Journal Europe ´en des Urgences (2009) 22, 18—23
CAS CLINIQUE
Syndrome muscarinique par ingestion de champignon : ` a propos de deux cas dont un mortel Muscarinic syndrome by mushroom ingestion: About two cases of which a mortal M.-H. Dehay a,*, F. de Sainte Mareville b, N. Assez c, V. Dherbecourt c,d, P. Goldstein d a
Service d’urgences-Smur, centre hospitalier de Maubeuge, Maubeuge, France Service des urgences-Smur, centre hospitalier de Roubaix, Roubaix, France c ´animation pre ´hospitalie `re, service d’aide me ´dicale d’urgence, Po ˆle de l’urgence et de re ´gional et universitaire de Lille, Lille, France centre hospitalier re d Centre antipoison, Lille, France b
Accepte´ le 14 janvier 2009 Disponible sur Internet le 26 mars 2009
´S MOTS CLE Intoxication ; Champignon ; Syndrome muscarinique
´sume ´ La France compte de nombreux champignons ve Re ´ne ´neux. Toutefois, les intoxications accidentelles par champignons restent rares. La majorite ´ de ces champignons toxiques ne provoquent souvent qu’une gastroente ´rite isole ´e et mode ´re ´e. Hormis les intoxications phalloı¨diennes (Amanita phalloides) responsables de 90 % des de ´ce `s, peu de champignons sont responsables de de ˆtre connus pour ´ce `s. La physiopathologie et les tableaux cliniques doivent e e ´viter les complications. D’une fac¸on ge ´ne ´rale, plus le de ´lai d’apparition des signes est court apre `s l’ingestion, moins le champignon est toxique. En pratique, la diffe ´renciation entre les syndromes ` a incubation courte ou longue doit e ˆtre nuance ´e. En effet, certains champignons responsables d’un syndrome muscarinien de courte latence (30 minutes a ` deux heures) peuvent e ˆtre mortels dans le cas d’ingestion massive et survenant chez un patient « fragilise ´ ». C’est le cas des inocybes. La prise en charge de `s la phase pre ´hospitalie `re est alors primordiale, car si la majorite a un traitement symptomatique, ´ des intoxications re ´pond ` les formes graves ne ´cessitent des mesures de re ´animation spe ´cifiques et l’administration d’atropine a ` forte dose jusqu’a ` disparition de l’hyperse ´cre ´tion. Nous rapportons le cas de deux syndromes muscariniques se ´volution ´ve `res par ingestion de champignons dont l’un fut d’e fatale. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s.
* Auteur correspondant. 2, place du Temple, 59000 Lille, France. Adresse e-mail :
[email protected] (M.H. Dehay). 0993-9857/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve ´s. doi:10.1016/j.jeur.2009.01.001
Syndrome muscarinique par ingestion de champignon
KEYWORDS Poisoning; Mushroom; Muscarinic syndrome
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Summary Many poisonous fungi exist in France. However, the accidental intoxications by mushrooms remain rare. The majority of these toxic mushrooms often cause only an isolated and moderated gastroenteritis. Except the intoxications phalloidines (Amanita phalloides), responsible for 90% of the deaths, few mushrooms are responsible for death. The clinical physiopathology and pictures must be known to avoid the complications. Mushroom poisoning is rare but sometimes very serious. The prognosis is dependent to the quantity ingested and the time taken for clinical signs to appear. Generally, more the time of appearance of the signs is short after ingestion, less the mushroom is toxic. In practice, differentiation between the syndromes with short or long incubation must be moderate. Indeed certain mushrooms responsible for a muscarinic syndrome of short latency (30 min to 2 h) can be mortals in the case of ingestion massive and occurring at a ‘‘weakened’’ patient. It is the case of inocybes. The prehospital management is very important, because if the majority of the intoxications answers a symptomatic treatment, the serious forms require specific measurements: intravenous atropine with strong amount until disappearance of the hypersecretion. We report two cases of severe muscarinic syndrome by accidental ingestion of inocybes among which the one was mortal quickly. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Chaque anne ´e, en France, la consommation de champignons supe ´rieurs est a ` l’origine de milliers d’intoxications, pour la plupart d’e ´volution favorable. Certaines intoxications sont graves, parfois mortelles et ne ´cessitent une re ´animation intensive. En France, il existe environ une centaine d’espe `ces toxiques, dont une vingtaine sont potentiellement mortelles [1]. La plupart des empoisonnements surviennent entre juillet et octobre lorsque la « pousse » est la plus abondante, augmentant les risques d’erreurs. En ge ´ne ´ral, plus le de ˆmes est court, moins le ´lai d’apparition des sympto champignon est toxique. Le pronostic des intoxications par certaines espe `ces suppose ´es comestibles peut ne ´anmoins e ˆtre redoutable lorsque certaines conditions sont re ´unies. Le pronostic de ´pend de plusieurs facteurs : quantite ´ inge ´re ´e (crus ou cuits), de ´lai d’apparition des signes cliniques apre `s l’ingestion, ante ´ce ´dents du patient. Nous de ´crivons l’observation d’une intoxication accidentelle par ingestion de champignons de la classe des inocybes responsables d’un syndrome muscarinique se ´ve `re survenu chez un couple de pharmaciens.
