Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
Chronique
Recours de l’Oniam contre l’assureur de l’hôpital Nadir Ouchia (avocat au barreau de Lyon) Immeuble Aramis, 11, avenue Camille-Rousset, 69500 Bron, France Disponible sur Internet le 24 mai 2012
Résumé Quand la CRCI rend un avis favorable, et que l’assureur de l’établissement de santé ne donne pas suite, l’Oniam est tenue de verser l’indemnisation. L’Oniam exerce ensuite un recours en remboursement, mais les juridictions statuent selon le droit commun, et ne reconnaissent pas l’autorité des avis de la CRCI. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
L’innovation majeure de la loi du 4 mars 2002 a été la création de l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), offrant une prise en charge des dommages corporels importants, en l’absence de faute prouvée. Mais l’Oniam a aussi pour fonction d’indemniser la victime lorsque la CRCI (Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) a rendu un avis reconnaissant la responsabilité de l’établissement, et que celui-ci ou son assureur ne font pas d’offre satisfaisante. L’Oniam peut, après avoir conclu l’accord avec la victime, exercer une action en remboursement, mais la transaction n’est pas opposable au tribunal qui apprécie selon le droit commun l’existence de la responsabilité et le montant de l’indemnisation. 1. Le droit applicable Est en cause l’application de trois articles du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002. L’article L. 1142-1 pose le principe de la responsabilité pour faute, à l’exception du cas des infections nosocomiales : • hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout
Adresse e-mail :
[email protected] 1629-6583/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2012.04.005
N. Ouchia / Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
139
établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ; • les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. L’article L. 1142-14 détaille la procédure de règlement amiable devant la CRCI : si la CRCI estime que la responsabilité de l’établissement est engagée, l’assureur de celui-ci doit faire dans les quatre mois une offre d’indemnisation. « Lorsque la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 engage la responsabilité d’un professionnel de santé, d’un établissement de santé (. . .), l’assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis (. . .). Cette offre indique l’évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi no 85677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et plus généralement des indemnités de toute nature re¸cues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. Les prestations et indemnités qui font l’objet d’une déduction du montant de l’offre sont remboursées directement par l’assureur du responsable du dommage aux débiteurs concernés ». L’article L. 1142-15 traite du cas où l’assureur d’abstient : l’Oniam assure le paiement dans un cadre transactionnel avec la victime, et exerce une action en remboursement contre l’assureur. Si l’assureur n’a pas fait diligence, l’Oniam peut demander une pénalité correspondant à 15 % des sommes versées. « En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre (. . .), l’office institué à l’article L. 1142-22 est substitué à l’assureur (. . .) L’acceptation de l’offre de l’office vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d’assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l’office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d’expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue. Lorsque l’office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l’assureur ou, le cas échéant, au responsable
140
N. Ouchia / Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis. » Il résulte de ces dispositions que : • lorsque l’Oniam s’est substitué à la personne responsable du dommage ; • et que la victime a accepté l’offre d’indemnisation de l’Oniam. Cet office est subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes versées. Cependant, si l’offre ainsi acceptée vaut transaction opposable au responsable du dommage ou à son assureur, ces derniers disposent de la faculté de contester devant le juge tant le principe que le montant des indemnités allouées à la victime. Le juge n’est pas lié, lorsqu’il reconnaît que la responsabilité de l’établissement de soins est engagée, par la détermination et l’évaluation du préjudice auxquelles a procédé l’Oniam. 2. La jurisprudence Trois affaires récentes illustrent l’application de ces textes, et l’indépendance de juridictions vis-à-vis des avis de la CRCI. Dans une première affaire, la juridiction administrative limite considérablement le montant du remboursement (2.1). Dans une deuxième affaire, la juridiction écarte la responsabilité (2.2) et dans une troisième l’Oniam obtient pratiquement le remboursement intégral (2.3). 2.1. Limitation du remboursement CAA Paris, 19 janvier 2012, no 10PA04685 Les faits Un patient avait saisi le 11 juillet 2005 d’une demande d’indemnisation des dommages qu’il avait subis à la suite de son hospitalisation entre le 17 et le 18 janvier 2002 dans les services de l’hôpital Broussais à Paris, la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux. Celle-ci avait conclu à l’imputabilité de ses dommages aux fautes commises dans sa prise en charge par ledit hôpital et à la réparation intégrale de ses préjudices par l’Assistance publiqueHôpitaux de Paris (AP–HP). Devant le refus de cette dernière d’assumer plus de 70 % de cette responsabilité, l’Oniam a accepté, à la demande du patient, de se substituer à l’AP–HP, et l’Oniam a conclu avec le patient une transaction pour un montant total de 700 952,44 euros. L’Oniam a saisi le Tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à la condamnation de l’AP–HP à lui verser : • la somme de 700 952,44 euros en remboursement des indemnités versées à la victime ; • le remboursement de 1900 euros au titre des frais d’expertise exposés ; • le versement d’une somme de 105 142,87 euros au titre de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique.
