Campagne de vaccination hors centre contre la rougeole des populations précaires en période de pic épidémique, Marseille 2011

Campagne de vaccination hors centre contre la rougeole des populations précaires en période de pic épidémique, Marseille 2011

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue d’E´pide´miologie et de Sante´ Publique 61 (2013) 199–203 Point de vue Campagne de vaccination ...

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www.sciencedirect.com Revue d’E´pide´miologie et de Sante´ Publique 61 (2013) 199–203

Point de vue

Campagne de vaccination hors centre contre la rougeole des populations pre´caires en pe´riode de pic e´pide´mique, Marseille 2011 Measles vaccination campaign among vulnerable populations during the peak of the 2011 epidemic in Marseilles S. Laurence a, M. Chappuis a,*, P. Rodier b, C. Labaume b, J.-F. Corty a b

a Me´decins du Monde, 62, rue Marcadet, 75018 Paris, France Me´decins du Monde, 4, avenue Rostand, 13003 Marseille, France

Rec¸u le 20 septembre 2012 ; accepte´ le 11 de´cembre 2012

Abstract Background. – From 2008 to the end of 2011, Europe experienced a major outbreak of measles. The outbreak hit France especially hard, with measles hotspots in the South-East of France. It is known that people living in precarious socio-economic conditions are more exposed to infectious diseases. Regarding the local situation, the NGO ‘‘MdM-Marseille’’ decided to conduct a vaccination campaign among the Roma community living in camps. Methods. – The campaign was planned with two injections of a combined measles, mumps and rubella vaccine (MMR) in a one month interval for all young people born since 1980 and over the age of one year, regardless of antecedents. Twenty-four camps were selected. The target population was estimated at 720 people. Each site was the subject of an information visit. A letter was sent to the Prefecture to inform them and ask for a moratorium on evictions for the identified camps. Results. – Between May 15th and September 15th 2011, 326 primary immunizations were performed during 34 visits (covering 45.3% of the target population). Over the same period, almost all the camps were evacuated, forcing teams to stop the vaccination campaign. The second injection campaign covered only 37 persons. Conclusion. – The vaccination campaign among Roma populations in Marseilles was organized in a context of a major national outbreak of measles in the general population. Although the Prefecture was informed, camp evictions were not interrupted. This highlights the discrepancy between public health policy and security policy. In the context of an epidemic, innovative actions should be focused on vulnerable populations in partnership with health authorities. The main objective is to find procedures that can protect populations at risk in the event of a health crisis but which are also useful for routine prevention. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Vaccination; Measles; Poverty; Organizational affiliation

Re´sume´ Position du proble`me. – De 2008 a` fin 2011, une e´pide´mie de rougeole a se´vi en Europe. Cette e´pide´mie a particulie`rement frappe´ la France, avec une nette pre´dominance pour les re´gions du Sud-Est. Il est reconnu que les populations vivant dans des conditions socio-e´conomiques pre´caires sont plus expose´es aux maladies infectieuses be´ne´ficiant d’une pre´vention vaccinale. Interpelle´e par la situation sanitaire et au regard de la situation e´pide´mique nationale et locale et de la vulne´rabilite´ des populations dont elle s’occupe, l’association « Me´decins du Monde-Marseille » a de´cide´ de proce´der a` une campagne de vaccination au sein des populations Roms vivant sur des campements. Me´thode. – La campagne a e´te´ pre´vue avec deux injections du vaccin trivalent rougeole/oreillons/rube´ole a` un mois d’intervalle pour tous les jeunes ne´s depuis 1980 et aˆge´s de plus d’un an, quels que soient les ante´ce´dents vis-a`-vis des trois maladies. Vingt-quatre terrains ont e´te´ se´lectionne´s. La population cible e´tait estime´e a` 720 personnes. Chaque site a fait l’objet d’une visite de sensibilisation. Un courrier a e´te´ adresse´ a` la pre´fecture pour l’informer et demander un moratoire sur les expulsions des lieux de vie identifie´s.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Chappuis). 0398-7620/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.respe.2012.12.017

