Vaccination des nouveau-nés à risque élevé de tuberculose dans une maternité française

Vaccination des nouveau-nés à risque élevé de tuberculose dans une maternité française

Rec¸u le : 12 novembre 2008 Accepte´ le : 19 juin 2009 Disponible en ligne 25 juillet 2009 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Me´moire ...

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Rec¸u le : 12 novembre 2008 Accepte´ le : 19 juin 2009 Disponible en ligne 25 juillet 2009

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Me´moire original Vaccination of newborns with high risk of tuberculosis in a French maternity hospital M.-A. Dommergues*, F. Robichon, S. Soltane, S. Refol, P. Panel, P. Foucaud Service de pe´diatrie, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles,

Vaccination des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose dans une maternite´ franc¸aise

78150 Le Chesnay, France

Summary Background. The early vaccination with BCG of children with a high risk of tuberculosis straight from the maternity hospital has been recommended since October 2005. However, this recommendation has not often been followed. Practitioners feared that the suspension of the mandatory character of the BCG vaccine dating from July 2007 would result in a decrease in vaccine coverage. The goal of this study was to assess a program for early vaccination with BCG in the maternity hospital for high-risk children. Methods. Intradermal vaccination with BCG-SSIW of high-risk newborns, as defined by the Conseil Supe´rieur d’Hygie`ne Publique de France, at the maternity hospital of Versailles from May 2007 to May 2008. Results. Six hundred and sixty children (35% of births with a sex ratio of 1.13) fulfilled criteria for vaccination in the maternity hospital. Among the high-risk newborns, 596 (89%), were vaccinated. The geographic origin of one or both parents was the main indication (98.6%) for the vaccination. Three main practitioners (two pediatricians and one nurse) performed 72.6% of the BCG intradermal injections. The other BCG vaccinations were given by occasional practitioners: pediatricians, a midwife, or medical students. A papule was subsequently observed more often when the practitioner was experienced: 96.8% for the main practitioners, 83.5% for the occasional practitioners. Fifty-six (8.3%) parents refused vaccination for their eligible newborn. Conclusion. From our experience, the early vaccination of the atrisk of tuberculosis newborn is well accepted in the maternity hospital and presents very few technical problems for an experienced team. ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Re´sume´ La vaccination pre´coce, de`s la maternite´, par le BCG des enfants a` risque e´leve´ de contamination tuberculeuse est recommande´e depuis octobre 2005. Cette mesure est peu ou pas applique´e. La leve´e de l’obligation vaccinale, depuis juillet 2007, fait craindre une diminution de la couverture vaccinale. Objectif. E´valuation de la mise en place d’un programme de vaccination pre´coce par le BCG en maternite´ des enfants a` risque e´leve´ de tuberculose. Me´thode. Vaccination intradermique par le BCG-SSIW des nouveau-ne´s les plus a` risque de tuberculose, tels que de´finis par le Conseil supe´rieur d’hygie`ne publique de France, a` la maternite´ du centre hospitalier de Versailles de mai 2007 a` mai 2008. Re´sultats. Le nombre d’enfants re´pondant aux crite`res retenus pour la vaccination par le BCG en maternite´ e´tait de 670, soit 35 % des naissances, avec un sex-ratio de 1,13. Parmi ces nouveaune´s a` risque e´leve´ de tuberculose, 596 soit 89 % ont e´te´ vaccine´s. L’indication de vaccination e´tait l’origine ge´ographique de l’un ou des 2 parents pour 98,6 % des enfants. Les 3 principaux vaccinateurs (2 pe´diatres de la maternite´ et 1 pue´ricultrice) ont effectue´ 72,6 % des BCG, les autres ayant e´te´ re´alise´s par des vaccinateurs « occasionnels » : pe´diatres, internes et sage-femme. L’absence de papule au lieu d’injection e´tait plus fre´quente lorsque le vaccinateur e´tait peu expe´rimente´ : de 3,2 % des actes vaccinaux avec les principaux vaccinateurs, elle augmentait a` 16,5 % pour les vaccinateurs « occasionnels ». Un refus e´tait rapporte´ dans seulement 8,3 % des cas de proposition de vaccination cible´e dans notre maternite´. Conclusion. Dans notre expe´rience, la vaccination pre´coce en maternite´ est bien accepte´e et pose peu de proble`mes techniques pour une e´quipe entraıˆne´e. ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Tuberculose, Vaccin BCG, Nouveau-ne´

