Dépistage de l’infection à Chlamydia trachomatis chez les femmes, une pratique qui ne suit pas les recommandations – une étude dans les centres de planification de Poitou-Charentes

Dépistage de l’infection à Chlamydia trachomatis chez les femmes, une pratique qui ne suit pas les recommandations – une étude dans les centres de planification de Poitou-Charentes

Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue d’E´pide´miologie et de Sante´ Publique 64 (2016) 397–403 Article original De´pis...

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ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue d’E´pide´miologie et de Sante´ Publique 64 (2016) 397–403

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De´pistage de l’infection a` Chlamydia trachomatis chez les femmes, une pratique qui ne suit pas les recommandations – une e´tude dans les centres de planification de Poitou-Charentes In Poitou-Charentes family planning centers, Chlamydia trachomatis infection in women is more frequently detected through the presence or absence of risk factors than in accordance with official guidelines S. Grandcolin a,*, M. Lioni a, M. Jourdain b, M. Albouy-Llaty c a

De´partement de me´decine ge´ne´rale, universite´ de Poitiers, 3, rue de la Mile´trie, 86000 Poitiers, France b De´partement de me´decine ge´ne´rale, universite´ de Nantes, 44000 Nantes, France c De´partement de sante´ publique, universite´ de Poitiers, 86000 Poitiers, France Rec¸u le 18 aouˆt 2015 ; accepte´ le 18 mai 2016 Disponible sur Internet le 4 novembre 2016

Abstract Background. – The French health authorities recommend systematic screening for Chlamydia trachomatis (Ct) urogenital infections in dedicated sexual health centers (planning centers) for women under 25 years old and for women who have changed partners during the last year. The two main purposes of this study were to assess adherence to this recommendation in planning centers and to identify possible obstacles to this screening. Methods. – We conducted an observational prospective study from April to August 2013 in planning centers of Poitou-Charentes. Data on declarative screening practices and possible obstacles to Ct screening were collected qualitatively. Real center practices were also recorded to assess conformity with guidelines. Quantitative data were collected about real activities in each center. Screening percentage among women younger than 25 years and among those who had changed partners during the year was computed for each center. The main endpoint was percentage of centers that did not follow the recommendations. Declared practices were compared to observational practices using real practices data. Results. – Twelve out of 17 planning centers in the region participated. Six centers declared they performed systematic screening for Ct infection in women under 25 and 2 centers in women who had changed partners during the year. No center fully complied with the recommendations. Forty-three percent (601/1390) of women with standard screening criteria were screened and 52 % (102/197) of women without these criteria were screened. Depending on the center, declared practices could overestimate or underestimate the observed practices. The declared obstacles were lack of time, patient refusal, budget issues and no specific organization. Conclusion. – Poitou-Charentes planning centers screen for Ct infection in women younger than 25 years old and those who have changed partners during the last year depending on risk factors (unprotected sex, infected partner. . .). Which patients need this screening has to be clarified. # 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Screening; Chlamydia trachomatis; Planning service

