Journal of Number Theory NT2131 journal of number theory 66, 306313 (1997) article no. NT972131
Un lemme de zeros modulaire Georges Philibert Equipe de Theorie des Nombres, Universite de Saint-Etienne, 23, rue du Docteur Paul Michelon, 42023 St Etienne Cedex 2, France Communicated by M. Waldschidt Received November 7, 1996; revised November 22, 1996
1. INTRODUCTION La preuve de la conjecture de MahlerManin (voir [BDGP]) a immediatement pose la question d'une mesure de transcendance de J(q), pour q # Q , |q| # ]0, 1[ (J est le developpement de Fourier a l'infini de l'invariant modulaire). Il etait necessaire, pour cela, de disposer d'un lemme de zeros relatif a J : c'est l'objet de cet article. Le developpement de Fourier a l'infini de l'invariant modulaire j (voir [Lan1]) J(T )=
(1+240 n1 n 3T n(1&T n )) 3 1 = +744+ : c(n) T n, T (> n1 (1&T n )) 24 T n1
serie de Laurent a coefficients entiers naturels, definit une fonction analytique sur le disque unite pointe [z # C; 0< |z| <1] de C. Nous allons prouver le lemme de zeros suivant: Theoreme 1. Soit P # C[X, Y ] un polyno^me non nul dont les degres partiels satisfont deg X PL 1
et
deg Y PL 2 ,
avec L 2 1. Alors l'ordre en 0 de la serie de Laurent F(T ) =P(T, J(T )) # C((T )) est majore par ord 0 F9L 1 L 2 + 32 L 2 & 12 . Le resultat obtenu est de la forme que l'on espere dans ce genre de situation. Le principe de la demonstration est original. Dans une premiere partie, on associe, a un polyno^me P # C[X, Y ], un ``polyno^me modulaire'' Q; dans la seconde partie, on utilise les series de Puiseux pour conclure a la 306 0022-314X97 25.00 Copyright 1997 by Academic Press All rights of reproduction in any form reserved.
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non-nullite d'un polyno^me construit par elimination a partir des polyno^mes P et Q. 1. NOTATIONS Les notions et les resultats qui suivent sont exposes notamment dans [Web] ou [Lan1]. Pour tout entier n2, soit 2 * n l'ensemble 2*= n
a b # M2(Z); ad&bc=n, (a, b, c, d )=1 . c d
{\ +
=
Nous dirons que :, ; # 2 * n sont equivalentes, et nous le noterons :t;, s'il existe # # SL 2(Z) telle que :=# } ;. L'ensemble quotient de 2 n* par la relation d'equivalence t admet pour systeme de representants C(n)=
a
b
{\0 d + # M (Z); a0, d0, ad=n, 0b
L'ensemble C(n) possede (n) elements, que nous noterons : 1 , ..., : (n) , ou (n)=n > p | n (1+(1p)), le produit portant sur tous les diviseurs premiers de n. On fait agir M + 2 (Z)=[# # M2(Z); det(#)>0] sur le demi-plan de Poincare H=[z # C; Imz>0] de la facon suivante: pour #=( ac bd ) # M+ 2 (Z) et pour { # H, #({)=(a{+b)(c{+d ). Nous noterons indifferemment # la matrice et la fonction de H dans H ainsi definie. Interessons-nous a present a des proprietes de l'invariant modulaire j. Rappelons que j et J sont lies par: j ({)=J(e 2i?{ ),
pour tout
{ # H.
La modularite de j se traduit par le fait que si :, ; # 2 * n et si :t;, alors j b :=j b ;. Soit # # SL 2(Z). Pour tout : # 2 *, n on a : . # # 2 *. n Pour k, l # [1, ..., (n)], si : k . #t: l . #, alors : k t: l et donc k=l. Ainsi, t t l'application : k [ : k . # est une permutation de l'ensemble quotient 2* nt de 2 * n par la relation d'equivalence t, et par consequent [ j b : 1 b #, ..., j b : (n) b #]=[ j b : 1 , ..., j b : (n) ]. Notons Kn =C( j, j b : 1 , ..., j b : (n) ). On fait agir a droite SL 2(Z) sur Kn : n Kn pour # # SL 2(Z), definissons . # : K f [ f b # . Nous venons de voir que . # induit une permutation de [ j b : 1 , ..., j b : (n) ]. De plus, . # est un morphisme du corps Kn tel que . #( j )=j. On prolonge . # de maniere naturelle en un morphisme de l'anneau Kn[X]. Dans toute la suite, nous utiliserons ces proprietes pour n=2.
