Une cause rare de masse cervicale douloureuse : la myosite ossifiante progressive de l'enfant

Une cause rare de masse cervicale douloureuse : la myosite ossifiante progressive de l'enfant

Revue du Rhumatisme 72 (2005) 656–658 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Fait clinique Une cause rare de masse cervicale douloureuse : la myo...

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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 656–658 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Fait clinique

Une cause rare de masse cervicale douloureuse : la myosite ossifiante progressive de l’enfant A rare cause of painful cervical swelling: myositis ossificans progressiva in childhood. Report of a case e Fatine Lasry *, Abderrazak Touki, Abdelhak Abkari, Habiba Hadj Khalifa Unité de néphrologie pédiatrique, service de pédiatrie III, hôpital d’enfants, CHU Ibn-Rochd, 172, boulevard Zerktouni, appartement 9, 4 e étage, Casablanca, Maroc Reçu le 6 janvier 2003 ; accepté le 12 septembre 2003 Disponible sur internet le 28 juillet 2004

Résumé La myosite ou fibrodysplasie ossifiante progressive (MOP) est une maladie rare. Nous rapportons l’observation d’une fillette de 13 ans qui présente une MOP de la musculature paravertébrale cervicale et scapulaire. Les radiographies standard n’ont pas montré de squelette ectopique et la tomodensitométrie a mis en évidence un processus inflammatoire diffus. La radiographie des orteils a permis de confirmer le diagnostic en montrant les anomalies osseuses caractéristiques. La connaissance de ces anomalies osseuses des orteils et des mains doit permettre d’éviter une biopsie chirurgicale, en particulier, qui peut déclencher une poussée évolutive de la maladie. Son pronostic est réservé. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Abstract Myositis ossificans progressiva (MOP) is a rare condition of which we report a case in a 13-year-old girl with involvement of the cervical, paraspinal and periscapular muscles. No ectopic ossifications were visible on plain radiographs. Computed tomography disclosed diffuse inflammation. Plain radiographs of the toes confirmed the diagnosis by visualizing characteristic bone abnormalities. Knowledge of the digital abnormalities seen in MOP is important to avoid unnecessary diagnostic investigations, most notably a surgical biopsy, which may trigger a flare of the disease. The prognosis is guarded. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Myosite ou fibrodysplasie ossifiante progressive ; Maladie de Munchmeyer ; Malformations des gros orteils Keywords: Myositis ossificans progressiva; Fibrodysplasia ossificans progressiva; Munchmeyer disease; Congenital great toe abnormalities

1. Introduction La myosite ou fibrodysplasie ossifiante progressive (MOP ou FOP) ou maladie de Munchmeyer est une maladie génétique rare se transmettant selon le mode autosomique dominant avec pénétrance variable. Elle correspond à une * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lasry). e Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. 1169-8330/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.rhum.2003.09.028

anomalie de la différenciation mésenchymateuse avec développement d’os lamellaire dans le tissu conjonctif et dans le muscle. Son diagnostic est aisé à un stade évolué où la radiographie standard montre un véritable squelette ectopique associé à des malformations bilatérales des pieds et des mains. Son évolution est fatale avec risque d’enraidissement, de pétrification et de décès par insuffisance respiratoire restrictive. Le but de ce travail est de rappeler les circonstances de découverte souvent déroutantes, le diagnostic radiologique avec l’importance de l’association de malformations caractéristi-

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Fig. 2. Scannographie de la masse cervicodorsale.

Fig. 1. Radiographie thoracique de profil.

ques congénitales et enfin de souligner les difficultés de prise en charge.

2. Observation Nadia, 13 ans, issue d’un mariage consanguin, présente depuis deux mois une masse cervicodorsale droite et lombaire, dure et douloureuse, évoluant par poussées entrecoupées de rémission spontanée. Elle n’a pas d’antécédent pathologique particulier, notamment par de traumatisme ; son état général est conservé. Elle présente également une autre masse thoracoabdominale gauche de même aspect que la première. Une série d’examens paracliniques est réalisée : une vitesse de sédimentation à 30 mm/1re heure, une numération formule sanguine qui montre une anémie hypochrome microcytaire à 11 g d’hémoglobine/dl, une CRP négative, des enzymes musculaires normales et un examen normal à la lampe à fente. La radiographie du rachis montre une gibbosité (Fig. 1) et l’échographie du cou une masse tissulaire scapulaire. L’examen tomodensitométrique est en faveur d’un processus infiltrant et diffus de l’ensemble des muscles de la région cervicooccipitale (Fig. 2), des muscles spinaux et de la fosse scapulaire droite. Une atteinte néoplasique est suspectée mais l’évolution par poussées entrecoupées de rémission spontanée à des endroits différents et surtout l’association à des malformations des pieds (1re phalange courte triangulaire fusionnée avec la 2e phalange des gros orteils) (Fig. 3), nous ont fait retenir le diagnostic de MOP débutante, bien qu’il n’y ait pas de calcifications. L’exploration fonctionnelle respiratoire n’a pas montré d’insuffisance respiratoire restrictive. Sous glucocorticoïdes (1 mg/kg par jour de prednisone pour commen-

