© Masson. Parts. Ann. Fr. Anesth. Reanim., 6
CAS CLINIQUE
214-216, 1987
Reprogrammation d'un stimulateur cardiaque induite par le bistouri electrique Reprogramming of a pacemaker by electrocautery J.P. CARAMELLA *, B. MENTRE **, F. JATTIOT **, R. STROUK***, D. DELI~TANG * • Departement d Anesthesie-Reanlmatlon, ** Service de Cardiologie, et *** Service de Chirurgie A, HSpttal de Vittel, F 88800 Vittel
RESUME . Les auteurs rapportent une observation de reprogrammarion de stimulateur cardIaque sous l'mfluence de l'61ectrocoagulanon unipolaire ddllvr6e ~ falble distance de l'61ectrode de stimulation L'apparell prdalablement rdgld ~ 70 b • mln i a brusquement commenc6 ~_entrainer fi 120 b • mln i. L'appllcatlon d'un aimant a permls de ralentir la stimulation "a 100 b • mIn -1. La reprogrammation "a 65 b • min -1 a pu 6tre rdalisde sans difficultes apr6s l'mtervention. Les observations de reprogrammation de stlmulateurs cardlaques sont de description rdcente et encore rares. L'analyse conjolnte des observations ddja publides et de notre cas personnel permet de proposer quelques mesures destln6es h 6vlter la survenue et les consdquences de tels accidents
ABSTRACT : A case IS reported of reprogramming of a ventricular unlpolar permanent pacemaker induced by electrocautery during blhary surgery After skin Incision and use of the unipolar electrosurgery unit, the CPI model 505 multiprogrammable pulse generator previously set at 70 b • rain ~ abruptly fired at 120 b - m i n - 1 Application of a magnet over the pacemaker reduced the heart rate to 100 b - mln - j . After surgery, the pulse generator was successfully reprogrammed to a rate of 65 b • mIn ~ Based on the analysis of this case and of previous reports, it is suggested, so as to avoid such comphcatlons, that the unipolar electrocautery be avoided when the surgical field is near the pulse generator or lead; that the bipolar electrocautery be preferred, that a magnet and non-lnvaslve programmer be available during and after surgery; and that a postoperatlve assessment of the pulse generator be camed out
iI s'agit d'un homme de 65 arts, pesant 50 kg pour 1,80 m, admis pour le traltement chlrurgical d'une hthlase de la vole biliaire princlpale. Parml ses antdcddents, on note la survenue en 1977 d'un lnfarctus du myocarde. A cette occasion, une maladie de l'oreillette est ddcouverte, qul motive la pose d'un stimulateur cardlaque. Pa'l ailleurs, ce patient a subl sans incident en 1984 et 1985 deux rgsections endoscopiques d'addnome prostatlque sous anesthdsie gdndrale. L'lnterrogatoire ne retrouve pas de symptomatologie angmeuse ou syncopale. Le traitement prdopdratoire comprend du dlltlazem et du dinltrate d'isosorbide. La consultation du livret d'implantatlon mdlque que le bo]tler posd en 1977
est toujours en place. Il s'agIt d'un appared de marque CPI, modble 505, programmable (frdquence, durde et amplitude du stimulus) de type bloqud par QRS, relid ~ une dlectrode monopolaire. I1 est rdgld ~t une frdquence de 70 b • mln -1, et l'applicatlon d'un almant provoque le passage en mode asynchrone la frdquence de 100 b • m m J. Le dernier contr61e en mal 1985 montre un fonctionnement normal du stimulateur L'examen clinique est sans particulafitd, de m6me que les examens biologlques. La radiographle thoracique montre le bo]tier en position pectorale gauche, relld ~ une sonde qm chemine darts le tronc mnommd et la velne cave supdrieure avant d'aboutlr h la polnte du ventricule drolt L'ECG objective un rythme 61ectroentraind permanent "~ 70 b • min -1, d'aspect normal. L'lntervention est rdalisde en ddcubitus dorsal, sous anesthdsie gdndrale avec lntubatIon trachdale Le bistourl dlectrlque de marque ALM est utillsd en mode monopolalre et la plaque adhdsive est fixde ~ la cuisse droite. La surveillance peropdratolre comprend la mesure oscillomdtrique de la pression artdrielle et le monltorage dlectrocardioscopique de I'ECG. Ce dermer montre aprbs l'lnductlon anesthdsique une alternance de rythme dlectroentraind ~ 70 b • rain - l e t de rythme sinusal spontand h 80 b rain ~ La voie d'abord est une Incision sous-costale droJte. Dbs le ddbut de l'hdmostase paradtale au bistouri dlectrique, on constate une brusque augmentation de la frdquence cardlaque, le patient se trouvant alors dlectroentraind ?~ 120 b • rain -1 (fig. 1, tracd 1). La presslon artdrielle reste lnchangde. Le diagnostic de reprogrammation du stlmulateur est posd et 11 est demandd au chIrurgxen
Requ le 8 janvier 1987, acceptd aprbs rdVlSlOn le 3 mars 1987.
Tiros a part : J P Caramella.
