Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus

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Pratiques psychologiques xxx (2018) xxx–xxx

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

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Dossier

Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus Working on illness acceptance in patient education: Example of an intervention “theatre workshops” for people with lupus M. Koleck a,∗, I. Raymond b, M.-P. Martin-Lasserre c, S. Faury a a Équipe « psychoépidémiologie du vieillissement et des maladies chroniques », Inserm U1219, université de Bordeaux, 146 rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France b Service de médecine interne et maladies infectieuses, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, 33604 Pessac, France c 33600 Pessac, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 15 mai 2018 Accepté le 20 octobre 2018 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Lupus Éducation thérapeutique Théâtre Représentation de la maladie Acceptation de la maladie

r é s u m é Dans cet article, nous proposons une réflexion autour de l’acceptation de la maladie chronique en éducation thérapeutique (ET). Ce travail se centre plus particulièrement sur la mise en place d’une intervention « ateliers théâtre », inspirée du théâtre du vécu, proposée à des personnes porteuses d’un lupus. Ces ateliers ont pour objectif de permettre une mise en mots et une mise en scène des événements identifiés comme invalidants par le patient. Le cadre et le déroulement de l’intervention seront présentés. Les résultats de l’étude exploratoire et la présentation d’une situation clinique permettront d’éclairer l’apport de ces ateliers dans

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Koleck). https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002 ´ e´ Franc¸aise de Psychologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ 1269-1763/© 2018 Societ es.

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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l’amélioration de la satisfaction de vie et de la perception de la maladie, ainsi que sa compréhension et son acceptation par les patients et leur entourage. Cette réflexion se conclura par l’intérêt de ce projet pour proposer un accompagnement optimisé en ET. ´ e´ Franc¸aise de Psychologie. Publie´ par Elsevier © 2018 Societ ´ ´ Masson SAS. Tous droits reserv es.

a b s t r a c t Keywords: Lupus Patient education Theater Illness representation Illness acceptance

