Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d’une procédure d’aide en réanimation

Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d’une procédure d’aide en réanimation

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Pour citer cet article : Docquois J, et al. Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation. Anesth Reanim. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001 Anesth Reanim. 2016; //: ///

Article spécial

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Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation Julie Docquois, Madenn Fouler 1, Nicolas Dochez 1, Mercé Jourdain, Erika Parmentier-Decrucq

Disponible sur internet le :

Hôpital Salengro, entrée EST, centre de réanimation, rue P.-Decoulx, 59037 Lille cedex, France

Correspondance : Erika Parmentier-Decrucq, Hôpital Salengro, entrée EST, centre de réanimation, rue P.-Decoulx, 59037 Lille cedex, France. [email protected]

Mots clés Limitations et arrêts des thérapeutiques Fin de vie Réanimation Procédure d'aide Soins de confort

Keywords Withholding and withdrawing of lifesustaining treatment End-of-life care Intensive care

1

Résumé Pour parvenir à améliorer la qualité des soins des patients en fin de vie hospitalisés en réanimation, une procédure d'aide à la mise en place de limitation et/ou d'arrêt des thérapeutiques (LAT) a été introduite à la fin de l'année 2009 au sein de notre pôle de réanimation. L'objectif principal de l'étude était d'observer s'il existait des modifications dans l'application des LAT, après 2 ans de la mise en place de cette procédure d'aide. Deux cent quatre-vingt-quinze patients décédés ont été inclus dans cette étude monocentrique rétrospective. Les données concernant les patients et les LAT ont été recueillies et comparées entre 2010 et 2012. Un questionnaire anonyme a été distribué aux soignants durant les mêmes périodes. Le taux de mortalité durant la période d'inclusion était de 20 %. Soixante-dix pour cent des décès ont été précédés d'un processus de LAT. Des bénéfices secondaires à la mise en place de la procédure d'aide à la limitation ont persisté en 2012 comme la traçabilité des LAT, l'information des familles. Le taux de satisfaction des soignants est resté constant à 60 %. Il y avait significativement moins de LAT décidées la 1re semaine d'hospitalisation en 2012 qu'en 2010 (respectivement 45 [47 %] contre 69 [62 %] ; p = 0,027). Les modalités d'application des LAT sont similaires entre 2010 et 2012. Les soins de confort sont réalisés de façon similaire en 2010 et 2012. Une procédure d'aide aux limitations des thérapeutiques entraîne de nombreux bénéfices secondaires. Ces bénéfices ont persisté dans le temps.

Summary Evaluation two years after establishment of a standardized order form for the withdrawal of life support in intensive care unit

Madenn Fouler et Nicolas Dochez ont contribué de manière égale à ce travail.

1

tome xx > n8x > xx 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001 © 2016 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ANREA-181

Pour citer cet article : Docquois J, et al. Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation. Anesth Reanim. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001

Article spécial

J. Docquois, M. Fouler, N. Dochez, M. Jourdain, E. Parmentier-Decrucq

Procedure Life support care

To achieve improved quality of care for the end-of-life patients, a procedure for withholding and withdrawing life-sustaining treatment has been introduced in our intensive care unit. The study's main objective is to observe the impact of this procedure for withholding and withdrawing lifesustaining treatment two years after. Two hundred and ninety-five deceased patients have been included in this retrospective single centre study. Data collection from 2010 and 2012 about the patients and the withholding and withdrawing of life-sustaining treatment were compared. Death rate during the inclusion period was of 20%. Seventy percent of the deaths were preceded by a withholding and withdrawing life-sustaining treatment. Secondary benefits of this procedure for withholding and withdrawing of life-sustaining treatment was ongoing in 2012, such as the traceability of the withholding and withdrawing of life-sustaining treatment, the information of the family and the nurse' satisfaction. Significantly fewer withholding and withdrawing of lifesustaining treatment were decided during the first week of hospitalization in 2012 than in 2010 (respectively 45 [47%] versus 69 [62%]; P = 0.027). The conditions and modalities for the withholding and withdrawing of life-sustaining treatment were similar in 2010 and 2012. Comfort cares were performed similarly between 2010 and 2012. A procedure for withholding and withdrawing life-sustaining treatment results in numerous secondary benefits. These benefits persist over time even if reminders are needed.

