Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques

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ARTICLE IN PRESS

ANNDER-2144; No. of Pages 6

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques Latent-disseminated tuberculosis revealed by atypical skin ulcerations G. Ferrati-Fidelin a, A. Pham-Ledard a, A. Fauconneau a, A. Chauvel b, C. Houard c, M.-S. Doutre a, M. Beylot-Barry a,∗ a

Service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux, rue Jean-Burguet, 33076 Bordeaux, France b Service d’anatomopathologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan, 33604 Pessac, France c Service de médecine nucléaire, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan, 33604 Pessac, France Rec ¸u le 28 juillet 2015 ; accepté le 19 mai 2016

MOTS CLÉS Tuberculose disséminée ; Tuberculose cutanée ; Vascularite tuberculeuse ; Arthrite tuberculeuse



Résumé Introduction. — La tuberculose cutanée est rare dans les pays industrialisés. Son polymorphisme anatomoclinique et la difficulté d’isolement du pathogène rendent son diagnostic difficile. Elle peut s’associer à d’autres localisations connues de la maladie ou exceptionnellement les révéler comme dans notre observation, où des ulcérations cutanées ont révélé une tuberculose autochtone disséminée paucisymptomatique. Observation. — Un homme de 67 ans était hospitalisé pour des ulcérations d’extension rapide sur la jambe droite, contiguës à une arthrite du genou très invalidante qui évoluait depuis 18 mois. Les explorations réalisées devant cette arthrite avaient révélé un thymome associé à un nodule pulmonaire considéré comme sarcoïdosique. La biopsie cutanée montrait un infiltrat granulomateux riche en éosinophiles et une vascularite des vaisseaux de petit et moyen calibre. La recherche de Bacille de Koch (BK) était négative sur le prélèvement cutané et les tubages gastriques. La tomodensitométrie pulmonaire était compatible avec une sarcoïdose, mais la positivité du test quantiFERON® amenait à revoir le diagnostic. Sur de nouveaux prélèvements,

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Beylot-Barry).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003 0151-9638/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003

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G. Ferrati-Fidelin et al. liquide bronchoalvéolaire et biopsie synoviale, la culture de Mycobactérium tuberculosis était positive. Le TEP-scanner montrait des fixations prostatique, osseuses, splénique, hépatique, ganglionnaires et myocardique. La quadri-, puis bi-antibiothérapie antituberculeuse permettait une amélioration rapide mais la persistance de fixations au TEP-scanner et un sous-dosage en rifampicine conduisaient à poursuivre le traitement plus de 12 mois. Discussion. — Une tuberculose cutanée doit être évoquée devant des granulomes gigantocellulaires, même sans nécrose caséeuse et avec un examen direct et culture cutanée négatifs. Ce cas illustre la nécessité d’un bilan exhaustif à la recherche d’une atteinte disséminée, parfois peu symptomatique. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

KEYWORDS Disseminated tuberculosis; Cutaneous tuberculosis; Tuberculous vasculitis; Tuberculous arthritis

Summary Introduction. — Cutaneous tuberculosis (CT) is rare in industrialized countries. Given the clinicopathological polymorphism and the difficulty of isolating the pathogen, diagnosis can be difficult. The condition may be associated with other known locations of the disease or in rare cases, it may be a tell-tale sign, as in our case, in which leg ulcers revealed paucisymptomatic disseminated tuberculosis. Observation. — A 67-year-old man was referred for rapidly extensive ulcers of the right leg contiguous to debilitating arthritis of the knee of unknown aetiology for 18 months. Earlier investigations revealed thymoma and a pulmonary nodule considered to be sarcoidosis. A skin biopsy showed a granulomatous eosinophilic-rich infiltrate and vasculitis of the small vessels. Screening of the skin sample and gastric aspirate for Koch Bacillus (BK) was negative. A diagnosis of sarcoidosis was made. A positive QuantiFERON test eventually led to the correct diagnosis. On further testing of bronchoalveolar fluid and a synovial biopsy, culture for Mycobacterium tuberculosis (MT) was positive. The PET scan showed high metabolism in the prostate, bone, spleen, liver, nodes and heart. The quad- and then dual-antibiotic antitubercular therapies produced a rapid improvement but treatment was continued over 12 months, given the persistence of high metabolism on PET-CT scan and the low blood rifampicin concentration. Discussion. — A CT should be considered in the presence of giant-cell granulomas, even in the absence of caseous necrosis, and where both direct examination and culture for the skin are negative. Our case also underlines the importance of an extensive workup to rule out disseminated disease even if the patient is not symptomatic. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La tuberculose est une des premières causes de mortalité dans les pays pauvres [1]. En 2013, le nombre de cas de tuberculose déclarés en France atteignait 7,5 pour 100 000 habitants [2]. Cette infection atteint principalement les poumons et prend le nom de tuberculose disséminée lorsqu’au moins deux organes sont atteints. La tuberculose cutanée (TC) est rare (1,5 à 4 % des formes extrapulmonaires), particulièrement dans les pays industrialisés [3]. Elle peut être associée à d’autres localisations connues de la maladie ou plus exceptionnellement être isolée ou révélatrice d’une atteinte multisystémique. Dans le premier cas, le diagnostic est facile, en particulier lorsque la TC est contiguë à une localisation ganglionnaire. Son diagnostic peut être plus difficile si la tuberculose n’est pas connue, de par le polymorphisme anatomoclinique et la difficulté d’objectiver l’agent pathogène. Nous rapportons une observation originale de tuberculose autochtone disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations d’allure phagédénique des membres inférieurs, d’histologie atypique.

