Un cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne

Un cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2011) 128, 99—102 CAS CLINIQUE Un cas d’angiosarcome de l’oreille moye...

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2011) 128, 99—102

CAS CLINIQUE

Un cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne夽 F. Buraïma a, Y.M. Kouassi a,∗, A. Coulibaly b, A. Touré b, M.-J. Tanon-Anoh a, B. Kouassi a a b

Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, CHU de Yopougon, BP 632, Abidjan 21, Côte d’Ivoire Service de radiologie et d’imagerie médicale, CHU de Yopougon, BP 632, Abidjan 21, Côte d’Ivoire

MOTS CLÉS Angiosarcome ; Oreille moyenne ; Exérèse tumorale large

Résumé Introduction. — L’angiosarcome de l’oreille moyenne est une tumeur maligne rare dont le diagnostic doit être établi sans retard afin de permettre une exérèse carcinologique satisfaisante. L’objectif est de décrire et discuter la prise en charge diagnostique et thérapeutique de cette tumeur maligne rare de l’oreille moyenne. Cas clinique. — Une patiente de 12 ans était rec ¸ue pour une masse rétroauriculaire et une tumeur bourgeonnante du méat acoustique externe gauche sans paralysie faciale périphérique associée. Le scanner révélait une tumeur de la région mastoïdienne étendue au méat acoustique externe avec une lyse osseuse mastoïdienne et occipitale. L’exérèse tumorale était réalisée par voie d’abord rétroauriculaire. Le diagnostic après chirurgie était celui d’un angiosarcome. Il n’y avait aucun signe de récidive locale après un an de suivi régulier. Discussion/Conclusion. — L’angiosarcome de l’oreille moyenne est une tumeur rare dont le diagnostic est tardif en raison des signes non-spécifiques de début. La prise en charge efficiente passe par une approche multidisciplinaire. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les tumeurs malignes de l’oreille sont peu fréquentes avec une incidence d’un cas pour six millions d’habitants. Quel qu’en soit son type histopathologique, la localisation de ces tumeurs à l’oreille moyenne est exceptionnelle [1]. Ainsi,

DOI de l’article original : 10.1016/j.anorl.2010.09.002. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y.M. Kouassi). 夽

l’angiosarcome de l’oreille moyenne est exceptionnelle. Son diagnostic doit être établi sans retard afin de permettre une exérèse carcinologique satisfaisante sans risque de séquelles neurologiques. Le pronostic, mauvais, en général, dépend en réalité de la précocité du diagnostic [2]. Notre observation nous permet de décrire et discuter la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’angiosarcome de l’oreille moyenne.

Cas clinique Une adolescente de 12 ans a été rec ¸ue pour une otorrhée chronique unilatérale gauche évoluant depuis deux ans, associée à une tuméfaction rétroauriculaire. Cliniquement,

1879-7261/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.aforl.2010.09.011

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Figure 1 externe.

F. Buraïma et al.

Masse rétroauriculaire et du méat acoustique

la patiente présentait une tumeur bourgeonnante comblant le méat acoustique externe et une masse rétroauriculaire ferme mesurant 6 cm de grand diamètre (Fig. 1). Il n’existait pas de paralysie faciale périphérique associée. La tomodensitométrie confirmait l’existence d’une tumeur de la région mastoïdienne étendue à la caisse du tympan et au méat acoustique externe. Il existait une lyse osseuse mastoïdienne et de la paroi postérieure du méat acoustique externe (Fig. 2). L’exérèse tumorale par une voie d’abord retroauriculaire était réalisée avec confection d’une plastie de conque (Fig. 3). Les suites opératoires immédiates étaient marquées par une suppuration du site opératoire malgré l’antibiothérapie empirique systématique. Il existait, par ailleurs, une parésie faciale de grade 3 (classification de House et Brackmann). L’infection du site opératoire a été jugulée sous antibiothérapie adap-

Figure 2 Scanner de l’oreille en coupe axiale montrant une lyse osseuse mastoïdienne.

Figure 3 Tumeur de la région mastoïdienne étendue au méat acoustique externe par lyse de la paroi postérieure du méat.

tée et la récupération de la parésie faciale fut totale. L’examen histologique de la pièce opératoire objectivait plusieurs fentes vasculaires avec des atypies cytonucléaires des cellules endothéliales permettant de retenir le diagnostic d’angiosarcome de l’oreille moyenne étendu au méat acoustique externe (Fig. 4). La radiochimiothérapie complémentaire prescrite n’avait pu être réalisée en raison de l’absence de radiothérapie en Côte d’Ivoire. La patiente était alors référée au service d’oncologie où la chimiothérapie était réalisée. Avec un recul de 12 mois, il n’y a aucune notion de récidive.

Discussion Les tumeurs malignes primitives de l’oreille moyenne sont rares, représentant 5 % des cancers de l’oreille [1]. En effet, 80 % des cancers de l’oreille moyenne sont des extensions de néoplasies de l’oreille externe, notamment du méat acoustique externe [2]. Notre cas avait, pour site primitif, la mastoïde avec extension secondaire à la caisse et au méat acoustique externe par effraction de la paroi postérieure de celui-ci. L’âge moyen de survenue dépend du type histologique [2,3]. Ainsi, les sarcomes surviennent au cours de la première décennie [4]. L’otite chronique en serait un facteur favorisant [1,2,3,5]. Notre cas présentait une otorrhée chronique qui serait de notre avis, plutôt conséquence de la tumeur. Il s’agit, cependant, d’un symptôme non-spécifique des tumeurs malignes de l’oreille. Ce fait a pour corollaire de faire errer le diagnostic, expliquant ainsi le long délai de prise en charge chez notre patiente (24 mois). Moffat et al. [5] rapportaient un délai moyen de consultation moins long de six mois. Ainsi, devant toute otorrhée chronique ne répondant pas au traitement antiinfectieux et surtout lorsque l’otoscopie révèle un polype ou un effondrement du méat acoustique externe, un bilan tomodensitométrique doit être entrepris sans délai [5]. Dans notre cas clinique, les images tomodensitométriques de lyse osseuse ont fait évoquer l’hypothèse d’un cholestéatome

Un cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne

Figure 4 théliales.

