Syndrome d’Evans : attention aux diagnostics par excès

Syndrome d’Evans : attention aux diagnostics par excès

La Revue de médecine interne 33 (2012) 155–158 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Communication brève Syndrome d’Evans : attention aux ...

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La Revue de médecine interne 33 (2012) 155–158

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication brève

Syndrome d’Evans : attention aux diagnostics par excès Evans syndrome: Be careful of over-diagnosis H. Eddou , C. Helissey , J. Konopacki , B. Souleau , T. de Revel , J.-V. Malfuson ∗ Service d’hématologie clinique, hôpital d’instruction des armées Percy, BP 406, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 26 janvier 2012 Mots clés : Syndrome Evans Purpura thrombotique thrombocytopénique Myélodysplasie Manifestations immunologiques

r é s u m é Introduction. – Le syndrome d’Evans (SE) est caractérisé par la coexistence d’une anémie hémolytique auto-immune (AHAI) et d’un purpura thrombopénique immunologique (PTI). Bien que ce diagnostic soit souvent évoqué devant l’association anémie–thrombocytopénie, il s’agit d’une pathologie rare (0,8 à 3,7 % des patients avec PTI ou AHAI). Observations. – Nous rapportons trois patients initialement pris en charge comme des SE devant l’association thrombocytopénie–anémie hémolytique, avec pour deux d’entre eux un test de Coombs direct positif. L’échec du traitement et l’apparition de nouveaux éléments ont permis de redresser les diagnostics vers une microangiopathie thrombotique, une myélodysplasie associée à une hémolyse auto-immune et une anémie compliquant un purpura thrombopénique. Conclusion. – La présence de cytopénies dans un contexte immunologique n’est pas suffisante pour poser le diagnostic de SE. Nos observations permettent d’illustrer certaines difficultés pouvant survenir dans la pratique quotidienne et amener à des diagnostics par excès de cette entité. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Evans syndrome Thrombotic thrombocytopenic purpura Myelodysplastic syndrome Immunological events

Introduction. – Evans syndrome (ES) is characterized by the coexistence of an autoimmune hemolytic anemia (AIHA) and immune thrombocytopenic purpura (ITP). Despite being frequently evocated in the simultaneous presence of anemia and thrombocytopenia, this rare disease only accounts for 0.8 to 3.7% of patients with ITP or AIHA. Case reports. – We report three suspected cases of ES, diagnosed in the presence of thrombocytopenia and hemolytic anemia association, with a positive direct Coombs test in two patients. Standard ES treatment failure and occurrence of aditional features subsequently led to correct diagnosis to thrombotic thrombocytopenic purpura, myelodysplastic syndrome with AIHA, and ITP with hemorrhagic anemia, respectively. Conclusion. – Bicytopenias, even in an immunological context, are not sufficient to ascertain ES diagnosis. Our cases illustrate the diagnostic difficulties that may arise in daily practice, and induce over-diagnosis of this rare disease. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction Décrit pour la première fois en 1951, le syndrome d’Evans (SE) est caractérisé par la coexistence d’une anémie hémolytique auto-immune (AHAI), d’un purpura thrombocytopénique immunologique (PTI) et éventuellement d’une neutropénie auto-immune [1]. Les SE se partagent équitablement entre des SE primaires ou

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-V. Malfuson).

idiopathiques et des SE secondaires associés à des pathologies dominées par les connectivites (40 % des SE secondaires), les hémopathies lymphoïdes (30 %) et les déficits immunitaires primitifs (18 %) [2]. Il s’agit d’une affection rare, retrouvée chez moins de 1 % des patients affectés de PTI et moins de 5 % des patients atteints d’AHAI [3]. Malgré ces données épidémiologiques, la fréquence de l’association anémie–thrombocytopénie, la bonne sensibilité et le manque de spécificité des marqueurs d’hémolyse et du test de Coombs peuvent amener à porter à tort le diagnostic de SE. Nous rapportons trois observations de patients admis pour bicytopénie, diagnostiqués et traités comme SE, et dont l’échec

