Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 168–171
Fait clinique
Dissection iatrogène de la coronaire droite et de l’aorte ascendante au cours d’une procédure d’angioplastie Iatrogenic dissection of the right coronary artery and the ascending aorta during coronary intervention E. Puymirat ∗ , C. Barbey , S. Chassaing , O. Bar , D. Blanchard Service de cardiologie interventionnelle, clinique Saint-Gatien, 8, place de la Cathédrale, 37042 Tours, France Rec¸u le 10 avril 2009 ; accepté le 12 mai 2009 Disponible sur Internet le 9 juin 2009
Résumé La dissection de l’aorte ascendante est une complication rare pouvant survenir au cours d’une coronarographie ou d’une angioplastie. Les options thérapeutiques sont avant tout dictées par l’état hémodynamique du patient, l’origine et l’étendue de la dissection et la capacité de restaurer la circulation coronaire native. Le plus souvent, il s’agit d’une dissection localisée pour laquelle un traitement conservateur peut être suffisant. L’entrée de la dissection peut être également stentée en cas de dissection peu étendue. Enfin, la prise en charge chirurgicale est à réserver aux patients instables en dernier recours. Nous rapportons le cas d’un homme de 52 ans qui a présenté une dissection de l’ostium de la coronaire droite avec extension à l’aorte ascendante lors d’une angioplastie d’une lésion serrée du premier segment de la coronaire droite. Le patient a été pris en charge avec un traitement conservateur, sans stenting (échec angioplastie) et sans chirurgie. La dissection aortique a été surveillée par échographie transœsophagienne et par scanner répétés qui ont démontré une régression spontanée de la dissection. L’évolution a ensuite été favorable. Les causes, la fréquence et la prise en charge des dissections iatrogène sont discutées dans cet article. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Dissection aortique ; Coronaire ; Angioplastie ; Complication ; Stent
Abstract Iatrogenic acute dissection of the ascending aorta following coronary angiography and percutaneous intervention is rare. The options for treatment are dictated by patient stability, nature of dissection of the coronary vessel, ability to restore the coronary circulation and extent of aortic dissection. Usually localized aortic dissections have been managed conservatively or treated by sealing the entry with a coronary stent. Extensive dissections may require a surgical intervention. We report the case of a 52-year-old man with iatrogenic dissection of the right coronary artery ostium and extension of the dissection to the ascending aorta during intraluminal angioplasty of an obstructive lesion in the first portion of the right coronary artery. The patient was managed conservatively without stenting (failure stenting of the right coronary artery) and without surgery. Aortic dissection was monitored by means of transesophageal echocardiography. Serial computed tomography scans demonstrated spontaneous resolution of the dissection. The evolution of the patient was satisfactory. Causes, frequency and treatment procedures of this iatrogeny are discussed. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Aortocoronary dissection; Percutaneous transluminal coronary angioplasty; Complication; Stent
1. Introduction
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Puymirat).
0003-3928/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2009.05.001
La dissection aortique est une complication rare pouvant survenir au cours d’une coronarographie ou d’une angioplastie [1–10]. Il s’agit d’une complication potentiellement grave pouvant résulter soit directement d’un traumatisme sur l’ostium d’une coronaire ou sur l’aorte, soit indirectement à partir d’une
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Fig. 1. Lésions de l’artère circonflexe et de la coronaire droite à la coronarographie.
extension rétrograde d’une dissection d’une coronaire. La plupart des cas décrits surviennent lors d’une procédure sur la coronaire droite [1–4,7,10] ; beaucoup plus rarement sur réseau gauche [5,6,8,9]. Cette complication peut engendrer un infarctus de myocarde, voire le décès du patient. Les options thérapeutiques sont avant tout dictées par l’état hémodynamique du patient, l’origine et l’étendue de la dissection et la capacité de restaurer la circulation coronaire native [3,7]. Le traitement chirurgical est à haut risque et à réserver aux patients instables en dernier recours [3,4,7]. L’utilisation d’une contre pulsion intra-aortique dans les plus brefs délais a été rapportée comme pouvant aider la prise en charge chirurgicale [9]. 2. Cas clinique Nous rapportons le cas d’un homme de 52 ans ayant comme antécédent un infarctus du myocarde inférieur (2001) et latéral (2004) traités par angioplasties, présentant une récidive d’angor.
