Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94S, S362—S368
SYMPOSIUM, CONGRÈS SFA, LYON, DÉCEMBRE 2007 : QUELLE PLASTIE DU LCA, POUR QUELLE LAXITÉ, POUR QUEL PATIENT ?
Analyses clinique, radiologique et arthroscopique de la rupture du LCA. Étude prospective de 418 cas Clinical, radiological and arthroscopic analysis of the ACL tear. A prospective study of 418 cases J.-C. Panisset a,∗, H. Duraffour b, W. Vasconcelos e, P. Colombet c, C. Javois d, ¸aise d’arthroscopie J.-F. Potel d, D. Dejour e , la Société franc a
Médicèdres, 48, avenue de Grugliasco, 38130 Échirolles, France Centre hospitalier de Pau-4, boulevard Hauterive, 64000 Pau, France c Clinique du sport de Mérignac, 9, rue Jean-Moulin, 33700 Mérignac, France d Centre de chirurgie sportive, clinique du Cours Dillon-1, rue Peyrolade, 31300 Toulouse, France e Chirurgie orthopédique Corolyon, 8, avenue Ben-Gourion, 69009 Lyon, France b
Disponible sur Internet le 12 novembre 2008
MOTS CLÉS Plastie LCA ; Translation tibiale antérieure ; Faisceau postéro latéral ; Lésion partielle LCA
∗
Résumé Cette étude multicentrique prospective sur 418 ruptures du ligament croisé antérieur avait pour but de rechercher les corrélations existantes entre les différents aspects du ligament croisé antérieur constatés au moment de l’intervention chirurgicale et les données de l’examen clinique, de l’examen radiographique standard et en tiroir antérieur et de l’IRM. Quatre types de lésions du LCA ont été identifies : disparu totalement, conservation du faisceau postérolatéral, cicatrisation sur le ligament croisé postérieur et cicatrisation dans l’échancrure. Les différentes corrélations ont montré une plus grande laxité dans le groupe disparu totalement avec une plus grande fréquence de tests de Lachman mou et de ressauts franc et explosif. Une plus grande incidence de lésions du ménisque médial a été retrouvée. Toutes ces constatations étant corrélées aussi avec le délai « accident—chirurgie » plus élevé dans le groupe disparu totalement par rapport aux groupes conservation du faisceau postérolatéral et cicatriciel échancrure. Cette étude a montré les différents critères des aspects cicatriciels du LCA et cela peut aider le chirurgien à faire le meilleur choix chirurgical. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-C. Panisset).
0035-1040/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rco.2008.09.009
Analyses de la rupture du LCA
KEYWORDS ACL tear; Anterior tibial translation; Postero lateral bundle; ACL partial tear
S363 Summary This prospective multicentric study concerns 418 anterior cruciate ligament tears. It correlates the arthroscopic data’s and the clinical and radiological data’s. Four types of anterior cruciate ligament tears were identified. Complete tears, postero lateral bundle preserved, healing on the posterior cruciate ligament and healing in the notch. The statistical correlations had shown a highest laxity in the complete tear group with a highest rate of soft Lachman and gross pivot shift, a highest incidence of medial meniscus tears was also noted and a longer delay between injury and surgery, 24 months for the complete tear group and seven months for the postero lateral bundle group. The mean medial compartment laxity, side to side, in the postero lateral bundle group was 4.93 mm and 7.93 mm in the complete tear group. These data could help the surgeon in his surgical planning especially in case of partial tears. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction L’examen clinique d’un patient souffrant d’une rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est parfois différent d’un patient à un autre et aussi d’un moment à un autre. Cela laisse supposer que toutes les ruptures du LCA ne sont pas identiques. Le mécanisme de la rupture est foncièrement différent en fonction du type de sport, de la violence du traumatisme et probablement de la morphologie du sujet et du ligament croisé antérieur. Ce dernier est constitué dans plus de 60 % des cas de deux faisceaux : un faisceau antéromédial et un faisceau postérolatéral, nommés ainsi par leur insertion tibiale. Cette anatomie a été décrite par Weber en 1836 [1] et confirmée depuis par de nombreuses études [2]. Il est alors possible que le traumatisme n’aboutisse qu’à la rupture d’un seul des deux faisceaux [3]. Une étude multicentrique et prospective a été mise en place pour démembrer ces différents aspects de la rupture du LCA, et pour étudier les corrélations entre ces différents aspects anatomiques et les données de l’examen clinique, l’examen radiographique dynamique et IRM.