N. Ouchia / Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
141
L’Oniam relève appel du jugement no 0711036-090610 du 18 juin 2010 du Tribunal administratif de Paris. Le Tribunal administratif de Paris le 18 juin 2010 a limité les condamnations prononcées à l’encontre de l’AP–HP à la somme de 467 491,37 euros, au titre des frais d’expertise et à 10 000 euros au titre de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique. Le rappel des principes La Cour doit se prononcer sur l’opposabilité à l’AP–HP de la transaction conclue entre l’Oniam et la victime. La cour pose le principe d’analyse : • Si l’offre transactionnelle de l’Oniam, acceptée par les consorts, est opposable à l’AP–HP, cette dernière dispose de la faculté de contester devant le juge tant le principe que le montant des indemnités allouées ; • ainsi et contrairement à ce que soutient l’Oniam, les juges ne sont pas liés, en reconnaissant la responsabilité de l’AP–HP, par la détermination et l’évaluation du préjudice auxquelles l’office avait procédé. Le niveau de l’indemnisation Pour déterminer le montant des indemnités dues à M. en réparation des conséquences de la prise en charge fautive de ce dernier dans les services de l’hôpital Broussais les 17 et 18 janvier 2002, le tribunal administratif s’est fondé non sur l’indemnité effectivement versée par l’Oniam en exécution de son offre transactionnelle mais sur un calcul des différents chefs de préjudices jusqu’au décès de M., survenu le 7 février 2009. L’Oniam, qui ne critique pas davantage que l’AP-HP les bases retenues par le tribunal pour évaluer le montant des indemnisations dues au titre de chacun de ces chefs de préjudice, se borne à contester la réfaction opérée par les premiers juges sur les indemnités versées par lui au titre des préjudices futurs, du fait du décès de la victime postérieurement à la transaction. Toutefois, le choix de l’octroi d’un capital à M. en réparation des frais futurs devant rester à sa charge ne saurait s’imposer, ainsi qu’il vient d’être rappelé, ni à l’AP–HP ni au juge. Par suite, l’Oniam ne saurait se borner à invoquer l’accord transactionnel conclu par lui avec M. pour demander à être intégralement remboursé de l’indemnisation versée en exécution de cet accord. La pénalité de l’article L. 1142-15 CSP La Cour estime le montant de l’indemnité allouée à ce titre à l’Oniam à la somme de 30 000 euros. 2.2. Rejet de la responsabilité CAA Douai, 31 janvier 2012, No 10DA01416 Mme A. a été hospitalisée, le 21 février 2002, au Centre hospitalier de Séclin (Nord) pour y subir une interruption volontaire de grossesse, par voie chirurgicale et sous anesthésie locale, à neuf semaines d’aménorrhée. Au cours de cette intervention, la paroi utérine a été perforée et une anse d’intestin grêle a été aspirée. Ces faits ont nécessité une laparotomie avec résection de 3,30 mètres d’intestin grêle.