In this article, a reflection concerning the acceptance of chronic illness in patient education (PE) is proposed. The research focuses on a therapeutic theatre intervention, inspired by theatre of lived experience as proposed to people with lupus. The aim of the intervention is to enable a putting into words and a staging of events that are identified by the patient as disabling. The framework and the process of the intervention are being presented. The results of an exploratory analysis followed by a clinical case will shed light on the contribution of these workshops on the improvement of life satisfaction and illness perception as well as the understanding and the acceptance of illness by the patients and their families. The article will be concluded by the interest of this project in proposing optimized support in PE. ´ e´ Franc¸aise de Psychologie. Published by Elsevier © 2018 Societ Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction 1.1. Le lupus, une maladie aux manifestations cliniques multiples Le lupus érythémateux systémique est une maladie chronique auto-immune rare. La prévalence mondiale de la maladie lupique est estimée à environ 1 personne sur 1000 (Manson & Rahman, 2006). En France, elle touche entre 24 000 et 28 000 personnes avec une incidence annuelle de 3,32/100 000 et une prévalence de 47/100 000 (Arnaud et al., 2014), prévalence ainsi inférieure au seuil de 1 cas pour 2000 qui définit les maladies rares. Selon l’HAS (Haute Autorité de santé), le lupus survient 90 fois sur 100 chez la femme, généralement en période d’activité ovarienne (pic de prévalence entre 30 et 39 ans). Le terme « lupus », qui signifie « loup » en latin, fait référence à l’aspect caractéristique de l’atteinte du visage, les marques faisant penser à un masque de loup. Le terme « érythémateux » (rouge en grec) traduit la couleur de l’éruption cutanée. Enfin, le terme « systémique » est employé car cette maladie touche plusieurs systèmes du corps (articulations, peau, cœur, système nerveux, etc.), contrairement aux maladies dites « spécifiques » exclusivement dirigées contre les composants d’un organe. Le lupus érythémateux systémique est donc une maladie chronique auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire dysfonctionne (Buxeraud, 2016 ; Meyer & Kahn, 2000 ; Yu, Gershwin, & Chang, 2014). Celui-ci, dans le cas d’un fonctionnement normal, est chargé de défendre le corps contre les agressions qu’elles soient externes ou internes. Dans le cas de la maladie lupique, il s’attaque aux cellules saines du patient. Les lymphocytes B (cellules du système immunitaire) vont alors produire les molécules de défense biologique appelées anticorps. Lorsque ces derniers sont dirigés contre « soi », ils sont appelés « auto-anticorps » et peuvent entraîner l’autodestruction de certains tissus (articulations, peau, reins, cœur, etc.) occasionnant ainsi de vives réactions inflammatoires. Cette maladie évolue par « poussées », suivies de périodes sans symptôme (phase de rémission) de durée variable (plusieurs semaines à plusieurs années). Durant les poussées, la maladie s’exacerbe avec l’apparition de symptômes qui peuvent se manifester de fac¸on très diverse. Des manifestations cutanées affectent environ 80 % des malades Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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et se manifestent par une rougeur en forme d’ailes de papillon au niveau du visage. D’autres éruptions cutanées apparaissent couramment sur les mains, les coudes ou le décolleté, ainsi que des ulcérations dans la bouche. Des manifestations articulaires sont présentes dans 90 % des cas et touchent surtout les petites articulations souvent de fac¸on symétrique et peuvent être migratrices, c’est-à-dire qu’elles se déplacent d’une articulation à une autre. Des manifestations rénales peuvent également être notées avec des symptômes très variables (excès de protéines, présence de sang en quantité microscopique ou présence de globules blancs dans les urines). Dans les formes graves, cette atteinte des reins peut entraîner la perte de la fonction rénale. Des manifestations pulmonaires, toux ou difficultés à respirer, sont présentes chez 15 à 40 % des malades et certaines personnes peuvent présenter une inflammation de l’enveloppe qui entoure les poumons (pleurésie). Des manifestations cardiaques, avec une inflammation de l’enveloppe du cœur, sont présentes chez 30 % des patients. D’autres troubles sont possibles comme une atteinte des valves du cœur, un trouble du rythme cardiaque et de fac¸on très rare, une atteinte du muscle du cœur qui entraîne une insuffisance cardiaque. Les manifestations cliniques de cette maladie sont extrêmement variables d’un individu à l’autre, tout comme la sévérité des symptômes qui diffère selon les individus et les phases de la maladie. C’est pourquoi le diagnostic est souvent difficile à poser et peut survenir de manière tardive (Maddison, 2002). Par les douleurs et la fatigue qu’il entraîne, le lupus handicape fortement les patients au quotidien et les états dépressifs sont fréquents (Karol, Criscione-Schreiber, Lin, & Clowse, 2013 ; Kotsis et al., 2014 ; Palagini et al., 2013). La revue de la littérature proposée par Schmeding et Schneider (2013) souligne l’impact négatif de cette maladie sur la qualité de vie des patients. Les symptômes du lupus peuvent se révéler stigmatisant pour les patients et la perception de la stigmatisation est plus élevée lorsque la personne est déprimée (Sehlo & Bahlas, 2013). La survenue d’une maladie chronique, telle que le lupus, est donc souvent vécue par le patient comme un bouleversement de sa vie. Elle constitue un événement non choisi par la personne et fait irruption dans le quotidien en exigeant un remaniement identitaire et, fréquemment, la mise en place de comportements protecteurs pour vivre au mieux avec cette maladie. Si l’on dispose aujourd’hui, dans de nombreuses affections, de traitements efficaces qui permettent au patient de mener une vie quasi-normale, leur efficacité nécessite malgré tout que celui-ci modifie son mode de vie. La maladie chronique implique donc que le patient fasse le deuil de sa santé antérieure pour parvenir à suivre au mieux les recommandations thérapeutiques qui lui sont faites. 1.2. Les phases d’acceptation de la maladie Entre l’annonce de la maladie et l’acceptation de celle-ci, le patient passe ainsi par différentes phases qui rappellent les étapes du travail de deuil décrites par Kubler-Ross chez les personnes en fin de vie (Kubler-Ross, 1975). Lacroix et Assal (2003) ont décrit deux processus différents que peut suivre un patient confronté à une maladie chronique. Le premier correspond à un processus d’intégration de la perte de l’état de santé antérieur, tandis que le second correspond à un échec de ce travail de deuil. L’annonce de la maladie provoque chez le patient un choc (phase de choc initial) qui peut aller de la surprise à l’angoisse (Lacroix & Assal, 2003). À ce stade, certains patients paraissent peu concernés parce qu’ils ne réalisent pas vraiment ce qui leur arrive. Cet état est en général de courte durée, les contraintes liées au traitement s’imposant tôt ou tard comme une réalité inéluctable. Après l’annonce, le patient qui a appris qu’il est atteint d’une maladie non guérissable, peut se sentir menacé, même s’il sait qu’il dispose de traitements efficaces. Il se comporte alors d’une manière détachée et banalise la situation (phase de dénégation ou déni). Cette mise à distance de la maladie peut conduire le patient à des négligences (oubli de la prise du traitement par exemple) dont les conséquences risquent d’être délétères. La phase de dénégation est généralement suivie d’une phase (phase de révolte) dans laquelle le patient va exprimer des sentiments de colère, d’agressivité, de ressentiment (Lacroix & Assal, 2003). Cette phase, très difficile à vivre pour la famille et le personnel soignant, est pourtant nécessaire car elle montre que le patient commence à reconnaître la maladie comme une réalité. Après avoir exprimé sa colère, le patient va entrer dans une phase de négociation (phase de marchandage) qui concerne surtout les exigences du traitement (Lacroix & Assal, 2003). Il cherche alors des arrangements concernant le suivi des recommandations thérapeutiques. Ce marchandage, qui peut être mal vécu par les soignants en raison des remises en cause des traitements par le patient, illustre le fait que celui-ci Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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tente de reprendre le contrôle sur la maladie. La phase de marchandage conduit le patient à réaliser petit à petit la réalité de la maladie (phase de dépression ou de tristesse). Cette prise de conscience de la situation entraîne des sentiments de tristesse liés au deuil de l’état de santé antérieur (Lacroix & Assal, 2003). La dépression, dans cette phase, ne doit pas être confondue avec une dépression clinique. Il s’agit ici d’une « capacité dépressive » qui correspond, non pas à un effondrement intérieur, mais à la capacité à pouvoir entrer en contact avec ses émotions et, à partir de là, de pouvoir à nouveau disposer de ses ressources (Fédida, 2001). Grâce à l’accès à la capacité dépressive, le patient va retrouver un équilibre émotionnel qui lui permettra de mieux gérer sa maladie au quotidien (phase d’acceptation). Tous les patients ne parviennent pas à cette phase d’acceptation de la maladie et celle-ci peut être remise en cause à chaque nouvelle manifestation de la maladie (Lacroix & Assal, 2003). Le deuxième processus décrit par Lacroix et Assal (2003) correspond à une mise en échec du travail de deuil de la santé. Il s’agit d’un processus de mise à distance de la perte de l’état de santé antérieur. Chez certains patients, la phase de dénégation peut perdurer, ce qui entraîne une sorte de résignation (phase de résignation). Les patients subissent alors leur maladie comme un destin et cette manière de réagir à la maladie les conduit à une certaine passivité. Cette attitude passive s’apparente à la dépression, ces patients ne parvenant pas à accéder à la capacité dépressive. Il y a, dans ce cas-là, un échec du travail de deuil de la santé antérieure et les patients sont souvent persuadés que la maladie ne pourra évoluer que de manière négative. Chez d’autres patients, la phase de dénégation peut être suivie d’une phase de pseudo-acceptation qui consiste à dissimuler la maladie à l’entourage, notamment social et professionnel. Il s’agit ici d’un refus volontaire de la réalité qui est souvent justifié par le patient par sa force de caractère. La pseudo-acceptation peut conduire à des comportements, tels que la négligence des traitements, qui mettent en danger la vie de la personne (Lacroix & Assal, 2003). 1.3. Les représentations de la maladie Les réactions du patient confronté à une maladie chronique, son fonctionnement physique et son bien-être psychologique sont fortement liés à ses représentations de la maladie et des traitements (Hagger, Koch, Chatzisarantis, & Orbell, 2017). Le modèle d’auto-régulation de la maladie proposé par Leventhal, qui met notamment en avant les représentations cognitives de la maladie, est ici particulièrement intéressant (Leventhal, Diefenbach, & Leventhal, 1992). Ces représentations se structurent en cinq dimensions : l’identité qui correspond au nom que le patient donne à sa maladie et à ses symptômes, le cours évolutif en termes de maladie aiguë, chronique ou cyclique, les causes auxquelles le patient attribue la survenue de la maladie, les conséquences physiques, sociales et économiques qu’il perc¸oit et le contrôle/traitement, c’est-à-dire le contrôle qu’il pense avoir sur la maladie. Une étude réalisée auprès de patients présentant un lupus révèle que ceux-ci attribuent à la maladie différents symptômes physiques mais également des symptômes psychologiques comme l’anxiété, la dépression, la colère (Goodman, Morrissey, Graham, & Bossingham, 2005). La majorité des patients évoquent des conséquences physiques, sociales et psychologiques du lupus, ces conséquences ayant le plus souvent une connotation négative (impact sur l’activité professionnelle et les loisirs, sensation d’être malade ou fatigué en permanence, changements physiques, sentiment d’impuissance, diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi,. . .). Selon eux, la maladie a également des conséquences sur la famille et les amis, notamment en termes d’inquiétudes pour le patient et de préoccupations concernant le caractère héréditaire de la maladie. Une des préoccupations majeures évoquées par les patients concerne l’avenir, notamment une peur de la détérioration physique, l’espoir d’un traitement efficace ou une certaine résignation (Goodman et al., 2005). Ces représentations de la maladies sont importantes à prendre en compte dans le cas du lupus puisqu’elles prédisent, avec les symptômes dépressifs, la qualité de vie physique des patients (Kotsis et al., 2014). En résumé, le vécu de la maladie lupique est difficile pour ces patients qui se sentent souvent incompris par leur entourage. De plus, passée la phase de l’annonce, la confrontation à la maladie chronique requiert une participation active du patient afin de développer des compétences psychosociales qui lui permettront d’améliorer sa qualité de vie et des apprentissages qui l’aideront à mieux appréhender son quotidien avec la maladie et à mettre en place l’ensemble des traitements médicamenteux ou non médicamenteux (Fonte, Colson, Lagouanelle-Simeoni, & Apostolidis, soumis ; Untas, Lelorain, Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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Dany, & Koleck, soumis). Le fait de vivre avec une maladie chronique va ainsi demander au patient de nombreuses adaptations dans sa vie quotidienne. Pour l’accompagner au mieux, il est nécessaire de s’intéresser à la manière dont les patients vont réagir à leur maladie et d’évaluer l’impact des différents ajustements possibles sur la qualité de vie et le bien-être. Dans ce contexte-là, les programmes d’éducation thérapeutique ont toute leur importance.