Matériel et méthode Une étude de faisabilité a été réalisée au préalable dans un seul centre de manière prospective sur 100 patients. Après avoir analysé cette série précisément, il a été déterminé les critères d’examen clinique, les mesures radiographiques à réaliser, les données de l’IRM à retenir et surtout les observateurs ont visionné de nombreuses vidéos pour déterminer les caractères spécifiques des différents aspects de rupture. L’étude principale est prospective sur une série continue de 418 patients venant de cinq centres différents (Bordeaux, Grenoble, Lyon, Pau et Toulouse) qui ont tous utilisé la même méthodologie. La population était composée de 69 % d’hommes et 31 % de femmes, d’âge moyen 27,2 ans (9—59) avec une répartition par classes de 10 ans montrant la prédominance de la classe 20—30 ans. Aucun des patients n’avait d’antécédent chirurgical. Le diagnostic de rupture du LCA était posé en préopératoire sur l’examen clinique, un bilan radiographique et une IRM. L’examen clinique de tous les patients a été effectué à la consultation et au bloc opératoire sous anesthésie au moment de l’intervention chirurgicale et toujours
comparativement par rapport au côté opposé et sain. Le test de Lachman a été réalisé avec ses deux qualificatifs : mou et arrêt dur retardé. De même, le test du ressaut a été caractérisé par quatre qualificatifs : absent, ébauche ou ressaut bâtard, ressaut franc et ressaut explosif. L’examen radiographique préopératoire comprenait un bilan standard avec des clichés en appui monopodal de face et de profil strict. Un bilan en stress à 15 kg (Telos® ) a été effectué avec un contrôle strict en scopie pour vérifier la bonne superposition des condyles. Sur l’ensemble de ces radiographies (appui monopodal et stress), les mesures, toujours comparatives au côté opposé, ont permis de déterminer l’avancé du plateau tibial médial sous le condyle médial (TACM), l’avancé du plateau tibial latéral sous le condyle latéral (TACL) et la pente tibiale. Ces mesures ont demandé aux évaluateurs un entraînement pour obtenir une fiabilité dans la réalisation. La description de l’aspect du résidu du LCA a été effectuée par arthroscopie, selon des critères ci après présentés. L’étude statistique a été réalisée avec le logiciel Statel® (Adscience.fr) après recueil des données par chaque centre et colligées sur un tableur Excel (Microsoft® ). Le test de Khi2 a servi pour comparer les variables qualitatives, le test de Kruskall-Wallis et de Mann-Whitney pour comparer les variables qualitatives et quantitatives et le test de corrélation de Pearson et Spearmann pour les variables quantitatives.
Résultats Tous les patients présentaient une rupture du LCA mais la description clinique de la laxité était variée : • • • • • •
test de Lachman :arrêt mou 78 % ; un arrêt dur retardé 22 % ; un ressaut : absent 10 % ; bâtard ou ébauche 32 % ; franc 41 % ; explosif 17 %.
L’évaluation radiologique de la laxité retrouvait la dispersion habituelle des valeurs de tiroir antérieur à 20◦ de flexion d’une population de lésions du LCA (Tableau 1). Seules les laxités différentielles par rapport au côté lésé ont été analysées. La pente tibiale moyenne était de 7,7◦ (0—18).
S364 Tableau 1
J.-C. Panisset et al. Laxités radiologiques (en mm) en appui monopodal et stress antérieur à 15 Kg (Télos® ).
mm
TACM genou lésé
TACL genou lésé
TACM différentiel
TACL différentiel
Laxité appui monopodal Laxité stress antérieur 15 kg
2,99 (− 6 + 19) 8,88 (5 + 25)
10,2 (− 7 + 29) 15,7 (0 + 35)
1,6 (− 12 + 16) 6,4 (− 8 + 18)
1,81 (− 15 + 15) 6,15 (− 9 + 20)
Figure 1 paru ».
Aspect arthroscopique « LCA complètement dis-
Figure 2 Aspect arthroscopique « conservation du faisceau postérolatéral ».