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Re´sultats. – Entre le 15 mai et le 15 septembre 2011, 326 primo-immunisations ont e´te´ re´alise´es au cours de 34 maraudes, soit 45,3 % de la population cible. Sur la meˆme pe´riode, la quasi-totalite´ des terrains ont e´te´ expulse´s, obligeant les e´quipes a` interrompre la campagne de vaccination. La deuxie`me injection n’a couvert que 37 personnes. Conclusion. – La campagne vaccinale engage´e a` Marseille aupre`s des populations Roms s’inscrit dans le contexte d’une e´pide´mie en population ge´ne´rale. Bien que l’autorite´ ait e´te´ avertie de l’action, les expulsions des lieux de vie n’ont pas e´te´ interrompues, mettant en e´vidence les divergences entre enjeux de sante´ publique et politique se´curitaire. Dans un tel contexte e´pide´mique et en pre´sence de populations particulie`rement vulne´rables, des actions innovantes doivent eˆtre de´veloppe´es en partenariat avec les instances sanitaires. Il s’agit de trouver des modes ope´ratoires qui puissent re´pondre a` l’impe´ratif de protection des populations a` risque en cas de crise sanitaire, et de manie`re plus globale en pre´vention de routine. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Vaccination ; Rougeole ; Pauvrete´ ; Accord entre organismes

1. Introduction La vaccination contre la rougeole permet de se pre´munir contre la maladie et de re´duire la circulation virale. En France, toute personne ne´e depuis 1980 devrait avoir rec¸u deux doses de vaccin contre la rougeole. La premie`re dose est recommande´e a` l’aˆge de 12 mois (a` l’exception des enfants en collectivite´ qui doivent eˆtre vaccine´s de´s neuf mois) et la seconde dose entre 13 et 24 mois (avec un de´lai d’au moins un mois entre les deux vaccinations). En population ge´ne´rale, la couverture vaccinale stagne autour de 87 % a` 24 mois (pour au moins une dose) alors qu’elle devrait eˆtre de 95 % pour la premie`re dose et 80 % pour la deuxie`me dose pour permettre l’arreˆt de la circulation du virus [1]. Les enfants vivant dans des conditions de vie pre´caires sont plus expose´s aux maladies infectieuses en ge´ne´ral et a` leurs complications. En effet, du fait d’un faible acce`s a` la pre´vention, ils sont moins vaccine´s et donc plus vulne´rables face aux maladies a` pre´vention vaccinale. La couverture vaccinale pour la rougeole, les oreillons et la rube´ole (ROR) des enfants aˆge´s de neuf mois a` sept ans a, par exemple, e´te´ e´tudie´e dans deux services d’urgences pe´diatriques de Marseille (2009–2010). Elle montre une couverture globale, avec au moins une dose, de 77 %. Les enfants de familles sans domicile fixe avaient 3,4 fois plus de risque (OR = 3,4) de ne pas eˆtre a` jour (une injection avant l’aˆge d’un an, deux injections avant l’aˆge de 24 mois) dans la vaccination ROR par rapport aux autres enfants [2]. Les donne´es collecte´es dans l’ensemble des centres d’accueil de soins et d’orientation (Caso) de Me´decins du Monde (MdM), font le meˆme constat. Sur l’ensemble de la population pre´caire rencontre´e, seule 41,8 % des moins de 30 ans sont a` jour (une dose pour les enfants aˆge´s de neuf mois a` un an et deux doses pour les moins de 30 ans) pour la vaccination ROR [3]. Enfin, en ce qui concerne plus particulie`rement la population Rom, une enqueˆte spe´cifique mene´e par MdM entre juillet 2010 et juin 2011 sur plusieurs grandes villes (Nantes, Strasbourg, Bordeaux, Marseille) montre que seuls 50,9 % des moins de 30 ans ont rec¸u au moins une dose pour ce meˆme vaccin [4]. Entre 2008 et jusqu’a` fin 2011 une e´pide´mie de rougeole a se´vi en Europe. Cette e´pide´mie a concerne´ la majorite´ des pays