1.4. Intérêt de l’éducation thérapeutique pour les patients lupiques et proposition d’une intervention « ateliers théâtre » Dans la définition proposée par l’Organisation mondiale de la santé 1998, l’éducation thérapeutique (ET) consiste à accompagner le patient et ses proches dans la gestion de leur vie avec la maladie et à maintenir ou améliorer sa qualité de vie (World Health Organization, 1998). Elle a montré son effet positif dans la prise en charge des patients atteints de maladie chronique (Lagger, Pataki, & Golay, 2010). La notion d’ET a émergé à partir du moment où les progrès de la médecine ont amené de nombreuses maladies autrefois mortelles à devenir chroniques, ce qui a nécessité de modifier progressivement la vision de la relation soignant–soigné. En effet, le modèle de la prise en charge de la maladie aiguë centrée sur la maladie, avec une posture paternaliste des soignants et sans la collaboration du patient, s’est vite montré inefficace pour la maladie chronique (Foucaud, 2008). C’est dans ce contexte que s’est développée l’ET avec une vision du soin qui considère que le patient a le droit de savoir, de choisir, de décider, d’agir, de contrôler et d’exister à travers sa maladie et son traitement. L’ET nécessite ainsi une modification de la posture du soignant qui doit passer de postures injonctives et prescriptives à une posture éducative privilégiant une attitude d’écoute et d’accompagnement cognitif et psychosocial (Bury & Foucaud, 2009). La prise en charge traditionnelle du patient laisse donc progressivement la place à une prise en charge plus humaniste centrée sur le patient. L’ET qui place le patient dans une position active en partant de ses croyances et de ses représentations, consiste à l’accompagner vers l’atteinte d’objectifs définis avec le soignant (Sandrin-Berthon, 2010). Il s’agit de proposer au patient des séances individuelles et/ou collectives lui permettant de développer les ressources et les compétences nécessaires pour gérer sa vie avec la maladie (D’Ivernois & Gagnayre, 2016 ; Golay, Lagger, & Giordan, 2010 ; Untas et al., soumis). Le service de médecine interne et des maladies infectieuses de l’hôpital Haut-Lévèque (CHU de Bordeaux) propose, depuis plusieurs années, un programme dédié à différentes maladies auto-immunes chroniques parmi lesquelles le lupus. Une évaluation de l’impact de ce programme sur le vécu des patients atteints d’une maladie rare, a montré que les éléments majeurs qui émergent du discours des patients sont une méconnaissance et une difficulté de compréhension de la maladie par leur entourage plus ou moins proche et une stigmatisation importante. Les patients mettent en avant le fait que le lupus est une pathologie complexe à expliquer, souvent inconnue du grand public et que ses symptômes changeants peuvent donner l’impression d’être simulés. Les patients évoquent des besoins auxquels le programme qui leur est proposé ne répond que partiellement : ce sont les difficultés d’acceptation d’une maladie invalidante au quotidien, l’anxiété et la culpabilité qu’ils ressentent. Ils souhaitent être considérés, écoutés et compris à la fois par eux-mêmes et par les autres. Tous ces éléments nous ont donc amenés à réfléchir à des moyens pour développer davantage les compétences d’adaptation à la maladie (D’Ivernois & Gagnayre, 2011). En partant de ces constats et dans un souci d’améliorer le programme d’ET existant, nous avons souhaité proposer aux patients porteurs d’un lupus une intervention complémentaire répondant aux besoins identifiés. Pour cela, nous nous sommes inspirés de la technique du théâtre du vécu que nous avons adaptée à notre contexte de soins. Le théâtre du vécu a été initialement développé en Suisse par Jean Philippe Assal avec le metteur en scène Marcos Malavia dans le cadre de programmes d’ET avec un objectif d’empowerment en favorisant la relation à soi, à la maladie et à l’autre (Assal, Durand, & Horn, 2016 ; Barabino, Malavia, & Assal, 2007 ; Malavia, 2013). Cette équipe suisse, pionnière en ET, propose depuis de nombreuses années des prises en charge innovantes intégrant l’art thérapie, notamment l’écriture et la peinture, dans les soins (Haenni et al., 2004). Le théâtre du vécu a été développé dans le cadre de plusieurs pathologies, notamment le diabète, mais pas dans celui de maladies rares. Il nous a donc semblé intéressant de proposer aux patients porteurs d’un lupus des ateliers théâtre s’inspirant de cette technique. Ceux-ci Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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ont été développés en dehors et en parallèle du programme d’ET et proposés aux patients repérés comme étant en difficulté et/ou en demande d’une prise en charge différente. L’objectif de l’étude était de proposer à des patients présentant un lupus une intervention s’inspirant du théâtre du vécu et d’en tester la faisabilité. L’impact de ce type d’intervention sur le vécu de la maladie par le patient n’ayant, à notre connaissance, jamais été évalué, notre objectif était également d’évaluer l’intérêt de ces « ateliers théâtre » à travers une étude exploratoire. 2. Matériel et méthode 2.1. Adaptation et description des ateliers théâtre Nous avons tout d’abord défini le format de l’intervention « ateliers théâtre » qui se déroule en groupe de 8 à 10 patients sur 9 mois à raison d’une séance d’une journée par mois en dehors de l’hôpital. L’intervention est animée par une équipe pluridisciplinaire composée de trois comédiens, deux psychologues et, dans un rôle d’observateur, une pharmacienne hospitalière qui a assuré, en amont, le recrutement des patients. Il s’agit, par une mise en mots des difficultés liées à la maladie, de permettre au patient de dédramatiser et de dépasser son handicap afin de mieux vivre avec sa maladie au quotidien. La structure de l’intervention proposée est présentée dans le Tableau 1. Tout au long des séances, des jeux et des exercices d’expression corporelle permettent aux animateurs d’instaurer et de maintenir la dynamique de groupe. Celle-ci va d’abord permettre l’acceptation de soi par les pairs. Elle amène également à réduire le sentiment de différence, « d’anormalité », voire de honte (honte de la maladie ou de ses manifestations), éprouvé par le patient et la culpabilité qui lui est associée. Elle favorise enfin le sentiment d’être reconnu, compris et de se sentir moins seul avec une maladie que personne ne connaît et ne comprend. Les différents exercices d’expression, proposés dans les premiers ateliers, visent à préparer le patient au processus d’écriture (Malavia, 2017). Le théâtre du vécu qui a servi de modèle à la création de nos ateliers théâtre postule que l’évolution du patient dans l’acceptation de la maladie et dans une meilleure gestion des symptômes passe par un travail émotionnel de mise en mots, de distanciation et de dédramatisation (Assal et al., 2016 ; Assal, Malavia, & Roland, 2009). Les ateliers proposés permettent ainsi au patient de verbaliser les difficultés auxquelles il est confronté en raison de sa maladie. Ceci passe, dans un premier temps, par un travail d’écriture ; les effets positifs de l’écriture sur les symptômes psychiques et physiologiques ayant été montrés pour les patients porteurs d’une maladie chronique (Salesse, Saucier, & Mavrikakis, 2015 ; Frattaroli, 2006). Dès la première séance, le patient est amené à mettre des mots sur ses difficultés à travers l’écriture d’un premier texte qu’il va ensuite détruire (atelier 1). La dimension symbolique de la destruction (je détruis l’écrit = je détruis le problème) constitue un premier pas vers la distanciation du vécu douloureux de la maladie. Dans le deuxième écrit, destiné à être partagé avec le groupe, le patient met en mots un moment difficile dans le vécu de la maladie sous la forme d’un dialogue (ateliers 2 et 3). À cette étape, il peut être aidé dans l’identification ou la clarification de ce qui crée réellement son mal-être. Dans les séances suivantes (ateliers 4 à 7), la mise en scène amène le participant à se Tableau 1 Contenu des « ateliers théâtre ». Atelier 1

Ateliers 2 et 3 Ateliers 4 à 7

Atelier 8 Atelier 9

Présentation du groupe et création d’une charte de fonctionnement Exercices corporels de mise en confiance et exercices d’expression du vécu Production d’un écrit « pour soi » concernant un épisode marquant de la vie avec le lupus, puis destruction de cet écrit Exercices corporels de mise en confiance et exercices d’expression du vécu Réécriture de cet épisode sous forme d’un dialogue destiné à être ensuite joué par les comédiens Exercices corporels de mise en confiance Accompagnement des patients dans la conception de scénettes mises en scène par les patients et jouées par les comédiens Représentation de l’ensemble des scénettes crééesa Debriefing et travail de séparation du groupe

a Cet atelier a ensuite donné lieu, à la demande des patients, à une représentation dans un théâtre pour un public composé des patients et de leur famille.