Introduction

2

Améliorer la qualité des soins des patients en fin de vie est un projet majeur de nos sociétés actuelles et notamment en réanimation. Le concept de la fin de vie et des soins palliatifs est apparu au cours des années 1950 en Angleterre, distinguant les soins de la personne « to care » et les soins curatifs « to cure ». Les limitations ou les arrêts des thérapeutiques (LAT) sont envisagés lorsque l'évolution en termes de survie ou de qualité de vie future du patient est défavorable [1–3]. En France, la loi Leonetti du 22 avril 2005 définit les modalités d'application des LAT, qui s'intègrent dans une réflexion collégiale et pluridisciplinaire (médicale et paramédicale), tout en respectant les volontés du patient. Même si depuis ces lois, les progrès en éthique médicale sont manifestes, il reste de nombreuses pistes d'amélioration comme la traçabilité dans le dossier ou la prise de décision d'arrêt thérapeutique [4]. Des travaux ont montré l'intérêt d'impliquer les équipes paramédicales dans la décision de LAT [5,6]. Plusieurs études ont démontré l'impact positif de l'utilisation soit d'un protocole sur les prises de décision [7], soit d'une procédure écrite d'aide aux LAT afin d'améliorer la prise en charge de la fin de vie et la satisfaction des équipes soignantes [8,9]. C'est dans cette perspective qu'une procédure d'aide à la mise en place des LAT a été réalisée et appliquée au sein de notre pôle de réanimation à la fin de l'année 2009 (annexe 1). Elle s'inspire des études françaises LATAREA et a pour but d'améliorer la prise en charge des patients en fin de vie. Dans les suites de cette mise en place, un questionnaire de satisfaction a été distribué auprès des soignants pour évaluer leur ressenti. Deux ans après, cette procédure d'aide était devenue une démarche habituelle au sein de notre pôle et nous nous sommes demandé si ce qu'elle avait modifié initialement dans nos pratiques avait persisté et si elle avait toujours un impact

auprès des soignants. L'objectif principal de l'étude était d'observer s'il existait une évolution dans l'application des LAT, après 2 ans d'utilisation de cette procédure d'aide aux LAT par rapport à son impact initial. L'objectif secondaire était de comparer les évolutions du ressenti du personnel soignant face à la réalisation des LAT au sein de ces mêmes services, entre la mise en place initiale de la procédure et 2 ans après cette introduction alors qu'elle était devenue routinière.

Matériel et méthode Il s'agit d'une étude monocentrique, descriptive, comparative, réalisée de manière rétrospective au sein de notre pôle de réanimation. Les patients ont été inclus du 1er janvier 2010 au 1er septembre 2010 et du 1er janvier 2012 au 1er septembre 2012.

Caractéristiques des patients Tous les patients décédés avec ou non une décision de limitation ou d'un arrêt des thérapeutiques ont été inclus. Au total, 295 patients ont été inclus : 164 (56 %) en 2010 et 131 (44 %) en 2012. Quatre patients ont été exclus, car leurs dossiers médicaux n'ont pas été retrouvés.

Données recueillies Les données démographiques et cliniques des patients ont été consignées, notamment l'index de gravité simplifié II (IGS II), la présence d'un antécédent de cancer et l'autonomie antérieure, le motif d'entrée en réanimation, et la durée d'hospitalisation. De nombreuses données concernant les LAT ont été recueillies comme leur présence, le nombre, le délai avec l'admission ou le décès, leur traçabilité. Les familles étaient considérées comme impliquées lorsqu'elles étaient présentes aux réunions

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Pour citer cet article : Docquois J, et al. Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation. Anesth Reanim. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001

TABLEAU I Comparaison des données entre 2010 et 2012 sur l'ensemble de la population Patients décédés (n = 299, 4 perdus de vue)

2010 (n = 164)

2012 (n = 131)

Sexe = homme

105 (64 %)

76 (58 %)

Âge à l'entrée

62 [50–76]

60 [50–72]

Autonome

128 (85 %)

96 (79 %)

Dépendant

16 (11 %)

20 (16 %)

Grabataire

7 (5 %)

6 (5 %)

30 (25–36)

27 (21–32)

60,5 [47–77]