sous Zocor1, une hypothyroı¨die et une insuffisance respiratoire restrictive secondaire a ` une obe ´site ´ (90 kg pour 160 cm). On observe un syndrome muscarinique associant
2. Observation Le 5 octobre 2005, 14 h 30, M. G.G. contacte le Samu du Nord pour lui et son e ´pouse Mme G.H. en raison de la survenue de sympto ˆmes gastro-intestinaux (douleurs abdominales, vomissements, diarrhe ´es) associe ´s a ` des sueurs profuses. Son e ´pouse pre ´sente des troubles de conscience. La notion d’ingestion deux heures auparavant de champignons, suppose ´s comestibles, Marasmius oreades (Fig. 1), motive l’envoi des sapeurs pompiers (SP) qui confirment la ne ´cessite ´ d’un renfort me ˆge ´dical. En effet, la patiente, a ´e de 67 ans, est ` l’arrive inconsciente au domicile. A ´e de l’e ´quipe me ´dicale (Smur), la patiente est en arre ˆt cardiaque (AC) par asystole depuis cinq minutes et les manœuvres de re ´animation cardiopulmonaire sont en cours. Une intoxication « accidentelle » par Clitocybe rivulosa est alors e ´voque ´e par le me ´decin du centre antipoison (CAP). Une seconde e ´quipe est mobilise ´e pour prendre en charge l’e ´poux qui pre ´sente des troubles gastro-intestinaux. Les ante ´ce ´dents de cette patiente sont un diabe `te non insulinode ´pendant, une hypertension arte ´rielle traite ´e par Triatec1, une dyslipe ´mie
Figure 1 Marasmius oreades ou Faux Mousseron (illustration de Becker, G. Les champignons. Paris: Gru ¨nd, 2e e ´ditions;1985, p. 189). Chapeau convexe puis plan, toujours un peu mamelonne ˆtre, jaune chamois, un peu plus fonce ´, jaune blancha ´ au centre, avec des bords strie ´s en temps humide. Il mesure 3 a ` 5 cm. Les lamelles sont tre ˆtres ou `s espace ´es, ventrues, blancha de la me ˆme couleur que le chapeau. Le pied est jauna ˆtre, pa ˆle, plein, un peu renfle ´a ` la base et souvent tordu en spirale. Son odeur est agre ´able, surtout se ´che ´e.