0248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2011.12.006

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du traitement et l’apparition d’éléments nouveaux ont permis de redresser les diagnostics. 2. Observations

(SMD) de type cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée initialement associée à une AHAI. Le patient bénéficiait d’un soutien transfusionnel symptomatique. 2.3. Observation 3

2.1. Observation 1 Une patiente de 55 ans, sans antécédent notable, était admise pour exploration d’une bicytopénie associée à une asthénie évoluant depuis 15 jours. L’interrogatoire retenait des arthralgies et une fluxion parotidienne dans les mois précédant l’hospitalisation. L’examen notait un syndrome anémique et un purpura pétéchial. Il n’y avait pas de syndrome tumoral périphérique, de syndrome sec oculaire ou de syndrome de Raynaud. La biologie révélait une anémie macrocytaire (6,5 g/dL) régénérative (taux de réticulocytes à 240 G/L) associée à une thrombocytopénie à 11 G/L. L’anémie était hémolytique avec un taux de LDH à 2400 U/L, une haptoglobinémie effondrée et une hyperbilirubinémie libre élevée (30 mmol/L). Le myélogramme confirmait l’origine périphérique de la thrombocytopénie. Le test de Coombs direct était positif à IgG++. La recherche de schizocytes pendant trois jours consécutifs était négative (< 1 %). Le bilan immunologique montrait la présence d’anticorps antinucléaires (ACAN) (> 1/1280) de spécificité anti-SSA. Le diagnostic de SE secondaire à une connectivite était retenu. Une corticothérapie était initiée (prednisone 1 mg/kg par jour). Après une semaine d’hospitalisation, alors que la thrombocytopénie restait profonde, la patiente présentait une aphasie transitoire. L’IRM cérébrale montrait des hypersignaux T2 de la substance blanche, faisant évoquer le diagnostic de vascularite dans le cadre d’une atteinte systémique. Des bolus quotidiens de 1 g de méthylprednisolone étaient débutés mais, trois jours plus tard, une dégradation neurologique à type de confusion et dysarthrie apparaissait. Un nouveau frottis sanguin montrait une schizocytose à 2,8 % permettant un diagnostic de purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), secondairement confirmé par l’effondrement (< 5 %) de l’activité de la « protéase A disintegrin and metalloproteinase with thrombospondin motifs 13 » (ADAMTS 13) et la mise en évidence d’anticorps anti-protéase. La prise en charge spécifique du PTT permettait un contrôle progressif de l’hémolyse et une récupération neurologique ad integrum. 2.2. Observation 2 Un patient de 69 ans était hospitalisé pour prise en charge d’une altération de l’état général. L’examen clinique mettait en évidence un syndrome anémique et hémorragique discret avec un ictère conjonctival, et l’examen abdominal trouvait une hépatomégalie modérée. Le bilan biologique montrait une anémie à 7,3 g/dL, macrocytaire avec un taux de réticulocytes à 115 G/L associée à une thrombocytopénie à 70 G/L, sans schizocytes sur le frottis sanguin. On notait également un taux de LDH à deux fois la normale, une haptoglobine effondrée et une hyperbilirubinémie libre à 67 mmol/L ; le test de Coombs direct était positif à IgG+. L’électrophorèse des protéines montrait une hypergammaglobulinémie d’allure polyclonale. Le bilan d’auto-immunité et séro-immunologique était négatif. Le myélogramme, hémodilué, était peu contributif. Devant ce tableau d’AHAI associée à une thrombocytopénie, le diagnostic de SE était retenu avec instauration d’une corticothérapie initialement à 1 mg/kg par jour de prednisone pendant dix jours puis 2 mg/kg par jour pendant 15 jours, sans réponse hématologique. Un traitement de deuxième intention par immunoglobulines polyvalentes était initié. L’évolution était défavorable avec apparition d’une hématurie et aggravation de la pancytopénie (thrombocytopénie à 9 G/L, neutropénie à 1 G/L et anémie à 7,3 g/dL), conduisant à un transfert dans notre unité. Une biopsie ostéomédullaire permettait de redresser le diagnostic en syndrome myélodysplasique