61 [48–78]

49 (30 %)

40 (30 %)

5,6 [3–12]

9 [2–18]

Neurologique

66 (40 %)

29 (22 %)

Choc septique

57 (35 %)

57 (44 %)

Respiratoire

21 (13 %)

26 (20 %)

Autre cause

20 (12 %)

19 (15 %)

112 (68 %)

97 (74 %)

p

Données démographiques

Article spécial

Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation

0,3 0,4

Données recueillies à l'entrée en réanimation

Taux d'albumine (en g/L) Score IGS II Présence d'un antécédent de cancer

0,4 0,4 0,4 0,003 0,8 0,9

Données recueillies pendant l'hospitalisation Durée de séjour (en jours)

0,08

Motif d'hospitalisation en réanimation

Présence d'une LAT

< 0,001 0,1 0,1 0,6 0,3

Les valeurs sont exprimées en médiane et [25e–75e percentile] ou en valeur absolue et pourcentage ; IGS II : index de gravité simplifié 2 ; LAT : limitation ou arrêt de thérapeutique ; les données en gras sont les données statistiquement significatives.

Questionnaire de satisfaction Un questionnaire anonyme comportant 7 items a été distribué aux soignants (infirmiers, aides-soignants ou kinésithérapeutes) ayant au moins un an d'expérience professionnelle au sein de notre pôle de réanimation. Les questionnaires ont été recueillis d'octobre à novembre 2010 et de janvier à mars 2012 puis ont été comparés.

Résultats Deux cent quatre-vingt-dix-neuf patients sont décédés durant ces deux périodes. Quatre dossiers n'ont pu être retrouvés et ces patients ont donc été exclus de l'analyse.

Comparaisons des données entre 2010 et 2012 sur l'ensemble de la population Sur l'ensemble de la population, la seule différence significative mise en évidence concernait le nombre de patients hospitalisés pour une cause neurologique, plus élevé en 2010 qu'en 2012 (66 patients [40 %] en 2010 versus 29 patients [22 %] en 2012 ; p = 0,001) (tableau I).

Analyse statistique

Comparaison des données entre 2010 et 2012 des patients pour lesquels une LAT a été décidée

Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au logiciel SPSS (version 15.0 ; SPSS, Chicago, IL). Les résultats sont exprimés en médiane et [25e–75e] percentile pour les variables quantitatives et en nombre absolu et pourcentage pour les variables qualitatives. Pour les variables quantitatives, les 2 années ont été comparées en utilisant le test de Mann–Whitney et pour les variables qualitatives le test de Chi2. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme significative.

Concernant les patients pour lesquels une LAT a été décidée, il existait des différences significatives entre les groupes comme le sexe des patients et l'hospitalisation pour cause neurologique (tableau II). Pour la grande majorité des patients, une seule LAT a été décidée. Vingt-neuf patients ont eu 2 décisions de LAT, 2 patients 3 et 1 seul 4. Il s'agissait à chaque fois d'une incrémentation du niveau de LAT mais pas d'une révision de cette LAT. Il y avait

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expliquant la prise de décision des LAT et expliquant la prise en charge de la fin de vie et présentent lors de l'application des LAT.

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J. Docquois, M. Fouler, N. Dochez, M. Jourdain, E. Parmentier-Decrucq

TABLEAU II Comparaison des données entre 2010 et 2012 des patients pour lesquels une décision de LAT a été prise Patients décédés après une décision de LAT

2010 (n = 112)

2012 (n = 97)

Sexe = homme

77 (69 %)

53 (55 %)

Âge à l'entrée

64,8 [52–78]

62,2 [49–76]

Autonome

84 (79 %)

71 (78 %)

Dépendant

14 (15 %)

15 (17 %)

Grabataire

6 (6 %)

5 (6 %)

Score IGS II

60 [50–74]

58 [467–76]

50 (45 %)

25 (26 %)

Neurologique

33 (30 %)

37 (38 %)

Choc septique

17 (15 %)

21 (22 %)

Respiratoire

12 (11 %)

14 (14 %)

Autre cause

7 [4–15]

10 [3–215]

Décision de LAT prise la 1re semaine d'hospitalisation

69 (62 %)

45 (47 %)

Décision de LAT prise la 2e semaine d'hospitalisation

21 (19 %)

