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SCIENCE ~_~1DIRECTe
la revue de
m6decine interne ELSEVIER
La revue de m6decine interne 26 (2005) $304-$306 www.elsevier.com/locate/revmed
Poster
Quel Bazar !... E.-A. Hang-Korng a, V. Zeller a, P. Jacquenod b, F. Koskas c, A. Delcourt a, J.-P. Brouland e, N. Molinier f, J.-M. Ziza a "Service de mddecine interne et rhumatologie, h6pital de la Croix-Saint-Simon, 125, rue d'Avron, 75020 Paris, France bServiee de radiologie, hOpital de la Croix-Saint-Simon, 125, rue d'Avron, 75020 Paris, France cService de chirurgie vasculaire, h@ital Pitid-Salp~tribre, 47-83, boulevard de l'H6pital, 75013 Paris, France aService d'anatomopathologie, hOpital Pitid-Salp~trikre, 47-83, boulevard de l'H6pital, 75013 Paris, France eService d'anatomopathologie, hOpital Lariboisikre, 2, rue Ambroise-Pard, 75010 Paris, France IService de chirurgie digestive, h@ital de la Croix-Saint-Simon, 125, rue d'Avron, 75020 Paris, France
Un homme de 73 ans, d'origine britannique, a des ant6c6dents d'HTA, de rectocolite h6morragique en r6mission depuis 17 ans, non trait6e, et de pacemaker pos6 pour bloc auriculoventriculaire en Angleterre. Un trouble du rythme et/ou de la conduction a 6t6 mis en 6vidence fortuitement en 1980 lors d'une visite m6dicale d' aptitude chez ce pilote amateur. I1 rut appareill6 pr6ventivement en 1997 avec un changement du PM en f6vrier 2003 et un arr~t de la stimulation auriculaire en octobre 2003. I1 a, depuis janvier 2004, une claudication douloureuse des deux mollets, une asth6nie croissante associ6e ~t une toux s~che et des sueurs nocturnes profuses l'obligeant changer de drap, sans fibvre. I1 a une alt6ration progressive de son 6tat g6n6ral avec un amaigrissement de 7 kilos en six mois. I1 d6crit la survenue de douleurs intenses du deuxibme orteil gauche qui eut transitoirement un aspect pourpre et violac6 et qui s'est amdlior6 spontan6ment en deux semaines. En Angleterre, les dopplers sont normaux ainsi que l'61ectromyogramme et on lui propose une biopsie diagnostique du mollet. I1 ddcide alors de consulter dans le service oft sa femme est suivie avec succbs pour une fibromyalgie. l'examen clinique, en juin, il n ' y a ni h6pato- ni spl6nom6galie, l'auscultation cardiaque est normale. L'6pisode ischdmique distal rdcidive sur le gros orteil gauche avec un aspect de n6crose (Fig. 1). On note une 16sion cutan6e nodulaire, indur6e, violac6e du flanc droit et mesurant 1,5 cm de diam~tre existant depuis de longs mois. Les pouls pddieux sont faibles, il n ' y a pas de souffle audible, ni sur le trajet art6riel ni ~t l'auscultation cardiaque. Le reste de l'examen clinique est normal. Biologiquement il existe un syndrome inflammatoire marqu6 (VS 60 mm, CRP 68 mg/ml), une andmie 8,7 g/dl © 2005 Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s.
d'Hb, V G M 91 g3, ar6gdn6rative, ferritin6mie ?~200 et une insuffisance rdnale moddrde avec une crdatinin6mie ~t 135 gmot/1, une clearance ~t 50 avec h6maturie microscopique (25 h6maties/mm 3) et une prot6inurie inconstante 0,56 g/24 h ; l'ur6e est h 10,4 mmol/1. Le taux de LDH, le bilan h6patique, l'61ectrophorbse des protides et le bilan lipidique complet sont normaux. La radiographie pulmonaire est normale. Des h6mocultures r6p6t6es, les BK tubages et I ' E C B U restent st6riles. Les 6chographies cardiaques transthoracique et trans~esophagiennne sont normales. L'6chographie doppler art6rielle des membres inf6rieurs ne montre que des 16sions athdromateuses moddrdes. Le fond d'Geil est normal. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien retrouve Une 16sion hypodense de l'aorte thoracique descendante, s'6tendant de D6 h D8 (Fig. 2a et b). Cette ldsion occupe par endroits plus de 80 % du diam~tre aortique. I1 existe 6gale-
Fig. 1.
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Fig. 2A. Scanner aortique montrant la 16sion st6nosage de l'aorte descendante. Fig. 2B. Reconstruction scanographique 3D de la 16sionaortique.
ment sur le scanner des ldsions hypodenses multiples aux niveaux de la rate et des reins.