Un patient de 60 ans, suivi pour une bronchopneumopathie chronique obstructive de stade 2, était admis aux urgences pour prise en charge d’une dyspnée et d’un syndrome hémorragique cutanéomuqueux survenant au décours d’un épisode infectieux ORL. L’examen clinique était sans particularité en dehors du syndrome anémique et hémorragique. Le bilan biologique montrait une anémie macrocytaire à 5,9 g/dL, régénérative (réticulocytes à 273 G/L) associée à une thrombocytopénie profonde à 1 G/L. Il n’y avait pas de schizocytes sur le frottis sanguin. Le myélogramme montrait une moelle riche, avec nombreux mégacaryocytes. Le test de Coombs direct était négatif. Il existait des signes évocateurs d’hémolyse (haptoglobine effondrée, LDH à 660 UI/L [normale < 400] et bilirubine libre à 67 mmol/L) et une hypergammaglobulinémie polyclonale alors que le bilan séro-immunologique était négatif. Devant cette thrombocytopénie périphérique associée à une anémie hémolytique sans cause mécanique apparente, le diagnostic de SE était retenu. Le patient recevait une corticothérapie par 1 mg/kg par jour de prednisone sans amélioration. Il était transféré dans notre unité pour la suite de la prise en charge. L’interrogatoire et l’examen clinique notaient une notion de méléna et la présence d’hématomes des membres inférieurs. La fibroscopie œsogastroduodénale était en faveur d’une gastrite intense, saignant au contact de l’endoscope, avec duodénite. Le diagnostic était redressé en PTI responsable d’une hémorragie digestive et d’hématomes expliquant l’anémie et les stigmates d’hémolyse. Le patient bénéficiait d’un traitement par bolus de corticoïdes, immunoglobulines polyvalentes et support transfusionnel globulaire avec une bonne réponse. 3. Discussion Ce travail rapporte trois observations au cours desquelles le diagnostic de SE a été porté par excès devant l’association d’une anémie et d’une thrombocytopénie. Le PTT est le principal diagnostic différentiel du SE. Cette microangiopathie thrombotique (MAT) potentiellement grave est rare, avec une incidence annuelle de deux à sept cas par million d’habitants [4]. Dans sa forme acquise, il s’agit d’une maladie auto-immune, liée à un déficit en protéase de clivage du facteur Willebrand, l’ADAMTS13, résultant d’un auto-anticorps inhibiteur. Classiquement, le PTT associe cinq signes cardinaux : la fièvre, l’anémie hémolytique mécanique, la thrombocytopénie de consommation, l’atteinte neurologique et l’insuffisance rénale. Ce tableau n’est complet que dans 40 % des cas au diagnostic et de nombreux PTT peuvent être révélés par une simple bicytopénie [4]. Sur le plan biologique, le PTT est caractérisé par une anémie hémolytique avec le plus souvent un test de Coombs négatif et une thrombocytopénie périphérique. La mise en évidence de schizocytes sur le frottis sanguin est l’élément clef du diagnostic, affirmant le caractère mécanique de l’hémolyse. La confirmation est apportée par la mise en évidence d’un effondrement de l’ADAMTS13. Deux éléments ont retardé le diagnostic chez le premier de nos patients : • l’absence de schizocytes sur les frottis réalisés les premiers jours. Dans le PTT, les schizocytes peuvent apparaître de fac¸on retardée par rapport aux symptômes cliniques et biologiques [5]. Leur recherche doit être répétée plusieurs jours avant d’éliminer ce diagnostic ;

H. Eddou et al. / La Revue de médecine interne 33 (2012) 155–158 Tableau 1 Différentes caractéristiques du syndrome d’Evans (SE) et du purpura thrombocytopénique et thrombopathique (PTT).