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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dessaisir progressivement de son problème pour en faire un objet de représentation (Malavia, 2017). Cet objet est alors donné aux comédiens qui vont le jouer. C’est dans cet espace que se crée la distanciation du vécu douloureux (Assal et al., 2016, 2009). Les mises en scène successives, qui amènent à la représentation finale (atelier 8), permettent d’accentuer la distanciation. La représentation éloignée de soi donne une vision du vécu douloureux plus légère, dédramatisée. Le processus de dédramatisation permet la mise en place d’une acceptation de la maladie et des problèmes qui lui sont liés. La séance de debriefing, qui consiste en un retour sur le vécu de l’ensemble du processus (de l’écrit pour soi à la représentation théâtrale) par les participants, permet de renforcer la distanciation et de verbaliser d’éventuelles identifications des patients (atelier 9). 2.2. Participants et procédure Les patients ont été recrutés, sur la base du volontariat, dans le service de médecine interne et des maladies infectieuses de l’hôpital Haut-Lévèque (CHU de Bordeaux) en juillet et août 2015. Les ateliers se sont déroulés entre novembre 2015 et juillet 2016. Dix patients (9 femmes et un homme) ont été inclus dans cette étude. Toutefois, deux patientes ayant abandonné pour des raisons personnelles après leur participation au premier atelier, l’échantillon de l’étude n’est constitué que de huit personnes. Afin d’évaluer l’évolution de différentes variables tout au long de la participation à l’intervention, un protocole de recueil de données, à la fois qualitatives et quantitatives, a été élaboré. Pour l’évaluation quantitative, les patients ont complété à trois reprises (3 mois avant le début des ateliers [T0], juste avant le premier atelier [T1] et un mois après la fin des ateliers [T2]) un ensemble de questionnaires présentant des qualités psychométriques satisfaisantes. Pour l’évaluation qualitative, un focus group a été proposé six mois après la fin de l’intervention [T3] afin d’appréhender la perception et le vécu des ateliers, en termes de satisfaction, de bénéfices, de difficultés et de propositions. Le déroulement de l’étude exploratoire est présenté sur la Fig. 1. 2.3. Instruments de mesure 2.3.1. L’état anxiodépressif L’état anxiodépressif a été évalué à l’aide de l’Hospital Anxiety Depression Scale (HADS, Zigmond & Snaith, 1983) traduite et validée en franc¸ais par Lépine et al. (1985). Cette échelle se compose de 14 items cotés de 0 à 3. Les sept items pairs mesurent l’état anxieux et les sept items impairs l’état dépressif. Le patient est invité à décrire les sensations qu’il a éprouvé sur la semaine écoulée. Sa validation franc¸aise la plus récente montre des qualités psychométriques satisfaisantes (Untas et al., 2009). Les deux sous-échelles présentent une bonne consistance interne avec des alphas de Cronbach de 0,79 pour l’état anxieux et de 0,82 pour l’état dépressif. 2.3.2. La perception de la maladie La perception de la maladie a été évaluée à l’aide du Brief-Illness Perception Questionnaire (Brief-IPQ, Broadbent, Petrie, Main, & Weinman, 2006) qui constitue une version abrégée du l’Illness Perception Questionnaire-Revised (IPQ-R, Moss-Morris et al., 2002). Cette échelle comprend 9 items mesurant les représentations cognitives et émotionnelles de la maladie. Les réponses aux huit premiers

Fig. 1. Déroulement de l’étude de l’inclusion au suivi.

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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items se font sur une échelle de 0 à 10. Pour le dernier item, le patient doit citer les trois principales raisons qui ont provoqué la maladie selon lui. Le Brief-IPQ a fait l’objet de très nombreuses validations dans plusieurs langues qui ont mis en avant ses bonnes qualités psychométriques, y compris pour la version franc¸aise (Broadbent et al., 2006, 2015 ; Timmermans et al., 2017). 2.3.3. La satisfaction de vie La satisfaction de vie a été évaluée par la Bränholm et Fugl-Meyer Satisfaction with Life Scale (LiSat-11, Bränholm, Lundmark, Mansson, & Fugl-Meyer, 1996 ; Fugl-Meyer, Melin, & Fugl-Meyer, 2002) validée en franc¸ais par Koleck et al. (2017). Cette échelle est constituée de 10 items mesurant les différentes sphères de la satisfaction de vie (autonomie, loisirs, situations professionnelle et financière, vie sexuelle, relations avec le conjoint, vie de famille, contact avec les amis, santé physique et état psychologique) et d’un item évaluant la satisfaction de vie générale. Les réponses se font sur une échelle visuelle analogique de 10 cm. Tous les patients n’ayant pas complété l’ensemble des items aux différents temps de l’étude, nous avons fait le choix de ne conserver que la réponse à l’item 1 concernant la satisfaction de vie globale. 3. Résultats Nous présenterons, dans cette partie, une description des patients lors de l’inclusion dans l’étude, le déroulement et le contenu des ateliers théâtre, puis les résultats de l’intervention obtenus dans le cadre de l’étude exploratoire. Pour terminer, nous exposerons un cas clinique. 3.1. Description des patients à l’inclusion dans l’étude Les principales caractéristiques sociobiographiques et médicales de l’échantillon de patients ayant participé aux ateliers théâtre sont présentées dans le Tableau 2. Il s’agit de 7 femmes et 1 homme, âgés de 24 à 63 ans (m = 45,6 ; ET = 12,7). Ces participants semblent représentatifs de la population des patients lupiques. Concernant la description par les patients des symptômes liés à la maladie, on relève majoritairement des symptômes articulaires (n = 6), cutanés (n = 4) et/ou de la fatigue (n = 4). Deux patients ont également présenté des complications pulmonaires et deux patients des complications cardiaques. Au moment de l’inclusion dans l’étude, l’impact de la maladie sur la vie quotidienne cité par les patients comme étant le plus important est majoritairement la fatigue (n = 5). La réduction de la mobilité et Tableau 2 Description de l’échantillon de patients ayant participé aux ateliers (n = 8). n

%

Sexe Homme Femme

1 7

87,5 12,5

Statut marital Seul En couple

3 5

37,5 62,5

Niveau d’étude Sans diplôme Certificat d’étude ou brevet Baccalauréat Supérieur au baccalauréat