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2. DEMONSTRATION DU THEOREME Soit P # C[X, Y ] un polyno^me non nul dont les degres partiels satisfont deg X PL 1 et deg Y PL 2 , avec L 2 1. Notons F(T)=P(T, J(T )) # C((T )). La serie F n'est pas nulle, car la serie J(T ) est transcendante sur C((T )) (voir [BDGP, lemme 4]). Traitons separement differents cas avant de conclure. 2.1. Si deg Y P=0 Dans ce cas, P(X, Y )=P 0(X ) # C[X ] et alors ord 0 Fdeg X P. 2.2. Si deg X P=0 Dans ce cas, P(X, Y)=P 1(Y ) # C[Y] et alors, comme ord 0 J=&1, on a ord 0 F=° Y P. 2.3. Si deg X P deg Y P{0 et si P est irreductible dans C[X, Y ] En nous inspirant de la methode de construction du polyno^me modulaire 8 2(X, Y ) (voir [Web] ou [Lan1]), nous allons construire a partir de P un polyno^me Q(X, Y ), dont nous ma@^ triserons les degres partiels, et que nous saurons lier a F. Puis en eliminant l'indeterminee Y entre P et Q gra^ce a un resultant, nous obtiendrons une majoration de ord 0 F. Nous allons travailler avec les notations du paragraphe 1, en choisissant n=2 (et alors (2)=3). (a)
Considerons le polyno^me de K2 [X ] 3
S(X)= ` P(X, j b : k ). k=1
Pour tout # # SL 2 (Z), on a . #(S)(X )=S(X ) car . # induit une permutation de [ j b : 1 , j b : 2 , j b : 3 ]. Les coefficients du polyno^me S sont donc invariants sous SL 2(Z), et ce sont des fonctions holomorphes sur H, et meromorphes a l'infini. On deduit donc de [Lan1, theoreme 2, p. 54, chapitre 5, paragraphe 2], que les coefficients de S sont des polyno^mes en j, c'est a dire qu'il existe un polyno^me Q # C[X, Y ] tel que S(X )=Q(X, j ).
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(b) Nous voulons a present majorer les degres partiels de Q en fonction de deg X P et deg Y P. Il est clair que deg X Q=3 deg X P. Interessons-nous a deg Y Q en etudiant la partie polaire preponderante des coefficients de S(X ) a l'infini. Notons deg X P
P(X, Y )= : p l (Y ) X l. l=0
Si :=( a0
b d
) # C(2), on a ad=2 et donc
j b :({)=j
\
a 2{+ab 2 2 =e &i?(a {+ab) +744+ : c(n) e i?n(a {+ab). 2 n1
+
Pour 0ldeg X P, la fonction p l ( j b :) a donc une partie polaire pre2 ponderante en e &i?{a deg p l, et l'exposant de e &i?{ est a 2 deg Y P. Or nous avons [: 1 , : 2 , : 3 ]=[( 20 01 ), ( 10 02 ), ( 10 12 )]. Il s'ensuit que pour un coefficient de S, la partie polaire dominante a un exposant en e &i?{ au plus egal a (4+1+1) deg Y P=6 deg Y P. Puisque les coefficients de S s'expriment en realite en e 2i?{, la partie polaire dominante de S a un exposant en e &2i?{ au plus egal a 3 deg Y P. On en deduit deg Y Q3 deg Y P. (c) Nous allons maintenant eliminer Y entre les polyno^mes P(X, Y ) 2 et Q(X 2, Y ). Pour cela, on les regarde comme des polyno^mes de C[X ][Y ] et on considere leur resultant (voir [Lan2, chapitre V, paragraphe 10]), R(X )=Res Y (P(X, Y ) 2, Q(X 2, Y )) # C[X ]. Il existe deux polyno^mes A et B # C[X, Y ] tels que: R(X )=A(X, Y ) P(X, Y) 2 +B(X, Y) Q(X 2, Y ), deg Y A(X, Y )deg Y Q(X 2, Y )&1, deg Y B(X, Y )deg Y P(X, Y ) 2 &1, deg R(X )deg X Q(X 2, Y ) deg Y P(X, Y ) 2 +deg Y Q(X 2, Y ) deg X P(X, Y ) 2.