Anémie hémolytique Schizocytes Test de Coombs direct Thrombocytopénie périphérique Manifestations associées Biologie

Évolution Mortalité Traitement

Syndrome d’Evans

Purpura thrombocytopénique et thrombopathique

Oui Non Oui Oui

Oui Oui Non (parfois positif) Oui

Maladie auto-immune, lymphomes, déficit immunitaire Anticorps antinucléaires, anticorps anti-cardiolipine Chronique avec poussées et rémissions 7–36 % Corticoïdes, immunoglobulines polyvalentes, rituximab, splénectomie, danazol, immunosuppresseurs

Fièvre, insuffisance rénale, trouble neurologique Baisse de l’ADAMTS13

Aiguë 33–35 % Échanges plasmatiques, plasma frais congelé, rituximab

• la présence d’un contexte immunologique biologique avec test de Coombs direct, ACAN et anti-SSA positifs orientait vers une connectivite. Mais le PTT est une maladie auto-immune, pouvant elle-même être associée à divers marqueurs d’auto-immunité. L’association PTT et lupus érythémateux disséminé (LED) est rapportée dans 2 à 4 % des cas de PTT chez l’adulte et atteint 26 % chez l’enfant [6,7]. Le diagnostic de PTT est alors porté dans 73 % des cas après celui du LED (dans un délai de trois mois à 25 ans), dans 12 % des cas il précède le LED et dans 15 % le diagnostic est concomitant. Dans cette dernière situation, la distinction entre PTT et SE reste difficile [8]. De nombreuses autres maladies auto-immunes ont été rapportées en association avec le PTT dont l’AHAI et le PTI [9,10]. Par ailleurs, en dehors de ces associations, différents autoanticorps peuvent être observés au cours du PTT [9]. Le Tableau 1 résume les différentes caractéristiques qui permettent de distinguer le PTT du SE. Les SMD, lorsqu’ils sont associés à des cytopénies d’origine périphérique, peuvent poser un problème de diagnostic différentiel avec le SE. Secondaires à une anomalie clonale de la cellule souche hématopoïétique, les SMD sont caractérisés par une hématopoïèse inefficace avec le plus souvent des cytopénies à moelle riche. Ces cytopénies sont d’origine centrale et le diagnostic, évoqué sur le frottis sanguin devant des dystrophies, est confirmé par le myélogramme qui relève les signes de dysplasie pouvant toucher les trois lignées de l’hématopoïèse. Chez le deuxième patient, la mauvaise qualité du myélogramme, la présence de marqueurs d’hémolyse et la positivité du test de Coombs ont retardé le diagnostic en orientant vers des cytopénies périphériques et immunologiques. La présence de signes évocateurs d’hémolyse chez les patients suivis pour myélodysplasie n’est pas rare, du fait de l’apoptose intramédullaire des précurseurs hématopoïétiques [11]. La mise en évidence de marqueurs d’autoimmunité (test de Coombs, ACAN, facteur rhumatoïde, etc.) ou de maladies auto-immunes (vascularite, cytopénie, polyarthrite rhumatoïde, etc.) est également fréquente au cours des SMD avec une incidence de 10 à 30 %, une prédominance masculine et une association aux anémies réfractaires avec excès de blastes [12,13]. L’incidence d’un test de Coombs positif est variable de 7 à 22 % [14]. D’autres cas d’auto-anticorps anti-hématies et d’agglutinines froides, sans signe d’hémolyse, ont été rapportés avec une