Le résidu du LCA dans l’échancrure intercondylienne a été analysé par chaque opérateur au moment de l’intervention et caractérisé par son aspect visuel et palpatoire à l’arthroscopie et par sa qualité mécanique. L’aspect du résidu a été décrit suivant une méthodologie rigoureuse. Une étude préalable de nombreux enregistrements vidéos par plusieurs observateurs différents avait permis de définir les caractéristiques objectives de quatre catégories de résidu nommées : « LCA disparu complètement », « conservation du faisceau postérolatéral », « cicatriciel LCP » et « cicatriciel échancrure ».
latéral. Cela correspondait donc à une rupture du faisceau antéromédial.
Cicatriciel LCP Cicatriciel LCP (Fig. 3) : cette entité était connu depuis des années et souvent appelée « nourrice sur le LCP ». Il existait une structure fibrillaire qui s’insérait sur la synoviale en arrière du LCP. On reconnaissait aisément cette structure qui présentait souvent une convexité en regard de la face axiale du condyle latéral. Il n’y avait pas d’insertion sur cette face et encore moins au toit de l’échancrure.
LCA disparu complètement LCA disparu complètement (Fig. 1) : la rupture était complète ; il ne restait plus aucun résidu dans l’échancrure ; il s’agissait de l’aspect le plus facile à caractériser.
Conservation du faisceau postérolatéral Conservation du faisceau postérolatéral (Fig. 2) : une véritable structure ligamentaire était identifiable qui conservait son insertion sur la face axiale du condyle latéral. Elle était palpable et se tendait lorsque l’on mettait le genou en position de Cabot (flexion et varus) ce qui avait déjà été décrit auparavant [4]). Son insertion tibiale était plus difficile à identifier car ce faisceau se confond avec la zone de rupture du faisceau antéromédial, parfois sous la forme d’un petit bourgeon cicatriciel. La disparition du faisceau antéromédial était alors facilement visible avec une zone vide à la partie la plus haute de la face axiale du condyle
Figure 3
Aspect arthroscopique « cicatriciel LCP ».
Analyses de la rupture du LCA
S365 (13 %) : la « nourrice » sur le LCP ne semblait donc pas fiable mécaniquement contrairement au faisceau postérolatéral préservé. L’analyse factorielle avec recherche des corrélations entre les facteurs avait permis de caractériser chacune des populations d’aspect du LCA selon la laxité clinique (Lachman et ressaut), la laxité radiologique (TACM différentiel et TACL différentiel), l’aspect IRM, l’âge du patient, le délai accident—chirurgie et l’état méniscal.
Aspect du LCA et laxité clinique Aspect du LCA et laxité clinique (Tableau 2) : l’expression de la laxité clinique était totalement différente (p < 0,00001) entre la population avec disparition complète du LCA (98 % de Lachman arrêt mou et 80 % de ressaut francs ou explosifs) et les populations de rupture ou cicatrisation partielle (30 à 64 % de Lachman arrêt dur retardé et 57 à 73 % de ressaut absent ou ébauche). C’est dans le groupe cicatriciel échancrure (ou conservation du faisceau antéromédial) qu’il existait le plus grand nombre de Lachman arrêt dur retardé (64 %). Il existait également une liaison forte entre le ressaut et l’aspect du LCA, et plus particulièrement une différence nette entre les groupes « disparu totalement » et « conservation postérolatéral » (p < 0,00001). Ainsi lorsqu’il existait un résidu dans l’échancrure la fréquence du ressaut chutait. L’existence d’un Lachman arrêt mou correspondait dans deux-tiers des cas à une disparition complète du LCA (valeur prédictive élevée) (Fig. 5). L’existence d’un Lachman arrêt dur retardé correspondait dans 94 % des cas à une rupture ou cicatrisation partielle mais ne permettait pas d’imaginer plus précisément son type (conservation du faisceau postérolatéral, cicatriciel LCP ou cicatriciel échancrure) (Fig. 5).
Figure 4 Aspect arthroscopique « cicatrisation échancrure » ou conservation du faisceau antéromédial.