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(1)
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On en deduit deg Y A(X, Y )3 deg Y P(X, Y )&1, deg Y B(X, Y )2 deg Y P(X, Y )&1, deg R(X )18 deg X P(X, Y ) deg Y P(X, Y). (d) Supposons dans un premier temps que R n'est pas le polyno^me nul, ce que nous prouverons au paragraphe e. On a: ord 0 A(T, J(T ))&3 deg Y P+1, ord 0 B(T, J(T ))&2 deg Y P+1, ord 0 R(T )18 deg X P deg Y P. Estimons ord 0 Q(T 2, J(T )). Tout z # C tel que 0< |z| <1 s'ecrit z=e 2i?{, avec { # H. On a Q(z 2, J(z))=P(z 2, J(z 2 )) g({) ou
\
g({)=P e 4i?{, j
{ 2
\ ++ \
P e 4i?{, j
{+1 2
\ ++ .
On remarque que pour tout { # H, on a g({+1)=g({); il existe donc une serie G(T ) # C((T)) definissant une fonction G analytique dans le disque unite pointe de C telle que g({)=G(e 2i?{ ) pour tout { # H. Etudions ord 0 G. Le terme principal du developpement de Laurent en e i?{ de P(e 4i?{, j ({2)) ou de P(e 4i?{, j (({+1)2)) est d'exposant au moins egal a °Y P (car j ({2)=e &i?{ +744+ n1 c(n) e i?{n } } } ). Il en resulte que ord 0 G(T )&(22) deg Y P, et donc que ord 0 Q(T 2, J(T ))2 ord 0 F(T)° Y P. De plus, d'apres (1), nous avons ord 0 R(T )min(ord 0 A(T, J(T ))+2 ord 0 F(T ); ord 0 B(T, J(T ))+ord 0 Q(T 2, J(T)),
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d'ou 18 deg X P deg Y P2 ord 0 F(T )&3 deg Y P+1, c'est a dire ord 0 F(T)9 deg X P deg Y P+ 32 deg Y P& 12 . (e)
Il nous faut maintenant prouver que R{0.
Soit J(T ) # C((T )) la serie de Laurent en 0 de J. Nous allons voir que, si R=0, alors toute racine dans C((T )) du polyno^me P(X, J((T )) # C((T ))[X ] est un mono^me. Comme la fonction J est transcendante, cela est impossible, ce qui prouve que R{0. La clo^ture algebrique du corps des series de Laurent C((T )) est le corps des series de Puiseux (voir [Gra] ou [Pic]), note C((T ))=
{:
=
a k T kq ; k 0 # Z, q # N"[0], a k # C pour kk 0 .
kk 0
Si :=( a0 bd ) # C(2), alors j b : a, a l'infini, pour developpement en serie de Puiseux V(T)=J(e 2i?(bd ) T ad ). Notons, pour k # [1, 2, 3], V k(T ) la serie de Puiseux correspondant a : k # C(2). On a 3
Q(X 2, J(T ))= ` P(X 2, V k(T )) # C((T ))[X]. k=1
Le polyno^me P etant irreductible, R(X)=Res Y (P(X, Y ) 2, Q(X 2, Y ))=0 implique que P(X, Y ) divise Q(X 2, Y ) dans C[X, Y], et donc P(X, J(T )) divise Q(X 2, J(T )) dans C((T))[X]. Soit W(T) # C((T )) une racine de P(X, J(T )) # C((T ))[X ]. W(T) est donc aussi racine du polyno^me Q(X 2, J(T)), et il existe k # [1, 2, 3] tel que P(W(T ) 2, V k(T ))=0. Autrement dit, il existe :=( a0 bd ) # C(2) tel que P(W(T ) 2, J(e 2i?(bd ) T ad ))=0, soit encore que P(W 2(e &2i?(ba) T (da) ), J(T))=0. En remarquant que ba # [0, 1] et da # [2, 12 ], il vient: Si W(T ) # C((T)) est une racine de P(X, J(T )) # C((T ))[X], alors il existe f # [2, 12 ] tel que W 2(T f ) soit aussi une racine de ce polyno^me. Nous allons prouver qu'alors W(T ) est un mono^me. On va proceder par l'absurde. Notons W(T)=T k 0 q k0 a k T kq, avec q # N"[0], k 0 # Z, a k # C et a 0 {0. Si W n'est pas un mono^me, notons k 1 >0 le plus petit entier strictement positif tel que a k 1 {0. Posons $(W)=( |a 0 |, |a k 1 | ) # ]0, +[ 2.
