Annales de chirurgie plastique esthétique 53 (2008) 22–28
a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / a n n p l a
ARTICLE ORIGINAL
Reconstructions mammaires différées, quelles stratégies ? Deleated breast reconstruction, witch strategy? N. Formea,*, N. Capon-Degardinb, V. Martinot-Duquennoyb, P. Pellerinb a
Service de chirurgie plastique et reconstructrice, hôpital Trousseau, CHRU de Tours, 37009 Tours cedex, France Service de chirurgie plastique et reconstructrice, centre des brûlés, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France b
Reçu le 17 septembre 2006 ; accepté le 11 mai 2007
MOTS CLÉS Cancer mammaire ; Reconstruction mammaire ; Lambeau libre ; Lambeau de fessier ; Lambeau de TRAM ; Lambeau de grand dorsal
KEYWORDS Breast cancer; Breast reconstruction; Free flap; Inferior gluteal free flap; Transverse rectus abdominus flap; Latissimus dorsi flap
Résumé La reconstruction mammaire fait partie intégrante de la prise en charge d’une patiente ayant subi une mastectomie totale pour cancer du sein. Face à l’évolution des différentes techniques opératoires proposées et à l’augmentation de la demande des patientes, nous avons essayé d’établir une stratégie de reconstruction mammaire qui prendrait en compte les souhaits de la patiente, sa morphologie, le sein controlatéral restant et les limites des techniques chirurgicales. Nous avons revu 30 reconstructions et analysé point par point les trois types de lambeau utilisé : 23 lambeaux libres de grand fessier, quatre lambeaux de muscle droit de l’abdomen à pédicule supérieur et trois lambeaux pédiculés de grand dorsal associés ou non à une prothèse.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract Breast reconstruction is part of the treatment of breast cancer needing mastectomy. To deal with the numbering technics in breast reconstruction surgery and with the number of patients seeking reconstruction, the authors proposed a strategy thaking care of the patients wiches, of the patients morphology and of the surgicals limits of the differents technics. On this aim, the authors reviewed a 30 patients serie of secondary breast reconstruction composed of 23 inferior gluteal free flaps, 4 transverse rectus abdominus myocutaneous flaps and 3 latissimus dorsi musculocutaneous flaps.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Forme).
0294-1260/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2007.05.001
Reconstructions mammaires différées, quelles stratégies ?
Introduction La prévalence du cancer du sein ne cesse d’augmenter. Chaque année, en France, 46 000 nouveaux cas sont recensés, dont 40 % subiront une mastectomie totale [24]. C’est pourquoi, la reconstruction mammaire fait partie intégrante de la prise en charge [19] du cancer du sein. Alors que des progrès ont été réalisés dans l’évolution des techniques opératoires, nous nous sommes intéressés sur la possibilité d’énoncer une stratégie de reconstruction mammaire, qui prendrait en compte à la fois les souhaits de la patiente, mais aussi son morphotype et la morphologie de son sein restant, le tout modulé par la technique chirurgicale et ses limites. Nous avons revu 30 cas de reconstruction et analysé point par point les différentes techniques réalisées.
Matériel et méthode Matériel Patientes Notre étude rétrospective porte sur 30 reconstructions mammaires réalisées entre janvier 1998 et octobre 2003 chez 28 patientes, dont 26 ayant bénéficié d’une reconstruction unilatérale et deux patientes d’une reconstruction bilatérale. L’âge moyen des patientes lors du diagnostic carcinologique était de 42 ans avec des extrêmes de 28 et 54 ans. L’âge moyen des patientes au moment de la reconstruction était de 44 ans avec des extrêmes de 31 et 64 ans. À la révision, le délai par rapport à la reconstruction variait d’un à cinq ans avec une moyenne de 28 mois. Nous avons pu définir trois groupes selon le morphotype de nos patientes : ● le premier groupe de femmes « pléthoriques » qui présentent une surcharge pondérale (en moyenne 10 à 20 kg audessus de leur poids idéal), une silhouette gynoïde excessive avec des seins ptosés, volumineux, de densité flasque, un ventre avec un excès cutanéograisseux accentué par une paroi faible et de grosses fesses molles ; ● le deuxième groupe des femmes « harmonieuses » qui présentent un poids proche du poids idéal, des seins sans excès pondéral plus ou moins ptosés, un ventre harmonieux, sans surcharge, plus ou moins musclé et des fesses de bon volume ; ● le troisième groupe des femmes « androïdes » qui présentent une silhouette mince, un ventre et des fesses sans excès et des petits seins non ptosés, de consistance ferme.