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fréquence de 34 % et 62 % respectivement [15]. Quelques cas de PTI ont été décrits, mais leur incidence reste faible [11]. Chez ce patient, l’analyse minutieuse du frottis sanguin et la répétition précoce des examens médullaires auraient permis de redresser plus rapidement le diagnostic. Le PTI est une maladie auto-immune définie par la présence d’une thrombocytopénie isolée en l’absence d’autres causes [16,17], le diagnostic restant un diagnostic d’élimination reposant sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques. La thrombocytopénie immune est généralement isolée, sans autre anomalie de l’hémogramme ou du frottis sanguin. Chez le troisième patient, la découverte d’une anémie régénérative avec une hémolyse biologique, sans saignement extériorisé initialement, a orienté vers une cause immunologique. Le diagnostic de SE est retenu malgré un test de Coombs négatif. L’évolution caractérisée par l’extériorisation d’une hémorragie digestive expliquant l’anémie profonde et surtout la découverte d’hématomes responsables du mouvement des paramètres de l’hémolyse ont permis de redresser le diagnostic. Dans notre expérience, les PTI aigus sévères s’accompagnent généralement d’une chute modérée de l’hémoglobine, probablement par hémorragies muqueuses a minima et ecchymoses multiples. Le SE de l’adulte est une pathologie rare, à prédominance féminine (60 % des patients), avec un âge moyen au diagnostic de 52 ans [2]. Une prédisposition familiale est notée, ainsi qu’une incidence supérieure chez les Caucasiens [18]. L’AHAI a une incidence annuelle de 0,8 à 3 pour 100 000, alors que le PTI est plus commun et son incidence est estimée à 6,6 pour 100 000 adultes [18,19]. L’incidence du SE est difficile à évaluer et il n’est diagnostiqué que dans 0,8 à 3,7 % de l’ensemble des patients présentant une AHAI ou un PTI [2]. Sur le plan clinique, l’AHAI et le PTI peuvent survenir simultanément ou séparément. La deuxième cytopénie peut se développer plusieurs mois voire plusieurs années après la première, retardant ainsi le diagnostic. La neutropénie peut concerner jusqu’à 55 % des patients [3]. Le diagnostic du SE repose sur l’association d’une AHAI et d’un PTI. Sur le plan biologique, le diagnostic de l’AHAI est évoqué devant une anémie normo- ou macrocytaire, régénérative (réticulocytes > 120 G/L). L’origine hémolytique est confirmée par une hyperbilirubinémie libre, un taux de LDH élevé, une haptoglobine très abaissée. L’origine auto-immune est affirmée par la positivité du test de Coombs direct qui détecte la présence d’immunoglobulines ou de complément sur la membrane des globules rouges. Dès le constat du caractère hémolytique de l’anémie, l’étude du frottis sanguin est capitale, d’autant plus qu’existe une thrombocytopénie. Cette étude du frottis doit éliminer l’existence d’un excès de schizocytes (> 1 %) qui signerait une hémolyse mécanique. Parfois (10 % des cas), l’anémie est non régénérative : phase initiale de l’AHAI, anticorps dirigés contre les précurseurs érythroblastiques ou carence en folates. Dans moins de 5 % des cas, le test de Coombs est négatif en présence d’une authentique AHAI. Ces faux-négatifs peuvent être liés à la présence d’anticorps de type IgA qui pourront être cherchés spécifiquement (seuls les IgG et le complément sont testés en routine) [20], d’anticorps de faible affinité « décrochant » pendant le lavage préalable au test, ou à des anticorps en trop faible quantité. En pratique, devant un test de Coombs négatif, il est impératif d’éliminer les autres causes d’anémie hémolytique voire de remettre en cause ce diagnostic. La valeur prédictive positive du test de Coombs est en revanche plus difficile à appréhender. Ainsi, le test de Coombs direct est positif chez 1/10 000 donneurs de sang sains et chez 10 % des malades hospitalisés quel qu’en soit le motif, ce qui peut expliquer qu’il soit positif chez nos deux premiers patients [21]. Parfois, le test de Coombs indirect peut être aussi positif [18]. Le diagnostic de PTI reste un diagnostic d’exclusion des autres causes de thrombocytopénie. La recherche d’anticorps