20 diarrhe ´es profuses, myosis et une importante hyperse ´cre ´tion bronchique responsable d’un encombrement bronchique majeur. La patiente est rapidement intube ´e par voie orotrache ˆle ´ale puis ventile ´e en contro ´e (FIO2 : 100 % ; fre ´quence respiratoire (FR) : 15 c par minute ; pression inspiratoire (P insp.) : 45 mmHg ; volume courant (VT) : 600 ml par minute), l’administration de 5 mg d’adre ´naline et 10 mg d’atropine est ne ´cessaire pour re ´cupe ´rer une activite ´ cardiaque spontane ´e et lever le myosis. La pression arte ´rielle (PA) est de 180/100 mmHg, la fre ´quence cardiaque (FC) a ` 115 bpm, la saturation en oxyge `ne (SpO2) a ` 100 %, la capnie a ` 40 mmHg. La patiente pre ´sente une hypothermie mode ´re ´e a ` 33 8C. L’e ´lectrocardiogramme (ECG) montre une tachycardie sinusale avec un bloc de branche droit incomplet. La patiente est ensuite transfe ´re ´e dans un service de re ´animation me ´di` son cale au centre hospitalier re ´gional et universitaire. A arrive ´e dans le service, persistent des myoclonies postanoxiques sans signe de focalisation, un myosis serre ´. Seul le re ´flexe oculocardiaque (ROC) est encore pre ´sent. Le reste de l’examen clinique est sans particularite ´ : PA : 100/60 mmHg ; FC : 92 bpm. L’auscultation cardiopulmonaire et abdominale est normale. Les examens paracliniques (ionogramme sanguin, bilan he ´patique, fonction re ´nale) sont normaux a ` l’exception d’une hyperlactate ´mie a ` 7,49 mmol/l et une acidose me ´tabolique se ´ve `re (pH : 7,18 ; PaCO2 : 35 mmHg ; PaO2 :153 mmHg ; bicarbonates : 13 mmol/l) rapidement corrige ´e. La radiographie de thorax montre une pneumopathie d’inhalation de la base droite. Le scanner ce ´re ´bral re ´alise ´ dans le cadre d’une chute ayant pre ´ce ´de ´ l’AC ne re ´ve `le aucune anomalie visible. La prise en charge the ´rapeutique a consiste ´ en la poursuite de l’assistance ventilatoire. Sur les conseils CAP, l’administration d’atropine en bolus intraveineux a e ´te ´ maintenue jusqu’a ` tarissement de la bronchorrhe ´e et lever du myosis. Une antibiothe ´rapie par Augmentin1 1 g quatre fois par jour a e ´te ´ instaure ´e pour traiter la pneumopathie. Pour lutter contre les myoclonies re ´fractaires, un traitement anticonvulsivant par pentothal (Nesdonal1) a ` la posologie de 160 mg/h est mise en route puis rapidement arre ˆte ´ en l’absence d’argument en faveur ` d’un e ´tat de mal convulsif sur l’e ´lectroence ´phalogramme. A distance de l’arre ˆt des the ´rapeutiques, devant l’absence d’ame ´lioration neurologique (score de Glasgow a ` 3 et abolition des re ´flexes du tronc ce ´re ´bral) le diagnostic de mort ence ´phalique est porte ´. La patiente de ´ce `de une semaine apre `s son admission des suites de l’ence ´phalopathie postanoxique secondaire AC par syndrome muscarinique se ´ve `re sur intoxication accidentelle par des inocybes. L’e ˆge ´poux, M. G.G., est a ´ de 67 ans ; ses ante ´ce ´dents sont une hypertension arte ´rielle, une dyslipe ´mie, un e ´pisode de colique ne ´phre ´tique et une cataracte ope ´re ´e. Son traitement comprend du Zocor1 et ` l’arrive Modure ´tic1. A ´e du Smur, il est conscient et pre ´sente un syndrome muscarinique mode ´re ´ depuis 15 heures, avec sueurs, nause ´es et deux e ´pisodes diarrhe ´iques. Le reste de l’examen est sans particularite ´, les pupilles sont interme ´diaires et re ´actives. La PA est a ` 130/70 mmHg, la FC a ` 70 bpm, la SpO2 a ` 100 %, avec une FR a ` 16 c par minute. L’abdomen est souple et indolore. Le patient est apyre ´tique. L’ECG montre un rythme sinusal. La re ´hydratation est de ´bute ´e : un litre de se ´rum sale ´ isotonique (SSI) sur une heure, puis le patient est ` l’entre transporte ´ en re ´animation pour poursuivre les soins. A ´e dans le service, les pupilles sont en myosis serre ´ re ´actif, la conscience est normale, sans signe de focalisation, l’he ´mody-
M.-H. Dehay et al.