Techniques de reconstruction Tous les lambeaux ont été réalisés en un seul temps opératoire, de manière différée par rapport au temps de mastectomie avec une moyenne de 36 mois. Trois types de lambeaux ont été réalisés :
23 ● 23 cas de lambeau musculocutané libre de grand fessier à pédicule inférieur ; ● quatre cas de lambeau musculocutané de muscle droit abdominal hétérolatéral à pédicule supérieur (TRAM) ; ● trois cas de lambeau musculocutané de grand dorsal homolatéral associé ou non à une prothèse.
Les 30 reconstructions ont été réalisées par deux opérateurs seniors. Tous les dossiers ont été revus par le même examinateur indépendant.
Méthode Les 30 reconstructions mammaires ont été analysées par rapport aux différents critères suivants : ● les raisons avancées motivant la demande d’une reconstruction mammaire ; ● le déroulement du geste chirurgical qui évalue la durée opératoire globale et la durée du prélèvement du lambeau ; ● la viabilité du lambeau avec nécessité ou non de reprise des anastomoses microchirurgicales et les complications au niveau du site receveur (hématome, désunion, nécrose) et du site donneur (hématome et lymphorée) ; ● le résultat fonctionnel et esthétique de la reconstruction apprécié sur des critères objectifs (forme du sein, symétrie, qualité des cicatrices, texture et pilosité de la peau) ; ● les séquelles liées au lambeau et celles liées au site donneur qu’elles soient esthétiques (hypertrophie cicatricielle) ou fonctionnelles (douleur à la mobilisation, hypoesthésie fessière postérieure en cas de prélèvement fessier) ; ● la nécessité ou non de gestes chirurgicaux complémentaires (remodelage du lambeau, pexie controlatérale, reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire PAM et pose de prothèse).
Résultats Pour chaque reconstruction et selon les critères cités précédemment, nous avons obtenu les résultats suivants : ● les demandes avouées motivant la reconstruction étaient de trois ordres : ○ recherche de l’amélioration de l’image corporelle (13 patientes) ; ○ amélioration vestimentaire (huit patientes) ; ○ difficultés de supporter l’épithèse (dix patientes) ; ● le temps opératoire global moyen était de 5 heures 30 minutes pour un lambeau fessier, 6 heures 30 minutes pour un TRAM et trois heures pour un grand dorsal. Le
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temps de prélèvement moyen du lambeau avec fermeture du site donneur était de deux heures pour un lambeau fessier, 2 heures 30 minutes pour un TRAM et une heure pour un grand dorsal ; ● la viabilité du lambeau fessier a été bonne dans 22 cas dont cinq après reprise de la microanastomose et mauvaise pour un seul cas avec perte totale du lambeau. La viabilité du TRAM a été bonne dans trois cas dont deux après reprise microchirurgicale et mauvaise pour un seul cas avec perte du lambeau. La viabilité du grand dorsal a été bonne d’emblée dans tous les cas. Dans les suites postopératoires on retrouve : six cas de reprise microchirurgicale pour le lambeau fessier, trois cas pour le TRAM et aucun pour le grand dorsal. Aucun hématome n’a été relevé lors du prélèvement des 30 lambeaux. On déplore la nécrose totale d’un cas de lambeau fessier et d’un cas de TRAM. Parmi les complications liées au site donneur, on relève trois cas de lymphorrée fessière pour le lambeau fessier et un cas de lymphocèle pour le lambeau grand dorsal ; ● pour le lambeau fessier, nous avons constaté 22 bons résultats parmi lesquels on déplorait des défauts de forme, volume et symétrie et un mauvais résultat (perte du lambeau). Pour le TRAM, on a constaté