Fig. 3. Radiographie des deux pieds.

cer) et kinésithérapie douce, on a assisté d’abord à une fonte des masses musculaires suivie d’une reprise évolutive rapide de la même symptomatologie. Après un an d’évolution, l’atteinte musculaire de la ceinture scapulaire entrave les gestes courants, une ankylose et un enraidissement irréductibles accompagnés de calcifications des masses se sont installés. 3. Discussion La MOP ou FOP est une maladie génétique rare [1], qui se transmet selon le mode autosomique dominant avec pénétrance et expression variable [2]. Son étiologie reste encore inconnue avec des hypothèses éventuelles concernant les protéines morphogénétiques de l’os, notamment la protéine4 morphogénétique osseuse dont l’excès de production serait impliqué dans le processus inflammatoire préosseux, avec dysrégulation de production des cellules et médiateurs de l’inflammation au niveau du tissu conjonctif et musculaire [3]. Le gène de la MOP a été récemment isolé sur le chromosome 4q27-31 [4]. Il n’y a pas de différence de sexe, de race ou d’ethnie [4]. Elle se révèle en général dans la 1re décennie de la vie par des tuméfactions ou masses cervicoscapulaires

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[5,6] évoluant par poussées et régressant plus ou moins complètement laissant place à des plaques d’ossification [7]. Elle pose des problèmes de diagnostic différentiel surtout dans les formes localisées ou circonscrites avec des tumeurs malignes et les myosites post-traumatiques [1,8–10]. Elle peut parfois pousser à des exérèses chirurgicales à but diagnostique [11] qu’il faut éviter au maximum car dangereuses avec risque d’exacerbation et de poussée inflammatoire de la maladie. L’exploration radiologique est essentielle au diagnostic, lorsqu’elle montre des ponts osseux entre le squelette du malade et les muscles qui s’y insèrent [6] ; à un stade évolué, elle peut montrer un véritable squelette ectopique [7,12,13]. L’imagerie par résonance magnétique peut aider au diagnostic précoce de la maladie [14]. Ce diagnostic est encore plus aisé lorsque les calcifications retrouvées s’associent à des malformations caractéristiques bilatérales des pieds et des mains : brièveté, raccourcissement, fusion et hypoplasie. Ces anomalies sont importantes à connaître car elles permettent de suspecter la FOP avant même l’apparition de plages ossifiées. Les plus caractéristiques de ces malformations sont celles du premier métatarsien et des phalanges du premier orteil dont la déformation simule une hallux valgus. Les phalanges du pouce peuvent également être le siège du même type d’anomalies [6]. Des malformations vertébrales ainsi qu’une surdité ou une calvitie sont également rapportées [7]. L’évolution se fait par poussées avec, à la fin, un « homme pétrifié » [6] et le décès dans un tableau d’insuffisance respiratoire restrictive avant l’âge de 30 ans [4]. Le traitement reste décevant avec possibilité d’administration des corticoïdes au moment des poussées à des doses variables de 0,5 à 1 mg/kg par jour de prednisone, les biphosphonates peuvent aussi être utilisées mais n’empêchent pas l’évolution fatale.

biopsie chirurgicale qui précipite l’évolution défavorable. C’est une maladie génétique rare à expression variable, qui évolue par poussées avec apparition de plaques calcifiées qui grèvent le pronostic fonctionnel, et évolution terminale vers l’insuffisance respiratoire d’autant plus qu’il n’existe actuellement aucune thérapeutique efficace. Références [1]

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4. Conclusion La MOP est certes une maladie rare, mais elle mérite d’être connue pour éviter les erreurs diagnostiques car son diagnostic est très largement facilité par la radiographie standard et la recherche de malformations congénitales caractéristiques bilatérales des pieds et des mains. Ces malformations sont essentielles au diagnostic car elles permettent de surseoir à la

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