Re´sume´ Position du proble`me. – La Haute Autorite´ de sante´ recommande un de´pistage syste´matique des infections a` Chlamydia trachomatis (Ct) dans les lieux de consultation de´die´s tels que les centres de planification et d’e´ducation familiale (CPEF), chez les femmes de moins de 25 ans et chez celles ayant change´ de partenaire dans l’anne´e. Cette e´tude visait a` e´valuer la conformite´ des pratiques des CPEF a` cette recommandation, de de´crire les pratiques et conditions organisationnelles de ce de´pistage et d’en identifier les freins e´ventuels.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Grandcolin). http://dx.doi.org/10.1016/j.respe.2016.05.007 0398-7620/# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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Me´thode. – Une e´tude a e´te´ re´alise´e dans des CPEF de la re´gion Poitou-Charentes en 2013. Des entretiens aupre`s des e´quipes ont e´te´ mene´s sur les pratiques de´clare´es ainsi que sur les freins au de´pistage. Puis une enqueˆte quantitative a e´te´ re´alise´e a` partir des donne´es d’activite´ de chaque centre. Le crite`re de jugement principal e´tait le pourcentage de centres dont les pratiques de de´pistage n’e´taient pas conformes aux recommandations. Les pratiques de´clare´es ont e´te´ compare´es aux pratiques observe´es via les donne´es d’activite´. Le pourcentage de de´pistage par centre a e´galement e´te´ releve´. Re´sultats. – Douze centres parmi les 17 existants dans la re´gion ont re´pondu. La moitie´ des centres de´claraient de´pister syste´matiquement l’infection a` Ct chez les femmes de moins de 25 ans et 2 sur 12 chez les femmes ayant change´ de partenaire dans l’anne´e. Aucun des centres n’avait une pratique conforme aux recommandations. Parmi les femmes qui re´pondaient aux crite`res de de´pistage, 43 % (601/1390) ont e´te´ de´piste´es et parmi les femmes hors crite`res plus de la moitie´ l’ont e´te´ (102/197). Les freins au de´pistage rapporte´s e´taient le manque de temps, le refus de la patiente, le manque de financement ou d’organisation du centre. Conclusion. – Les CPEF de Poitou-Charentes ne de´pistent pas syste´matiquement l’infection a` Ct chez les femmes de moins de 25 ans et chez celles ayant change´ de partenaire dans l’anne´e, mais re´alisent ce de´pistage selon la pre´sence ou non de facteurs de risque (comme un rapport non prote´ge´ ou un partenaire infecte´), contrairement aux recommandations. Un effort de clarification sur les populations cibles du de´pistage semble souhaitable. # 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : De´pistage ; Chlamydia trachomatis ; Centre de planification

1. Introduction L’infection a` Chlamydia trachomatis (Ct) est l’infection sexuellement transmissible (IST) la plus re´pandue en Europe. Le taux d’incidence de l’infection en 2011 dans les pays europe´ens e´tait estime´ a` 166,5 cas pour 100 000 habitants et a` 1748,0 cas pour 100 000 chez les moins de 19 ans [1]. Au niveau national, on constate une augmentation du nombre de personnes de´piste´es et infecte´es depuis quelques anne´es selon les dernie`res donne´es du re´seau de laboratoires Re´nachla (Re´seau national de surveillance de l’infection a` Chlamydia), notamment chez les personnes asymptomatiques et dans les centres de de´pistage [2]. Cette infection et ses complications font partie des IST a` l’origine des cinq premiers motifs de consultation chez l’adulte dans les pays en voie de de´veloppement et sont parmi les dix principales causes de maladies infectieuses contributives a` la charge de morbidite´ dans le monde [3]. Les facteurs associe´s a` l’infection chez les femmes sont un aˆge infe´rieur a` 25 ans, un niveau d’e´tude bas, de multiples partenaires sexuels, des rapports homosexuels au cours des 12 derniers mois, un dernier rapport sexuel avec un partenaire occasionnel ou une relation avec un nouveau partenaire dans les 12 derniers mois [4]. Le plus souvent asymptomatique, cette infection est souvent non traite´e et peut eˆtre a` l’origine d’infections ge´nitales hautes (salpingite, endome´trite, maladie pelvienne inflammatoire, pe´ri-he´patite ou infection tubaire latente) aux conse´quences secondaires non ne´gligeables : grossesse extra-ute´rine, ste´rilite´ tubaire [5]. En 2003, l’Agence nationale d’accre´ditation et d’e´valuation en sante´ (ANAES), devenue Haute Autorite´ de sante´ (HAS), e´tablissait que le de´pistage opportuniste des infections uroge´nitales a` Ct e´tait justifie´ dans les centres de de´pistage anonyme et gratuit (CDAG), les centres de planification et d’e´ducation familiale (CPEF) et les centres d’information, de de´pistage et de diagnostic des IST (CIDDIST) pour les femmes de moins de 25 ans, les hommes de moins de 30 ans ou toute personne ayant plus d’un partenaire dans l’anne´e pre´ce´dant le de´pistage, quel que soit l’aˆge [6].