trois bons résultats avec néanmoins une néctrose partielle du lambeau et un mauvais résultat (perte du lambeau). Pour le lambeau grand dorsal, on a constaté trois bons résultats ; ● au niveau du site donneur du grand fessier, on a retrouvé : une désunion cicatricielle, huit cas d’hypoesthésie dans le territoire du nerf petit sciatique, six cas de gêne fonctionnelle à la pratique du sport (vélo et équitation). Pour le TRAM, on note : un cas de bombement pariétal et un cas d’éventration. Pour le grand dorsal, on note : un cas d’hypertrophie cicatricielle et deux cas de gêne fonctionnelle lors des mouvements d’épaule ; ● après lambeau fessier : sept patientes ont nécessité un remodelage du lambeau, huit ont souhaité une pexie controlatérale, neuf ont eu une reconstruction de PAM, une a bénéficié de la pose d’une prothèse et cinq n’ont subi aucune retouche. Après TRAM : une a bénéficié d’une pexie controlatérale, une a souhaité une reconstruction de PAM et deux n’ont subi aucune retouche. Après grand dorsal : une a bénéficié d’une pexie controlatérale, trois ont souhaité une réfection de la PAM et un lipofilling a été réalisé chez une patiente.
Discussion La reconstruction mammaire peut être réalisée par différentes techniques chirurgicales.
Implants mammaires Apparus pour la première fois en 1962, l’évolution s’est faite à la fois sur le contenu, l’enveloppe et le dessin [3]. Actuellement, on dispose de prothèses à paroi lisse ou texturée, gonflables au sérum physiologique ou préremplies de gel de silicone et de forme ronde ou anatomique. Le choix de l’implant se fait à la carte, en fonction du volume et du galbe du sein à reconstruire. À cela, nous pouvons adjoindre la technique d’expansion préalable décrite par Radovan en 1982 qui consiste à augmenter progressivement le volume de la future loge prothétique grâce à une prothèse gonflable de l’extérieur. Lors d’une deuxième intervention chirurgicale, l’expandeur est remplacé par une prothèse définitive. La qualité de l’expansion dépend intimement de la trophicité locale des tissus et elle n’est pas recommandée en cas d’irradiation antérieure [8].
Lambeaux pédiculés ● Le lambeau de grand dorsal associé à une prothèse, par ses possibilités d’utilisation (musculaire ou musculocutané, pédiculé ou libre) et sa grande taille possible [13] présente des avantages. Décrit par Tansini en 1906, il fut utilisé en reconstruction mammaire par Bostwick et al. dès 1978 [1]. L’association à une prothèse permet de compenser le volume souvent faible. Le lambeau de grand dorsal élargi est une variante [5,6] ; ● le lambeau de TRAM, quant à lui, fut décrit par Hartrampf et al. en 1982 [11] ; ● le lambeau d’avancée abdominale qui tend à être plus fréquemment réalisé ; ● le lambeau d’épiploon.
Lambeaux libres Lorsque la trophicité des tissus locaux est mauvaise et qu’il est impossible de réaliser un lambeau pédiculé, le transfert de tissu avec anastomose microvasculaire est la technique de choix. ● Le lambeau de grand fessier à pédicule supérieur a été rapporté par Fujino et al. puis Shaw [9,25] puis proposé en reconstruction mammaire par Le Quang en 1978 ; ● le lambeau de DIEP ou « deep inferior epigastric perforator » permet de prélever une palette cutanée plus importante, grâce à l’augmentation du flux sanguin apporté par la microanastomose du lambeau aux vaisseaux de la paroi thoracique ; ● le lambeau de Rubens est une modification du lambeau libre de crête iliaque initialement décrit par Taylor en 1979. Il est vascularisé par le pédicule circonflexe iliaque profond et emporte la graisse iliaque.