europe´ens, et plus particulie`rement la France, l’Italie et la Roumanie qui concentraient, en 2011, 79,7 % des cas de rougeole de´clare´s parmi les 29 pays du re´seau de surveillance de l’European Center for Disease Control and Prevention (ECDC) [5]. Cette e´pide´mie est lie´e a` un taux de couverture vaccinale insuffisant pour e´liminer la maladie [6]. En France, ou` la rougeole est une maladie a` de´claration obligatoire, plus de 22 000 cas de rougeole ont e´te´ de´clare´s entre le 1er janvier 2008 et le 31 de´cembre 2011 (dont pre´s de 15 000 cas pour la seule anne´e 2011). Parmi eux, 1008 ont pre´sente´ une pneumopathie grave, 26 une complication neurologique et dix sont de´ce´de´s [7]. L’ensemble du territoire a e´te´ touche´, avec une nette pre´dominance pour les re´gions du Sud Est et du Sud Ouest de la France [6]. Sur la seule re´gion Provence-Alpes-Coˆte-d’Azur (PACA), entre le 1er janvier et le 16 juin 2011, 2562 cas de rougeole ont e´te´ de´clare´s a` l’agence re´gionale de sante´ de PACA (ARS PACA) contre 497 cas en 2010 et 44 cas en 2009 [8]. ` Marseille, MdM travaille aupre`s des populations les plus A pre´caires dont les familles migrantes Roms. Ces familles, pre´sentes depuis le de´but des anne´es 2000, vivent sous l’application de lois discriminantes (mesures transitoires)1 leurs rendant l’acce`s au travail difficile et subissent de fre´quentes expulsions des lieux de vie qu’elles occupent sans solution de relogement, des difficulte´s de scolarisation des enfants. . . Ce climat contribue a` cre´er des conditions de vie marque´es par la promiscuite´, l’inse´curite´ et le manque d’hygie`ne et ge´ne`re des difficulte´s quant a` la continuite´ des soins. Couple´ a` la faible couverture vaccinale des enfants comme des adultes, ces familles sont a` risque de complications lie´es a` la maladie. Au cours du premier semestre 2011 les e´quipes de MdM a` Marseille et les services des urgences des hoˆpitaux ont pu

1 Passe´ trois mois sur le territoire franc¸ais, tous les ressortissants e´trangers doivent posse´der un titre de se´jour pour re´sider en France. Pour cela ils doivent justifier de ressources suffisantes (activite´s professionnelles et/ou ressources personnelles) et d’une assurance maladie. Roumains et Bulgares du fait des mesures transitoires, ont un acce`s au travail tre`s encadre´, et tre`s limite´, (autorisation de travail spe´cifique ne´cessaire, liste limitative de 150 emplois autorise´s, taxe a` payer par l’employeur. . .) ce qui rend donc la re´gularisation quasi impossible. . . Depuis aouˆt 2012, la liste des me´tiers ouverts a cependant e´te´ e´largie et la taxe due par l’employeur supprime´e.

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observer et de´clarer plusieurs cas de rougeole. Une cinquantaine a e´te´ de´tecte´e sur les lieux de vie et terrains de familles sans domicile fixe. Interpelle´s par la situation sanitaire, au regard de la situation e´pide´mique nationale et locale et de la vulne´rabilite´ des populations, MdM a de´cide´, conjointement avec l’ARS, de´s le mois de mai de proce´der a` une campagne de vaccination mobile au sein de cette population.

2. Population et me´thode 2.1. Mise en œuvre Une e´quipe mobile de MdM a e´te´ spe´cialement constitue´e pour la campagne de vaccination. Entre mai et septembre 2011, 32 visites ont e´te´ planifie´es pour effectuer les vaccinations. Les sites ou` plusieurs cas de rougeole avaient e´te´ identifie´s e´taient privile´gie´s. Chaque e´quipe « vaccination », constitue´e d’une infirmie`re et d’une interpre`te, proce´dait a` une premie`re visite du lieu de vie afin de pre´senter le de´roulement de la campagne et expliquer l’inte´reˆt aux familles. La deuxie`me visite pour la vaccination e´tait organise´e environ une semaine apre`s avec une e´quipe compose´e d’un me´decin, d’une infirmie`re et d’un accompagnant. Un second tour de vaccination e´tait planifie´ un mois apre`s la premie`re injection. Chaque e´quipe disposait du camion sanitaire, d’une glacie`re contenant les vaccins, d’une trousse d’urgence avec corticoı¨des et adre´naline, de carnets de sante´ et de cartes de vaccination. Un courrier a e´te´ adresse´ a` la pre´fecture courant juin 2011 les informant de la campagne et leur demandant un moratoire sur les expulsions de lieux de vie et du territoire, le temps de la campagne vaccinale. Cette demande a ensuite e´te´ soutenue formellement par l’ARS PACA.