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

1270 0929-693X/$ - see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2009.06.011 Archives de Pe´diatrie 2009;16:1270-1275

Vaccination des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose

1. Introduction La pre´valence de la tuberculose en France, en diminution lente et re´gulie`re depuis plusieurs anne´es, e´tait de 8,9/ 100 000 en 2005, les crite`res pre´conise´s par l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires (UICTMR) pour modifier la politique vaccinale par le BCG e´tant atteints [1]. Si la pre´valence observe´e au niveau national est globalement stable depuis 1997, cette stabilite´ cache de profondes disparite´s re´gionales (19,7/105 en ˆIle-de-France, 28,9/105 en Guyane) et populationnelles, les migrants en provenance de pays a` forte pre´valence e´tant les plus touche´s (69,8/105 chez les sujets ne´s a` l’e´tranger versus 4,8/105 chez ceux ne´s en France). Le premier objectif de la vaccination par le BCG, rendue obligatoire en 1964, est la pre´vention des formes graves de tuberculose du nourrisson et de l’enfant, me´ningites tuberculeuses et miliaires, pour lesquelles l’efficacite´ du BCG est de 70 a` 80 % [2–4]. Les e´tudes concernant l’impact de l’arreˆt de la vaccination sur l’e´pide´miologie de la tuberculose (expe´riences allemande, irlandaise, sue´doise et tche`que) ont confirme´ le roˆle de la vaccination dans la pre´vention des me´ningites tuberculeuses de l’enfant. La vaccination pre´coce des enfants a` risque e´leve´ de contamination tuberculeuse est essentielle et le Conseil d’hygie`ne publique de France (CHPF) (circulaire du 5 octobre 2005 de la Direction ge´ne´rale de la sante´) recommandait de´ja` qu’elle soit re´alise´e en maternite´ pour les populations a` risque (la vaccination antituberculeuse e´tant alors obligatoire pour tous les enfants a` l’entre´e en collectivite´) [5]. En France, le taux de couverture vaccinale e´tait de 84 % a` 24 mois, supe´rieur a` 95 % a` 6 ans et de 99 % a` l’adolescence en 2003. L’arreˆt de production du BCG par applicateur (bague MonovaxW) au 1er janvier 2006 et son remplacement par le BCG-SSIW (souche « Copenhague », produit par le Statens Serum Institut du Danemark) administre´ par voie intradermique, a e´te´ a` l’origine de nombreux de´bats sur la balance be´ne´fice–risque de cette vaccination a` l’ensemble de la population. Cette souche de BCG, plus re´actoge`ne, pourrait eˆtre a` l’origine d’une majoration des complications locales avec un nombre accru de suppurations sous-cutane´es et d’ade´nites. L’incidence des re´actions locales apre`s BCG SSIW a e´te´ estime´e de fac¸on extreˆmement variable selon les e´tudes, l’aˆge et le pays [6,7]. Les effets secondaires du BCG intradermique, quelle que soit la souche, seraient plus fre´quents chez les tre`s jeunes nourrissons et en cas de proble`me technique lors de la vaccination (surdosage, injection trop profonde). Un observatoire du vaccin intradermique BCG-SSIW et de ses effets locore´gionaux chez l’enfant de

moins de 6 ans a e´te´ mis en place (groupe d’experts Infovac et Afssaps), avec un suivi prospectif des enfants vaccine´s sur une pe´riode d’un an. Dans ce contexte, les autorite´s de sante´ ont pris le parti, en juillet 2007, d’abandonner la vaccination universelle au be´ne´fice d’une vaccination cible´e sur les populations a` risque [8,9]. Cette mesure e´tait associe´e a` la mise en place d’un nouveau plan national de lutte contre la tuberculose et a` la suspension de l’obligation vaccinale. La recommandation, datant de septembre 2005, de vaccination de`s les premiers jours de vie des nouveau-ne´s ayant un risque e´leve´ de contamination tuberculeuse est donc plus que jamais d’actualite´. Nous rapportons notre expe´rience, 12 mois apre`s la mise en place de cette vaccination, a` la maternite´ du centre hospitalier de Versailles.