Le diagnostic de l’infection s’effectue par biologie mole´culaire sur plusieurs types de pre´le`vements (endocervical, vaginal ou urinaire) avec un re´sultat fiable et rapide [7]. La prise en charge the´rapeutique est bien encadre´e par les recommandations franc¸aises et de l’Organisation mondiale de la sante´ (OMS) [8]. Les principales e´tudes qui ont eu lieu dans les CPEF ont permis d’estimer la pre´valence de l’infection dans ces centres (de 6,4 % a` 11,2 %) et de montrer l’inte´reˆt du de´pistage chez les femmes y consultant, ainsi que l’inte´reˆt de l’autopre´le`vement vaginal [9,10]. Du coˆte´ des professionnels soignants, la difficulte´ d’e´voquer une IST en consultation lorsque ce n’est pas le motif initial, le manque d’impact d’un tel de´pistage et le manque de temps sont les principaux freins rapporte´es dans la litte´rature [11,12]. Dans les CPEF spe´cifiquement, aucune e´valuation des pratiques de de´pistage de cette infection n’a e´te´ re´alise´e a` ce jour. L’objectif principal de ce travail e´tait d’e´valuer la conformite´ des pratiques de de´pistage de Ct aux recommandations des autorite´s de sante´ dans des CPEF de la re´gion PoitouCharentes en 2013. Les objectifs secondaires e´taient de recueillir les modalite´s du de´pistage et d’organisation de chaque centre, les freins e´ventuels exprime´s a` ce de´pistage et enfin de comparer les pratiques de´clare´es aux pratiques observe´es via les donne´es d’activite´. 2. Mate´riel et me´thodes Nous avons re´alise´ une e´tude transversale multicentrique entre avril et aouˆt 2013. 2.1. Population La population a e´te´ recrute´e parmi les sites de consultation de CPEF au sein de la re´gion Poitou-Charentes. Il en existe 29 selon l’annuaire de l’Agence re´gionale de sante´ (ARS) du Poitou-Charentes et 17 e´quipes, y travaillent. Nous les avons

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contacte´es par appel te´le´phonique et courrier entre le 3 de´cembre 2012 et le 3 mars 2013. Un questionnaire pre´alable au recrutement avait e´te´ envoye´ a` chaque me´decin responsable afin de recueillir les modalite´s du de´pistage de´clare´es dans chaque site et de solliciter une rencontre. Lors de cette rencontre un entretien permettait de recueillir ces modalite´s, les conditions d’organisation du site et les difficulte´s e´ventuelles rencontre´es pour la re´alisation du de´pistage. Les pratiques de de´pistage de´clare´es par les e´quipes ont e´te´ recueillies lors de l’entretien : le pre´le`vement e´tait-il effectue´ ? Si oui, sur quels crite`res ? Avec quel mate´riel ? Si non, pourquoi ? Nous avons classe´ les crite`res en trois cate´gories : ceux des recommandations de la HAS en dehors de signes cliniques, les crite`res de pre´le`vements a` vise´e diagnostique (partenaire infecte´ ou signes cliniques d’infection) et les crite`res de de´pistage hors recommandations. 2.2. Comparaison des pratiques de de´pistage aux recommandations Nous avons e´value´ les pratiques de de´pistage de´clare´es et les pratiques observe´es via les donne´es d’activite´. Le crite`re de jugement principal e´tait le pourcentage de femmes re´pondant aux crite`res de de´pistage selon les recommandations (femme de moins de 25 ans et/ou ayant eu un nouveau partenaire dans l’anne´e) ayant effectivement e´te´ de´piste´es (pre´le`vement urinaire ou ge´nital re´alise´). La conformite´ aux recommandations e´tait de´finie par le pourcentage de femmes entrant dans ces crite`res ayant e´te´ de´piste´es versus le pourcentage de femmes hors crite`res de´piste´es. Les pre´le`vements a` vise´e diagnostique n’ont pas e´te´ pris en compte dans l’analyse. Les e´quipes qui avaient accepte´ de participer ont effectue´ un recueil anonyme a` l’aide d’une grille. Cette grille e´tait remplie par le me´decin du centre pendant la consultation et a permis de renseigner l’aˆge de la patiente, la dure´e de la relation avec son partenaire et la re´alisation d’un test de de´pistage apre`s son accord oral. Les femmes de´clarant eˆtre en couple avec le meˆme partenaire depuis plus d’un an ont e´te´ conside´re´es comme ayant eu un seul partenaire sexuel au cours des 12 derniers mois et pas de nouveau partenaire. Le re´sultat du test e´tait renseigne´ a posteriori dans la grille par le personnel soignant. L’anonymisation des donne´es a e´te´ re´alise´e par les e´quipes apre`s re´cupe´ration des re´sultats des pre´le`vements. Les donne´es ont e´te´ transmises a` l’e´quipe de recherche par chaque e´quipe participante. 2.3. Analyses statistiques Les variables quantitatives ont e´te´ exprime´es en moyennes et e´cart-types. Les variables qualitatives ont e´te´ exprime´es en effectifs, pourcentages et leurs intervalles de confiance a` 95 %. Des comparaisons de pourcentages ont e´te´ effectue´es par test du Chi2 ou par test exact de Fisher en cas d’effectifs the´oriques infe´rieurs a` 5. Le seuil de significativite´ retenu e´tait de 5 %.