B i e n q u e la m a j o r i t d d e s s t i m u l a t e u r s i m p l a n t d s s o i e n t de t y p e p r o g r a m m a b l e (79 % d e s i m p l a n t a t i o n s e n 1984 [2]), la r e p r o g r a m m a t i o n p a r i n t e r f d r e n c e d l e c t r o m a g n d tique p e r o p d r a t o i r e a 6t6 r a r e m e n t r a p p o r t d e [3-5, 8]. L e caractbre aldatoire des param6tres du nouveau rdglage, a v e c les c o n s d q u e n c e s h d m o d y n a m i q u e s qui p e u v e n t e n rdsulter, r e n d e n t p o t e n n e l l e m e n t d a n g e r e u x les a c c i d e n t s de c e t y p e . P o u r c e t t e r a i s o n , il i m p o r t e d e les c o n n a h r c et d e d d f i n i r les p r d c a u t i o n s d e s t i n d e s ~ e n 6 v i t e r la survenue.
OBSERVATION
REPROGRAMMATION
.
lS _
D UN STIMULATEUR
.
F:
120
CARDIAQUE
b . m i n -1
F.1OO b m i n -1
F:65
b .min"-1
Fag. 1 - - Trac6 ECG per- et postopdratolre: 1) apr6s la d6programmatmn accadentelle, le sttmulateur entralne it 120 b • mm -~, 2) la pose d'un mmant ram6ne la fr6quence h 100 b • mm-~; 3) apr6s la reprogrammation, le stlmulateur ddpanne 65 b • ram-l). d'abandonner le bistoun umpolmre pour la coagulation blpolaire Un test h l'mmant est pratlqu6 (fig 1, trac6 2), qua entra~ne lmmddmtement un ralentissement h 100 b • mm l Dans ces condmons, l'mmant est hx6 sur le bolUer de fa~on ~ garder en permanence le bdndfice du ralentissement L'intervenUon se ddroule alors sans incident et le paUent est r~vedl6 et extub6 Quelques heures plus tard, la reprogrammation du sumulateur est rdallsd sans dxfficult6, laissant appara]tre un rythme slnusal h 80 b • rain 1, le sumulateur prenant normalement le relais quand la frdquence spontan6e descend en dessous de 65 b • rain ~ (fig. 1, trac6 3). I1 n'exlste pas de sugmate dhsch6mle myocardNue. COMMENTAIRES
L'interf6rence la plus anciennement et la plus fr6quemment d6crite entre l'61ectrocoagulation et un stimulateur cardlaque rdsulte de l'inhlbttton de ce dernier par le courant h haute fr6quence ddlivr6 par le bistouri 61ectrique [6]. Ce courant est assimil6 fi une activit6 venmculaire spontande par le circuit de d6tection du stimulateur, qui arrSte alors la stimulation. De tels probl6mes sont toutefois devenus molns critiques, car les stimulateurs rdcents poss~dent des circuits de ddtection plus performants. Ceux-ci sont capables de reconnattre les artefacts 61ectriques et de se commuter alors en mode asynchrone [8]. Cependant, la complexit6 croissante des appareils est responsable de complications d'une autre nature, telle que la reprogrammatlon rapportde ici. Les observations d'incidents de ce type sont rares et rdcentes. Quatre publicahons [3-5, 8] regroupent dix observations, Dans sept cas, il s'aglssait
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d'actes de chirurgle cardiaque [4, 5, 8], dans les trois cas restants de chirurgie pulmonaire [8] ou cervicale [3, 8]. Le voisinage du champ opdratoire et de l'ensemble boitier-dlectrode de stimulation est un 61dment dEterminant dans la survenue de ce type de complication. Ce facteur est retrouv6 dans notre observation. En effet, le bistouri unipolaire a 6t6 utilis6 chez ce patient maigre quelques centim~tres seulement de l'61ectrode de stimulation. Dans la majorit6 des cas rapportds, l'electrocoagulation a entratn6 la commutation du stimulateur en <,. I1 s'aglt d ' u n mode de stimulation asynchrone, prdprogramm6 par le constructeur h une frdquence gdn6ralement faible, de l'ordre de 50 b • m i n - 1, ddclench6 en cas de parasitage 61ectrique [4, 5, 8]. Dans deux cas, une mauvaive tol6rance hdmodynamique a 6t6 constatde [4, 5]. Plus rarement, comme dans notre observation, une v6ritable reprogrammation aldatoire du stimulateur est survenue [3, 5]. Dans un cas [3], la reprogrammation a 6t6 favorisde par l'application sur le stimulateur d'un aimant. Celui-cl 6tait destin6 prdcis~ment i~ 6viter une interfdrence avec l'61ectrocoagulation en commutant l'appareil en mode asynchrone. Cependant ce geste, faisant partie intdgrante de la procddure de programmation, a permis au contraire la reprogrammation sous l'influence du bistouri 61ectrique. Dans notre observation, l'utilisation de l ' a i m a n t n'dtalt pas indispensable ~ la survenue de l'interfdrence car elle ne fait pas pattie de la proc6dure normale de programmation des stimulateurs CPI [3]. L'application de l'almant apr~s la reprogrammation accidentelle a au contraire permis de mettre le stimulateur en mode asynchrone i~ la frdquence prd6tablie par le constructeur (100 b • mtn-~), permettant ainsi un gain