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Coupe histologique (HEX 100) montrant plusieurs fentes vasculaires avec des atypies cytonucléaires des cellules endo-

Tableau 1 Cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne dans la littérature. Auteurs

Pays

Effectif

Cerny [7] Fishbun [8] Alvares et al. [1] Notre cas

Tchécoslovaquie Russie Brésil Côte d’Ivoire

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de l’oreille moyenne. Le diagnostic de l’angiosarcome de l’oreille moyenne requiert à la fois une grande expertise du clinicien et du radiologiste. Seul l’examen anatomopathologique du prélèvement biopsique réalisé sur une lésion suspecte permet d’établir le diagnostic. Dans notre cas, la confirmation diagnostique n’a été obtenue que par l’examen histologique de la pièce opératoire. Le Tableau 1 résume les cas d’angiosarcome de l’oreille moyenne retrouvé dans la littérature [7,8]. En l’absence de consensus, la classification TNM de Pittsburgh relative aux carcinomes épidermoïdes du méat auditif externe [9,10], proposée en 1990, est la plus utilisée. Elle est basée sur les données de l’examen clinique préopératoire et du scanner [9]. Cette classification a l’avantage d’avoir un double intérêt thérapeutique et pronostique. Une révision mineure a été proposée en 2000 [9]. La prise en charge thérapeutique des tumeurs de l’oreille moyenne dépend de l’extension de la tumeur [3]. Le traitement associe classiquement la chirurgie et/ou la radiochimiothérapie. Le traitement chirurgical doit obéir aux règles de la chirurgie carcinologique et non aux principes généraux de la chirurgie otologique [5]. La chirurgie doit être large et adaptée ; le plus souvent, il s’agit de pétrectomie nécessitant un plateau technique adapté [6,10]. Notre cas a été pris en charge par un évidement pétromastoïdien élargi ayant permis une exérèse chirurgicale satisfaisante. La radiochimiothérapie prescrite n’a pu être réalisée en raison de l’absence de radiothérapie en Côte d’Ivoire. Seule la chimiothérapie adjuvante a été réalisée selon les protocoles habituels. Le pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de l’extension de la tumeur. Dans les formes

évoluées, l’exérèse chirurgicale est incomplète dans 50 % des cas, expliquant ainsi le taux élevé de récidive locale à dix mois [3]. Dans notre cas, le recul est de 12 mois sans récidive locale.

Conclusion L’angiosarcome de l’oreille moyenne est une tumeur rare, à l’instar des autres tumeurs de l’oreille moyenne. Le diagnostic est tardif en raison des signes de début non-spécifiques orientant l’otologiste vers une étiologie infectieuse. Le scanner est d’un intérêt diagnostique certain, à condition que le radiologiste soit expérimenté. L’examen histologique d’un prélèvement biopsique réalisé sur la moindre lésion suspecte est la clé du diagnostic, seul gage d’une prise en charge thérapeutique efficiente. Nous insistons sur l’intérêt de la prise en charge multidisciplinaire entre otologiste, radiologiste et oncologue.

Déclaration d’intérêts Aucun.

Références [1] Alvarez CN, Da Silva CV, Luisi A. Carcinomes primitifs de l’oreille externe et de l’oreille moyenne. Ann Otolaryngol 1981;98(2):613—9. [2] Yeung P, Bridger A, Smee R. Malignancies of the external auditory canal and temporal bone: a review. ANZ J Surg 2002;72:114—20. [3] Depondt J, Bouccara D, Enaux M, et al. Tumeurs malignes du rocher : à propos de 25 cas. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1995;112:309—16. [4] Abbas A, Awan S. Rhabdomyosarcoma of the middle ear and mastoid: a case report and review of the literature. Ear Nose Throat J 2005;84(12):780—4. [5] Moffat DA, Wagstaff SA, Hardy DG. The outcome of radical surgery and postoperative radiotherapy for squamous cell carcinoma of the temporal bone. Laryngoscope 2005;115(2):341—7.

102 [6] Schmerber S, Righini CH, Soriano E. Résultat des traitements des tumeurs malignes du conduit auditif externe. Rev Laryngol Otol Rhinol 2005;126(3):165—70. [7] Cerny L. Hemangiosarcoma of the middle ear. Cesk Otolaryng 1972;21:211—4. [8] Fishbun AV. Angiosarcoma of the middle ear in a 4-year old girl. Zh Ushn Nos GorlBolezn 1973;33:106—8.

F. Buraïma et al. [9] Nyrop M, Grontved A. Cancer of the external auditory canal. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2002;128: 834—7. [10] Arriaga M, Curtin H, Takahashi H, et al. Staging proposal for external auditory meatus carcinoma based on preoperative clinical examination and computed tomography findings. Ann Otol Rhinol Laryngol 1990;99(9):714—21.