2 3 1 2

25,0 37,5 12,5 25,0

Enfant(s) Oui Non

5 3

62,5 37,5

Manifestations cliniques Lupus érythémateux disséminé Lupus érythémateux cutané

8 0

100 0

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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les limitations d’activités (n = 2) ainsi que les problèmes cutanés (n = 1) sont également évoqués. Dans les raisons expliquant la maladie, sont principalement mis en avant des facteurs émotionnels (« choc émotionnel », « décès du conjoint », « manque affectif ») et des facteurs biologiques ou génétiques (« hérédité », « biologie », « génétique ») cités respectivement par cinq des huit patients. Trois patients associent ces deux causes, deux patientes évoquent exclusivement les facteurs biologiques (« biologie », « infection », « congénital ») et une patiente uniquement les facteurs émotionnels (« manque affectif », « choc émotionnel » et « colère »). Dans les causes de la maladie, sont aussi mentionnés de manière plus anecdotique le surmenage, l’exposition au soleil et la grossesse. Les réponses aux items de l’IPQ ont été analysées en se référant à l’étude de Kotsis et al. (2014) qui présente les scores à ce questionnaire obtenus par des patients présentant un lupus. Cette analyse souligne le fort retentissement émotionnel de la maladie sur les patients : six des patients se situent à plus d’un écart-type au-dessus de la moyenne obtenue dans l’étude de Kotsis et al. (2014). Pourtant, seul la moitié d’entre estime que la maladie affecte sévèrement leur vie avec quatre patients se situant à plus d’un écart-type au-dessus de la moyenne. Les quatre autre patients se situent quant à eux à plus d’un écart-type en-dessous et considèrent donc que la maladie affecte peu leur vie. Les patients de notre étude se sentent beaucoup plus concernés par la maladie (7 patients à plus d’un écart-type au-dessus de la moyenne) que ceux de l’étude de Kotsis et al. (2014) et pensent mieux la comprendre (6 patients à plus d’un écart-type au-dessus de la moyenne). Par contre, ils sont peu nombreux à trouver le traitement vraiment utile (7 patients à plus d’un écart-type en-dessous de la moyenne) et deux estiment même que le traitement ne peut pas du tout les aider. Les patients évaluent leur pouvoir de contrôle sur la maladie comme étant relativement faible : cinq d’entre eux se situent à plus d’un écart-type en-dessous de la moyenne de l’étude de Kotsis et al. (2014). Pour interpréter les scores à l’HADS, nous nous sommes basés sur les seuils cliniques établis par Zigmond et Snaith (1983). Ces scores révèlent qu’un état dépressif peut être suspecté pour trois patients et un état anxieux pour deux patients et qu’un patient présente un trouble anxieux avéré à l’inclusion dans l’étude. 3.2. Déroulement et contenu des ateliers 3.2.1. Déroulement Les ateliers se sont déroulés en suivant la structure qui avait été prévue initialement (cf. Tableau 1). À la demande des patients, l’atelier 8 a ensuite donné lieu à une représentation de l’ensemble des scènes, dans un théâtre municipal, pour un public composé des patients et de leur famille. La création par l’ensemble du groupe d’une charte de bon fonctionnement garantissant notamment le respect, l’écoute, la confidentialité a permis un déroulement de ces ateliers dans une atmosphère sereine et constructive. Dès le premier atelier, l’ensemble des participants s’est engagé dans les exercices proposés, puis dans le processus d’écriture en réalisant un écrit « pour soi » en lien avec la maladie. Les patients ont ensuite choisi différents moyens pour détruire ce premier écrit : la majorité a souhaité le brûler. La création des scénarios lors des ateliers suivants a été plus ou moins facile selon les patients. Pour certains, l’entrée dans le processus d’écriture s’est faite de manière assez naturelle à la suite des exercices proposés par les comédiens pour faciliter l’écriture. Pour d’autres, il a été nécessaire de mettre en place un accompagnement plus spécifique pour permettre notamment de définir le thème de la scène. Une des personnes n’a finalement pas souhaité écrire de scénario mais a, malgré tout, continué de participer au groupe et s’est investie dans le travail de mise en scène aux côtés des autres participants. 3.2.2. Thématiques des scènes créées par les patients Les scènes créées par les patients peuvent être regroupées en quatre grandes thématiques, certaines scènes abordant plusieurs thèmes. 3.2.2.1. L’histoire de la maladie. Quatre patients ont écrit un scénario évoquant l’histoire de la maladie depuis l’apparition des premiers symptômes en abordant les difficultés rencontrées tout au long de ce parcours mais également les défis relevés et les victoires remportées par rapport à la maladie. Sont évoqués ici les différents symptômes souvent invalidants du lupus, les difficultés à obtenir un Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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diagnostic, les traitements lourds et toutes les précautions à prendre pour éviter les poussées de la maladie, mais également le soutien apporté par l’équipe soignante et par l’entourage. La scène créée permet alors au patient de prendre conscience de tout le chemin qu’il a parcouru, des ressources, aussi bien personnelles que sociales, dont il dispose et qu’il a su mobiliser depuis qu’il est confronté à la maladie. 3.2.2.2. La perception de la maladie par l’entourage et les réactions des proches. Trois patients ont choisi de centrer leur scénario sur les réactions de leur entourage face à la maladie. Ils ont ainsi mis en avant la manière dont leur famille a pu réagir à l’annonce de la maladie et/ou la fac¸on dont elle se positionne par rapport à cette maladie. Les éléments qui ressortent majoritairement ici sont des attitudes d’incompréhension et de minimisation de la maladie de la part de la famille, ainsi que la perception par le patient d’un manque de soutien de la part d’un ou plusieurs membres de sa famille. Deux de ces patients ont choisi de décrire une scène qui leur est apparue particulièrement représentative des réactions de l’entourage à l’annonce de la maladie ou lors d’une complication liée à la maladie. La troisième patiente a davantage axé son écrit sur l’évolution de ces relations à travers une scène décrivant l’histoire de la maladie (des premiers symptômes à la situation actuelle), dans laquelle le conjoint passe d’une attitude de banalisation de la situation à une attitude d’empathie. La scène créée autour de la perception de la maladie et des réactions des proches permet au patient de prendre de la distance par rapport à un moment difficile vécu avec sa famille et de repenser les relations au sein de la famille sur un mode plus positif ou plus apaisé. 3.2.2.3. Les douleurs, la fatigue, les renoncements au quotidien. Une des scènes met tout particulièrement l’accent sur le retentissement de la maladie sur le quotidien en évoquant les douleurs importantes et la fatigue qui obligent à faire attention en permanence et à adapter son mode de vie pour éviter plus de douleur et de fatigue. Elle met en évidence les renoncements qui sont imposés par la maladie au quotidien. La mise à distance permet ici de voir les problèmes sous un autre angle, de relativiser les frustrations, de leur trouver des solutions, d’envisager d’autres fac¸ons de faire et surtout, de voir ce qui a pu être gagné grâce à ce parcours de vie particulier. 3.2.2.4. Le monde du travail. Enfin, une des scènes s’est focalisée sur le monde du travail et les difficultés que peut créer la maladie lorsque l’on cherche un emploi. Elle présente la fac¸on d’évoquer la maladie à un employeur potentiel, sans chercher à minimiser l’impact du lupus sur les activités quotidiennes mais en se focalisant sur le défi à relever pour occuper l’emploi proposé. La scène créée ici permet de mettre en avant le fait qu’il est possible d’obtenir la confiance d’un employeur en dépit de la maladie et de trouver à travers cet emploi une source de valorisation pour soi-même. 3.3. Résultats de l’étude exploratoire Une évaluation de l’intervention a été réalisée à travers l’analyse, d’une part, des questionnaires administrés aux patients aux trois premiers temps de l’étude et, d’autre part, du focus group réalisé à 6 mois afin d’appréhender le vécu des ateliers par les patients. Les moyennes des scores aux différents questionnaires obtenus par les patients lors des trois évaluations sont présentées dans le Tableau 3. L’ensemble des données suivant une loi normale, à l’exception de la durée de la maladie, l’évolution de ces scores a été analysée par deux séries de tests t de Student pour échantillons appariés (Tableau 3). Nous avons tout d’abord testé l’évolution des scores avant l’intervention en comparant les données recueillies lors de l’inclusion avec celles recueillies avant le premier atelier (comparaison T0-T1). Nous avons ensuite testé l’évolution des scores suite à l’intervention en comparant les scores obtenus avant le premier atelier et ceux recueillis un mois après la fin des ateliers (comparaison T1-T2). Ces analyses ne révèlent aucun changement significatif que ce soit pour l’état anxieux, l’état dépressif, la satisfaction globale de vie ou les représentations cognitives et émotionnelles de la maladie. L’analyse de contenu thématique du focus group a fait émerger deux grands thèmes qui montrent, d’une part, les apports de la participation aux ateliers et, d’autre part, les difficultés rencontrées par les patients lors des ateliers. Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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Les apports des ateliers s’organisent en sept sous-thèmes (Tableau 4). Le premier, évoqué par tous les patients, fait référence à la prise de distance par rapport à la maladie. La participation aux ateliers a permis aux patients de dédramatiser la maladie et d’envisager différemment son impact sur leur vie quotidienne (« Cela m’a permis de distancier, de dédramatiser, de soulager » ; « La maladie colle moins à la peau ! » ; « Je suis plus en accord avec moi-même » ; « J’ai eu moins besoin de dire que je n’allais pas bien, j’arrête d’expliquer, d’argumenter » ; « Je me suis rendu compte que c¸a ne m’empêche pas d’être heureuse »). Le deuxième sous-thème, qui correspond à une distanciation du vécu douloureux, est évoqué par sept patients. L’émotion est décrite comme ayant été très forte lors des premiers ateliers avec la mise en mots de moments difficiles, mais également lors des débuts de la mise en scène. Les patients évoquent l’évolution de cette émotion grâce au travail réalisé au cours des ateliers, qui les a amenés progressivement à mieux accepter la maladie (« À force de voir la scène, c¸a a fait beaucoup moins d’émotions. Je l’avais banalisée. L’émotion est revenue à la représentation. C’était pas douloureux, c’était plus mesuré. » ; « L’émotion a évolué », « Au début, de voir la scène prendre forme, c¸a m’a épouvantée et ensuite c¸a s’est banalisé, on s’habitue » ; « C¸a m’a fait du bien parce que c¸a a fait ressortir les choses »). L’acceptation de la maladie constitue le troisième sous-thème évoqué par sept patients : participer aux ateliers a permis progressivement d’assumer cette maladie, d’en parler plus facilement avec les proches et d’accepter sa présence au quotidien (« Cela m’a permis d’accepter » ; « Maintenant j’assume, c¸a s’est fait progressivement pendant l’année. » ; « C¸a a fait changer mon regard sur la maladie » ; « Je parle plus librement de ma maladie dans ma famille. » ; « Quand je suis fatiguée, je l’assume et je ne me sens plus obligée de me justifier. » ; « C¸a casse les réflexes de dire tout le temps que c¸a va »). Le quatrième sous-thème identifié correspond aux bénéfices personnels liés à la participation aux ateliers. Tous les patients évoquent des bénéfices liés à cette participation sous forme de soulagement (« C¸a a permis une aération de la tête ! » ; « C¸a a apporté un soulagement, de la légèreté, du souffle »), de lâcher prise (« Cela m’a permis d’avancer, de lâcher prise, d’être moi » ; « Cela m’a permis de faire le vide, de vider mon sac »), de confiance en soi (« C¸a a été bénéfique pour moi-même », « C¸a m’a aidée à m’ouvrir » ; « C¸a m’a redonné confiance en moi », « C¸a m’a valorisée »), de soutien (« C¸a a été un soutien, une canne pour avancer dans mes projets ») ou de bien-être (« Cela m’a permis de vivre mieux, enfin d’essayer quoi ! » ; « J’ai passé une année merveilleusement bien grâce au théâtre » ; « C¸a m’a donné le sourire, c¸a m’a donné de la joie »). Le cinquième sous-thème, lui aussi évoqué par l’ensemble des patients, fait référence à la notion de partage et d’identification. Tous les patients soulignent le sentiment d’appartenance au groupe créé (« On n’est pas tout seule, on est pareil différemment » ; « Rencontrer des gens comme nous »). Cela leur Tableau 3 Scores aux différentes échelles lors des trois évaluations et résultats des tests t de Student. T0 (n = 8)

