Revue du rhumatisme 77 (2010) 206–207
Fait clinique
Syndrome de Sapho chez un adulte atteint de colite ulcéreuse répondeur au pamidronate intraveineux夽 Keith Siau ∗ , Cathy J. Laversuch Service de rhumatologie, hôpital Musgrove Park, Taunton, TA1 5DA, Royaume-Uni
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 13 octobre 2009 ´ Disponible sur Internet le 20 fevrier 2010 Mots clés : Sapho Maladie inflammatoire de l’intestin Colite ulcéreuse
r é s u m é Le syndrome de synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite (Sapho) correspond à un groupe hétérogène de troubles inflammatoires ostéoarticulaires stériles classiquement associés à des lésions cutanées. Il est occasionnellement associé à une maladie entéropathique comme la colite ulcéreuse. Nous présentons le cas d’une patiente âgée de 39 ans présentant une colite ulcéreuse chronique, qui a développé le syndrome de Sapho entéropathique et réagi positivement au pamidronate. ´ e´ franc¸aise de rhumatologie. Crown Copyright © 2009 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Societ Tous droits réservés.
1. Contexte Le syndrome de synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite (Sapho) correspond à un groupe hétérogène de troubles inflammatoires ostéoarticulaires stériles classiquement associés à des lésions cutanées. Il est occasionnellement associé à une maladie entéropathique comme la colite ulcéreuse. 2. Présentation du cas Nous présentons le cas d’une patiente caucasienne âgée de 39 ans présentant une colite ulcéreuse chronique évoluant depuis 20 ans, qui nous est adressée pour une douleur claviculaire droite récurrente associée à un œdème. Elle avait été vue par des spécialistes du rachis deux ans auparavant pour une douleur subaiguë du dos. L’IRM avait alors révélé des lésions multiples affectant les corps vertébraux T7, T11, L2 et L4 (Fig. 1), l’histologie du prélèvement de la moelle était normale. À l’examen, la clavicule droite était chaude, gonflée et atrocement douloureuse. Il n’y avait pas de résultats d’examens cutanés. Une nouvelle IRM révélait un signal de STIR hyperintense affectant la totalité de la clavicule droite (Fig. 2), en présence d’une guérison complète de la pathologie vertébrale. Les résultats des examens sanguins de routine ne montraient pas d’anomalie, excepté une légère augmentation de la protéine Créactive à 17 mg/L. Les hémocultures étaient négatives. La biopsie
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2009.05.017). ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (K. Siau),
[email protected] (C.J. Laversuch).
claviculaire révélait un os trabéculaire irrégulier et scléreux avec une augmentation des activités ostéoblastique et ostéoclastique. Au vu de la coexistence de la colite ulcéreuse, de l’hyperostose et de l’ostéite stérile de la clavicule, le diagnostic de syndrome de Sapho entéropathique est posé. Une perfusion de pamidronate permet de conduire la patiente à la rémission de fac¸on efficace. Elle rec¸oit désormais des perfusions de pamidronate pour les rechutes.
3. Discussion D’après Kahn et Khan [1], la présence d’ostéite chronique récurrente multifocale (OCRM) per se, même en l’absence de manifestation dermatologique, est suffisante pour établir le diagnostic du syndrome de Sapho. Typiquement, l’OCRM a une prédisposition pour la paroi thoracique antérieure dans 65 à 90 % [3] des cas, et en particulier pour le fragment interne de la clavicule, et dans 30 % des cas pour les vertèbres. La moelle touchée est élargie et scléreuse, un œdème de la moelle épinière est observé à l’IRM [3]. Histologiquement, une réaction périostale avec augmentation des activités ostéoblastique et ostéoclastique peut être observée [2]. La survenue d’un syndrome de Sapho chez un patient atteint de colite ulcéreuse est rare. L’incidence est inconnue, bien que l’incidence de l’OCRM ait été estimée à 0,04 % [4], avec une entéopathie touchant environ 9 % des patients OCRM R [5]. Quatre-vingts pour cent des cas surviennent conjointement à une maladie de Crohn et 20 % à une colite ulcéreuse [6], mais la majorité des cas survient chez les enfants. Le syndrome de Sapho entéropathique se manifeste exclusivement par l’OCRM, en l’absence de lésion cutanée ou de synovite [5]. Sa pathogénèse n’est pas établie. Quelques auteurs considèrent le syndrome de Sapho comme une autre composante des spondylarthropathies séronégatives [7], en raison de caractéristiques communes comme la sacroiliite [2,7],
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K. Siau, C.J. Laversuch / Revue du rhumatisme 77 (2010) 206–207
Fig. 1. Lésions vertébrales hyperintenses en T7, T11 et L2, avec un corps vertébral L4 scléreux diffus en T1 à l’IRM.
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résultante est une réponse systémique disproportionnée aux bactéries de l’intestin [8]. Nous supposons que la perméabilité anormale de l’intestin observée au cours de la colite ulcéreuse chronique peut contribuer à ce processus inflammatoire. Toutefois, bien que le rôle de la membrane synoviale ait été exploré de fac¸on approfondie dans les maladies auto-immunes, la raison pour laquelle l’os devrait être visé n’est toujours pas établie. Actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique du syndrome de Sapho. L’infliximab peut avoir un rôle bénéfique dans le syndrome de Sapho associé à une maladie de Crohn, bien que cette évidence se limite à quelque cas rapportés. Dans notre cas, la colectomie n’a pas résolu les symptômes. Toutefois, les bisphosphonates intraveineuses sont devenus la pierre angulaire du traitement du syndrome de Sapho. Dans une série, le pamidronate a induit une rémission complète chez 60 % et une rémission partielle chez 30 % des patients [9]. Les bisphosphonates agissent sur la moelle déréglée en induisant une apoptose ostéoclastique et exercent un effet anti-inflammatoire via la modulation des cytokines [9]. Une meilleure compréhension du syndrome de Sapho et de sa pathogénèse est capitale pour le traitement de cette maladie, qui peut conduire à une morbidité prolongée [10]. Conflit d’intérêt Aucun. Références
Fig. 2. IRM (séquence STIR) montrant une hyperintensité dans la clavicule droite et les tissus voisins.
la légère prépondérance de l’HLA B27 [2] et les associations aux entéropathies [4,7], à l’uvéite et au psoriasis [2,4–7]. Les hypothèses actuelles concernant le syndrome de Sapho entéropathique impliquent le gène NOD2/CARD15 associé à la maladie de Crohn et qui fait défaut chez les patients présentant une susceptibilité génétique. Cela pouvant conduire à une surexpression NF-B, dont la
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