Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 304-8 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001000345/SSU
Voies d’infiltration du poignet et de la main François Badois* Unité rhumatologique des affections de la main, fédération de rhumatologie, centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France
infiltrations / main / poignet hand / injections / wrist
Les infiltrations du poignet et de la main font partie de l’exercice habituel du rhumatologue. Pourtant certaines d’entre elles restent délicates à réaliser, même par un praticien averti. Nous avons jugé utile de faire partager notre expérience, en insistant sur quelques points pratiques pouvant en améliorer la tolérance et l’efficacité. MATÉRIEL ET PRÉPARATION Le plateau est désinfecté à l’alcool. Les mains de l’opérateur sont lavées, désinfectées à l’alcool (les ongles courts et brossés). La localisation du point d’injection est faite préalablement à la désinfection de la peau par une marque faite par une croix interrompue en son centre réalisée à l’aide d’un crayon dermographique. La zone à infiltrer est désinfectée avec un produit coloré : alcool 60 ° iodé à 1 % ou Bétadinet, avec un mouvement lent et circulaire du point d’injection vers la périphérie. Pour la main et le poignet, on utilise habituellement des seringues de 2 mL, de 5 mL, voire à insuline pour disposer de plus de pression et des aiguilles de 5/10–16 mm, 4,5/10–16 mm et parfois 5/10–25 mm ou 3/10–13 mm. Il est important que l’aiguille utilisée lors de l’infiltration ne soit pas celle qui a servi à prélever la quantité nécessaire de glucocorticoïde ou d’anesthésique local. La peau doit être traversée d’un geste sec et rapide, et l’injection doit se faire sans résistance, après avoir vérifié par aspiration l’absence de piqûre vasculaire. Après injection, le nettoyage de la *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Badois).
peau se fait à l’alcool blanc puis un pansement hermétique, stérile ou non, est mis en place pour 24 heures. Une immobilisation après l’injection est souhaitable, ainsi que le glaçage lorsque l’on redoute une réaction inflammatoire. Le port de gants stériles est une affaire de choix personnel, en revanche l’usage de masque ou de champ stérile n’est absolument pas justifié. PRODUITS UTILISÉS Le choix du glucocorticoïde dépend de la structure à infiltrer et de l’effet escompté, sachant que la vitesse de diffusion est rapide pour les phosphates, moyenne pour les acétates et retardée pour le dipropionate, l’acétonide et l’hexacétonide. Les dérivés fluorés sont particulièrement atrophiants (dexaméthasone, bétaméthasone et triamcinolone). Les principaux cortisoniques utilisés dans les infiltrations sont : – l’acétate de prednisolone (Hydrocortancylt) flacon de 1 mL = 25 mg, flacon de 5 mL = 125 mg ; produit de référence en France ayant le meilleur rapport efficacité sur tolérance. Injectable en péri-articulaire, en péritendineux et en intra-articulaire ; – le cortivazol (Altimt), ampoules de 1,5 mL = 3,75 mg ; produit puissant, d’action assez prolongée à effet atrophiant conjonctif, indiqué en intra-articulaire dans les arthrites ; – le dipropionate et phosphate disodique de bétaméthasone (Diprostènet) ; seringue préremplie de 1 mL + deux aiguilles 50–8/10 et 25–5/10 sous étui indivi-
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duel stérile, boîte unitaire. Produit mixte, d’action rapide et prolongée ; – l’hexacétonide de triamcinolone (Hexatrionet) ampoules de 2 mL = 0 mg ; dérivé fluoré très puissant, d’action très prolongée ayant un effet atrophiant conjonctif important. C’est un produit de synoviorthèse (comme alternative à l’acide osmique et aux bêtaémetteurs), réservé à la voie intra-articulaire stricte sous contrôle scopique et arthrographique préalable pour assurer la certitude du siège d’injection. L’anesthésique local le plus utilisé est la lidocaïne (Xylocaïnet), en solution à 1 % ou 2 % (sans adrénaline) soit pour diluer le corticoïde (moindre effet atrophiant), soit pour empêcher la douleur immédiate. La crème ou le patch EMLAt sont parfois utilisés pour rendre plus supportable ou indolore le franchissement de la peau par l’aiguille chez le sujet pusillanime. INDICATIONS, CONTRE-INDICATIONS ET COMPLICATIONS Rappelons les indications principales des infiltrations au poignet et à la main : les arthrites inflammatoires, les arthropathies dégénératives, les enthésopathies, les neuropathies compressives et les ténosynovites. Les contreindications sont bien connues des rhumatologues : la suspicion d’arthrite septique, une infection cutanée en regard ou au voisinage du site d’injection, la présence de matériel d’ostéosynthèse, l’insuffisant rénal dialysé ; et de façon plus relative, le diabète mal équilibré et l’ulcus gastrique en poussée. Les complications des infiltrations sont heureusement très rares, infection, atrophie cutanée (produit retard), crise algique postinfiltration, calcifications, syn-
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drome douloureux thoraco-lombo-crural par passage systémique lors de l’injection, malaises vagaux, rupture tendineuse (souvent après une injection intratendineuse) et déséquilibre temporaire d’un diabète. VOIES D’INFILTRATIONS Infiltration du poignet (figure 1) La voie la plus utilisée est la radiocarpienne. Technique : le patient étant assis la main en pronation, mettre le poignet en légère flexion palmaire. Après repérage de la fossette située en dessous de l’extrémité inférieure du radius et entre l’extenseur commun de l’index et le tendon du 2e radial, on introduit l’aiguille de façon légèrement ascendante de 20° à une profondeur d’environ 1 cm. On doit sentir la pénétration intra-articulaire, avec une sensation de moindre résistance. Conseil : éviter les veines dorsales du poignet. Infiltration de la trapézométacarpienne (figure 2) Indication : rhizarthrose. Technique : tout en effectuant une légère traction sur le pouce maintenu en flexion, localiser l’interligne articulaire situé dans la tabatière anatomique, bien repérable entre les tendons long abducteur et court extenseur du pouce en externe et le long extenseur du pouce en interne. L’aiguille est introduite en biais dans l’articulation à une profondeur de 2 à 4 mm. Conseil : prendre soin d’éviter le tendon du long abducteur et du court extenseur du pouce. En cas de résistance lors de l’injection, faire pivoter la seringue afin de charger l’angle du biseau de l’aiguille.