1. Quelles sont vos hypotheses diagnostiques et quel(s) geste(s) pr6conisez-vous pour y parvenir ?
2. D6marche diagnostique Le tableau clinique 6voque des embolies multiples avec atteinte art6rielle distale responsable de n6crose des orteils. I1 a conduit ~t la d6couverte d ' u n e 16sion aortique tr~s probablement emboligbne. Celle-ci provoque des infarctus r6naux et spl6niques et explique la symptomatologie douloureuse initiale des m e m b r e s inf6rieurs ~t type de ~ coarctation ~. Elle survient dans un contexte d'alt6ration de l'6tat g6n6ral avec syndrome inflammatoire biologique, sans fi~vre mais s'accompagnant de sueurs profuses. • 1) Avant le r6sultat du scanner. - Nous avons en premier lieu 61imin6 une endocardite, en p a r t i c u l i e r sur p a c e m a k e r , ainsi q u ' u n m y x o m e de 1' oreillette. - Des embols de cholest6rol n ' o n t pas 6t6 retenus devant la normalit6 du fond d'oeil et un tanx de triglycdrides normal, l ' a b s e n c e d ' a n 6 v r y s m e de l ' a o r t e ou d'ath6rome significatif. - L ' h y p o t h ~ s e d ' u n e vascularite a 6galement 6t6 6cart6e par la n6gativit6 d'un bilan immunologique large. • 2 ) A la vue de l'anomalie tomodensitomdtrique de 1' aorte descendante. - N o u s avons 6voqu6 une maladie de Horton avec atteinte de t' aorte thoracique. Ce diagnostic a 6t6 r6cus6 car l'atteinte aortique au cours de la maladie de Horton
n'est pas une thrombose mais plut6t une dissection ou un an6vrysme et survient en g6n6ral tardivement ~ distance de la phase inflammatoire. La biopsie de l'artbre temporale est d'ailleurs normate et il n ' y a pas eu de rdponse clinique ou biologique aprbs une semaine de corticothdrapie <~ forte dose. - L e diagnostic de thrombus intraluminal de la crosse aortique 6ventuellement d6velopp6 ~ partir d ' u n vestige embryonnaire avec embols art6riels multiples a 6t6 initialement retenu en staff multidisciplinaire et une anticoagulation efficace institu6e h but de test diagnostique et th6rapeutique. • 3 ) M a i s l'6votution ddfavorable a bouscul6 cette ddmarche diagnostique initiale... En effet, malgr6 la mise en route du traitement anticoagulant par anti-vitamine K, le patient a fait de nouvelles e m b o l i e s art6rielles avec une o c c l u s i o n de l ' a r t ~ r e poplit6e et une nouvelle n6crose du deuxibme orteil droit. Son 6tat clinique a continu6 de s'aggraver avec une poursuite de son amaigrissement. La 16sion cutan6e du flanc est prdlevde malgr6 les rdticences du c h i r u r g i e n qui la j u g e <~n d g l i g e a b l e >~. I1 existe une prolifdration t u m o r a l e m a l i g n e p r o b a b l e ment carcinomateuse dont l ' o r i g i n e est impossible pr6ciser: pulmonaire? neuro-endocrine? paragangliome ? Le m a l a d e est alors opdr6 en j u i l l e t 2004 d ' u n e aortotomie directe. M a c r o s c o p i q u e m e n t , la p a r o i aortique est saine mais l'aorte recble une 16sion bourgeonnante grumeleuse lfichement adhdrente ~ la paroi aortique. Cette 16sion est retir6e en totalit6. L ' e x a m e n extemporan6 met en 6vidence un mat6riel entibrement ndcros6 sans composant cellulaire...
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L' examen bact6riologique est ndgatif. L'examen histologique montre la pr6sence d'une abondante n6crose des lambeaux tissulaires rubannds de cellules atypiques d'aspect sarcomateux vaguement 6pith61ioide ; migr6s vraisemblablement ~ partir d'un foyer sarcomateux intimal aortique. La m~me histologie est retrouv6e apr~s relecture sur la 16sion cutande du flanc droit. Le diagnostic retenu est celui de sarcome intimal aortique avec embolies marastiques.