27 (28 %)

Décision de LAT prise après la 2e semaine d'hospitalisation

25 (23 %)

30 (31 %)

Délai de la première LAT par rapport à l'entrée (en jours)

5 [3–12]

8,5 [3–16]

Délai de la première LAT par rapport au décès (en jours)

1 [0–2]

1 [0–2,25]

Procédure de LAT tracée dans le courrier

103 (92 %)

84 (86,6 %)

Procédure de LAT tracée dans le dossier

93 (83,0 %)

84 (86,6 %)

62 (55,64)

46 (47,4 %)

Famille informée

95 (90 %)

86 (93 %)

Famille impliquée

11 (10 %)

7 (8 %)

p

Données démographiques 0,036 0,4

Données recueillies à l'entrée en réanimation 0,8 0,8 0,8 0,8

Données recueillies pendant l'hospitalisation Durée de séjour (en jours)

0,005

Motif d'hospitalisation en réanimation 0,2 0,2 0,4 0,1

Données concernant les LAT Délai de décision 0,027 0,1 0,2 0,061 1

Traçabilité

Procédure de LAT remplie

0,2 0,5 0,3

Information et implication de la famille 0,5 0,5

Les valeurs sont exprimées en médiane (25e–75e percentile) ou en valeur absolue et pourcentage ; IGS II : index de gravité simplifié 2 ; LAT : limitation ou arrêt de thérapeutique ; les données en gras sont les données statistiquement significatives.

4

significativement moins de LAT décidées la 1re semaine d'hospitalisation en 2012 qu'en 2010 (respectivement 45 [47 %] versus 69 [62 %] ; p = 0,027). Le délai de décision de la 1re LAT par rapport à l'entrée en réanimation était plus long en 2012 qu'en 2010 (respectivement 8,5 [3–16] jours en 2012 versus 5 [3–12] jours en 2010 ; p = 0,061). Par contre, il n'y avait pas de différence entre 2010 et 2012 concernant le nombre de LAT réalisées au cours de la deuxième semaine

d'hospitalisation, ni après la deuxième semaine d'hospitalisation. Le nombre d'arrêts thérapeutiques n'était pas différent entre 2010 et 2012. Sur la procédure d'aide à la décision de LAT, il est noté le nom des intervenants avec au minimum le nom d'un médecin senior, le nom d'un interne et d'un infirmier confirmant le caractère collégial de la décision. Il n'était pas noté dans la procédure l'avis du médecin extérieur. L'avis du médecin traitant a été demandé dans 3 cas.

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TABLEAU III Comparaison entre 2010 et 2012 des différentes modalités d'application des LAT Modalités d'application des LAT

2010 (n = 112)

2012 (n = 97)

Pas d'administration ou non incrémentation d'amines

67 (60 %)

44 (45 %)

Pas de réalisation d'épuration extrarénale

70 (62 %)

42 (43 %)

Pas de réalisation de transfusion

45 (40 %)

26 (27 %)

Pas de massage cardiaque externe

74 (66 %)

58 (60 %)

Pas de réalisation d'intubation oro-trachéale

36 (32 %)

25 (26 %)

Limitation du mode ventilatoire

26 (23 %)

14 (14 %)

Limitation de la FiO2

35 (31 %)

23 (28 %)

Pas de réalisation de ventilation non invasive

33 (30 %)

22 (23 %)

1 (1 %)

4 (4 %)

Pas de réalisation de chirurgie

37 (33 %)

33 (34 %)

Limitations thérapeutiques sans précision

11 (10 %)

22 (23 %)

Présence d'un arrêt des thérapeutiques

72 (64,9 %)

67 (69 %)

Arrêt des thérapeutiques sans précision

26 (23,3 %)

17 (18 %)

9 (8 %)

9 (9 %)

Arrêt des amines

21 (19 %)

13 (13 %)

Arrêt de l'épuration extrarénale

15 (13 %)

7 (7 %)

Arrêt de la nutrition

21 (19 %)

7 (7 %)

Arrêt de la ventilation non invasive

7 (6 %)

1 (1 %)

Arrêt de la ventilation mécanique

9 (8 %)

3 (3 %)

Sédation de confort

47 (42 %)

36 (37 %)