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Tableau 2 Bilan étiologique minimal devant un syndrome d’Evans proposé par Michel et al. [2]. Frottis sanguin Électrophorèse des protéines sériques et immunofixation Dosage des immunoglobulines sériques Immunophénotypage des lymphocytes B circulants La recherche d’anticorps antinucléaires, d’anticorps antiphospholipides Sérologies VIH, VHC et VHB Scanner thoraco-abdominopelvien Biopsie ostéomédullaire en cas D’éléments évocateurs d’hémopathie lymphoïde (gammapathie monoclonale, hypogammaglobulinémie, adénopathies) D’atypies sur l’hémogramme (neutropénie profonde, myélémie, réticulocytes bas)

antiplaquettes par techniques d’immunocapture telles que le monoclonal antibody immobilization of platelets antigens (MAIPA) a une bonne spécificité mais une sensibilité médiocre, son utilisation en routine n’est pas justifiée [18]. Avant 60 ans, en l’absence d’argument en faveur d’une hémopathie lymphoïde ou d’atypies sur la numération formule sanguine et le frottis sanguin, la réalisation systématique d’un myélogramme ou d’une biopsie ostéomédullaire n’est pas indispensable pour le diagnostic de PTI [22]. Cependant, dans un contexte évocateur de SE caractérisé par une bicytopénie, la réalisation d’un myélogramme nous paraît indispensable. Le SE peut survenir de fac¸on isolée (SE primaire ou idiopathique) ou en association avec d’autres pathologies (SE secondaire). Il n’y a pas de consensus concernant les explorations étiologiques systématiques devant un SE. Un bilan minimal a toutefois été proposé par Michel et al. (Tableau 2) [2]. Les associations les plus fréquentes sont les connectivites (LED surtout), le déficit immunitaire commun variable et les hémopathies lymphoïdes [20]. 4. Conclusion L’association anémie–thrombocytopénie, même dans un contexte immunologique, n’est pas suffisante pour poser le diagnostic de SE. Ces trois observations permettent d’illustrer certaines difficultés pouvant survenir dans la pratique quotidienne et amener à des diagnostics par excès de cette entité pathologique qui reste rare. La première observation rappelle le caractère extrêmement trompeur de certains PTT, avec dans ce cas une apparition très retardée de la schizocytose alors que le contexte immunologique était au premier plan. Chez le deuxième patient, malgré le test de Coombs positif, le diagnostic de myélodysplasie aurait pu être évoqué devant le caractère peu régénératif de l’anémie et la lecture attentive du frottis sanguin. Enfin, le troisième patient a présenté une hémorragie secondaire à un PTI dont le diagnostic a été retardé par son absence d’extériorisation et les stigmates d’hémolyse induits par les hématomes. Le diagnostic de SE doit donc suivre une démarche rigoureuse afin d’éliminer les nombreux pièges potentiels auxquels exposent le manque de spécificité des marqueurs biologiques majeurs, souvent interprétés dans le contexte d’urgence lié aux cytopénies. Il convient donc de s’assurer que les critères d’AHAI et de PTI sont bien respectés, que le frottis sanguin a été contrôlé a plusieurs reprises et il ne