Reconstructions mammaires différées, quelles stratégies ?
Dans notre étude, trois types de lambeaux ont été utilisés. Notre préférence va au lambeau fessier qui représente 23 lambeaux sur les 30 reconstructions réalisées. Nous reprenons les différents critères d’analyse et confrontons les trois lambeaux point par point. Dans les indications et contre-indications de ces trois lambeaux, le lambeau fessier est utilisé pour des femmes sportives dont on ne souhaite pas dégrader le dos ou fragiliser la paroi abdominale. Il s’adresse au groupe de femmes de morphotype harmonieux. Il n’existe pas de contreindication car le prélèvement est réalisable chez toutes les patientes, même les plus minces. Le lambeau de TRAM est utilisé pour des femmes non sportives ou des femmes qui auraient pu bénéficier d’une plastie abdominale. Elles ont en général un morphotype « pléthorique » et présentent un excès cutanéograisseux abdominal et des seins volumineux, ptosés et mous. Il n’est pas réalisable en cas d’antécédent de chirurgie abdominale car le décollement peut aboutir à une nécrose. De plus, il n’est pas réalisable en cas de paroi abdominale affaiblie car il occasionne un défect pariétal supplémentaire [2,16]. Le lambeau de grand dorsal associé à une prothèse [14] est utilisé pour des femmes de morphotype « harmonieux » sans excès pondéral, dont les seins sont de bon volume, plus ou moins ptosés et de densité plus ou moins ferme. Il est réalisable chez toutes les femmes sauf celles ayant subi une section du pédicule thoracodorsal. Concernant l’aspect et le prélèvement de ces trois lambeaux, le lambeau fessier possède une graisse de consistance dense. La peau est plus épaisse que celle du sein, parfois pigmentée, grenue, recouverte d’un duvet ou de poils. Le volume est en général satisfaisant. Son prélèvement est plus délicat que pour les autres types de lambeaux car il nécessite, outre le prélèvement, la redissection d’un creux axillaire irradié et remanié pour accéder aux branchements vasculaires [7]. De plus, la technique nécessite un changement de position [18]. Le lambeau de TRAM possède une graisse fluide, de forme naturelle et de consistance physiologique. La peau est claire et fine, proche de celle du sein mais présente souvent des vergetures. Sa technique de levée nécessite une intervention longue et lourde due à la dissection minutieuse de ce lambeau capricieux et, par conséquent, le risque embolique n’est pas rare. Le lambeau de grand dorsal possède une graisse plus ou moins abondante, de consistance plus ferme que celle du sein. La peau est souvent de couleur différente. Le volume est suffisant car, dans la majorité des cas, il est associé à une prothèse. Son prélèvement est simple [17]. Sa palette est idéalement placée dans le sillon sous mammaire et non dans la cicatrice de mastectomie, négligée et laissée adhérente au muscle grand pectoral. Certaines erreurs techniques doivent être évitées pour ne pas altérer le résultat esthétique final : ● palette cutanée trop grande ; ● levée partielle du muscle ne permettant pas de galber le sein ; ● tunnel axillaire situé trop bas, responsable d’une voussure ; ● sillon sous mammaire mal positionné ;
25 ● excision incomplète de la cicatrice de mastectomie empêchant la projection. La durée opératoire est courte, ce qui est un avantage pour les centres à gros recrutement. Si l’on s’attache à la viabilité et les complications de ces trois lambeaux, on remarque que la fiabilité vasculaire du lambeau fessier dépend des techniques microchirurgicales de l’opérateur avec des difficultés inhérentes à cette chirurgie. Elle est améliorée depuis la réalisation, par notre équipe, d’un déroutage veineux systématique d’une veine humérale. Les complications sont essentiellement liées aux anastomoses vasculaires du lambeau et se soldent par des reprises et parfois par des échecs. La fiabilité vasculaire du TRAM n’est pas parfaite mais peut être améliorée par certaines techniques telles que la préparation par ligature des pédicules épigastrique inférieurs ou « TRAM turbo » avec rebranchement vasculaire. Contrairement au lambeau fessier, ce n’est pas la loi du « tout ou rien » et l’on peut observer des nécroses partielles du lambeau conduisant à des pertes de volume, déformations et longue cicatrisation. Les