142
N. Ouchia / Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
Le 24 novembre 2004, la CRCI a rendu un avis concluant à la responsabilité du centre hospitalier. Le 29 avril 2005, Mme A. a demandé à l’Oniam de se substituer à l’assureur du centre hospitalier pour l’indemniser de ses préjudices et une transaction a été conclue. L’Oniam, agissant en application de l’article L. 1142-15 CSP, a engagé l’action en remboursement. La Cour analyse ainsi la question de la responsabilité. La patiente, qui présentait un utérus rétroversé, a bénéficié d’une préparation médicamenteuse 48 heures avant l’intervention, afin de préparer le col de l’utérus, et elle a subi une traction de l’utérus afin de le redresser. Après avoir procédé à la dilatation du col à la bougie de Hégar jusqu’au no 10, sans aide échographique au guidage du geste, l’opérateur a procédé à l’aspiration avant de constater, par un contrôle échographique peropératoire, une perforation utérine. Le guidage par échographie de la mise en place des bougies de dilatation par l’opérateur constitue une pratique nécessaire, voire bien indiquée, et le risque de perforation utérine documenté lors d’une interruption chirurgicale de grossesse est de 1 à 4 pour mille interventions. Dès lors, l’absence de recours à une aide échographique au guidage des bougies de dilatation lors d’une interruption volontaire de grossesse par voie chirurgicale, à neuf semaines d’aménorrhée, ne constitue pas une faute médicale. Par ailleurs, il n’est pas évoqué que médecin opérateur aurait commis une autre faute dans l’exécution de l’intervention. Dès lors, la responsabilité du centre hospitalier n’est pas engagée. En l’absence de faute prouvée, l’Oniam n’est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier ou son assureur la SHAM doivent être condamnés à un quelconque remboursement. 2.3. Remboursement de l’Oniam CAA Nantes, 5 janvier 2012, no 10NT00270 Les faits Une patiente, alors âgée de 29 ans et souffrant de douleurs au genou droit depuis le mois de juillet 2000, a subi le 29 mai 2002 au CHU de Brest une ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure réalisée. Les radiographies de contrôle ayant révélé, le 31 mai 2002, une fracture de la tubérosité tibiale antérieure sur les deux vis de maintien, une reprise chirurgicale a été effectuée immédiatement. La patiente ayant ensuite développé une réaction allergique au nickel, il a été procédé, le 9 octobre 2002, à l’ablation des matériels d’ostéosynthèse initialement mis en place et à leur remplacement par des vis en titane. Une quatrième intervention a été réalisée le 20 août 2003 pour ablation des vis et excision de la cicatrice douloureuse. Au vu de trois rapports d’expertises et de l’avis de la CRCI qui a conclu à la responsabilité du CHU, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), agissant en application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, en l’absence de proposition d’indemnisation de la part du CHU de Brest et de son assureur la SHAM, s’est substitué à cette société et a versé à Mme X. la somme totale de 22 920,70 euros. La responsabilité du CHU de Brest : • les douleurs qui affectaient la patiente avant la première intervention chirurgicale présentaient, eu égard notamment à ses activités sportives, un caractère invalidant. Par la suite, et alors que l’intéressée avait déjà fait l’objet de soins de kinésithérapie et de physiothérapie et d’une
N. Ouchia / Droit Déontologie & Soin 12 (2012) 138–143
143
arthroscopie sans amélioration notable, il n’est pas établi par l’instruction que l’indication chirurgicale n’aurait pas été fondée ; • ensuite, il ressort des deux premiers rapports d’expertise que la fracture de la baguette osseuse porteuse de la tubérosité antérieure du tibia constatée à la suite immédiate de l’intervention du 29 mai 2002 et qui a nécessité une reprise chirurgicale dès le 31 mai 2002 est due soit à une kinésithérapie effectuée au CHU de Brest. Dans l’une et l’autre hypothèse, ce préjudice résulte d’une maladresse commise par des collaborateurs du centre hospitalier. Par la suite et en tout état de cause, la responsabilité de cet établissement doit être engagée ; • en troisième lieu, le remplacement des matériels d’ostéosynthèse précédemment mis en place par différentes vis en titane a été rendu nécessaire à raison de l’omission, par le chirurgien, de l’allergie au nickel dont la patiente avait fait état lors de l’interrogatoire préalable à l’anesthésie. Cette erreur, qui est à l’origine d’une des interventions subies par la patiente et ayant consisté, avant l’implantation du nouveau matériel, en un curetage des cavités, un lavage abondant des tissus et une extraction des différents débris métalliques trouvés, engage également la responsabilité du CHU de Brest. De telle sorte, la responsabilité du CHU est engagée. Le remboursement de l’Oniam Les séquelles des complications postopératoires subies par Mme X. représentent une incapacité permanente partielle de 10 %. La victime a souffert d’une incapacité temporaire durant une période totale de sept mois dont quatre en lien direct avec la faute du centre hospitalier, a subi des douleurs physiques estimées à 4 sur une échelle de 7 ; un préjudice esthétique lié à la boiterie et aux cicatrices de la face antérieure du genou fixé à 2 sur cette même échelle ; un préjudice d’agrément rendant impossible notamment la pratique du sport ; et un préjudice sexuel. C’est par une juste appréciation de ces préjudices que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, évalué à 29 000 euros le préjudice personnel subi par Mme X. du fait des souffrances physiques et des troubles subis dans ses conditions d’existence de toute nature, y compris durant la période d’incapacité temporaire, imputable à la faute du CHU de Brest. En l’absence de toute offre d’indemnisation adressée à Mme X. par l’assureur du CHU de Brest, en dépit du caractère peu contestable des fautes commises par l’équipe médicale dans la prise en charge de la patiente, il y a lieu d’accorder à l’Oniam une somme égale à 15 % de la somme de 29 000 euros précitée, soit 4350 euros. Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.