Observation Un homme de 67 ans était hospitalisé pour trois ulcérations indolores de la jambe droite, d’extension rapide en deux mois. Ses antécédents consistaient en une bronchopathie obstructive et un alcoolotabagisme sevré. Depuis 18 mois, il présentait une arthrite du genou droit ayant abouti à un flessum très invalidant. Plusieurs explorations antérieures, menées dans l’hypothèse d’une arthrite infectieuse, n’avaient pas permis d’identifier de germe. Un an après le début de l’arthrite, une tomodensitométrie (TDM) thoracique avait révélé un thymome de type A et un nodule pulmonaire d’histologie sarcoïdosique, dont l’exérèse avait été réalisée. Le patient rapportait, depuis le début de l’arthrite, une fébricule inconstante et une perte de 15 kg sans anorexie ni sueurs nocturnes, favorisée par les nombreuses hospitalisations. À l’examen existaient trois ulcérations du mollet droit, la plus volumineuse mesurant 10 cm de

Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003

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Figure 1.

Ulcérations de la jambe gauche avant traitement.

grand axe. Ces ulcérations étaient peu profondes, indolores, nécrotiques, avec des berges bien limitées, légèrement surélevées (Fig. 1). Le reste de l’examen était normal en dehors du flessum irréductible du genou droit à 30◦ . Il n’y avait pas d’adénopathie palpable et l’auscultation pulmonaire était normale. Les examens biologiques montraient un syndrome inflammatoire avec une CRP à 280 mg/L, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles à 15 G/L et une lymphopénie à 0,3G/L. L’immunophénotypage montrait des CD4 à 77/mm3 . Le dosage des immunoglobulines était normal. Les prélèvements bactériologiques (hémocultures, examen cytobactériologique des urines, tubages gastriques à la recherche de mycobactéries) et les sérologies VIH, VHB, VHC, syphilis et brucellose étaient négatives. Les dosages de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et de la calcémie étaient normaux. L’aspect des ulcérations et leur évolutivité, ainsi que l’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, faisaient initialement suspecter un pyoderma gangrenosum. Un traitement par prednisone à la dose de 1 mg/kg/j était débuté, ce qui permettait en huit jours une amélioration cutanée et articulaire. Cependant, la biopsie cutanée montrait un infiltrat inflammatoire dermique dense polymorphe riche en polynucléaires éosinophiles, prenant un aspect granulomateux par endroits, sans nécrose caséeuse, associé à un aspect de vascularite des petits et moyens vaisseaux avec leucocytoclasie et nécrose fibrinoïde (Fig. 2 a et b). La recherche de

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bacilles de Koch (BK) était négative à l’examen direct et en culture. Les recherches d’anticorps antinucléaires, antiECT, anti-ADN natif et anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles étaient négatives. Une TDM thoracoabdominale montrait alors des nodules pulmonaires bilatéraux et spléniques non excavés, ainsi que des adénomégalies calcifiées médiastino-hilaires. Après concertation avec les pneumologues, le diagnostic de sarcoïdose était retenu comme le plus probable, compte tenu de ses antécédents de nodule pulmonaire sarcoïdosique, de l’histologie cutanée et de la TDM thoracique. Cependant, le dosage du quantiFERON® rec ¸u quelques jours plus tard se révélait positif. Un nouvel interrogatoire du patient objectivait un contage familial. Sa femme, originaire de Colombie, et sa fille avaient été traitées pour une tuberculose pulmonaire sept ans auparavant. Le patient n’avait pas été traité, car la radiographie pulmonaire et l’intradermoréaction étaient alors normales. Les prélèvements à la recherche de BK étaient renouvelés. Les cultures sur biopsies pulmonaires étagées, prélèvement de liquide bronchoalvéolaire et biopsie synoviale du genou droit étaient positives. La biopsie cutanée était renouvelée et restait négative à l’examen direct et en culture pour la recherche de BK. Un TEP scanner (tomographie à émission de positons) mettait en évidence des fixations pathologiques pulmonaires, ganglionnaires médiastinales et sous-diaphragmatiques, spléniques, myocardique, prostatique, cutanées en regard des ulcères, du genou droit, de l’arc transverse de T3 (Fig. 3). En dehors du genou et de la peau, aucune de ces localisations n’était symptomatique. L’exploration fonctionnelle respiratoire, l’électrocardiogramme, l’échographie cardiaque transthoracique et les taux d’enzymes cardiaques étaient normaux. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) cardiaque montrait une myocardite hypertrophique compatible avec une atteinte tuberculeuse. L’IRM du genou droit montrait une arthropathie destructrice évoquant une origine infectieuse. Les PSA totaux (antigènes prostatiques) étaient augmentés à 8 ng/mL. Une biopsie prostatique montrait des granulomes gigantoépithélioïdes sans nécrose caséeuse et sans BK à l’examen direct et en culture. Le diagnostic de tuberculose disséminée cutanée, pulmonaire, ostéoarticulaire, prostatique, myocardique, splénique et ganglionnaire était posé. La déclaration obligatoire était faite selon les modalités habituelles. Une décroissance précoce de la corticothérapie était effectuée,