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Les femmes pour lesquelles plus de deux caracte´ristiques e´taient manquantes ont e´te´ exclues de l’analyse. 2.4. Consentements et anonymat Notre e´tude s’est de´roule´e dans le cadre d’une observation des pratiques professionnelles. Les donne´es ont e´te´ traite´es de fac¸on anonyme en conformite´ avec le code international d’e´thique me´dicale. Selon la loi de Sante´ publique franc¸aise de 2004 article L11.21-1, aucune proce´dure inhabituelle n’a e´te´ applique´e. 3. Re´sultats 3.1. Population e´tudie´e 3.1.1. Les centres Parmi les 17 e´quipes contacte´es, 12 ont accepte´ de participer. Une e´quipe n’a finalement pas effectue´ de recueil sur la pe´riode en raison d’un manque de temps. Une e´quipe n’a effectue´ le recueil que sur 3 mois suite a` l’absence du me´decin re´fe´rent. Deux e´quipes n’avaient pas releve´ correctement leur activite´. L’ensemble des donne´es a toutefois e´te´ pris en compte. L’analyse porte sur 12 e´quipes re´parties sur 12 centres. Les e´quipes recrute´es e´taient entre 2 et 4 par de´partement, certaines e´quipes travaillant dans plusieurs lieux. Cinq CPEF se trouvaient dans des milieux a` pre´dominance rurale. Sept centres se trouvaient au sein d’un centre hospitalier. Parmi ces centres, certains avaient une activite´ exclusive de planification, d’autres re´alisaient aussi des interruptions volontaires de grossesse (IVG). Un seul centre e´tait a` la fois CPEF et CDAG. Les e´quipes interroge´es ont de´clare´ effectuer en ge´ne´ral le ´ depistage, hormis un centre qui a de´clare´ ne pas l’effectuer pour des raisons financie`res et qui renvoyait les patientes en consultation au CDAG voisin ou vers leur me´decin traitant. Dans un quart des centres interroge´s le pre´le`vement n’e´tait pas re´alise´ au CPEF mais prescrit pour eˆtre effectue´ dans un laboratoire. Les moyens des centres e´taient tre`s diffe´rents et certains n’avaient pas de budget pour avoir les kits de pre´le`vements au sein du CPEF. Les pre´le`vements e´taient alors effectue´s au laboratoire apre`s prescription d’une ordonnance pour la re´alisation du de´pistage. Le pre´le`vement e´tait a` la charge de la patiente, non anonyme. Les modalite´s de pre´le`vements e´taient variables selon les e´quipes (Tableau 1). 3.1.2. Caracte´ristiques des femmes consultant les CPEF e´tudie´s Parmi les 1883 femmes e´ligibles, 1587 (79,7 %) ont e´te´ prises en compte pour l’analyse. L’aˆge moyen e´tait de 21,8 ans, l’aˆge me´dian de 20 ans (e´cart-type 6,85 ; extreˆmes : 12–55 ans). Les femmes avaient consulte´ pour une demande de contraception (n = 755), d’interruption de grossesse (n = 529), ou dans les suites d’une exposition a` un risque sexuel (n = 303). Parmi les femmes qui re´pondaient aux crite`res de de´pistage (moins de 25 ans et/ou un nouveau partenaire dans l’anne´e), 43,3 % (601/ 1390) ont e´te´ de´piste´es, et parmi les femmes hors crite`res, 51,8 % (102/197) l’ont e´te´. Parmi les femmes de moins de