Cicatriciel échancrure Cicatriciel échancrure (Fig. 4) : cette catégorie était la plus difficile à identifier et avait fait l’objet de controverses au sein des observateurs. Dans cette catégorie ont été placés tous les cas où il restait une structure ligamentaire intacte ou cicatricielle proche du toit de l’échancrure à la jonction avec la face axiale du condyle latéral. Il pourrait s’agir d’une conservation du faisceau antéromédial et donc d’une rupture isolée du faisceau postérolatéral. Au sein de la population étudiée, la répartition des différents types de résidus montrait une nette prédominance de la disparition complète (50 %) et des fréquences moindres de conservation du faisceau postérolatéral (16 %), cicatriciel LCP (23 %) et cicatriciel échancrure (11 %). La qualité du résidu du LCA a été précisée, pour les trois catégories où persistait un tissu dans l’échancrure, en donnant deux qualificatifs : bon ou mauvais en fonction de l’aspect visuel et de la sensation à la palpation au crochet. Pour l’ensemble de la population, la qualité a été jugée bonne uniquement pour 17 % des résidus et mauvaise pour 83 %. La préservation de la bonne qualité mécanique du résidu est beaucoup plus fréquente lorsqu’il était constaté un aspect de conservation du faisceau postérolatéral (70 % des cas) que lorsqu’il existait un aspect cicatriciel échancrure (27 %) ou cicatriciel LCP
Tableau 2
Aspect du LCA et laxité radiologique Aspect du LCA et laxité radiologique (Tableau 3) : l’analyse des tiroirs radiologiques différentiels des deux compartiments médial et latéral sous stress antérieur (TACM et TACL) montrait une forte corrélation avec l’aspect du LCA (Kruskall et Wallis : 51,95 avec p < 0,00001 pour TACM ; 38,64 avec p < 0,00001 pour TACL). Le groupe « disparu totalement » possédait la plus grande laxité différentielle sur les deux compartiments (7,93 mm et 7,65 mm) alors que les groupes « conservation postérolatéral » et « cicatriciel échancrure » étaient les moins laxes. C’était le groupe
Laxités cliniques (Lachman et ressaut qualitatifs) des populations selon l’aspect du LCA lésé. Disparu complètement (n = 208)
Conservation postérolatéral (n = 67)
Cicatriciel LCP (n = 96)
Cicatriciel échancrure (n = 47)
Lachman
Arrêt mou (%) Arrêt dur retardé (%)
98 2
60 40
70 30
36 64
Ressaut
Absent (%) Bâtard (%) Franc (%) Explosif (%)
3 17 52 28
21 52 25 1
11 46 34 8
21 47 23 9
S366
J.-C. Panisset et al.
Figure 5
Valeurs « prédictives » du test de Lachman sur l’aspect arthroscopique de la lésion du LCA.
« cicatriciel échancrure » qui présentait la plus faible laxité sur le compartiment latéral. L’analyse de la différence des laxités radiologiques des deux compartiments (TACM différentiel—TACL différentiel), qui exprimait la rotation lors du stress antérieur, montrait des valeurs faibles inférieures à 1 mm. Il n’y avait pas de corrélation statistique entre cette différence de laxité et l’aspect du LCA (Kruskall et Wallis : 1,61 avec p = 0,66). Il existait seulement une différence plus nette entre les groupes « disparu totalement » et « conservation postérolatéral » avec une avancée du plateau tibial latéral qui serait moins importante lorsque le faisceau postérolatéral est préservé, soit une diminution de la laxité en rotation interne. La qualité mécanique du résidu, jugée lors de l’arthroscopie, possèdait une relation directe avec la laxité différentielle du « compartiment » médial (TACM différentiel) (Mann-Withney : 3,48 avec p < 0,00049). La laxité était plus faible lorsque la qualité du faisceau restant était jugée bonne (4,13 ± 3,3 mm) que si le résidu était mauvais (6,04 ± 4,8 mm).
Aspects du LCA et IRM Aspects du LCA et IRM (Tableau 4) : 195 dossiers disposaient d’un examen IRM complet qui avait permis, par une analyse des coupes sagittales, de décrire trois types de lésion des fibres du LCA : « fibres désorganisées » lorsque les fibres n’avaient plus d’aspect structurel ou avaient disparu, « fibres rectilignes » quand les fibres conservaient une orientation proche de celle de la ligne de Blumensaat, et enfin « fibres couchées » lorsque que les fibres restantes étaient couchées dans l’échancrure proche du LCP. L’analyse statistique ne montrait pas de différence de répartition de ces types d’image IRM en fonction de l’aspect du LCA. Il aurait fallu disposer de coupes axiales ou perpendiculaires aux fibres du LCA pour être plus précis sur le diagnostic IRM [5]. Cependant, il y avait une majorité de « fibres désorganisées » dans le groupe disparu totalement (80 %).