faudra pas hésiter à remettre en cause ce diagnostic en cas de non réponse au traitement. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Evans RS, Takahashi K, Duane RT, Payne R, Liu C. Primary thrombocytopenic purpura and acquired hemolytic anemia; evidence for a common etiology. Arch Intern Med 1951;87:48–65. [2] Michel M, Chanet V, Dechartres A, Morin AS, Piette JC, Cirasino L, et al. The spectrum of Evans syndrome in adults: new insight into the disease based on the analysis of 68 cases. Blood 2009;114:3167–72. [3] Norton A, Roberts I. Management of Evans syndrome. Br J Haematol 2006;132:125–37. [4] Schleinitz N, Poullin P, Camoin L, Veit V, Bernit E, Mazodier K, et al. Le purpura thrombotique thrombocytopénique acquis de l’adulte : actualités. Rev Med Interne 2008;29:794–800. [5] Allford SL, Hunt BJ, Rose P, Machin SJ. Guidelines on the diagnosis and management of the thrombotic microangiopathic haemolytic anaemias. Br J Haematol 2003;120:556–73. [6] Vaidya S, Abul-ezz S, Lipsmeyer E. Thrombotic thrombocytopenic purpura and systemic lupus erythematosus. Scand J Rheumatol 2001;30:308–10. [7] Devinsky O, Petito CK, Alonso DR. Clinical and neuropathological findings in systemic lupus erythematosus: the role of vasculitis, heart emboli, and thrombotic thrombocytopenic purpura. Ann Neurol 1988;23:380–4. [8] Musio F, Bohen EM, Yuan CM, Welch PG. Review of thrombotic thrombocytopenic purpura in the setting of systemic lupus erythematosus. Semin Arthritis Rheum 1998;28:1–19. [9] Coppo P, Veyradier A, Monge M. Purpura thrombotique thrombocytopénique acquis idiopathique : une maladie auto-immune à part entière. Presse Med 2006;35:1876–86. [10] Coppo P, Bengoufa D, Veyradier A, Wolf M, Bussel A, Millot GA, et al. Severe ADAMTS13 deficiency in adult idiopathic thrombotic microangiopathies defines a subset of patients characterized by various autoimmune manifestations, lower platelet count, and mild renal involvement. Medicine (Baltimore) 2004;83:233–44. [11] Fain O, Braun T, Stirnemann J, Fenaux P. Manifestations systémiques et autoimmunes des syndromes myélodysplasiques. Rev Med Interne 2011;32:552–9. [12] Pinheiro RF, Silva MR, Chauffaille Mde L. The 5q-syndrome and autoimmune phenomena: report of three cases. Leuk Res 2006;30:507–10. [13] Voulgarelis M, Giannouli S, Ritis K, Tzioufas AG. Myelodysplasia-associated autoimmunity: clinical and pathophysiologic concepts. Eur J Clin Invest 2004;34:690–700. [14] Bouali F, Berrah A, Si Ahmed-Bouali D, Harrieche F, Benhalima M, Hamladji RM, et al. Manifestations immunes associées aux syndromes myélodysplasiques. Étude prospective de 40 patients. Rev Med Interne 2005;26:777–83. [15] Novaretti MC, Sopelete CR, Velloso ER, Rosa MF, Dorlhiac-Llacer PE, Chamone DA. Immunohematological findings in myelodysplastic syndrome. Acta Haematol 2001;105:1–6. [16] George JN, Definition. diagnosis and treatment of immune thrombocytopenic purpura. Haematologica 2009;94:759–62. [17] Audia S, Lorcerie B, Godeau B, Bonnotte B. Physiopathologie du purpura thrombopénique immunologique. Rev Med Interne 2011;32:350–7. [18] Lefkou E, Nelson-Piercy C, Hunt BJ. Evans’ syndrome in pregnancy: a systematic literature review and two new cases. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010;149:10–7. [19] Rischewski JR, Kuhne T, Imbach P, Ehl S. Evans syndrome and idiopathic thrombocytopenic purpura in families: consider autoimmune lymphoproliferative disease. Pediatr Blood Cancer 2008;50:1295–6. [20] Michel M. Caractéristiques des anémies hémolytiques auto-immunes à anticorps « chauds » et du syndrome d’Evans de l’adulte. Presse Med 2008;37:1309–18. [21] Philippe P. Diagnostic et prise en charge de l’anémie hémolytique autoimmune. Presse Med 2007;36:1959–69. [22] Neunert C, Lim W, Crowther M, Cohen A, Solberg Jr L, Crowther MA. The American Society of Hematology 2011 evidence-based practice guideline for immune thrombocytopenia. Blood 2011;117:4190–207.