2.2. Protocole de vaccination Conforme´ment aux recommandations nationales en vigueur en France, la campagne de vaccination a e´te´ pre´vue avec deux injections du vaccin trivalent ROR, a` un mois d’intervalle pour tous les jeunes ne´s depuis 1980 et aˆge´s de plus d’un an, quels que soient les ante´ce´dents vis-a`-vis des trois maladies. Conforme´ment aux recommandations du Haut Conseil de la sante´ publique, en cas de foyer e´pide´mique une dose de vaccin trivalent devrait eˆtre administre´e pour toutes les personnes ne´es avant 1980 non vaccine´es et sans ante´ce´dent de rougeole (ou dont l’histoire est douteuse) [9]. Compte tenu de la pre´carite´ des conditions de vie mais aussi de l’acce`s limite´ a` une alimentation diversifie´e et a` des soins de qualite´ de la population vise´e par la campagne vaccinale, il aurait pu eˆtre pertinent d’y associer une distribution de vitamine A, efficace dans la pre´vention des complications me´dicales lie´es a` la rougeole. En l’absence de re´fe´rence nationale pour ce type d’action mobile et de re´ponse en pe´riode e´pide´mique, le protocole utilise´ ne tient compte que de la vaccination.

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2.3. Population cible L’effectif global de la population cible a e´te´ estime´ de fac¸on empirique comme suit : 1200 personnes, connues de MdM au de´but de la campagne et re´pondant aux crite`res socioanthropologiques de « Rom » et « pre´caires ». Parmi eux les « non vaccine´s », ou « ne pouvant pas faire la preuve de leur immunisation » et « appartenant a` la tranche d’aˆge des 12 mois– 30 ans » repre´sentaient approximativement 60 %, soit 720 personnes. Au total 24 terrains ont e´te´ cible´s pour cette campagne. Ces sites e´taient des friches industrielles, des parcs, trottoirs ou baˆtiments abandonne´s. La stabilite´ ne´cessaire de l’ensemble des personnes pour be´ne´ficier de cette campagne e´tait une condition indispensable afin de limiter les perdus de vue et de re´duire le risque de propagation du virus par des personnes qui auraient e´te´ en contact avec une personne malade durant le pic e´pide´mique. 2.4. Partenariat Un partenariat a e´te´ organise´ avec les services de protection maternelle et infantile (PMI) du de´partement des Bouches-duRhoˆne afin que les familles qui le souhaitaient puissent eˆtre vaccine´es et rec¸ues sans rendez-vous au sein des maisons de´partementales des solidarite´s (MDS). Pour la re´alisation de la campagne par MdM, la PMI a fourni les vaccins. La participation du centre municipal de vaccination n’a pas e´te´ possible. En raison du caracte`re non obligatoire de la vaccination anti-morbilleuse, ces centres sont libres d’introduire et d’intensifier ou non, la vaccination pour les vaccins « recommande´s » dans leurs actions. La coordination ope´rationnelle a e´te´ assure´e par une communication re´gulie`re entre tous les partenaires, mais malheureusement sans e´change re´ciproque des donne´es. Chacun des acteurs institutionnels ou associatifs e´tait responsable de de´livrer ou non aux patients vaccine´s ou aux parents des enfants vaccine´s des carnets de sante´ ou des cartes de vaccinations. 3. Re´sultats Entre le 15 mai et le 15 septembre 2011, les e´quipes de MdM ont proce´de´ a` 34 visites de terrains permettant 326 primoimmunisations par le vaccin trivalent ROR, soit 45,3 % de la population cible. Les immunisations effectue´es par les autres institutions (PMI, hoˆpital, cabinets prive´s. . .) ne sont pas comptabilise´es ici et ne doivent pas exce´der quelques dizaines. La couverture vaccinale de la population cible atteinte lors de cette campagne ne de´passe pas les 50 % pour la primo injection. Entre mai et septembre, la quasi-totalite´ des terrains (soit 21 terrains sur le 24 cible´s), ont e´te´ expulse´s avec une majorite´ d’expulsions (14) survenue en juillet et aouˆt. La deuxie`me injection n’a donc pu eˆtre re´alise´e que tre`s partiellement et la campagne a meˆme duˆ eˆtre interrompue pre´mature´ment sur