Tableau 3
Aspect du LCA et âge du patient Aspect du LCA et âge du patient : il existait, sur ce critère, une différence statistiquement significative entre les groupes d’aspect du LCA (Kruskall et Wallis : 10,67 avec p < 0,014) avec un âge un peu plus élevé dans le groupe « conservation postérolatéral » (30 ± 10 ans) par rapport aux autres groupes (25 ± 9 à 27 ± 11 ans).
Aspects du LCA et délai accident —chirurgie Aspects du LCA et délai accident—chirurgie : le délai entre l’accident et le geste chirurgical, apparaissait comme un facteur important différentiant les groupes d’aspect du LCA (Kruskall et Wallis : 39,81 avec p < 0,00001). Les deux groupes qui présentaient un tissu résiduel efficace (cicatriciel ou par préservation d’un faisceau) avaient les délais les plus courts : « conservation postérolatéral » : 7 ± 11 mois, « cicatriciel échancrure » : 5 ± 7 mois. L’aspect de disparition du LCA ou de cicatrisation sur le LCP correspondait à des lésions plus anciennes avec respectivement 22 ± 36 mois et 12 ± 22 mois.
Aspects du LCA et état des ménisques Aspects du LCA et état des ménisques : les données peropératoires avait permis de décrire trois situations méniscales : « pas de lésion », « méniscectomie » ou « conservation » lorsque la lésion constatée n’avait fait l’objet d’aucun geste ou d’une suture. Pour le ménisque médial, l’analyse montrait une différence statistiquement significative entre les groupes (p < 0,00064) avec un fort taux de lésions méniscales médiales dans le groupe « disparu totalement » (42 % : 24 % de méniscectomies, 18 % de conservations) par rapport aux autres groupes : 30 % pour le groupe « conservation postérolatéral », 27 % dans le groupe « cicatriciel LCP » et 11 % dans
Laxités radiologiques (TACM et TACL en mm) des populations selon l’aspect du LCA lésé.
TACM différentiel TACL différentiel TACM diff.—TACL diff.
Disparu complètement (n = 208)
Conservation postérolatéral (n = 67)
Cicatriciel LCP (n = 96)
Cicatriciel échancrure (n = 47)
7,93 ± 4,5 7,65 ± 5,3 0,28 ± 3,35
4,97 ± 3,1 4,94 ± 4,1 0,03 ± 2,9
5,08 ± 4,5 4,82 ± 4,4 0,26 ± 3,1
4,48 ± 4,3 4,00 ± 4,8 0,49 ± 3,9
Analyses de la rupture du LCA Tableau 4
S367
Description IRM de la lésion du LCA selon l’aspect du LCA lésé.
Fibres désorganisées (%) Fibres couchées (%) Fibres rectilignes (%)
Disparu complètement
Conservation postérolatéral
Cicatriciel LCP
Cicatriciel échancrure
80 17 3
58 32 10
61 23 16
65 28 7
le groupe « cicatriciel échancrure ». Un pourcentage de 69 % des méniscectomies médiales de cette série avaient eu lieu dans le groupe « disparu totalement ». Pour le ménisque latéral, l’analyse ne permettait pas de trouver une relation statistique entre l’aspect du LCA et la lésion méniscale (13 à 22 % de lésion selon les groupes).
Discussion Cette étude apporte des éléments permettant de caractériser des différents aspects arthroscopiques de la rupture du LCA et précise les relations entre l’examen clinique, les valeurs de la laxité et ces aspects morphologiques. La description de ces quatre aspects, même si elle est le résultat de longues confrontations de plusieurs observateurs sur de nombreux enregistrement vidéos, reste bien évidemment discutable et seule la poursuite de cette analyse permettra dans l’avenir d’être encore plus précis dans les corrélations anatomocliniques. Il existe peu de publications dans la littérature en dehors de l’étude de Crain et al. [6], qui décrit surtout les formes cicatricielles sur le LCP et montre les corrélations avec la laxité.