3. Discussion L'6volution postop6ratoire est marqu6e par la survenue de deux h6mothorax avec d6globulisation et arr& cardiaque ayant n6cessit6 des drainages chirurgicaux et un long s6jour en r6animation. Le patient part en convalescence pendant un mois avec une am61ioration clinique initiale, disparition des sueurs et de la toux. I1 est r6-hospitalis6 en septembre 2004 pour une occlusion abdominale due h une tdsion st6nosante des derni~res anses grales. I1 existe une tumeur occlusive du gr~le venant au contact de la vessie. Elle est r6s6qu6e. L'examen histologique retrouve des embols intra-art6riels tumoraux du satcome 6pith61ioi'de, ~ diff6renciation endoth61iale. Une chimiothdrapie par adriamycine IV est d6but6e. Mais le patient est victime d'un choc h6morragique sur ulcbre duoddnal et oesophagite n6cessitant un nouveau s6jour en r6animation et la transfusion de sept culots globulaires. Survient 6galement une agranulocytose post-chimioth6rapique (corrig6e sous GM-CSF).
terme d'angiosarcome regroupe les anciennes terminologies : lymphangiosarcome, h6mangiosarcome, hdmangioblastome, h6mangiome, endoth61iome malin, angioendoth61iome malin. A c6t6 des angiosarcomes cutan6s, les angiosarcomes du sein ou les angiosarcomes hdpatiques, on a d6crit d'exceptionnels angiosarcomes cardiaques et des sarcomes des gros vaisseaux. Leur sibge est variable : aorte, art~re pulmonaire, mais le plus souvent veine cave [6]. Les tumeurs malignes primitives de l ' a o r t e (TMPA) n'ont fait l'objet de la publication que d'une centaine de cas cliniques. Seeling et al. [4] recensent 87 cas entre 1873 et 1998. Bohner et al. rapportent quatre cas en 2003 [1]. Les circonstances r6vdlatrices sont variables et d6pendent de la localisation tumorale : claudication vasculaire, isch6mie d'origine embolique, oed~me, insuffisance r6nale, HTA, m6tastase cutan6e ou parfois osseuse. I1 existe souvent une asth6nie, une perte de poids et un syndrome inflammatoire biologique comme chez notre malade [2, 5]. Le diagnostic est difficile, c' est le tableau d'une vascularite qui ne rdpond pas aux traitements conventionnels. Le diagnostic histologique est lui-m~me difficile. On distingue le sarcome intimal qui touche l'intima (angiosarcome endoth61ial), le sarcome intimal myofibroblastique (m6dia) et le sarcome mural qui affecte l'adventice. Le taux de r6cidives locales, apr~s chirurgie initiale lorsqu'elle est possible, est 61ev6 (33 %) et la survie sp6cifique ~ cinq ans est de 8 %. La survie moyenne est inf&ieure ~t 16 mois. Elle est plus 61ev6e en cas de chirurgie initiale [3]. Un traitement adjuvant complEmentaire peut &re propos6 mais les cas d6crits dans la litt6rature sont trop rares pour se forger une opinion sur son efficacit6.
I1 est enfin rapatri6 en Angleterre avec sa femme. Celle-ci a 6t6 hospitalis6e en m~me temps que lui dans le service pour alt6ration r6cente et grave de l'6tat g6n6ral conduisant ~ la d6couverte d'une tumeur pulmonaire d'embl6e multi-m6tastique avec un l~cher de ballon intrac6rfibral et h6patique... Un vrai et triste Bazar... (Bazar est le nom de notre malade...). Les tumeurs vasculaires sont rares et exceptionnellement malignes [6]. Les angiosarcomes si~gent le plus souvent au niveau du scalp ou du sein mais de nombreuses autres localisations sont possibles, en particulier l'aorte. Quel que soit le site des tumeurs vasculaires, il n'est pas toujours facile de faire la part des choses entre une tumeur b6nigne et une malformation ou, dans certains cas, un processus r6actionnel. Les h6mangio-endoth61iomes 6pith61ioi'des sont des tumeurs qui se d6veloppent dans ta moiti6 des c a s h partir d'un vaisseau pr6existant et 6voluent sous la forme d'une masse parfois douloureuse des tissus mous, superficiels ou profonds, plus exceptionnellement d'un gros vaisseau. Le
R6f6rences [1]
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Park BJ, Bacchetta M, Bains MS, Downey RJ, Flores R, Rusch VW, Girardi LN. Surgical management of thoracic malignancies invading the heart or great vessels. Ann Thorac Surg 2004 ; 78 : 1024-30.
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Seeling, MH, Klinger PJ, Oldenburg A, Blackshear JL. Angiosarcoma of the aorta : report of a case and review of the literature. J Vasc Surg 1998 ; 28 : 732-7.
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Thalheimer A, Fein M, Geissinger E, Franke S. Intimal angiosarcoma of the aorta : report of a case and review of the literature. J Vasc Surg 2004 ; 40 : 548-53.
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Zelek L, Favre-Guillevin E. Art~res et cancer : tumeurs vasculaires malignes. R6flexions en Mddecine Oncologique 2004 ; 1 : 17-9.