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certains sites. Meˆme si les e´quipes ont tente´ de suivre les de´placements des populations, la sur-pre´carisation des conditions de vie a contribue´ a` rele´guer le « besoin de sante´ » loin dans l’e´chelle des priorite´s pour les familles confronte´es a` un impe´ratif de survie imme´diate. De nombreuses familles ont ainsi e´te´ perdues de vue et la deuxie`me injection n’a ainsi couvert que 37 personnes. 4. Discussion La campagne vaccinale engage´e par MdM a` Marseille aupre`s des populations Roms pre´caires, s’inscrit dans le contexte d’une e´pide´mie en population ge´ne´rale. Le nombre de cas de´clare´s en France a plus que triple´ entre 2010 et 2011, passant de 5019 a` 15 206 cas. Paralle`lement, au niveau europe´en, les pays rapportant le plus de cas de rougeole entre 2010 et 2011 sont la Bulgarie et la Roumanie (respectivement 22 162 et 4202) [10], pays dont les populations des sites visite´s sont principalement originaires. L’e´pide´mie de rougeole qui se´vissait en France depuis 2008 doit beaucoup a` la faible couverture vaccinale de la population ge´ne´rale et cela en de´pit des recommandations gouvernementales [1]. Ces recommandations ont pour vocation d’atteindre l’ensemble de la population, y compris et surtout les groupes les plus marginalise´s et pre´caires, ceux qui n’ont pas acce`s aux structures de soins de droit commun soit par manque d’information (non connaissance des structures, de l’inte´reˆt de la vaccination), soit car ces structures sont inadapte´es a` ces publics (manque de proximite´, barrie`re de la langue). Aussi, les personnes marginalise´es et pre´caires comme les familles Roms a` Marseille (mais tout comme l’ensemble des populations Rom en Europe) ont un acce`s limite´ a` la vaccination du fait d’un manque d’information et de sensibilisation a` ces questions et des expulsions re´pe´te´es des lieux de vie. Ces expulsions re´currentes rendent la connaissance et l’acce`s aux structures de sante´ dont ils de´pendent tre`s complique´es. La difficulte´ d’acce`s aux centres de sante´ empeˆche e´galement le suivi des enfants en matie`re de sante´ et de pre´vention et de connaissance du calendrier vaccinal. Les familles se trouvent donc a` la fois victimes d’une exposition virale accrue car ils sont moins vaccine´s [11] tout en e´tant plus expose´s aux complications du fait de leur pre´carite´. De nombreuses e´pide´mies de rougeole ont e´te´ rapporte´es en Europe durant la pe´riode 2009–2011, touchant toujours majoritairement les poches de population non immunise´es, les minorite´s Rom entre autres [12–15]. Ces populations de part leur pre´carite´ et faible couverture vaccinale demeurent donc les populations les plus a` risque d’infection et doivent donc be´ne´ficier de suivi adapte´ et de priorisation des campagnes de vaccination. Lors de cette expe´rience, la mobilisation des e´quipes de MdM a permis de re´pondre a` un double enjeu de sante´ publique : d’une part, vacciner en pleine pe´riode e´pide´mique les populations non prote´ge´es (couverture vaccinale insuffisante avec une incidence de la maladie e´leve´e) et, d’autre part, mener une de´marche « d’aller-vers » en ciblant les plus exclus, par une action mobile de vaccination directement sur leurs lieux de vie.