2. Me´thodologie Nous rapportons notre expe´rience de vaccination anti-tuberculeuse des nouveau-ne´s en maternite´ entre le 15 mai 2007 et le 15 mai 2008. Notre e´tablissement hospitalier est re´fe´rent pour le sud du de´partement des Yvelines (territoire de sante´ 78-1). Le bassin d’agglome´ration de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines compte environ 8000 naissances par an, dont les 3/4 en clinique prive´e. Cela explique la surrepre´sentation des situations me´dico-psychosociales difficiles au sein du service d’obste´trique. En fe´vrier 2007, une lettre informant de la proposition syste´matique de vaccination antituberculeuse des enfants a` risque dans notre maternite´ e´tait adresse´e aux me´decins libe´raux et de la protection maternelle et infantile (PMI) de notre bassin de recrutement. Cette lettre pre´cisait qu’une ordonnance de BCG-SSIW serait de´livre´e a` la sortie de maternite´ en cas de refus de vaccination avec proposition de diffe´rer celle-ci. Nous proposions de revoir en consultation, si besoin, les enfants concerne´s par d’e´ventuels effets inde´sirables (Annexe A).Apre`s re´daction d’un protocole valide´ par la commission des anti-infectieux de l’hoˆpital, le programme a de´bute´ en mai 2007. La vaccination e´tait propose´e aux nouveau-ne´s pre´sentant un risque e´leve´ de contamination par le bacille de la tuberculose, c’esta`-dire pre´sentant au moins un des crite`res de´finis par le Conseil supe´rieur d’hygie`ne publique de France (CSHPF) en juillet 2006 (Annexe B). En juillet 2007, lors de la parution du nouveau calendrier vaccinal, le protocole a e´te´ modifie´, en tenant compte des nouveaux crite`res (Annexe C). Seul le crite`re reposant sur le lieu de re´sidence n’a pas e´te´ retenu. La vaccination par le BCG devenant recommande´e chez tous les enfants re´sidant en ˆIle-de-France, nous aurions duˆ vacciner 1271

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En cas de consultation pour effet inde´sirable, celui-ci e´tait de´clare´ au centre re´gional de pharmacovigilance et au service de pharmacovigilance du laboratoire Sanofi-Pasteur MSD.

3. Re´sultats

Figure 1. Incidence pour 100 000 habitants de la tuberculose maladie de´clare´e par de´partement en ˆIle-de-France en 1997–2004. Institut de veille sanitaire, BEH no 8/2006.

tous les nouveau-ne´s de notre maternite´. E´tant dans l’impossibilite´ de vacciner tous les enfants et l’incidence de la maladie e´tant faible dans les Yvelines (8,2/105), infe´rieure a` la moyenne nationale, nous avons fait le choix de ne pas modifier notre programme (fig. 1). La charge a donc e´te´ laisse´e aux me´decins de ville et de PMI de vacciner les enfants au niveau de risque le plus faible. En maternite´, des se´ances de vaccination ont e´te´ organise´es tous les jours, du lundi au vendredi. La vaccination e´tait propose´e lors de la visite du pe´diatre. L’absence de se´ropositivite´ pour le virus de l’immunode´ficience humaine (VIH) de la me`re e´tait ve´rifie´e syste´matiquement avant vaccination a` partir du dossier obste´trical. Le vaccin BCG-SSIW e´tait administre´ par un me´decin, une sage-femme, ou une infirmie`re sur prescription me´dicale. Une dose de 0,05 ml e´tait injecte´e par voie intradermique, avec une aiguille courte 26G/0,45  10 mm monte´e sur une seringue gradue´e en centie`me de ml. Le site d’injection e´tait la re´gion deltoı¨dienne, a` la face externe du bras gauche. L’enfant e´tait maintenu par une infirmie`re qui lui proposait du glucose a` 30 % et une succion non nutritive a` vise´e antalgique pendant le geste. Les donne´es recueillies pour chaque enfant e´taient le sexe, l’aˆge, l’indication de vaccination, la pre´sence ou non d’une papule et d’un de´faut technique lors de l’injection.Les parents e´taient informe´s des re´actions attendues apre`s cette vaccination et a` cette fin, un document e´crit leur e´tait remis. En cas de refus, une vaccination diffe´re´e re´alise´e par le me´decin traitant ou la PMI e´tait propose´e et une ordonnance de vaccin BCG-SSIW e´tait de´livre´e. 1272