La coronarographie réalisée retrouve des lésions serrées, non calcifiées, du premier segment de la coronaire droite et de l’artère circonflexe proximale (Fig. 1). Une IRM est réalisée et retrouve une viabilité des territoires concernés. Une angioplastie programmée des deux lésions (circonflexe, puis coronaire droite) est décidée. L’angioplastie (avec implantation d’un stent nu) de la circonflexe est réalisée avec succès (Fig. 2). Pour aborder la lésion de la coronaire droite, nous avons utilisé comme guiding un 6-French Judkins 4 right (JR) guiding catheter (SCIMED, Minnesota, États-Unis). Nous avons eu beaucoup de difficulté pour cathétériser l’ostium de la coronaire droite. Une fois le guiding en place, nous avons essayé de franchir la lésion avec un guide de type 0,014 BMW guide wire (Guidant, Menlo Park, CA) qui malheureusement a pris immédiatement un faux chenal. L’opacification de la coronaire a alors mise en évidence une dissection de l’ostium de la coronaire droite et le patient s’est alors plaint de douleurs thoraciques. La dissection
Fig. 2. Résultat de l’angioplastie de l’artère circonflexe.
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Fig. 3. Dissection de la coronaire droite au cours de la procédure.
Fig. 4. Scanner de l’aorte thoracique réalisé juste après la procédure mettant en évidence l’extension de la dissection à l’aorte ascendante.
Fig. 5. Scanner de l’aorte thoracique de contrôle réalisé avant la sortie du patient.
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coronaire s’est ensuite étendue de fac¸on antérograde et de fac¸on rétrograde (dans le sinus de Valsalva). Nous avons alors laissé le premier guide en place et tenté d’en introduire un autre. Après plusieurs tentatives infructueuses, nous avons décidé d’arrêter la procédure (Fig. 3). Nous avons alors réalisé immédiatement (en salle de coronarographie) une échocardiographie qui n’a pas retrouvé d’épanchement péricardique et un scanner de l’aorte thoracique qui a mis en évidence la dissection (Fig. 4). Le patient a ensuite été transféré en soins intensifs de cardiologie pour surveillance. Devant la stabilité hémodynamique, nous avons décidé un traitement conservateur. La dissection aortique a été surveillée régulièrement par échocardiographie œsophagienne. Le scanner thoracique de contrôle réalisé juste avant la sortie ne retrouve pas les images de dissection (Fig. 5). L’évolution du patient a ensuite été favorable. 3. Discussion La dissection aortique iatrogène est une complication rare (encore plus rare que la dissection coronaire) mais potentiellement grave. La plupart des cas rapportés surviennent au cours d’une procédure sur la coronaire droite (dans environ 80 % des cas) ; beaucoup plus rarement sur le réseau gauche [1–10]. Le mécanisme physiopathologique n’est pas clairement établi. La dissection aortique commence au niveau de la racine aortique ou de l’ostium de la coronaire concernée. Elle peut être provoquée directement par le cathéter guide (manipulé de fac¸on trop agressive) ou indirectement par une injection brutale de produit de contraste au niveau de l’ostium de la coronaire (favorisée par une fragilité de la paroi) [6,7]. Dans notre cas, nous pensons que la dissection a été provoquée par une manipulation un peu trop brutal du cathéter guide (plus que par le guide d’angioplastie lui-même au niveau de l’intima). L’extension antérograde et rétrograde de la dissection a ensuite été favorisé par les injections de produit de contraste. Le choix de notre cathéter guide est par ailleurs critiquable. En revoyant l’angiographie, la naissance de la coronaire droite laisse suggérer qu’un cathéter guide de type Amplatz Right-1 (AR) or Internal mammary (IM) auraient probablement été plus approprié. Peu de cas de dissection aortocoronarienne ont été décrits [1–10]. Dans la majorité des cas, il n’y a pas d’extension de la dissection et une surveillance