complications sont fréquentes [10]. La nécrose partielle (cytostéatonécrose) ou totale du lambeau survient parfois. La fiabilité du grand dorsal est parfaite [23]. Cependant, le pédicule doit être intact. Les complications sont rares pour le lambeau. Pour le site donneur, les lymphocèles nécessitant des ponctions itératives, sont fréquentes. Si l’on regarde les résultats du sein reconstruit, la reconstruction du sein par lambeau fessier est délicate en raison de la forme allongée du lambeau et de la position centrale du pédicule qui le rend peu compliant. Cela implique d’obtenir une longueur de pédicule suffisante et donc une dissection plus difficile. Le sein reconstruit est ferme, non ptosé (position haute) et la qualité de la peau variable. Son volume est souvent suffisant. La reconstruction par TRAM ne pose pas de problème particulier si ce n’est la tunnellisation du pédicule qui peut laisser une voussure épigastrique. Le sein reconstruit est de consistance molle, en général ptosé et la qualité de la peau ressemble à celle du sein controlatéral. Son volume est important et satisfaisant. La reconstruction par lambeau de grand dorsal est simple. Il suffit de déterminer avec justesse le volume de la prothèse que l’on va lui associer. Le sein reconstruit est dense, de volume suffisant, mais la couleur de la peau est souvent différente. De plus, il présente une discrète asymétrie qui est constante : de forme (en cas de prothèse unilatérale, on note la présence de plis ou de coque), de volume et de positionnement, notamment, en cas de décubitus dorsal. Si l’on s’intéresse aux séquelles de ces trois lambeaux, on note que celles du lambeau fessier sont rares. Celles du site donneur sont esthétique (discrète asymétrie fessière et rare désunion cicatricielle) ou fonctionnelles (hypoesthésie et gêne à la position assise). Elles sont minimes et négligeables. Les séquelles du TRAM sont rares, mais celles du site donneur sont néanmoins fréquentes puisque les séquelles pariétales concernent 10 % des patientes et la mise en place d’une plaque diminue ce risque. Mais, même si elle évite les risques d’éventration secondaire elle ne prévient pas totalement des hernies. Pour beaucoup, ce risque est lié non seulement à
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N. Forme et al.
l’existence ou non de la plaque mais aussi à la façon dont elle est fixée à l’aponévrose. Certains auteurs insistent sur la suture à distance de la tranche de section aponévrotique et l’enfouissement entre les deux feuillets de l’aponévrose [20]. Elles ne sont pas acceptables pour des femmes jeunes, sportives avec une activité professionnelle physique. Les séquelles esthétiques sont perçues différemment car ce lambeau améliore « les gros ventres » en donnant l’effet d’une abdominoplastie et désavantage les femmes nullipares aux ventres musclés et harmonieux. Enfin, la position, plus ou moins haute, de la cicatrice peut être disgracieuse. Les séquelles du lambeau grand dorsal sont rares. Concernant le site donneur, les séquelles fonctionnelles existent (douleurs et adhérence aux mouvements d’épaule) et les séquelles esthétiques sont fréquentes (grande cicatrice dorsale [12]). De plus, il ne faut pas négliger les séquelles propres à la mise en place de la prothèse. À court terme, la morbidité de la reconstruction prothétique est inférieure à 1 %. Elle est principalement représentée par le risque infectieux et celui de nécrose cutanée [4, 21]. À moyen terme, la réaction inflammatoire peut transformer la consistance du sein reconstruit allant de la fermeté à l’apparition d’une coque dure et douloureuse. Cette dernière sera plus fréquente en cas de membrane lisse, évaluée à 40 % comparée aux implants texturés dont le risque est de 10 %. Cette réaction est directement liée à la qualité trophique des tissus. À long terme, les inconvénients sont l’apparition de vagues (10 %), le dégonflement (5 %) ou la rupture de l’implant (2 à 14 % à neuf ans) [15]. Enfin, si l’on revoit les gestes complémentaires qu’ont nécessités ces trois lambeaux, on constate que pour le lambeau fessier, il est souvent nécessaire de le remodeler (même si cela est difficile, par crainte de léser le pédicule). De plus, il faut souvent retoucher le sein controlatéral par réduction associée ou non à une pexie.