Durant la pe´riode de l’e´tude, 1899 naissances ont e´te´ enregistre´es a` la maternite´ du centre hospitalier de Versailles. Le nombre d’enfants re´pondant aux crite`res retenus pour la vaccination en maternite´ e´tait de 670, soit 35 % des naissances, avec un sex-ratio de 1,13. Parmi ces nouveau-ne´s, 596 (89 %) ont e´te´ vaccine´s. Le nombre d’enfants vaccine´s par se´ance allait de 1 a` 9 avec une moyenne de 3,5. Le nombre de BCG effectue´ avec un flacon e´tait de 8 au maximum. L’indication de vaccination e´tait l’origine ge´ographique de l’un ou des 2 parents pour 98,6 % des enfants (n = 661), un projet de voyage dans un pays de forte ende´mie tuberculeuse pour 3 d’entre eux, un ante´ce´dent familial de tuberculose pour l’un d’entre eux, des conditions socioe´conomiques de´favorables isole´es pour 2 enfants. Dans 3 cas, le vaccin a e´te´ fait a` la demande des parents, en l’absence de facteur de risque autre que la domiciliation. L’aˆge au moment de la vaccination e´tait : j1 pour 19 enfants (3 %), j2 pour 278 (46,6 %), j3 pour 148 (24,8 %), j4 pour 97 (16,2 %), j5 pour 30 (5 %), j6 pour 8 (1,3 %), entre j7 et j19 pour 16 (2,6 %), les 3 enfants vaccine´s a` j19 e´tant hospitalise´s en ne´onatologie. Les 3 principaux vaccinateurs (2 pe´diatres de la maternite´ et 1 pue´ricultrice) ont effectue´ respectivement 267, 104 et 62 vaccinations, soit 72,6 % des BCG. Afin de re´pondre de manie`re volontaire a` une demande de formation de nombreux professionnels, 27,4 % des BCG ont e´te´ re´alise´s par des vaccinateurs « occasionnels » : pe´diatres, internes et sagefemme. Le nombre de BCG re´alise´s par ceux-ci allait de 1 a` 24, avec une moyenne sur l’anne´e de 10 BCG par vaccinateur « occasionnel ». Le temps ne´cessaire a` l’information des parents (de´livre´e individuellement), a` la pre´paration et l’administration des vaccins, e´tait de 1 h 30 min par jour en moyenne. Une papule a e´te´ obtenue pour 93 % des vaccinations (n = 555). Parmi les 41 cas sans papule, l’injection e´tait trop profonde (sous-cutane´e) pour 30 enfants, une fuite de liquide e´tait note´e pour 7 lors de l’injection et pour 4 par de´sadaptation de la seringue et de l’aiguille pendant le geste. L’absence de papule a e´te´ plus fre´quente lorsque le vaccinateur e´tait peu expe´rimente´ : de 3,2 % des actes vaccinaux chez les principaux vaccinateurs, elle augmentait a` 16,5 % des injections chez les vaccinateurs « occasionnels ».