Soins de confort notés dans le courrier ou le dossier

10 (9 %)

12 (12 %)

Arrêt du monitoring

5 (5 %)

4 (4 %)

Arrêt des examens complémentaires

38 (34 %)

22 (23 %)

Arrêt des aspirations bronchiques

11 (10 %)

7 (7 %)

Pas d'administration d'antibiotiques

Réalisation d'une extubation

p 0,037

Article spécial

Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation

0,006 0,042 0,3 0,3 0,1 0,2 0,3 0,2 0,9 0,011 0,520 0,310 0,749 0,296 0,1 0,015 0,071 0,1 0,5 0,4 1 0,073 0,5

Les valeurs sont exprimées en valeur absolue et pourcentage ; LAT : limitation ou arrêt de thérapeutique ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; les données en gras sont les données statistiquement significatives.

Concernant les modalités d'application des arrêts thérapeutiques, l'arrêt de la nutrition a été beaucoup plus souvent réalisé en 2010 qu'en 2012 (respectivement 21 patients [19 %] versus 7 patients [7 %] ; p = 0,015) (tableau III). Il n'y avait pas de différence significative entre 2010 et 2012 sur la réalisation de l'extubation terminale, l'arrêt de la ventilation mécanique, l'arrêt de l'administration des amines, l'arrêt de l'épuration extrarénale, ni l'arrêt de la VNI. Il n'y avait pas de différence significative entre 2010 et 2012 en ce qui concerne la réalisation et l'administration des soins de confort, l'arrêt du monitorage, ni l'arrêt des aspirations bronchiques. Les examens

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complémentaires ont eu tendance à être moins souvent arrêtés en 2012 qu'en 2010 (respectivement 38 patients [34 %] versus 22 [23 %] ; p = 0,073). Les modalités des limitations thérapeutiques étaient moins précisées en 2012 qu'en 2010 (respectivement 22 patients [23 %] en 2012 versus 11 patients [10 %] en 2010 ; p = 0,011).

Questionnaires de satisfaction Cinquante-trois questionnaires avaient été remplis en 2010 et 41 en 2012 (tableau IV). À chaque réponse favorable était attribué un point et à chaque soignant était attribué un score sur 7 points. Afin de réaliser ce score, la réponse NON a été notée comme étant positive pour les questions 2 et 3. Le taux de

5

Comparaison entre 2010 et 2012 des différentes modalités d'application des LAT

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Article spécial

J. Docquois, M. Fouler, N. Dochez, M. Jourdain, E. Parmentier-Decrucq

TABLEAU IV Comparaison entre 2010 et 2012 des questionnaires des soignants 2010 (n = 53)

2012 (n = 41)

p

Y a-t-il une réflexion éthique impliquant les soignants dans le service ? (réponse = OUI)

43 (81 %)

33 (83 %)

0,9

Pensez-vous que la réflexion sur une LAT soit trop tardive au cours de la prise en charge ? (réponse = NON)

38 (73 %)

21(60 %)

0,2

Pensez-vous qu'il y a encore des situations d'acharnement thérapeutique dans le service ? (réponse = NON)

20 (39 %)

12 (29 %)

0,3

Êtes-vous satisfait des processus de LAT dans le service ? (réponse = OUI)

35 (69 %)

30 (77 %)

0,4

Pensez-vous que la procédure ait amélioré les prises en charge ? (réponse = OUI)

41 (79 %)

34 (85 %)

0,5

Pensez-vous que la procédure de LAT soit une aide à la réflexion ? (réponse = OUI)

45 (85 %)

38 (93 %)

0,3

Êtes-vous satisfait sur les modalités de LAT dans le service ? (réponse = OUI)

32 (64 %)

25 (61 %)

0,8

Score total sur 7 points

5 [3–6,5]

5 [3–6]

0,7

Questionnaire des soignants

Les valeurs sont exprimées en médiane [25e–75e] percentile et en valeur absolue et pourcentage ; LAT : limitation ou arrêt de thérapeutique.

satisfaction concernant les procédures de LAT est élevé en 2010 et en 2012 : respectivement 69 % et 77 % (p = 0,4). Les soignants pensaient globalement en 2010 et en 2012 que la procédure de LAT avait amélioré les prises en charge (respectivement dans 79 % et 85 % des cas ; p = 0,5) et que cette procédure avait aidé à la réflexion concernant la fin de vie (respectivement dans 85 % et 93 % des cas ; p = 0,3). Ils étaient satisfaits des modalités d'application de la LAT (dans 64 % des cas en 2010 et 61 % en 2012 ; p = 0,7). Le score médian de satisfaction était identique en 2010 et en 2012 et coté à 5 sur 7 (p = 0,7).