Le groupe « disparu complètement » Le groupe « disparu complètement » est le plus représenté de cette série (50 %). Ses caractéristiques sont attendues, avec un test de Lachman mou (98 % des cas), un ressaut franc ou explosif (80 % des cas), une laxité moyenne différentielle élevée (7,93 mm), un délai « accident—chirurgie » élevé (22 mois), un fort taux de lésion du ménisque médial (42 %,). C’est la rupture complète du LCA, typique dans son expression clinique et paraclinique qui ne pose pas de problème diagnostique.
Les groupes « conservation du faisceau postérolatéral » et « cicatriciel sur l’échancrure » Les groupes « conservation du faisceau postérolatéral » (16 %) et « cicatriciel sur l’échancrure » (11 %) présentent des caractéristiques proches sur certains critères : laxité différentielle moyenne faible (4,97 mm et 4,49 mm), un taux de lésion du ménisque médial modéré (30 et 11 %) et surtout un plus faible taux de méniscectomie. Les valeurs de la laxité sont à rapporter à l’étude d’Adachi et al. [7] qui a décrit 40 cas de lésions isolées du faisceau antéromédial (conservation du faisceau postérolatéral) avec une laxité de 5,3 mm mesurée au KT2000. Le test de Lachman est intéressant à analyser. Dans le groupe « conservation du faisceau postéro-
latéral », le test présente un arrêt dur retardé (40 %) ou un arrêt mou (60 %). Cette constatation peut s’expliquer par le degré de flexion lors de l’examen. En effet, un test de Lachman, réalisé dans une position proche de l’extension, obtiendra probablement un arrêt dur retardé, car le faisceau postérolatéral est alors tendu. En revanche, dans une position proche de 30◦ de flexion, le test présentera un arrêt mou. Dans le groupe « cicatriciel échancrure », il est retrouvé une proportion inversée avec 36 % d’arrêt mou et 64 % d’arrêt dur retardé. Cela laisserait supposer que cet aspect cicatriciel correspond à une conservation du faisceau antéromédial. Le volume de ce faisceau étant plus important que celui du faisceau postérolatéral, il est fort probable qu’il ait une influence sur la qualité du test. Le ressaut clinique est souvent faible dans ces deux groupes (22 et 30 % de ressaut franc et explosif). Ce test authentifie lors de sa négativité la présence d’un faisceau restant de bonne qualité. Il est moins fréquent dans le groupe « postérolatéral » que dans le groupe « cicatriciel échancrure » avec une haute significativité statistique, ce qui peut s’expliquer par le rôle du faisceau postérolatéral dans le contrôle de la rotation et du ressaut [8]. Dans ces deux groupes, le délai « accident—chirurgie » est court (sept mois pour la « conservation postérolatéral » et 5,07 mois pour le « cicatriciel échancrure »), argument qui contribue à confirmer la rupture partielle ne concernant qu’un seul des deux faisceaux (antéromédial ou postérolatéral). La totalisation de la rupture arrive plus tard dans l’évolution avec la répétition des accidents d’instabilité (22 mois pour le groupe « disparu totalement »). La fréquence de la conservation du faisceau postérolatéral est nettement plus importante (16 %) que celle de l’antéromédial (11 %) comme l’avait déjà montré Ochi en 2006 sur une série de 169 cas (10 % de rupture partielle, avec conservation du faisceau postérolatéral dans 13 cas sur 17 et uniquement quatre conservation du faisceau antéromédial) [9]. L’analyse du facteur « qualité du résidu » apporte également des arguments à la notion de rupture partielle puisqu’il existe une excellente corrélation entre cette qualité et la laxité. Ainsi l’aspect de « conservation du faisceau postérolatéral » est majoritairement de bonne qualité (70 %) et possède une faible laxité (4,1 mm). Alors que, dans les autres catégories, nous avons retrouvé une majorité de mauvaise qualité (72 %) et une laxité plus importante (6,04 mm). La différence de translation entre le plateau tibial latéral et le plateau tibial médial montre de petites différences que l’outil statistique n’a pas validées avec significativité. La différence entre le groupe « disparu totalement » (0,279 mm) et le groupe « conservation postérolatéral » (0,0299 mm) aurait tendance à montrer, avec prudence, que la translation se fait moins sur le compartiment latéral dans le groupe postérolatéral.