Vaccination des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose

Un de´faut technique a e´te´ note´ par le vaccinateur dans 77 cas, soit 12,9 % des vaccinations. Il s’agissait d’une fuite de liquide dans 43 cas (7,2 %), le volume injecte´ e´tant infe´rieur a` 0,05 ml (estime´ entre 0,02 et 0,04 ml). La de´sadaptation de la seringue et de l’aiguille pendant le geste a e´te´ note´e 4 fois. Trente (5 %) injections sous-cutane´es ont e´te´ rapporte´es. Enfin, un enfant a e´te´ vaccine´ 2 fois par erreur (a` 48 h d’intervalle). Le suivi re´gulier de cet enfant en consultation n’a pas re´ve´le´ d’effet inde´sirable secondaire a` cette double vaccination. Aucun surdosage n’a e´te´ note´, le volume injecte´ n’ayant jamais e´te´ supe´rieur a` 0,05 ml. La fre´quence des incidents techniques a varie´ en fonction de l’expe´rience du vaccinateur, une erreur e´tant rapporte´e pour 22 % des actes chez les vaccinateurs occasionnels alors qu’elle concernait en moyenne 10 % des vaccinations pour les principaux vaccinateurs. Parmi les 74 (11 %) BCG non re´alise´s, on notait 56 refus, les parents pre´fe´rant diffe´rer cette vaccination a` l’aˆge d’1 mois dans 31 cas. Un refus est ainsi rapporte´ dans 8,3 % des cas de proposition de vaccination cible´e dans notre maternite´. Les autres causes de non-vaccination ont e´te´ le transfert de l’enfant dans 4 cas, l’absence de re´sultat de se´rologie VIH dans le dossier maternel dans 4 cas et une sortie pre´coce pendant le week-end dans 10 cas. En cas de sortie pre´coce ou quand les parents de´siraient diffe´rer la vaccination, une ordonnance de vaccin BCG-SSIW a e´te´ de´livre´e. Aucun enfant n’a e´te´ adresse´ pour effet inde´sirable.

4. Discussion Un taux de couverture e´leve´ d’une vaccination cible´e a` un groupe de population est difficile a` obtenir a` l’e´chelle d’un pays. Avec un taux de couverture vaccinale par le BCG supe´rieur a` 90 %, le nombre de cas supple´mentaires attendus chez l’enfant serait de 80 cas de tuberculose dont 2 cas de me´ningites (expertise collective Inserm 2004) [10]. Si la couverture vaccinale dans cette population chutait a` 50 %, le nombre de cas supple´mentaires serait de 195 dont 6 me´ningites et si ce taux chutait a` 10 %, le nombre de cas supple´mentaires attendus serait voisin de ceux obtenus en cas d’arreˆt du BCG (320 cas par an dont 10 me´ningites). Il est donc indispensable de continuer a` vacciner les populations a` risque faute de quoi on verra augmenter le nombre de cas de tuberculose chez l’enfant, non seulement chez ceux de´finis comme a` risque de tuberculose mais aussi chez les autres, comme en te´moigne l’expe´rience sue´doise. Les nombreuses re´ticences a` poursuivre la vaccination BCG ge´ne´ralise´e depuis le changement de la forme gale´nique et

du mode d’injection du vaccin ont fait craindre une diminution de la couverture vaccinale. Une enqueˆte re´alise´e dans 121 cre`ches des Yvelines (re´ponse exploitable pour 66 d’entre elles), avant la leve´e de l’obligation vaccinale, a permis d’e´valuer l’application des recommandations en France (e´tude non publie´e). Le questionnaire, adresse´ au me´decin de cre`che, concernait tous les enfants ne´s en 2006 et admis en cre`che entre janvier et septembre 2006 dans les Yvelines. Parmi les 486 enfants admis en cre`che, 71 % e´taient vaccine´s par le BCG-SSIW avant leur admission. Seuls 10 % avaient un risque e´leve´ de tuberculose et 96 % d’entre eux e´taient vaccine´s par le BCG. En l’absence de facteur de risque, 68 % des enfants e´taient vaccine´s. Dans cette population d’enfants a` faible risque et non vaccine´s, 43 % avaient un certificat de non indication ou de contre-indication. La moitie´ des enfants ont e´te´ vaccine´s avant l’aˆge de 3 mois et 93 % avant 6 mois ; le BCG n’e´tait quasiment jamais re´alise´ a` la naissance (3 cas). Cette enqueˆte retrouvait donc une bonne couverture vaccinale des populations les plus a` risque malgre´ une diminution de celle-ci chez les autres nourrissons. La population des enfants a` vacciner, selon les crite`res retenus initialement par le CSHPF, repre´senterait 12 % de l’ensemble des enfants en France, soit 100 000 enfants par ge´ne´ration (CSHPF sept 2005). L’indication de vaccination a e´te´ retenue pour 35 % des enfants ne´s a` la maternite´ du centre hospitalier de Versailles, le principal crite`re e´tant l’origine des parents. Dans les Yvelines, la pre´valence de la tuberculose chez les sujets de nationalite´ franc¸aise est de 5,2/105 alors qu’elle est de 37/105 chez les sujets de nationalite´ e´trange`re. Durant la pe´riode e´tudie´e, 89 % des nouveau-ne´s pour lesquels l’indication de vaccination ne´onatale a e´te´ retenue ont e´te´ vaccine´s. La proposition de vaccination a e´te´ ge´ne´ralement bien accueillie et perc¸ue comme un service rendu. Aucune famille n’a fait e´tat, verbalement ou non, d’un sentiment de discrimination. Le taux de refus, relativement faible, a concerne´ 8,3 % des enfants et pour 55 % d’entre eux, la vaccination a seulement e´te´ diffe´re´e a` l’aˆge d’1 mois, un certain nombre de parents jugeant leur enfant trop jeune. La crainte d’effet inde´sirable n’a pas e´te´ exprime´e par les parents alors qu’elle faisait de´bat au sein de la communaute´ pe´diatrique quant au rapport be´ne´fice/risque de cette vaccination lorsqu’elle e´tait encore ge´ne´ralise´e. L’information portant sur les effets inde´sirables locaux attendus et leur gue´rison sans mesures the´rapeutiques particulie`res n’a jamais entraıˆne´ de refus de vaccination dans notre expe´rience. La vaccination pre´coce en maternite´ a l’avantage d’eˆtre techniquement facile. Une des re´ticences fre´quemment e´vo1273