médicale (sans stenting, ni chirurgie) peut suffire [2,4,6,8]. Un stenting au niveau de la porte d’entrée de la dissection peut aussi être proposé en cas de dissection peu étendue. Une analyse récente des cas de dissection aortique iatrogène survenue en cours de procédure rapporte que le stenting immédiat de l’ostium (au niveau de la dissection) est très efficace et conclue qu’il doit être réalisé à chaque fois que cela est possible [10]. Enfin, quelques cas de patients instables (en raison de l’extension de la dissection aortique dans l’aorte descendante et/ou de régurgitation aortique sévère) traités chirurgicalement sont décrits. Le taux de mortalité est très élevé (environ 90 %) [4]. Pour ces patients instables, l’utilisation d’un
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ballon de contre pulsion intra-aortique (BCPIA) pourrait aider à stabiliser l’état hémodynamique avant la chirurgie [9]. Le pronostic de ces patients reste cependant catastrophique. En conclusion, la prise en charge des dissections aortocoronariennes au cours des procédures d’angiographie ou d’angioplastie n’est pas à ce jour clairement établie. Les options thérapeutiques sont avant tout dictées par l’état hémodynamique du patient, l’origine et l’étendue de la dissection et la capacité de restaurer la circulation coronaire native. Dans tous les cas, le patient doit être surveillé en soins intensifs avec des contrôles échocardiographiques et scannographiques répétés. Si le point d’entrée de la dissection est situé dans l’artère coronaire, un stenting peut être réalisé. L’intervention chirurgicale est à réserver aux patients instables en dernier recours. Le pronostic est alors le plus souvent catastrophique. Enfin, le choix du cathéter guide et la manipulation douce du matériel est essentielle pour éviter ce type de complication. 4. Conflits d’intérêts Pas de conflits d’intérêts. Références [1] Varma V, Nanda NC, Soto B, Roubin GS, Bajaj R, Jain S, et al. Transoesophageal echocardiographic demonstration of proximal right coronary artery dissection extending into the aortic root. Am J Cardiol 1992;123: 1055–7. [2] Moles VP, Chappuis F, Simonet F, Urban P, De La Serna F, Pande AK, et al. Aortic dissection as a complication of percutaneous transluminal coronary angioplasty. Catheter Cardiovasc Diagn 1992;26:8–11. [3] Yip HK, Wu CJ, Yeh KH, Hang CL, Fang CY, Hsieh KY, et al. Unusual complication of retrograde dissection to the coronary sinus of Valsalva during percutaneous revascularisation: a single center experience and literature review. Chest 2001;119:493–501. [4] Ochi M, Yamauchi S, Yajima T, Kutsukata N, Bessho R, Tanaka S. Aortic dissection extending from the left coronary artery during percutaneous coronary angioplasty. Ann Thorac Surg 1996;62:1180–2. [5] Wyman RM, Safin RD, Portway V, Skillman JJ, McKay RG, Baim DS. Current complications of diagnostic and therapeutic cardiac catheterisation. J Am Coll Cardiol 1988;12:1400–6. [6] Seifein HB, Missri JC, Warner MF. Coronary stenting for aortocoronary dissection following balloon angioplasty. Catheter Cardiovasc Diagn 1996;38:222–5. [7] Perez-Castellano N, Garcia-Fernandez MA, Garcia EJ, Delcan JL. Dissection of the aortic sinus of Valsalvaa complicating coronary catheterisation: cause, mechanism, evolution, and management. Catheter Cardiovasc Diagn 1998;43:273–9. [8] Bae JH, Kim KB, Kim KS, Kim YN. A case of aortocoronary dissection as a complication during a percutaneous transluminal coronary angioplasty (PTCA). Int J Cardiol 1998;66:237–40. [9] Bapat VN, Venn GE. A rare case of aortocoronary dissection following percutaneous transluminal coronary angioplasty: successful treatment using off-pump coronary artery bypass grafting. Eur J Cardiothorac Surg 2003;24:312–4. [10] Carstensen S, Ward MR. Iatrogenic aortocoronary dissection: the case for immediate aortoostial stenting. Heart Lung Circ 2008;17: 325–9.