Figure 1. Voies d’infiltrations du poignet.
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Canal carpien (figure 3) Technique : introduire une aiguille de 0,45 ou 0,5/ 16 mm tangentiellement en direction de la paume, juste en dedans du tendon du long palmaire et en regard du pli de flexion du poignet. Conseil : prendre soin d’éviter le nerf médian qui est situé en dehors du tendon du petit palmaire. Prévenir le patient qu’il doit vous avertir en cas de décharge électrique et qu’il ne doit pas faire de mouvement brusque. Aspirer avant d’injecter. Styloïde cubitale (figure 4) Figure 2. Infiltration de la trapézométacarpienne.
Technique : l’injection se fait juste en dessous du relief de la styloïde, avec un trajet légèrement incliné par rapport au plan cutané. Conseil : Ne pas piquer sous la styloïde (risque de piqûre nerveuse dans la fossette ulnarienne). Loge de Guyon (figure 5) Technique : l’aiguille est introduite obliquement en dehors de l’insertion du cubital antérieur sur le pisiforme. Conseil : attention à l’artère et au nerf cubital. Styloïde radiale (figure 6)
Figure 3. Canal carpien.
Technique : l’injection se fait pratiquement au contact du périoste. La styloïdite radiale est souvent associée une ténosynovite de De Quervain. Gaine du long abducteur et du court extenseur du pouce, ténosynovite de De Quervain (figure 7) Indication : ténosynovite sténosante du long abducteur et du court extenseur du pouce.
Figure 4. Styloïde cubitale.
Figure 5. Loge de Guyon.
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Technique : l’aiguille est introduite tangentiellement dans l’extrémité distale de la gaine tendineuse avec un trajet ascendant. Conseil : attention aux branches superficielles du nerf radial. Aspirer avant d’injecter. Doigts à ressaut (figure 8) Indication : tendinopathie nodulaire. Technique : l’injection se fait tangentiellement dans la gaine du fléchisseur, en contact avec la poulie fibreuse palmaire distale. Le point d’injection se situe à quelques millimètres du pli palmaire distal. Figure 6. Styloïde radiale.
Infiltrations métacarpophalangiennes (figure 9) Technique : imprimer au doigt une légère traction pour séparer les surfaces articulaires. Par voie dorsale externe ou interne, introduire une aiguille de 0,3 ou 0,45 mm de diamètre dans l’espace articulaire et injecter 0,5 à 1 mL. Interphalangiennes proximales (figure 10) Technique : repérer les plis cutanés et imprimer au doigt une légère traction pour séparer les surfaces articulaires.
Figure 7. Ténosynovite de De Quervain.
Figure 9. Infiltrations d’une métacarpophalangienne.
Figure 8. Doigts à ressaut.
Figure 10. Interphalangienne proximale.
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Figure 12. Interphalangienne distale.
Interphalangiennes distales (figure 12) Figure 11. Infiltration d’un coussinet dorsal.
Technique : le pli cutané médian servira de repère. L’injection de quelques gouttes se fait sous pression, donnant à la peau en regard un aspect blanchâtre. QUELQUES ASTUCES À CONNAÎTRE
Lors de la flexion de l’IPP, le pli médian va se retrouver en regard de l’articulation. Par voie dorsale externe ou interne, introduire une aiguille de 0,3 ou 0,45 mm de diamètre dans l’espace articulaire et injecter 0,5 mL. Infiltration d’un coussinet dorsal (figure 11) Indication : coussinet dorsal des phalanges douloureux au cours d’une Maladie de Dupuytren. Technique : l’injection se fait par voie externe ou interne, l’aiguille étant introduite à la base du coussinet. Quelques gouttes sont injectées.
– Pour éviter le reflux du produit cortisoné et donc une éventuelle atrophie cutanée, tirer sur la peau juste avant de piquer (après avoir mémorisé le site d’injection). Vous obtiendrez ainsi un effet baïonnette. – Si vous avez du mal à injecter, tourner la seringue de 60 à 90 °. La nouvelle orientation du biseau de l’aiguille diminuera probablement la résistance, ce qui évitera d’injecter sous pression. L’infiltration sera ainsi moins douloureuse. – Pour ne pas faire mal au patient, utiliser une aiguille sèche et la plus fine possible. Passer rapidement la peau et éviter de toucher le périoste, qui sont les tissus les plus sensibles.