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que´e face a` la vaccination par le BCG e´tait la difficulte´ lie´e a` la technique, la qualite´ de l’injection intradermique ne´cessitant l’immobilite´ de l’enfant. En avril 2005, 861 me´decins ont re´pondu, a` une enqueˆte sur le BCG, re´alise´e par InfoVacFrance, l’institut de veille sanitaire et l’Association de pe´diatrie ambulatoire. Plus des 2/3 des praticiens ne pouvaient compter sur une aide (en dehors des parents) pour la contention des enfants pendant l’injection intradermique (71,6 %) [11]. Dans notre pratique, le maintien de l’enfant par l’infirmie`re a e´te´ une aide re´elle, meˆme s’il est souvent peu utile, tant les enfants sont calmes graˆce a` l’utilisation d’une analge´sie par solute´ sucre´ et succion. Une mauvaise contention de l’enfant expose a` une injection trop profonde, sous-cutane´e, et a` un risque majore´ d’effet inde´sirable locore´gional. La qualite´ de l’injection est e´galement lie´e a` l’expe´rience du vaccinateur. Dans notre expe´rience, les vaccinateurs entraıˆne´s a` la technique de l’injection intradermique commettaient moins d’erreurs techniques (10 % versus 22 %) et obtenaient plus souvent une papule (96,8 % versus 83,5 %) que les vaccinateurs « occasionnels ». Ainsi, la vaccination des nouveau-ne´s en maternite´ pre´sente un avantage si le personnel soignant est stable et forme´ a` la vaccination intradermique (sage-femme, infirmie`re ou pe´diatre). L’indication de vaccination antituberculeuse pre´coce a e´te´ e´value´e, pour chaque enfant, lors de la visite du pe´diatre. Afin d’ame´liorer l’information de´livre´e aux parents ainsi que la couverture vaccinale des enfants les plus a` risque, nous avons re´cemment e´labore´ un document e´crit. Celui-ci reprend les recommandations actuelles de vaccination antituberculeuse et la proposition d’une vaccination facultative, pour les nouveau-ne´s les plus a` risque, de`s les premiers jours de vie en maternite´. Il est remis a` la me`re le jour de la naissance par la pue´ricultrice. Un e´change oral, permettant de re´pondre aux interrogations des parents, a lieu lors de la visite du pe´diatre, les pue´ricultrices participant a` cette information. Il est pre´vu de poursuivre la vaccination des nouveau-ne´s par le BCG selon ce protocole. Cette expe´rience a permis de sensibiliser l’e´quipe obste´tricope´diatrique a` la pre´vention vaccinale en maternite´, un projet de vaccination coquelucheuse des parents e´tant en cours d’e´laboration.

