours d'une enR~an. Urg., 1992, 1 (2), 300-303

c~phalite herp~tique chez des enfants [19], un dans les suites d'une m~ningoenc~phalite d'allure infectieuse chez un autre enfant [16]. La seconde particularit~ r~side dans le fait que le syndrome bioperculaire ait r~gress6, ce qui est tout 9` fait inhabituel dans les syndromes d'origine vasculaire, mais qui a d~jg` ~t~ signal~ darts une observation d'enc6"phalite herp6tique [19]. 8i l'on en juge p a r le nombre de cas rapport~s darts la litt~rature, le syndrome bioperculaire est une entit~ rare, probablement, en partie, en raison de la difficult6 9` le diff6rencier d'autres paralysies pseudobulbaires, lorsque le scanner X ne montre pas les l~sions operculaires bilat~rales. Le d6veloppement de I'IRM et de la tomographie avec 6mission de simple photon devrait pallier cette d~ficience [20]. Contrairement aux 16sions d'origine vasculaire, les 16sions d'origine infectieuse sont beaucoup moins bien circonscrites, ce qui explique la difficult6 9, identifier un syndrome bioperculaire relevant de cette ~tiologie, dont le t a b l e a u est moins pur. En ce qui concerne les enc~phalites herp6tiques, si la localisation temporale uni- ou bilat~rale est toujours la plus fr~quente, il a ~t~ montr6 que les 16sions pouvaient s'~tendre aux lobes frontaux, aux r6gions insulaires et p6risylviennes ; cette diffusion des l~sions rend compte, dans notre observation, des signes aphasiques observes. R6f6rences

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