Discussion

6

Les caractéristiques de la population étudiée sont comparables aux données concernant les patients hospitalisés en réanimation de la littérature. Le taux de mortalité en réanimation selon l'étude LATAREA est de 20 %, identique à celui retrouvé dans ce travail [8]. L'âge à l'entrée en réanimation élevé, la plus grande proportion d'hommes hospitalisés en réanimation (ratio homme/femme de 1,6) sont similaires aux données françaises et européennes [8,10]. Le taux de LAT instauré avant le décès est similaire aux pratiques européennes [10], mais reste en deçà des taux constatés aux États-Unis [8,11]. Entre 2010 et 2012, les motifs d'hospitalisation étaient différents. En 2010, la première cause d'hospitalisation était neurologique. Cette différence de recrutement peut s'expliquer par la participation du pôle de réanimation à l'étude ICE réa. Cette étude réalisée en 2010 évaluait le refroidissement des arrêts cardiorespiratoires, ce qui a induit une augmentation du recrutement des patients en anoxie cérébrale. Les modalités d'application des LAT au sein du service de réanimation sont identiques à celles retrouvées dans la littérature, à savoir les limitations thérapeutiques concernant les amines,

l'épuration extrarénale et la transfusion de dérivés sanguins [8,12]. La première modalité d'arrêt thérapeutique est l'arrêt de l'administration des amines, ce qui avait été mis en évidence dans l'étude LATAREA 1 [8]. Les arrêts thérapeutiques sont ciblés sur des traitements rares, coûteux, invasifs, de haute technologie et qui provoquent rapidement une issue fatale lors de leur retrait [12]. Le taux d'extubations terminales de notre travail est de 8 %. Il est 2 fois supérieur à celui de l'étude LATAREA 1, et traduit une évolution progressive vers les tendances américaines d'extubation terminale [2]. Pour autant, ce chiffre reste faible. L'arrêt de la ventilation est perçu par la majorité des médecins comme la dernière suppléance vitale à arrêter. L'extubation terminale est de plus difficilement appréhendée par toutes les équipes soignantes, dont les médecins. Nous avons beaucoup discuté de cette problématique avec les équipes soignantes au cours de notre participation à l'étude ARREVE. Cette étude comparait les deux modes d'arrêt de ventilation mécanique (sevrage ultime et extubation). La crainte la plus importante des équipes soignantes était la crainte d'un inconfort du patient. Les premiers résultats de cette étude semblent confirmer cette crainte, car pour près de la moitié des répondeurs au questionnaire (63 % des IDE et 28 % des médecins), il existe une différence morale entre extubation et sevrage ultime. L'arrêt du support nutritionnel est peu réalisé dans notre service (21 % en 2010 et 7 % en 2012). Ceci montre bien les difficultés de perception que pose l'arrêt de ce traitement à de nombreux soignants Les taux de traçabilité des procédures d'aide à la limitation sont élevés en 2010 et en 2012. Ils sont supérieurs à ceux retrouvés dans les études françaises LATAREA 1 et MAHO, mais comparables aux taux américains [8,11]. Par contre, il manque à notre procédure d'aide la traçabilité de l'intervention du médecin extérieur. Ce point a été optimisé depuis l'informatisation de nos dossiers fin 2012 avec une procédure d'aide