Figure 2. a : infiltrat inflammatoire diffus avec polynucléaires éosinophiles et nécrose fibrinoïde atteignant par endroits les vaisseaux de petit et moyen calibre ; b : infiltrat granulomateux épithélioïde et gigantocellulaire interstitiel focal sans nécrose caséeuse.

Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003

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G. Ferrati-Fidelin et al.

Figure 4. Cicatrisation complète des ulcères, obtenue au terme de 9 mois de traitement.

thérapeutique était décidé au 13e mois de traitement, avec augmentation de la posologie de RIF et ajout de 400 mg/j de moxifloxacine. Le traitement est arrêté au 16e mois devant l’absence de symptomatologie clinique, la cicatrisation complète des ulcères (Fig. 4) et la stabilité ou la régression des hypermétabolismes au TEP scanner. Une arthropathie séquellaire définitive du genou droit persistait. Le patient était toujours en rémission trois mois après la fin du traitement.

Discussion

Figure 3. TEP scanner avant traitement, montrant un hypermétabolisme pathologique pulmonaire (SUVmax = 3), médiastinoganglionnaire (SUVmax = 5,1), myocardique (fixation hétérogène avec hypermétabolisme plus intense en régions septobasale et latérale), prostatique (SUVmax = 2,9), cutané et articulaire du genou droit (SUVmax = 10,4) et de l’arc transverse de T3 (SUVmax = 4,7). (SUV : standard uptake value, valeur de fixation normalisée).

mais son interruption complète était tardive, après huit mois de traitement, en raison de l’aggravation du flessum et de la gonalgie droite à chaque tentative de sevrage. Une quadrithérapie antituberculeuse adaptée à l’antibiogramme était débutée, associant la rifampicine (RIF) 10 mg/kg/j, l’isoniazide (INH) 5 mg/kg/j, l’éthambutol 15 mg/kg/j et la pyrazinamide (PZA) 20 mg/kg/j. Ce traitement était poursuivi deux semaines, puis modifié pour une trithérapie (RIF-INH-PZA) de six semaines en raison de troubles du champ visuel, puis enfin pour une bithérapie (RIF-INH). À l’issue des neuf mois de traitement initialement prévus, le TEP scanner et la TDM corps entier mettaient en évidence la régression de certains nodules pulmonaires, contrastant avec la majoration de l’hypermétabolisme des formations ganglionnaires sus- et sous-diaphragmatiques et de la lésion splénique, ainsi que l’apparition de foyers hypermétaboliques de la surrénale droite et du bas du rectum. Devant cette évolution dissociée, des dosages pharmacologiques révélaient un sous-dosage en RIF. Un ajustement

La TC peut accompagner ou plus rarement révéler une tuberculose systémique chronique. Elle se caractérise par un grand polymorphisme clinique, déterminé par le mode de transmission de l’infection et le statut immunitaire du patient [1,3—7]. Les atteintes cutanées décrites sont rarement sous une forme ulcérée d’emblée mais se compliquent souvent d’ulcération. Les formes volontiers ulcérées sont le scrofuloderme, le lupus « vulgaire » (LV), la tuberculose orofaciale, la gomme et le chancre tuberculeux. Le LV est la forme la plus commune ; cependant, il se manifeste sous forme de plaques lentement progressives [4—7]. Pour notre patient, la localisation contiguë à un foyer ostéo-articulaire et l’histologie sont compatibles avec un scrofuloderme, par contamination endogène, bien que la recherche de BK y soit souvent positive. Une dissémination hématogène peut être également supposée du fait de cette atteinte disséminée. L’absence de mise en évidence de l’agent pathogène peut laisser un doute sur l’origine tuberculeuse de l’ulcération mais la présence de granulomes cutanés et l’identification de la bactérie au niveau d’une articulation contiguë à cette ulcération sont en faveur de sa spécificité. Il est courant de ne pas mettre en évidence le BK dans les lésions de TC [8]. L’originalité de notre observation réside dans le mode de révélation de cette tuberculose disséminée, à partir d’ulcères cutanés rapidement extensifs et de présentation histologique atypique. En effet, l’histologie habituelle des TC est celle de granulomes epithélioïdes et gigantocellulaires comportant polynucléaires neutrophiles, lymphocytes et histiocytes, d’agencement typiquement nodulaire avec une nécrose caséeuse centrale. Cet aspect est inconstant et il peut n’y avoir qu’un infiltrat inflammatoire non spécifique

Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003

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Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées associé à des granulomes gigantocellulaires avec ou sans nécrose caséeuse, comme chez notre patient [4]. Il existait également un aspect de vascularite des petits et des moyens vaisseaux faiblement leucocytoclasique, avec éosinophiles, responsable d’une errance diagnostique retardant la prise en charge. D’exceptionnelles observations de vascularite ont été décrites au cours de la tuberculose, même si elles ne font pas parties de la classification des atteintes cutanées. Elles se manifestent typiquement par des lésions de purpura vasculaire pouvant s’ulcérer [9,10]. Il a été postulé l’existence de deux types distincts de manifestations cutanées liées à la tuberculose : d’une part, les atteintes spécifiques, par localisation du BK à la peau selon une voie hématogène, une inoculation endogène ou une inoculation exogène ; d’autre part, les atteintes non spécifiques, d’origine immunologique, liées à la circulation de complexes immuns formés par des anticorps dirigés contre M. tuberculosis. Dans ces deux situations, un traitement antituberculeux permet en général une guérison [4,11]. Notre patient présentait une tuberculose disséminée paucisymptomatique, avec un amaigrissement important contemporain d’une hospitalisation de deux mois, sans asthénie et avec une fébricule seulement intermittente. Ce type de présentation s’observe généralement chez les personnes immunodéprimées et plus particulièrement chez les patients infectés par le VIH. Notre patient avait une baisse isolée marquée des lymphocytes CD4 dont l’ancienneté connue remontait à deux ans, alors que la sérologie VIH était négative. Cette lymphopénie CD4, probablement idiopathique, a pu favoriser l’atteinte disséminée de la tuberculose, alors que le malade n’avait jamais présenté d’autres infections opportunistes [12]. Chez la plupart des patients, en particulier immunocompétents, la tuberculose disséminée est cliniquement très bruyante [13]. Ici, les différentes localisations ont été mises en évidence progressivement sans plainte du patient, à la faveur des explorations complémentaires. Le TEP scanner a permis de réaliser un bilan lésionnel même si l’hypermétabolisme n’est pas spécifique et justifie des explorations pour confirmer la spécificité de l’atteinte. À coté de l’atteinte pulmonaire, classique, pouvant être infraclinique, seule l’atteinte du genou était symptomatique. C’est d’ailleurs cette atteinte qui a posé des problèmes thérapeutiques : corticodépendance, peu d’amélioration clinique au terme du traitement antituberculeux, séquelles fonctionnelles [14,15]. Les atteintes ostéoarticulaires représentent 10 à 11 % des tuberculoses extrapulmonaires. La plus fréquente se situe au niveau vertébral. L’atteinte des articulations périphériques est plus rare, parfois pernicieuse. Il faut penser à une arthrite tuberculeuse devant une monoarthrite évoluée paucisymptomatique et chronique [16,17]. Les atteintes prostatiques, rares, sont en général symptomatiques et associées à une tuberculose grave [18]. Les atteintes myocardiques sont extrêmement rares et le plus souvent asymptomatiques, avec un risque non négligeable de mort subite [18,19]. En conclusion, cette observation rappelle que la tuberculose maladie n’a pas disparu, y compris en Europe chez des sujets autochtones, sans déficit immunitaire apparent, particulièrement chez des sujets âgés plus fragiles, et qu’il faut tout mettre en œuvre pour rechercher ce diagnostic.

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Cette tuberculose disséminée paucisymptomatique a été révélée par une atteinte cutanée peu commune, avec un double aspect histologique difficile à interpréter. Cette entité est à connaître de tous les cliniciens, en particulier les dermatologues, car elle a ici permis de prendre en charge une pathologie systémique mettant en jeu le pronostic vital. L’interrogatoire est bien sûr primordial, avec la notion de contage qui est un argument diagnostique important.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003

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G. Ferrati-Fidelin et al.

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Pour citer cet article : Ferrati-Fidelin G, et al. Tuberculose disséminée paucisymptomatique révélée par des ulcérations cutanées atypiques. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.05.003