Figure 1
Il est souvent nécessaire de remodeler le lambeau de TRAM, mais en général, le sein controlatéral n’est pas retouché. Enfin, le lambeau de grand dorsal est lui aussi fréquemment retouché ainsi que le sein controlatéral par réduction, pexie ou pose d’implant. Pour tous les lambeaux, la reconstruction de la PAM est souhaitable. À la vue de ces résultats, il apparaît qu’il n’existe pas de technique chirurgicale qui semble être meilleure que les autres et par conséquent, lorsque le chirurgien propose une reconstruction mammaire, il doit tenir compte du diagnostic oncologique de la maladie mais aussi des particularités anatomiques et des souhaits de la patiente. Nous avons donc essayé d’obtenir des arbres décisionnels qui tiendraient compte des critères analysés dans notre étude mais aussi d’autres paramètres extérieurs que nous ne pouvons pas évincer. Tout d’abord, les souhaits de la patiente sont importants, si elle est sportive avec un dos et un ventre intact et qu’elle refuse la prothèse, un lambeau fessier est la technique de choix. Si elle est sportive avec un excès cutanéograisseux dorsal et un ventre intact et qu’elle accepte la prothèse, un lambeau de grand dorsal associé à une prothèse peut être proposé. Si elle n’est pas sportive, avec un excès cutanéograisseux abdominal, un lambeau de TRAM est indiqué. Nous devons nous soucier, par ailleurs, du morphotype de la patiente ainsi que la morphologie du sein à reconstruire. Ainsi, s’il est possible d’obtenir un sein rond et stable, une reconstruction par lambeau de grand dorsal associé à une prothèse est proposée. S’il est important d’obtenir un sein rond ou en cas de refus de prothèse ou
Stratégie de reconstruction pour une femme de morphotype mince.
Reconstructions mammaires différées, quelles stratégies ?
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de cicatrice dorsale par la patiente, un lambeau de TRAM est indiqué si les conditions abdominales le permettent.
cependant, nous préférons les reconstructions secondaires à distance d’au minimum un an de la fin de la radiothérapie.
Enfin, nous devons attacher de l’importance au sein controlatéral et à sa symétrisation. Ce geste est variable en fonction de son volume, de son degré de ptose et de la technique de reconstruction utilisée par le sein amputé.
Cette attitude décisionnelle se trouve résumée dans les Figs. 1,2 et 3.
Si le sein reconstruit est de forme et de volume satisfaisants, aucun geste ne sera nécessaire. Si le sein controlatéral est hypertrophique, une plastie de réduction est indiquée. Si le sein controlatéral est hypotrophique, son augmentation par prothèse est souhaitable. Enfin, si le sein controlatéral est ptosé, une pexie sera réalisée. La chronologie de ces temps opératoires de reconstruction et de symétrisation est variable selon les auteurs,
Conclusion En conclusion, il n’existe pas de technique chirurgicale idéale pour reconstruire un sein. Il est important de comprendre que le choix de la méthode de reconstruction doit se faire en fonction des souhaits formulés par la patiente, modulés par son morphotype, le tout dans les limites techniques du chirurgien.
Figure 2
Stratégie de reconstruction pour une femme de morphotype harmonieux.
Figure 3
Stratégie de reconstruction pour une femme de morphotype pléthorique.
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C’est pourquoi, l’information à la patiente se doit d’être exhaustive en proposant les différentes techniques avec leurs avantages et leurs inconvénients [22]. Enfin, la patiente doit être informée des limites de la reconstruction car c’est une image de sein et non le propre sein de la patiente que l’on reconstruit.
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