Figure 2 Inocybe patouillardii, du genre Inocybe (illustration de Becker, G. Les champignons. Paris: Gru ¨nd, 2e e ´ditions;1985, p. 252). Chapeau : jusqu’a ` 10 cm, d’abord blanc, virant au rougea ˆtre puis au brun. De forme conique, il s’e ´tale et se bosselle avec l’a ˆge mais conserve un le ´ger mamelon central. Il est sec, lobe ´, couvert de fibrilles soyeuses Sa bordure fine se craquelle. Son reve ˆtement est soyeux et fibrilleux. Pied : blanc, le ˆle et renfle ´ge `rement incurve ´, robuste ou gre ´a ` la base. Il est fibrilleux. Lamelles : blanches, rosissantes puis brunes (brun vermillon vers la marge), serre ´es, adne ´es, e ´margine ´es, presque libres. Chair : blanche, de saveur douce, avec une odeur assez fruite ´e. Les spores sont brun ocre, lisses. Son odeur spermatique est assez caracte ´ristique du genre. L’espe `ce est tre `s toxique du fait de la forte dose de muscarine qu’elle contient.
namique est stable. La radiographie de thorax et les gaz du sang sont normaux. On note une discre `te insuffisance re ´nale fonctionnelle (cre ´atinine a ` 14 mg/l et ure ´e a ` 0,55 g/l) rapidement normalise ´e par la re ´hydratation. Dans le service, il rec¸oit du charbon active ´ et de Duphalac1. Devant la persistance du myosis serre ´, l’atropine titre ´e intraveineuse est administre ´e jusqu’a ` disparition du myosis et diminution de la bronchorrhe ´e : 6 mg au total. En l’absence de complication, la sortie a e ´te ´ autorise ´e le lendemain. Le patient n’a pre ´sente ´ ` distance, un entretien aucune se ´quelle de son intoxication. A avec un psychiatre a e ´te ´ pre ´conise ´ pour soutenir le travail de deuil. Dans les deux cas, l’identification des champignons incrimine ´s a e ´te ´ rapidement (17 heures) effectue ´e a ` l’initiative du CAP et gra ˆce ` a la collaboration d’un mycologue expe ´rimente ´1. Celui-ci a ` partir d’un unique fragment re ´cupe ´re ´ et 1
Remerciements au Pr Courtecuisse R. pour sa collaboration. Laboratoire de botanique, faculte ´ de pharmacie de Lille-III, rue du Professeur-Laguesse, BP 83, 59006 Lille cedex, France.
Syndrome muscarinique par ingestion de champignon apre `s e ´tude des lamelles a de ´termine ´ le genre Inocybe des champignons responsables de l’intoxication (Fig. 2).
3. Discussion Si les intoxications mortelles par champignons augmentent de part le monde [2]. Elles sont pluto ˆt rares. En 2005, dans le Nord-pas-de-Calais, elles repre ´sentent 0,36 % (soit 141 cas sur 39 638) des appels au CAP de Lille. Le diagnostic d’intoxication repose sur la consommation d’une ou plusieurs varie ´te ´s de champignons, une bonne connaissance des signes cliniques et le de ´lai entre la consommation et l’apparition de ces signes [2,3]. Le de ´lai e ´coule ´ entre l’ingestion et l’apparition des premiers sympto ˆmes permet de distinguer les intoxication graves (temps de latence supe ´rieur a ` six heures) de celles au pronostic favorable (temps de latence entre 30 minutes et trois heures) qui repre ´sentent 90 % (Tableaux 1 et 2) [1]. L’incubation est courte (infe ´rieure a ` six heures) dans le syndrome muscarinique qui repre ´sente (25—30 %) des intoxications aigue ¨s, en majorite ´ d’e ´volution favorable [4] ; exceptionnellement, elles sont mortelles chez l’adulte [5]. En Europe, des cas d’intoxications se ´ve `res ont e ´te ´ rapporte ´s apre `s ingestion d’inocybes ou de clitocybes [6,7]. Dans l’observation pre ´sente ´e, l’intoxication re ´sulte d’une confusion entre champignons comestibles (genre Marasmius) et toxiques (genre Inocybe) partageant le me ˆme biotope. Les inocybes ont une action de stimulation directe des re ´cepteurs a ` ace ´tylcholine [8]. Ils sont pour une quarantaine d’entre eux responsables d’un syndrome muscarinien conse ´quence de la fixation de la muscarine (parasympathicomime ´tique puissant) au niveau des re ´cepteurs muscariniques. La presque totalite ´ des espe `ces sont toxiques (I. rimosa [ou I. fastigiata], I. geophylla, I. erubescens [I. patouillardii],