5. Conclusion Depuis le passage de la vaccination ge´ne´ralise´e a` une vaccination cible´e, les recommandations franc¸aises visent a` maintenir un taux de couverture vaccinale e´leve´ chez les enfants a` haut risque de tuberculose. La grossesse est une pe´riode cle´, 1274

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notamment pour l’e´valuation du risque de tuberculose lors de la consultation pre´natale du 4e mois, et pour la discussion sur l’indication du BCG lors de la consultation du 8e jour (mention dans le carnet de sante´) [12]. La vaccination pre´coce est justifie´e par le risque de tuberculoses se´ve`res secondaires a` des contaminations tre`s pre´coces chez les enfants expose´s a` un contage massif familial. Le risque de passage de l’infection a` la maladie tuberculeuse est d’autant plus e´leve´ que l’enfant est plus jeune. L’application de ces recommandations n’est pas e´value´e a` l’heure actuelle. D’apre`s notre expe´rience, la vaccination pre´coce par le BCG en maternite´ est bien accepte´e par les parents et les proble`mes techniques sont d’autant plus rares que l’e´quipe est entraıˆne´e. La ne´cessite´ de temps me´dical et parame´dical supple´mentaire constitue certainement un frein a` la mise en place de cette pratique dans les maternite´s franc¸aises.

Annexe A Conseils concernant les enfants vaccine´s par le BCG-SSIW Le BCG-SSIW n’entraıˆne pas de re´action ge´ne´rale : ni fie`vre, ni fatigue, mais une re´action locale secondaire est normale. Apre`s l’injection, la papule provoque´e par l’introduction du vaccin disparaıˆtra en une demi-heure environ. Dans les jours qui suivent la vaccination, peuvent apparaıˆtre :  une induration au point d’injection, qui pourra eˆtre suivie, apre`s 15 j a` 3 semaines, d’une ulce´ration d’ou` peut s’e´couler un peu de se´rosite´. Cette ulce´ration gue´rit spontane´ment en quelques semaines sans soins spe´ciaux, laissant parfois une cicatrice plate ;  un ganglion de moins d’un centime`tre, sous l’aisselle du meˆme coˆte´ que le bras vaccine´. Ce sont des re´actions normales apre`s vaccination. Aucun soin conse´cutif n’est a` donner, le bras peut eˆtre laisse´ a` de´couvert. Le port de veˆtement laˆche a` ce niveau facilite la cicatrisation. On pourra, dans certains cas, mettre une compresse se`che a` l’endroit de la vaccination pour l’isoler des veˆtements. L’application de pommade, talc ou de tout autre produit est contre-indique´e. Il est possible de baigner ou doucher l’enfant le jour meˆme de la vaccination et pendant toute la dure´e de l’e´volution. Toutes les activite´s habituelles pourront eˆtre poursuivies. Si la le´sion locale pre´sente un aspect qui vous paraıˆt anormal :  un gonflement au site qui ne disparaıˆt pas ou semble augmenter ;  un ganglion sous le bras de plus d’un centime`tre ;  ou tout autre effet inde´sirable. N’he´sitez pas a` ramener votre enfant chez votre me´decin traitant.

Vaccination des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose

Annexe B Crite`res de´finissant les enfants a` risque e´leve´ de tuberculose : calendrier vaccinal 2006, avis du Conseil supe´rieur d’hygie`ne publique de France. BEH no 29-30/2006.  Enfant ne´ dans un pays de forte ende´mie tuberculeuse*.  Enfant dont au moins l’un des parents est originaire d’un de ces pays*.  Enfant devant se´journer plus de 3 mois dans l’un de ces pays*.  Enfant ayant des ante´ce´dents familiaux de tuberculose (collate´raux ou ascendants directs).  Enfant dans toute situation juge´e par le me´decin a` risque d’exposition au bacille tuberculeux, notamment vivant dans des conditions de logement ou socioe´conomiques de´favorables ou pre´caires. * Continent africain dans son ensemble ; continent asiatique dans son ensemble, a` l’exception du Japon ; pays d’Ame´rique centrale et du sud ; pays d’Europe centrale et de l’Est y compris les pays de l’ex-URSS ; dans l’Union europe´enne : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Roumanie ; Guyane parmi les de´partements franc¸ais d’outre mer.