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Tableau 1 Caracte´ristiques des centres interroge´s. Structure hospitalie`re

CPEF

Structure extra-hospitalie`re

Autre activite´

De´pistage infection a` Ct Oui

X X

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Total c

CDAG Orthoge´nie Orthoge´nie Orthoge´nie Orthoge´nie

X X X X X X X

Orthoge´nie Orthoge´nie Orthoge´nie

X X X 7/12

5/12

Type de pre´le`vement effectue´

Non

Urines

Cervicovaginal

a

X X X X X X X X X X

X Xa Xa X X X X X X NE

X X 11/12

9/12

Autopre´le`vement X X X

X Xb X

X

X

X NE X 6/12

NE X 5/12

NE : non effectue´. a Chez l’homme ou si refus pre´le`vement cervicovaginal chez la femme. b Si examen gyne´co. c Nombre de centre effectuant le de´pistage/nombre total de centre.

25 ans, 44,2 % (499/1129) ont e´te´ de´piste´es. Parmi les femmes qui avaient eu un nouveau partenaire dans l’anne´e, 55,7 % (431/ 774) ont e´te´ de´piste´es. Chez les femmes qui pre´sentaient deux crite`res 49,6 % (329/663) ont eu un pre´le`vement. Les moins de 25 ans repre´sentaient 86,8 % des femmes infecte´es (59/68) et celles ayant un nouveau partenaire 77,9 % (53/68). Celles qui avaient moins de 25 ans et qui avaient un nouveau partenaire repre´sentaient 70,6 % (48/68) des femmes infecte´es. Le taux de positivite´ de l’infection a` Ct dans la population de´piste´e e´tait de 8,5 % (IC 95 % [4–6,6–10]). Il e´tait de 11,8 % (IC 95 % [9,0– 14,6) chez les moins de 25 ans et de 9,9 % (IC 95 % [7,9,9–11]) chez les femmes qui avaient un nouveau partenaire. Cette proportion e´tait supe´rieure a` la pre´valence de l’infection en

population ge´ne´rale, meˆme chez les plus de 25 ans et n’ayant pas change´ de partenaire, non e´ligibles au de´pistage syste´matique selon les recommandations, chez qui la fre´quence de l’infection e´tait de 7,3 % (IC 95 % [2,2–4,4–12]). 3.2. Crite`res de´clare´s de de´pistage Les crite`res de´clare´s de de´pistage e´taient nombreux et he´te´roge`nes. Le crite`re d’aˆge n’a e´te´ pris en compte que par cinq e´quipes sur 12. Deux e´quipes ont de´clare´ de´pister le Ct chez les femmes ayant change´ de partenaire dans les 12 derniers mois. Des facteurs de risques de´crits dans la litte´rature entraient en compte dans les crite`res de de´pistage (Tableau 2).

Tableau 2 Crite`res de de´pistage de´clare´s par les e´quipes. Crite`res Recommande´s CPEF

ˆ ge A < 25 ans

Multipartenaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Total c

X X X X X

X X X X

a b c

X

X X X X X

X 7/12

X 10/12

Crite`res diagnostiques

Crite`res hors recommandations

Nouveau partenaire

Partenaire infecte´

S. fonctionnels infection a` Ct

Rapports non prote´ge´s

X X

tt d’emble´e X X X

X X X X X

X X X X

X Xa Xa

2/12

X X X X

X X X

X X X X X

7/12

X 9/12

X 10/12

De´pistage syste´matique. De´pistage syste´matique si aˆge < 25 ans. Total d’e´quipe ayant de´clare´ le crite`re/nombre total de centre.