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Nous avons vu que W (T )=W 2(T f ) est egalement racine de P(X, J(T)), et W (T )=T 2k 0 f q(a 20 +2a 0 a k 1 T k 1 f q + } } } ). Ainsi W n'est pas un mono^me et on a $(W )=( |a 0 | 2, 2 |a 0 | |a k 1 | ). Posons W 0 =W et, pour i1, W i =W i&1 . Tous les W i sont des racines de P(X, J(T )) # C((T ))[X ] dans C((T )), ce ne sont pas des mono^mes, et une recurrence facile donne i
i
$(W i )=( |a 0 | 2 , 2 i |a 0 | 2 &1 |a k 1 |). Il en resulte que tous les $(W i ) sont differents, donc tous les W i sont distincts, ce qui donne une contradiction avec le fait que le polyno^me P(X, J(T )) # C((T))[X ] n'a qu'un nombre fini de racines. On en deduit que W(T ) est un mono^me, c'est a dire W(T )=a 0 T k 0 q. Il vient alors P(a 0 T k 0 q, J(T ))=0, soit encore P(a 0 T k 0, J(T q ))=0, ce qui est impossible car la serie J(T q ) est transcendante. (En effet, la serie J(T) est transcendante, et J(T ) et J(T q ) sont liees par la relation modulaire 8 q(J(T ), J(T q ))=0 des que q2; voir [Web] ou [Lan1].) Nous venons donc de prouver que resultant R n'est pas le polyno^me nul. (f) Conclusion. Nous avons prouve dans ce paragraphe 2.3 que si deg X P deg Y P{0 et si P est irreductible sur C[X, Y], alors ord 0 F9 deg X P deg Y P+ 32 deg Y P& 12 . 2.4. Cas general Si P est de la forme P(X, Y )=P 0(X ) P 1(Y), alors, d'apres les resultats des paragraphes 2.1 et 2.2, on a ord 0 FL 1 ° Y P9L 1 L 2 + 32 L 2 & 12 . Sinon, on decompose P en produit de facteurs dans C[X, Y ] de la facon suivante: t
P(X, Y )=P 0(X ) P 1(Y) ` P k(X, Y ), k=2
ou P 0 # C[X], P 1 # C[Y ], P k(X, Y ) est irreductible dans C[X, Y] et deg X P k deg Y P k {0 si k # [2, ..., t]. On a ord 0 F=ord 0 P 0 +ord 0 P 1 + tk=2 ord 0 P k(T, J(T)). Les resultats obtenus aux paragraphes 2.1, 2.2 et 2.3 donnent: t
ord 0 Fdeg X P 0 ° Y P 1 +9 : deg X P k deg Y P k k=2 t
+
3 t&1 : deg Y P k & , 2 k=2 2
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et on obtient ord 0 Fdeg X P 0 ° Y P 1 +9(deg X P° X P 0 )
\
t
: deg Y P k k=2
+
t
+ 32 : deg Y P k & 12 . k=2
Le theoreme est ainsi prouve.
BIBLIOGRAPHIE [BDGP] K. Barre-Sirieix, G. Diaz, F. Gramain, et G. Philibert, Une preuve de la conjecture de MahlerManin, Invent. Math. 124 (1996), 19. [Gra] F. Gramain, Non-minimalite de la clo^ture differentielle: la preuve de Shelah, in ``Theorie stable'' (B. Poizat, Ed.), Vol. 3, No. 4, 19801982. [Lan1] S. Lang, ``Elliptic Functions,'' AddisonWesley, Reading, MA, 1973. [Lan2] S. Lang, ``Algebra,'' 2nd ed., AddisonWesley, Reading, MA, 1984. [Pic] E. Picard, ``Traite d'Analyse,'' 3 vols., GauthierVillars, Paris, 18911896. [Web] H. Weber, ``Lehrbuch der Algebra,'' Vol. III, Chelsea, New York, 2nd ed., 1908.
File: 641J 213108 . By:DS . Date:23:09:97 . Time:13:51 LOP8M. V8.0. Page 01:01 Codes: 2364 Signs: 801 . Length: 45 pic 0 pts, 190 mm