21 I. sindonia [I. eutheles]) et contiennent de la muscarine (0,1 a ` 0,3 % du poids sec). Elles entraıˆnent une intoxication similaire a ` l’intoxication par des clitocybes blancs [8].Certaines peuvent e ˆtre mortelles en cas d’ingestion massive et selon le terrain (a ˆge, insuffisance cardiaque, re ´nale, polypathologie) [1,9]. La dose le ´tale de muscarine chez l’homme est estime ´e entre 40 mg et 450 mg, soit 150 g d’inocybes frais [10]. Le genre Inocybe compte de nombreuses espe `ces (pre `s de 500 en France et 195 dans le Nord-Pas-de-Calais) dont la de ˆme pour des ´termination est souvent de ´licate, me « connaisseurs » avertis [11]. Si l’identification du genre est facile : chapeau conique puis mamelonne ˆtement ´, reve fibrilleux radialement, lames beiges grisa ˆtres a ` maturite ´, spores brun tabac, odeur le plus souvent spermatique, celle de l’espe `ce l’est moins [12]. La plus grande prudence s’impose en raison des risques de confusion a ` l’inte ´rieur du genre. Le syndrome muscarinien se manifeste 30 minutes a ` deux heures apre `s l’ingestion [8]. Cependant, en cas d’ingestion massive, la symptomatologie peut se de ´clarer de fac¸on plus pre ˆtre ´coce (15 a ` 20 minutes), elle peut e plus intense et plus prolonge a huit heures) [5,13]. ´e (trois ` Le tableau clinique est celui d’une « banale » gastroente ´rite avec nause ´es, vomissements, crampes abdominales, puis diarrhe ´es abondantes et fe ´tides auxquels s’ajoute un syndrome cholinergique (stimulation vagale). Les signes muscariniques re ´ve `lent une hyperactivite ´ parasympathique avec hyperse ´cre ´tion ge ´ne ´ralise ´e : une bradycardie, une baisse de la PA, un myosis, des sueurs, une vision trouble, un larmoiement, une hyperse ´cre ´tion bronchique, un bronchospasme, des sibilants, une dyspne ´e, une toux, une incontinence urinaire et fe ´cale [8,14]. Le principe de la prise en charge pre ´hospitalie `re repose sur le traitement symptomatique et la re ´hydratation des patients pre ´sentant des vomissements et diarrhe ´es profuses [15]. Le plus souvent, dans les intoxi-
Tableau 1 Intoxication aux champignons d’incubation « longue » (supe ´rieure a ` six heures), grands syndromes, e ´volution et indication du traitement e ´vacuateur. Syndromes
Espe `ces en cause
Dure ´e incubation
´volution E
Traitement e ´vacuateur
Phalloı¨dien
Amanite phalloides. . . A. phalloides et autres amanites : A. verna, A. virosa Certains cortinaires et Lepiota (L. helveola) et certaines Gale `res (Galerina marginata)
Huit a ` 36 heures
Inutile
Orellanien
Cortinaires de couleur vive Cortinarius orellanus C. orellanoides C. speciosissimus C. splendens C. cinnamomeus C. phoenicus Gyromitra G. esculenta G. sarcosphera G. eximia
Longue Trois a ` 18 jours
Souvent mortelle Trois formes : Forme be ´nigne : tableau de gastroente ´rite + : atteinte he ´patique Forme interme ´diaire : tableau d’he ´patite aigue ¨ Forme grave : he ´patite aigue ¨, fulminante Troubles digestifs Atteinte re ´nale ++
Gyromitrien
Longue Six a ` 24 heures
Troubles digestifs parfois Atteinte he ´patique tardive Troubles neurologique Hyperthermie Insuffisance re ´nale
Inutile
22
M.-H. Dehay et al.
Tableau 2 Intoxication aux champignons d’incubation « courte »(infe ´rieure a ` six heures), grands syndromes, e ´volution et indication du traitement e ´vacuateur. ´volution (rarement mortelle) E
Syndromes
Espe `ces en cause
Dure ´e incubation
Sudorien ou muscarinien
Clitocybes blancs (C. dealbata, C. rivulosa, C. candicans, C. cerussata, C. phylllophila) Inocybes (Inocybe I. fastigiata, I. geophylla, I. patouillardii, I. eutheles. . .) Amanita muscaria, A. pantherina, A. junquillea. . .