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Pour citer cet article : Docquois J, et al. Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation. Anesth Reanim. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001

intégrée au dossier informatique, aide à une meilleure traçabilité. Les directives anticipées étaient connues pour un faible nombre de patients (5 %), taux inférieur à l'étude LATAREA 1. Plusieurs études ont montré que peu de patients hospitalisés en réanimation expriment leurs souhaits concernant la fin de vie, s'expliquant par une carence à la fois médicale et sociale [13–15]. Dans ce travail, le taux d'information des familles est très élevé (93 %), supérieur aux données de travaux antérieurs qui ont été réalisés avant l'application de la loi du 4 mars 2002. Ce taux contraste avec la faible implication des familles retrouvée dans cette étude (8 % en 2012). Des travaux de la littérature ont mis en évidence qu'un taux élevé de familles (50 %) ne souhaitait pas être impliqué dans le processus décisionnel [16,17]. Les bénéfices de la mise en place d'une procédure d'aide à la limitation des thérapeutiques ont persisté entre 2010 et 2012, comme la sédation de confort réalisée chez 40 % des patients, taux semblable à celui de l'étude LATAREA 1 et MAHO mais qui reste faible. Le taux de satisfaction des soignants est similaire entre 2010 et 2012, et il est supérieur à ceux retrouvés dans la littérature [6]. Il faut cependant noter que 40 % d'entre eux ne sont pas satisfaits de l'application des LAT. Le délai de prise de décision de LAT s'est allongé entre 2010 et 2012 : moins de LAT ont été décidées durant la première semaine 47 % contre 62 % en 2010 (p = 0,027). Ces taux sont plus faibles que ceux de l'étude LATAREA 1. Après analyse de ces résultats, nous avons intensifié les formations théoriques auprès des soignants sur ce qu'était une LAT, leur cadre juridique et leur modalité d'application. Nous avons également réalisé des formations équivalentes pour chaque semestre d'interne. Très récemment, des jeux de rôle sur cette thématique ont été commencés pour les internes. Plusieurs limites à cette étude peuvent être soulevées. Il s'agit d'une étude monocentrique rétrospective, qui présente un biais de sélection : les patients vivants pour lesquels une décision de LAT avait été prise ont été exclus, car leur nombre était insuffisant (6 patients). Un biais de confusion possible de ce travail est la traçabilité moins précise des procédures en 2012, pouvant expliquer certains résultats. La mise en place des soins de fin de vie au sein des services de réanimation est influencée par les habitudes du personnel soignant. Il paraît nécessaire d'approfondir l'apprentissage des aspects pratiques de la fin de vie, dans un processus

d'éducation et de formation continue [18,19]. Il convient également d'améliorer la collaboration du patient et de sa famille à la prise en charge, d'une part, au sein des services de réanimation par un renforcement du recueil des directives anticipées [20], mais également par l'intermédiaire de campagnes de sensibilisation de la population [21]. Enfin, il est nécessaire de rappeler l'importance de l'avis du médecin traitant dans la procédure de mise en place des LAT, qui est trop peu souvent demandé dans notre étude (3 patients seulement).

Article spécial

Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation

Conclusion Deux ans après son introduction, l'impact de la procédure d'aide à la limitation et à l'arrêt thérapeutique au sein du pôle de réanimation semble positif. En effet, de nombreux bénéfices secondaires à la mise en place de cette procédure persistent en 2012 tels que la traçabilité des LAT, l'information des familles et l'application de ces LAT. La satisfaction des soignants à propos des prises de décisions concernant la fin de vie est restée stable. Cependant, des améliorations doivent encore être réalisées notamment en ce qui concerne le délai de la prise de décision de la LAT, la traçabilité des modalités des LAT avec notamment une description plus exhaustive des modalités d'application des LAT et le développement des directives anticipées. L'organisation de formation pour les soignants et la sensibilisation de la population à la prise en charge de la fin de vie et la participation plus importante d'équipes mobiles de soins palliatifs pourraient améliorer la prise en charge des patients, de leurs proches et des soignants.

Points clés 

Une procédure de LAT aide à la décision de ces LAT.



Une procédure d'aide aux LAT facilite le vécu des soignants.



Ces bénéfices persistent deux ans après la mise en place notamment en termes de traçabilité.

Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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Matériel complémentaire Complément électronique disponible sur le site Internet de Anesthésie & Réanimation (http://dx.doi.org/10. 1016/j.anrea.2016.11.001).

Pour citer cet article : Docquois J, et al. Suivi des limitations thérapeutiques après mise en place d'une procédure d'aide en réanimation. Anesth Reanim. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2016.11.001

Article spécial

J. Docquois, M. Fouler, N. Dochez, M. Jourdain, E. Parmentier-Decrucq

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