Annexe C Crite`res de´finissant les enfants a` risque e´leve´ de tuberculose d’apre`s : calendrier vaccinal 2007, avis du Haut conseil de sante´ publique. BEH no 31-32/2007.  Enfant ne´ dans un pays de forte ende´mie tuberculeuse*.  Enfant dont au moins l’un des parents est originaire d’un de ces pays*.  Enfant devant se´journer plus de 1 mois dans l’un de ces pays*.  Enfant ayant des ante´ce´dents familiaux de tuberculose (collate´raux ou ascendants directs).  Enfant re´sidant en ˆIle-de-France ou en Guyane.  Enfant dans toute situation juge´e par le me´decin a` risque d’exposition au bacille tuberculeux, notamment vivant dans des conditions de logement de´favorables, ou socioe´conomiques de´favorables ou pre´caires, ou en contact re´gulier avec des adultes originaires d’un pays de forte ende´mie. * Continent africain dans son ensemble ; continent asiatique y compris les pays du Proche et Moyen-Orient ; pays

d’Ame´rique centrale et du sud ; pays d’Europe Centrale et de l’Est y compris les pays de l’ex-URSS ; dans l’Union europe´enne : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie ; Guyane parmi les de´partements franc¸ais d’outre mer.

Re´fe´rences 1. Antoine D, Che D. Les cas de tuberculose de´clare´s en France en 2005. BEH no 11 du 20 mars 2007, pp. 85–89. Disponible sur Internet : URL : http://www.invs.sante.fr/BEH/2007/11/ index.htm. 2. Rodrigues LC, Diwan VK, Wheeler JG. Protective effect of BCG against tuberculous meningitis and military tuberculosis: a meta-analysis. Int J Epidemiol 1993;22:1154–8. 3. Colditz GA, Brewer TF, Berkey CS, et al. Efficacy of BCG vaccine in the prevention of tuberculosis. Meta-analysis of the published literature. JAMA 1994;271:698–702. 4. Colditz GA, Berkey CG, Mosteller F, et al. The efficacy of bacillus Calmette-Guerin vaccination of newborns and infants in the prevention of tuberculosis: meta-analysis of the published literature. Pediatrics 1995;96:29–35. 5. Circulaire no DGS/SD5C/2005/457 du 5 Octobre 2005 relative a` la pratique de la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG par voie intradermique. Disponible sur Internet :URL : http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/vaccins/circ_bcg_ 051005.pdf. 6. Lotte A, Wasz-Hockert O, Poisson N, et al. Second IVTLD study on complications induced by intradermal BCG vaccination. Bull Int Union Tuberc Lung Dis 1988;63:47–59. 7. Jeena PM, Chhagan MK, Topley I, et al. Safety of the intradermal Copenhagen 1339 vaccine in neonates in Durban, South Africa. Bull World Health Organ 2001;79:337–43. 8. De´cret no 2007-1111 du 17 juillet 2007 relatif a` l’obligation vaccinale par le vaccin antituberculeux BCG. J.O. no 165 du 19 juillet 2007, p. 12 177. 9. Circulaire no DGS/RI1/2007/318 du 14 aou ˆ t 2007 relative a` la suspension de l’obligation de vaccination par le BCG des enfants et adolescents. Disponible sur Internet :URL : http// www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/tuberculose/lutte.htm. 10. Tuberculose, place de la vaccination dans la maıˆtrise de la maladie. Expertise collective, Institut national de la sante´ et de la recherche me´dicale, Paris 2004. 11. Dommergues MA, de la Rocque F, Dufour V, et al. Enqueˆte sur les pratiques actuelles et futures du vaccin contre la tuberculose aupre`s des pe´diatres et ge´ne´ralistes en France. Arch Pediatr 2007;14:102–8. 12. Calendrier vaccinal 2007. Avis du haut conseil de la sante´ publique. BEH 31–32/juillet 2007. Disponible sur Internet : URL : http://www.invs.sante.fr/beh/2007/31_32/beh_31_32_ 2007.pdf.

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