D’autres expe´riences de vaccination hors centre ont e´te´ mene´es par MdM en France lors de cette e´pide´mie de rougeole comme en Seine-Saint-Denis ou` la population Rom pre´caire est particulie`rement nombreuse [16] et les couvertures vaccinales largement insuffisantes. Entre janvier et juin 2012, une campagne a e´te´ organise´e conjointement entre MdM, l’ARS et les e´quipes du service de pre´vention et d’action sanitaire (SPAS) du de´partement sur 19 lieux de vie des populations Roms en Seine-Saint-Denis. Ces interventions ont permis de faciliter et de cre´er un lien entre des structures habituellement fixes et une population qui va peu vers ces structures. Enfin, la campagne de vaccination de´marre´e a` Marseille n’a pu eˆtre mene´e a` son terme, malgre´ l’implication et la demande des acteurs institutionnels de´partementaux. La ne´cessite´ d’une seconde dose est indique´e afin d’assurer une re´elle protection individuelle et permettre l’interruption a` terme de la propagation de la maladie. L’entrave de certaines instances de l’e´tat a` cette action de sante´ publique a constitue´ un frein pour cette campagne. Dans un contexte d’e´pide´mie comme celui de Marseille en 2011, il semblerait le´gitime que le syste`me de droit commun puisse proposer des re´ponses imme´diates, adapte´es et coordonne´es. La mise en place d’actions de pre´vention au plus pre´s des plus vulne´rables en est une. Aussi, la coordination des diffe´rents acteurs en sante´ bien suˆr mais aussi des autres instances e´tatiques (pre´fectures entre autres) semble e´galement indispensable pour eˆtre efficace dans l’acce`s et le suivi des populations. Les de´placements et l’instabilite´ perpe´tuelle de ces familles rendent le suivi difficile et ce, meˆme dans le cadre d’une campagne sur sites.

5. Conclusion Cette campagne de vaccination contre la rougeole, organise´e en plein pic e´pide´mique de 2011, aura mobilise´ plusieurs institutions, ainsi que de nombreux moyens pour son organisation. Au total, seules 326 personnes ont pu be´ne´ficier d’une injection de vaccin, soit 45,3 % de la population cible estime´e. Le be´ne´fice sur la re´duction de la circulation virale et le nombre de cas e´vite´s n’a pas pu eˆtre appre´cie´. On a ne´anmoins constate´ dans les mois qui ont suivi, une re´gression du nombre de cas de´clare´s [17,18]. Alors qu’une alerte officielle avait e´te´ donne´e par l’ARS re´ve´lant une situation pre´occupante et bien qu’averti en amont de la planification de l’action, les expulsions des lieux de vie n’ont pas e´te´ interrompues meˆme si cela compromettait l’efficacite´ de la campagne vaccinale. Les divergences entre enjeux de sante´ publique et politique se´curitaire sont bien pre´sents sur le terrain, manifestement aux de´pends de la protection sanitaire des populations. Dans un tel contexte e´pide´mique et en pre´sence de populations particulie`rement vulne´rables comme peuvent l’eˆtre les SDF, les Roms en bidonvilles ou squats. . ., des actions innovantes doivent eˆtre spe´cifiquement de´veloppe´es, pouvant eˆtre ope´rationnelles dans des de´lais tre`s courts. Organiser de telles campagnes en allant vers les populations par une action

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mobile et coordonne´e des instances sanitaires, pourrait eˆtre un de´but de re´ponse. Les pouvoirs publics doivent encore travailler a` harmoniser leurs re´ponses, trouver et organiser des modes ope´ratoires qui puissent re´pondre a` l’impe´ratif de protection des populations a` risque en cas de crise sanitaire mais de manie`re plus globale en pre´vention de routine.

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De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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Remerciements

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Nous tenons a` remercier l’ensemble des e´quipes ayant participe´ a` la campagne de vaccination.

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Re´fe´rences [1] Ministe`re de la Sante´ et des Solidarite´s. Plan d’e´limination de la rougeole et de la rube´ole conge´nitale en France – 2005/2010. 2005, 82 pages. (Accessible en ligne : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_elimination_rougeole.pdf). [2] Bouhamam N, Laporte R, Boutin A, Uters M, Bremond V, Noel G, et al. Pre´carite´, couverture sociale et couverture vaccinale : enqueˆte chez les enfants consultant aux urgences pe´diatriques. Arch Pediatr 2012;19:242–7. [3] Me´decins du Monde. Observatoire de l’acce`s aux soins de la mission France. Rapport 2010. 2011, 256 pages. [4] Me´decins du Monde. Couverture vaccinale et facteurs associe´s a` la vaccination dans les populations Roms. Rapport d’enqueˆte 2012, 22 pages. [5] ECDC. European monthly measles monitoring (EMMO). Surveill Rep 2012;8:1–10. [6] Baudon C, Parent du Chaˆtelet I, Antona D, Freymuth F, Poujol I, Maine C, et al. Caracte´ristiques de l’e´pide´mie de rougeole de´marre´e en France

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