15 minutes a ` Troubles digestifs deux heures Hyperse ´cre ´tion Myosis Formes graves : troubles cardiovasculaires avec bradycardie, collapsus
Muscarien ou panthe ´rinien
Narcotinien
Champignons hallucinoge `nes (Stropharia, Pholiotina) Psilocybes (Psilocybe semilanceata, P. cyanescens)
Coprinien (effet antabuse) Re ´sinoı¨dien (irritation gastro-intestinale isole ´e, formes be ´nignes)
Coprinus Atramentarius Certaines espe `ces : Entoloma lividum, Tricholoma, Pardinum
a
Traitement e ´vacuateur + Antidote = atropine
Une a ` trois heures
Troubles digestifs + Troubles neurologiques : euphorie, e ´brie ´te ´, de ´lires, confusion Tachycardie Coma Mydriase 20 minutes Effets hallucinoge `nes comme ceux produits par le LSDa : anxie ´te ´, agitation, de ´lires, hallucinations, confusion et troubles psychiatriques avec possibles passages a ` l’acte he ´te ´ro- ou autoagressifs Tachycardie Mydriase 30 minutes a ` Malaise si consommation deux heures avec de l’alcool 15 minutes a ` Formes graves type syndrome deux heures phalloı¨dien (mais moins grave) : coma, collapsus, de ´shydratation, insuffisance re ´nale
LSD : die ´thylamide de l’acide lysergique ou N,N-die ´thyllysergamide.
cations par des inocybes, la symptomatologie est spontane ´ment re ´solutive en quelques heures et la re ´hydratation est suffisante [1]. L’e ´tat de conscience du patient et son e ´tat he ˆtre rapidement e ´modynamique doivent e ´value ´s dans les formes graves ne ´cessitant des mesures de re ´animation imme ´diates (intubation, remplissage vasculaire). Sur place, il est ne ´cessaire de recueillir (dans les restes du repas et le liquide gastrique) les champignons incrimine ´s pour une identification ulte ´rieure, celle-ci ne devant en aucun cas retarder la prise en charge clinique [1]. Dans la phase hospitalie `re, un bilan biologique sanguin (coagulation, fonction re ´nale et he ´patique, ionogramme) et urinaire doivent e ˆtre effectue ´s. Le traitement est essentiellement symptomatique. L’e ´vacuation digestive est propose ´e, que le caracte `re toxique du champignon soit connu ou non, mais la pre ´cocite ´ des sympto ˆmes en limite l’indication. L’administration de charbon active ´ dans les premie `res heures pre ´vient l’absorption et neutralise les effets toxiques. L’atropine est l’antidote de ces intoxications par la muscarine (me ´canisme compe ´titif) dans les formes « parasympathicomime ´tiques » : bolus intraveineux 0,5 mg (0,05 mg/kg chez l’enfant) toutes les 15 a ` 30 minutes jusqu’a ` lever du myosis et disparition des se ´cre ´tions [1]. Les formes les plus graves justifient de doses tre `s importantes sous monitorage strict pour e ´viter le surdosage. La re ´gression des signes doit survenir dans les heures suivantes [15]. Les formes graves (troubles digestifs majeurs) ou lorsque le patient a un terrain « fragilise ´ » (diabe `te, cardio-
pathie) justifient une me ´dicalisation par Smur et une hospitalisation en re ´animation pendant 24 heures au moins apre `s l’arre ˆt de l’atropine et jusqu’a ` gue ´rison totale [15].
4. Conclusion Le syndrome muscarinique est le second syndrome d’intoxication en fre ´quence. La symptomatologie est spontane ´ment re ´solutive et son e ´volution habituellement favorable en quelques heures. En revanche, lorsque les quantite ´s inge ´re ´es sont importantes ou le terrain « fragilise ´ », l’e ´volution peut e ˆtre fatale. Toute intoxication par champignons a ` effet muscarinique doit donc e ˆtre traite ´e avec la plus grande vigilance lorsque ces conditions sont re ´unies, ne ´cessitant une surveillance en re ´animation et l’administration d’atropine. L’information du public et le recours aux pharmaciens restent, en France, les meilleurs moyens d’e ´viter la confusion me ˆme si l’erreur reste possible. . .
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