T1 (n = 8)

T2 (n = 8)

Comparaison T0-T1 Comparaison T1-T2

Moyenne (ET) Moyenne (ET) Moyenne (ET) t de Student (p)

t de Student (p)

HADS État anxieux État dépressif

7,38 (2,07) 5,88 (2,9)

9,12 (3,36) 7,38 (3,02)

9,00 (3,59) 7,88 (3,48)

−1,94 (0,09) −1,87 (0,10)

0,14 (0,89) −0,58 (0,58)

LiSat-11 Satisfaction de vie

5,75 (2,66)

5,74 (2,45)

5,42 (2,66)

0,01 (0,99)

0,27 (0,79)

Brief-IPQ Conséquences de la maladie Durée de la maladiea Contrôle sur la maladie Utilité du traitement Sévérité de la maladie Inquiétude/maladie Compréhension de la maladie Impact émotionnel de la maladie

5,88 (2,53) 9,75 (0,71) 4,88 (3,27) 4,75 (3,37) 5,12 (2,64) 7,25 (3,06) 8,50 (1,51) 7,00 (2,67)

7,00 (2,00) 9,88 (0,35) 5,88 (1,64) 6,25 (1,04) 6,25 (1,39) 7,13 (2,36) 5,50 (3,51) 6,75 (2,05)

5,88 (2,75) 9,88 (0,35) 5,12 (1,89) 6,00 (2,07) 5,25 (1,83) 7,25 (2,19) 8,25 (1,39) 7,25 (2,19)

−2,05 (0.08) – −0,82 (0,44) −1,32 (0,23) −1,04 (0,33) 0,19 (0,86) 2,42 (0,05) 0,32 (0,76)

2,18 (0,06) – 1,16 (0,28) 0,44 (0,67) 1,32 (0,23) −0,28 (0,78) −2,25 (0,06) −1,00 (0,35)

a

La variable « durée de la maladie » ne suivant pas la loi normale, les tests t de Student n’ont pas été réalisés.