de 20 b • min -a dans l'attente de la reprogrammation. Le risque d'un tel accident rdsulte de l'impr6visibllit6 des caract6ristiques du nouveau r6glage. Celui-ci peut 8tre totalement inappropri6 h l'6tat du patient. Ainsi, en l'absence d'activit6 cardiaque spontan6e, une fr6quence de stimulation trop basse ou une amplitude du stimulus infdrieure au seuil de capture peuvent conduire ~ un accident hdmodynamique grave. I1 en est de mSme d'une frdquence de stimulation excessive (<< emballement du stimulateur >>), qui peut aboutir ~ une efflcacit6 circulatoire. Une 616vation mod6r6e de la frdquence, comme celle que nous avons observde, n'est pas obligato~rement anodine; si elle survient chez un coronarien rustable, une isch6mie myocardique peut en r6sulter. L'utilisation du bistouri dlectrique n'est pas, en milieu hospitalier, la seule circonstance oh une reprogrammation peut survenir. De tels accidents sont rapportds lors d'examens par rdsonance magn6tique nucl6aire, formellement contre-indiqu6s chez les patients appareillds [7] et surtout lors de la cardio,~ersion [1, 4] ofa les circuits de tdl6mdme du stimulateur peuvent ~tre endommagds de fa~on trr6versible, rendant ainsi l'6coute et la
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programmation impossibles et imposant l'explantation d'urgence [4]. Une caract6ristique dominante des accidents de d6programmation est leur sp6cificit6 vis-~t-vis d'un mod61e de stimulateur en ce qui concerne les conditions de survenue et les anomalies constat6es. Ce point est d'une grande importance, car il existe h l'heure actuelle plus de cent mod61es diff6rents construits par une dizaine de fabricants [8]. Les pr6cautions adapt6es pour 6viter l'accldent avec un appareil ne sont pas obligatoirement optimales pour un mod61e diff6rent [3]. De plus, l'appareil permettant la reprogrammation par voie exteme est lui aussi sp6cifique de la marque, voire de certains modules de la gamme produite sous cette marque. I1 arrive doric fr6quemment qu'il ne soit pas disponible dans un h6pital donnd, ce qui peut allonger de fa~on importante le d61ai n6cessaire h la reprogrammation. C'6tait le cas darts notre observation oia le technicien r6gional de la marque concem6e a dO parcourir une distance importante pour effectuer la reprogrammation. La pr6vention de tels accidents repose sur plusieurs mesures : 1. L'usage de l'61ectrocoagulation monopolaire doit ~tre 6vit6 dans la mesure du possible, comme le recommandent la plupart des constructeurs de stimulateurs, surtout si le champ opdratoire est voisin de l'61ectrode ou du bo~tier de stimulation [3]. I1 faut rappeler h cette occasion qu'en plus des risques rapport6s ici l'61ectrocoagulation ~ proximit6 de l'dlectrode peut 6tre responsable de brfilures myocardiques avec perte de la stimulation et de fibrillations venmculaires [5]. La coagulation bipolaire peut ~tre utilis6e plus largement, aucun accident de ddprogrammation n'ayant 6t6 rapport6 lors de son emploi. 2. Si le bistouri monopolaire doit malgr6 tout ~tre employ6, il faut veiller ~ ce que la plaque soit correctement disposde, selon des r6gles ddj/~ pr6cis6es dans de nombreuses pubhcations [5, 6]. 3. Quand un patient appareill6 doit 6tre opdr6, il est souhaitable que le programmateur sp6cifique et une personne capable de l'utiliser soient disponibles sur place. Toutefois en raison du Hombre 61ev6 de porteurs de stimulateurs cardiaques et de la diversit6 du matdriel existant, cette pr6caution est inconstamment rdalisable.
J P CARAMELLA ET COLL
4. I1 ne faut pas apphquer un almant ?a titre prdventit si cette manoeuvre fair partie de la procddure de programmation du stimulateur, ou en l'absence de donndes sur cette procddure [3]. 5. Si une reprogrammation survient malgrd tout, et si la frdquence de stimulation est mapproprlde, l'apphcation d'un aimant doit 6tre tent6e. La fr6quence sous aimant est en effet gdndralement situde entre 80 et 100 b • rain -1 [3]. La reprogrammation dolt ensuite 6tre rdalis6e dans les meilleurs d61ais. En cas de tachycardie extrame, si l'application de l'almant ne rambne pas la fr6quence fi une valeur tol6rable, et si le programmateur est indisponible ou inefficace en raison d'une d6tdrioration du stimulateur [4], l'explantation et le remplacement du boitier peuvent s'imposer. 6. La v6rification systdmatique du stimulateur apr6s l'intervention s'impose tout autant que le contr61e prdopdratoire, car une reprogrammation peut fort bien passer inaper~ue, en particulier Sl l'op6r6 a une actlvit6 cardiaque spontande.
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