S368
Le groupe cicatriciel LCP Le groupe cicatriciel LCP est un groupe intermédiaire en fréquence (23 %), avec 70 % de Lachman mou, 42 % de ressaut franc et explosif, une laxité plus élevée que dans les deux groupes précédents (5,08 mm), un délai accident—chirurgie plus grand (11,8 mois) et 37 % de lésions du ménisque médial. Il s’agit probablement d’une phase de passage après la rupture d’un seul des deux faisceaux, le plus long délai « accident—chirurgie » étant certainement un argument fort pour valider cette hypothèse. Et comme l’ont montré Crain et al. [6], cette nourrice n’a aucun effet sur la laxité qui se rapproche de celle du groupe rupture totale. L’étude du caractère « prédictif » du test de Lachman montre que l’arrêt dur retardé ne peut pas à lui seul laisser présager de la qualité du tissu restant puisque les trois catégories conservatrices y sont représentées à part presque égales. En outre, l’analyse des lésions méniscales montre l’absence de corrélation entre les lésions du ménisque latéral et les différents aspects du LCA. Cela pourrait être expliqué par le mode de survenue de la lésion méniscale latérale qui est habituellement concomitante de la lésion du LCA et donc liée uniquement au fait traumatique initial. La fréquence de cette lésion est donc logiquement identique dans tous les groupes. Contrairement à la lésion du ménisque médial dont la fréquence augmente avec le délai accident—chirurgie et l’âge du patient (relation confirmée par les résultats de cette série [p < 0,000045]). La méniscectomie est la sanction des délais les plus longs et de l’augmentation de l’âge. L’analyse IRM ne rapporte pas des résultats à la hauteur de la qualité des images. Il paraît difficile de faire une estimation de la qualité du résidu du LCA en fonction de l’aspect IRM. Il serait souhaitable, avec les radiologues, de définir les bonnes coupes nécessaires à une analyse plus fiable.
Conclusion Cette étude a confirmé l’intérêt de l’examen clinique et des mesures radiographiques en stress dans le diagnostic
J.-C. Panisset et al. des ruptures du ligament croisé antérieur. Il paraît fondamental, avec ces critères préopératoires, d’explorer avec précision l’échancrure intercondylienne pour analyser le résidu du LCA. En fonction de l’ensemble de ces données il est alors possible de choisir la meilleure solution technique pour réparer la rupture du LCA. Cette étude ébauche aussi la définition des rôles respectifs des faisceaux du LCA en fonction des données de l’examen clinique et radiographique.
Références [1] Weber W. Mechanik der mensclichenGehwerkzeuge. Göttingen: Dieterichsche Buchhandlung; 1836. [2] Zantop T, Petersen W, Fu F. Anatomy of the anterior cruciate ligament. Oper Tech Orthop 2005;15:20—8. [3] Amis AA, Dawkins GP. Functional anatomy of the anterior cruciate ligament. Fiber bundle actions related to ligament replacements and injuries. J Bone Joint Surg Br 1991;73: 260—7. [4] Sonnery Cottet B., Chambat P. Arthroscopic identification of the anterior cruciate ligament posterolateral bundle: The Figure-of-our position. (Arthroscopy: J Arthrosc Rel Surg 2007;23:1128.e1—3B). [5] Roychowdhury S, Fitgerald Steven, Sonin AH, Peduto AJ et al. Using MR Imaging to diagnose partial tears of the anterior cruciate ligament: Value of axial images. AJR: 168 1997. [6] Crain EH, Fithian DC, Paxton EW, Luetzow WF. Variation in anterior cruciate ligament scar pattern: Does the scar pattern affect anterior laxity in anterior cruciate ligament deficient knees ? Arthroscopy 2005;21:19—24. [7] Adachi N, Ochi M, Uchio Y, Sumen Y. Anterior cruciate ligament augmentation under arthroscopy. A minimum 2 years follow-up in 40 patients. Arch Orthop Trauma Surg 2000;120: 128—33. [8] Zantop Thore, Herbort Mirko, Raschke Michael J, Fu Freddie H, Petersen Wolf. The role of the anteromedial and posterolateral bundles of the anterior crusiate ligament in anterior tibial translation and internal rotation. Am J Sports Med 2007; 35:223. [9] Ochi M, Adachi N, Deie M, Kanaya A. Anterior cruciate ligament augmentation procedure with a one incision technique: antero-medial bundle or posterolateral bundle reconstruction. Arthroscopy 2006;22:1—463.