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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a permis de parler librement de la maladie en ayant le sentiment d’être compris (« Cela m’a permis de partager » ; « Ce qui est bien, c’est qu’on est dans un groupe où on se sent compris » ; « C’est la première fois que j’ai vraiment pu parler de ma maladie »). L’accent est ainsi mis sur l’importance d’échanger avec des personnes qui ont en commun le lupus (« On a tous un point commun qui est la maladie »). Le sixième sous-thème correspond à une meilleure compréhension de la maladie par la famille. Il a été évoqué par six patients qui mettent en avant le fait que l’intervention a fait évoluer les relations avec la famille. D’une part, la participation aux ateliers théâtre a amené les patients à modifier leur manière d’interagir avec leurs proches, notamment en s’autorisant à exprimer leurs difficultés en lien avec la maladie (« Quand c¸a ne va pas, je n’ai plus peur de le dire à mon mari ou à mes enfants »). D’autre part, la représentation qui a été proposée après le 8e atelier a également participé à l’évolution des relations familiales dans le sens où les patients rapportent que leurs proches comprennent mieux leur maladie maintenant et se rendent compte de ce qu’ils vivent et ressentent au quotidien (« Maintenant ma famille comprend mieux la maladie parce qu’elle a vu des scènes concrètes » ; « Ils ont été touchés et c¸a a ouvert le dialogue » ; « Mon fils a bien compris la maladie, il a été touché par plusieurs pièces » ; « Ma fille a compris que la fatigue, c’est le fardeau de cette maladie »). Le dernier sous-thème concerne les relations avec les soignants qui ont également été évolué. Deux patients expriment le fait qu’ils n’ont plus peur aujourd’hui de poser des questions et qu’ils sont davantage dans le dialogue avec l’équipe soignante (« Je pose plus de questions aux médecins. C’est plus dans la discussion. » ; « Quand j’ai besoin d’une explication, je demande alors qu’avant, j’osais pas »). Les difficultés identifiées par les patients lors du focus group s’organisent en trois sous-thèmes (Tableau 4). Le premier sous-thème, évoqué par six patients, fait référence à la peur de ne pas arriver à écrire. Les premières difficultés rencontrées lors de la participation aux ateliers concernent effectivement l’inquiétude de ne pas réussir à produire un texte écrit, celle-ci pouvant déjà être présente avant le début des ateliers ou se manifester au cours des premiers ateliers (« Je manquais de confiance, savoir si j’arriverais à écrire, à exprimer, à sortir les premiers mots. » ; « J’avais peur de ne pas écrire les bonnes choses, de ne pas arriver à dire ce que je ressens depuis toutes ces années » ; « Je pensais que je ne pouvais pas. On se met des barrières »). Le deuxième sous-thème concerne les difficultés à choisir le thème de la scène. Parvenir à identifier un thème pour la scène à écrire s’est révélé difficile pour l’ensemble des patients. Sélectionner un moment particulier de leur histoire avec la maladie s’est révélé particulièrement délicat tant les moments vécus comme douloureux sont nombreux dans leur parcours (« Quel moment choisir pour l’écriture ? Tout était en désordre. . . » ; « Je ne savais pas quoi choisir. » ; « C’était difficile de cibler quoi écrire »). Le dernier sous-thème identifié porte sur l’implication émotionnelle liée à la mise en mots. Il a, lui aussi, été évoqué par l’ensemble des patients qui décrivent le processus d’écriture, puis de mise en scène, comme perturbant émotionnellement. Les patients ont ainsi éprouvé, à différents moments des ateliers, de l’appréhension vis à vis de ce à quoi l’écriture de la scène pourrait les confronter. Le fait de se replonger dans le passé en repensant aux moments clés de la maladie a généré beaucoup d’émotions en faisant resurgir toutes les questions que les patients se sont posées tout au long de la

Tableau 4 Résultats de l’analyse de contenu thématique du focus group. Sous-thèmes Thème 1 Apports de la participation aux ateliers

Thème 2 Difficultés rencontrées lors des ateliers

Prise de distance par rapport à la maladie Distanciation du vécu douloureux Acceptation de la maladie Bénéfices personnels Partage et identification Meilleure compréhension de la maladie par la famille Amélioration des relations avec les soignants Peur de ne pas arriver à écrire Difficultés à choisir le thème de la scène Implication émotionnelle liée à la mise en mots

Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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maladie et en se remémorant des situations difficiles qu’ils ont vécues en lien avec le lupus (« On n’a pas trop envie d’aller chercher au fond » ; « C¸a remue le couteau dans la plaie » ; « C¸a fait revenir les questions : pourquoi nous ? pourquoi cette maladie » ; « C¸a fait du bien mais du mal aussi » ; « Ecrire, c’est difficile sur le plan émotionnel »). Finalement, le discours des patients révèle que ce travail est nécessaire, même s’il est douloureux, puisqu’il leur a permis une mise à distance par rapport à la maladie et à son vécu. 3.4. Illustration à travers la présentation d’un cas Nous présenterons, pour finir, l’évolution de Mme A. tout au long de sa participation aux ateliers. Âgée de 47 ans, cette patiente présente un lupus diagnostiqué depuis 13 ans qui l’a confrontée, tout au long de ces années, à des symptômes cutanés, rénaux et cardiaques. À l’inclusion dans l’étude, elle se décrit comme étant en mauvaise santé et estime que sa maladie affecte sévèrement sa vie, notamment au niveau émotionnel. Elle pense qu’elle n’a absolument pas le pouvoir de contrôler sa maladie et que les traitements ne peuvent pas l’aider. Les scores obtenus par Mme A. à l’HADS laissent suspecter un état dépressif et indiquent qu’elle présente un état anxieux avéré. Mme A. est décrite par les soignants comme une patiente difficile à approcher présentant souvent des attitudes d’opposition. Lorsqu’on lui propose de participer aux « ateliers théâtre », elle accepte pourtant et semble intéressée par l’expérience. Dès le premier atelier, Mme A. s’intègre facilement au groupe. Elle écrit un long texte qu’elle décide de détruire, non pas par le feu comme la plupart des participants, mais en l’envoyant par courrier à un personnage mythique réputé pour répondre aux vœux des enfants. Elle nous dira, lors du focus group, toute la violence qu’elle a pu exprimer dans ce premier texte, violence qu’elle a essayé d’atténuer lorsqu’elle a écrit ensuite le texte destiné à être lu puis joué, afin de ne pas effrayer les autres membres du groupe (« Je savais pas trop doser. J’avais peur de choquer. Je ne voulais pas faire peur aux autres. »). Mme A. a choisi de décrire un moment particulier de la maladie, celui d’une hospitalisation pour complications cardiaques. Elle y met en scène plusieurs membres de sa famille avec qui elle dit avoir des relations très difficiles. Dès la première mise en scène du texte, on observe une certaine distanciation avec une prise de recul par rapport au comportement de sa famille qu’elle présente comme très peu soutenante. Cette prise de distance se retrouve tout au long du processus de réécriture du texte et des aménagements de la mise en scène. Elle parvient dans la scène définitive à minimiser les réactions de sa famille en utilisant l’humour. Le travail d’écriture, puis de mise en scène, a permis à Mme A. de dédramatiser son vécu douloureux. Son positionnement par rapport à la pathologie évolue tout au long des séances et elle finit par exprimer l’idée qu’elle aura le dessus sur la maladie. Si les scores aux différents questionnaires n’évoluent pas beaucoup lors des différentes évaluations, on peut quand même noter que Mme A. semble mieux vivre au quotidien avec sa maladie. Sa participation aux ateliers s’est accompagnée de plusieurs changements dans sa vie. Elle a notamment déménagé et quitté ainsi un cadre de vie qu’elle décrivait comme pesant. Elle est également dans une démarche active de recherche de travail et s’est investie dans des activités de loisirs agréables pour elle. Elle n’hésite plus à poser des questions à son médecin ou aux différents soignants qu’elle rencontre. Ceux-ci la décrivent maintenant comme beaucoup plus ouverte et à la recherche de solutions par rapport à sa maladie qu’elle semble prendre en charge de manière plus active. 4. Discussion et conclusion L’étude présentée ici nous a, tout d’abord, permis d’évaluer la faisabilité de l’intervention « ateliers théâtre » auprès de patients porteurs d’un lupus. Le format et la structure de l’intervention proposée, même s’ils paraissent lourds en raison du nombre et de la durée des ateliers, ont été bien acceptés par les patients qui se sont fortement impliqués dans l’ensemble des sessions. Le choix de localiser notre intervention en dehors de l’hôpital afin d’éviter aux patients de revenir dans un lieu de soins qui peut avoir, pour certains, une connotation négative, a certainement facilité leur participation. L’aspect ludique des ateliers proposés (exercices corporels, exercices d’écriture collective) et leur format inhabituel par rapport à la prise en charge classique ont également augmenté la motivation des patients à revenir d’un atelier à l’autre. Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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L’évaluation quantitative, par le biais de questionnaires complétés par les patients avant et après l’intervention, n’a pas permis de montrer d’évolution significative sur les différentes variables évaluées tout au long des ateliers. Ceci est probablement lié à la taille réduite de notre échantillon. Il est aussi possible que certains scores, notamment ceux d’état anxiodépressif, aient été affectés par des événements de vie difficiles, comme par exemple la maladie d’un proche, auxquels certains patients ont été confrontés entre le début et la fin de l’intervention. Il aurait été pertinent de constituer un groupe témoin afin d’évaluer l’évolution des différentes variables en dehors de l’intervention proposée. Il ne nous a malheureusement pas été possible de mettre en place un essai contrôlé randomisé dans le contexte de l’ET proposée aux patients porteurs d’un lupus. Si le protocole initial de notre étude exploratoire prévoyait bien le recrutement d’un groupe témoin, le suivi de ces patients a été extrêmement difficile à mettre en œuvre, ce qui ne nous a pas permis de réaliser l’étude comparative prévue au départ. Pour tester l’efficacité de notre prise en charge, nous envisageons donc d’utiliser la méthode des protocoles individuels (single case) dans la suite de cette étude. Pour cela, nous souhaitons proposer cette expérience d’ateliers théâtre à d’autres patients présentant un lupus et l’étendre si possible par la suite à des patients porteurs d’autres pathologies. L’évaluation qualitative de notre intervention a, quant à elle, permis de souligner l’intérêt et les apports des ateliers théâtre pour les patients. Le focus group réalisé à distance de l’intervention a, en effet, fait émerger le fait que la participation aux ateliers, à travers le travail de création de sa propre scène mais également en se confrontant aux scènes des autres patients, a amené les patients à progressivement mieux accepter la maladie. Nous avons pu observer que l’écriture et la mise en scène ont donné l’opportunité aux patients d’exprimer différents sentiments liés à la maladie, notamment de colère et/ou d’injustice. La verbalisation de tels sentiments n’est pas facile et les patients trouvent peu d’espaces dans lesquels ils peuvent se le permettre. Comme l’évoquent Assal et al. (2009), « aborder l’indicible du patient est un processus délicat et qui prend du temps ». Le fait de pouvoir mettre des mots, mais également des gestes, sur ces sentiments a été facilité par le format de l’intervention proposée et semble avoir permis d’atténuer la colère ressentie initialement. Le travail autour de l’écriture et de la mise en scène de moments douloureux dans la vie du patient a ainsi amené les patients à évoluer dans les phases d’acceptation de la maladie décrites par Lacroix et Assal (2003). La prise de distance par rapport à la maladie grâce à l’écriture puis aux mises en scènes successives permet donc progressivement aux patients d’opérer un changement de perspective et de mieux vivre ensuite avec sa maladie. Ceci a déjà pu être montré dans différentes expériences d’ateliers d’écriture ou de peinture (Haenni et al., 2004). Le travail de mise en scène qui suit celui d’écriture s’avère être une phase très importante dans le processus de distanciation (Assal et al., 2009 ; Malavia, 2017). Ce travail qui, dans notre intervention, a été réalisé par les patients au cours des ateliers 4 à 7 semble avoir favorisé une prise de distance progressive par rapport aux difficultés rencontrées avec la maladie. Si, dans un premier temps, la phase de création des scènes a pu réactiver des sentiments négatifs chez les patients, la répétition des mises en scène a ensuite amené une dédramatisation de moments identifiés au départ comme particulièrement difficiles. Au-delà des aspects thérapeutiques directs pour les patients, cette étude nous a permis de mieux connaître et comprendre le vécu et les représentations de la maladie lupique à travers notamment les thèmes qui ont émergé dans les scènes créées par les patients. Le travail d’écriture, dont la consigne invitait les patients à mettre en mots un épisode marquant de leur vie avec la maladie, nous donne en effet accès aux aspects qui préoccupent particulièrement les patients ayant un lupus. Les scènes se focalisent en premier lieu sur l’histoire de la maladie aussi bien en termes de symptômes que de difficultés provoquées par le lupus dans la vie quotidienne. Ceci semble tout à fait en cohérence avec les données de la littérature concernant le caractère handicapant du lupus et son impact négatif sur la qualité de vie des patients (Karol et al., 2013 ; Kotsis et al., 2014 ; Palagini et al., 2013 ; Schmeding & Schneider, 2013). Les douleurs et la fatigue ressenties ainsi que les nombreux renoncements liés à la maladie sont mis en avant. On retrouve également la peur de la détérioration physique et l’incertitude concernant l’avenir. Un autre thème qui apparaît soit directement, soit en filigrane, dans les scènes concerne le monde du travail avec une mise en avant des difficultés engendrées par le lupus lorsque le patient cherche un emploi. L’ensemble de ces thèmes correspond à ceux déjà identifiés dans l’étude de Goodman et al., (2005). Par ailleurs, les thèmes choisis pour les scènes montrent aussi l’importance pour les patients des réactions de l’entourage par rapport à la maladie. Les incompréhensions de Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002

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certains proches concernant la situation du patient, les attitudes parfois très négatives et le manque de soutien perc¸u par certains patients sont notamment mis en avant. Il est intéressant de noter que, pour ceux qui mettaient en avant ces difficultés, des évolutions positives dans les relations familiales et dans les attitudes des proches ont pu être observées ou rapportées notamment lors de la séance de debriefing et du focus group. Ceci peut être lié à la fois à des changements de comportements et d’attitudes des patients en lien avec leur participation aux ateliers, mais également à la présence des proches lors de la représentation « publique » des scènes. Cette représentation n’avait pas été prévue dans la trame initiale des ateliers. Ce sont les patients qui ont demandé à ce que le travail réalisé tout au long de l’intervention puisse donner lieu à une représentation à destination des familles dans un théâtre. Ils souhaitaient ainsi que leurs proches arrivent à mieux comprendre la maladie et ses conséquences à travers les différentes scènes présentées. Ce constat souligne l’importance de questionner la place des proches dans les programmes d’ET (Poivret, Gossec, Delannoy, & Giraudet-Le Quintrec, 2013 ; Untas et al., soumis). En conclusion, l’étude exploratoire présentée ici nous a donc permis de proposer à des patients atteints d’un lupus une prise en charge innovante en ET. Elle montre la faisabilité d’une intervention de type « ateliers théâtre » en complément d’un programme classique d’ET destiné à des patients porteurs d’un lupus. Cette expérience de mise en œuvre des ateliers a permis un travail plus en profondeur que celui réalisé dans le programme classique, sur le vécu de la maladie et son acceptation par les patients en leur offrant un espace pour mettre en mots les difficultés en lien avec la maladie. Cette première évaluation des ateliers a souligné l’intérêt que peuvent avoir les patients pour une telle approche ainsi que les bénéfices qu’ils perc¸oivent de leur participation. Il nous semble important maintenant d’étendre cette expérience à d’autres patients porteurs de la même maladie mais également de l’élargir à d’autres pathologies. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Remerciements Les auteurs remercient Eliane Pombet et l’Association Lupus France pour leur soutien dans le développement et la mise en œuvre de cette étude, ainsi que Elodie Hamain, Stéphanie Pin et Nicolas Soullard de la Compagnie Donc Y Chocs pour leur implication dans les ateliers théâtre. Références Arnaud, L., Fagot, J.-P., Mathian, A., Paita, M., Fagot-Campagna, A., & Amoura, Z. (2014). Prevalence and incidence of systemic lupus erythematosus in France: A 2010 nation-wide population-based study. 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Pour citer cet article : Koleck, M., et al. Travailler l’acceptation de la maladie en éducation thérapeutique : exemple d’une intervention « ateliers théâtre » pour des personnes porteuses d’un lupus. Pratiques psychologiques (2018), https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.10.002