Avant IVG

Avant pose DIU

Atcd d’IST

Xa Xa Xa X

X X X X

Xb Xb X

Xb Xb

X X X

6/12

6/12

7/12

a

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3.2.1. Freins au de´pistage Peu de freins ont e´te´ formule´s par les e´quipes. Les motifs de non re´alisation de pre´le`vement ont e´te´ rapporte´s dans 25 % des cas au refus de la patiente. Les me´decins de´claraient alors que le pre´le`vement n’avait pas e´te´ effectue´ du fait de difficulte´s financie`res ou de de´placement au laboratoire (en milieu rural), ou simplement du fait de l’absence de compre´hension des consignes par les femmes. Un centre a de´clare´ ne pas effectuer le de´pistage pour des raisons budge´taires. Aucun autre frein n’a e´te´ rapporte´, comme par exemple l’existence d’un de´pistage re´cent. 3.2.2. Comparaison des pratiques de de´pistage Les pratiques observe´es via les donne´es d’activite´ e´taient tre`s he´te´roge`nes d’un centre a` l’autre. Pour un centre, parmi les moins de 25 ans, 80 % des femmes avaient fait l’objet d’un de´pistage alors que la majorite´ des autres centres ne re´alisaient ce test que pour moins de 50 % des femmes de cet aˆge. Les pratiques de de´pistage n’e´taient conformes aux recommandations dans aucun des centres (Fig. 1a et b).

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4. Discussion Notre e´tude a montre´ que les pratiques de de´pistage de l’infection a` Ct dans les CPEF enqueˆte´s n’e´taient pas conformes aux objectifs fixe´s par les recommandations. Les pratiques de´clare´es sous-e´valuaient ou sure´valuaient les pratiques effectives. De grandes diffe´rences existaient entre les centres. Nous avions un large e´chantillon en matie`re d’aˆge ainsi que plusieurs cate´gories de profils des femmes (ayant eu l’expe´rience de consultation d’orthoge´nie ou de planification familiale). La varie´te´ des lieux de recrutement et des praticiens a permis de refle´ter la diversite´ des populations et des pratiques. Toutefois, malgre´ le protocole, il y a eu des donne´es manquantes et un centre n’a effectue´ aucun recueil. Une partie de l’e´tude a eu lieu pendant les vacances d’e´te´, pe´riode ou` certains me´decins sont absents, ce qui a pu contribuer aux difficulte´s de recueil des donne´es. Le questionnaire rempli avant le de´but du recueil de l’activite´ et rappelant les recommandations ainsi que les facteurs de risque a pu influencer les pratiques de de´pistage du prescripteur et

Fig. 1. a : pourcentage de femme ayant change´ de partenaire et ayant be´ne´ficie´ du de´pistage chlamydia (* centres de´clarant re´aliser syste´matiquement le de´pistage dans ce cas) ; b : pourcentage de femme de moins de 25 ans ayant be´ne´ficie´ du de´pistage chlamydia (* centres de´clarant re´aliser le de´pistage dans ce cas).

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constituer un biais d’information, dans le sens d’une plus grande conformite´ aux recommandations durant l’e´tude. Le pre´le`vement n’ayant pas e´te´ propose´ a` l’ensemble de la population e´ligible a` ce de´pistage, la pre´valence de l’infection a` Ct n’a pu eˆtre calcule´e. Des variations dans les indications du de´pistage ont e´te´ observe´es. Parmi les crite`res de´clare´s figuraient en dehors des crite`res liste´s dans les recommandations franc¸aises en vigueur la pose de dispositif intra-ute´rin (DIU), les IVG, les ante´ce´dents d’IST. Le de´pistage avant IVG est une pratique habituelle dans certains centres de planning familial europe´ens [13]. Les inte´reˆts de ce de´pistage seraient la pre´vention des autres IST, la pre´vention d’une infection post-geste endo-ute´rin et des complications secondaires. Cette syste´matisation du de´pistage par pre´le`vement reste controverse´e et n’est pas recommande´e. La HAS conside`re qu’il n’existe pas de de´monstration d’un be´ne´fice a` long terme d’un de´pistage par PCR syste´matique et recommande en cas d’IVG chirurgicale une antibioprophylaxie, et en cas d’ante´ce´dent connu d’infection ge´nitale haute, une large indication de recherche de Ct par PCR [14,15]. Au regard de la proportion de positivite´ au Ct de la population des moins de 25 ans et des femmes ayant eu un nouveau partenaire dans l’anne´e, le rapport couˆt-efficacite´ d’un de´pistage de cette population consultant en CPEF pourrait eˆtre plus pertinent. Cette e´tude a montre´ un e´cart aux recommandations des pratiques de de´pistage. Il en est de meˆme aux E´tats-Unis ou` le de´pistage de l’infection a` Ct ne se ferait que chez le tiers des femmes jeunes selon les donne´es du « Center for disease control and pre´vention » [16]. La difficulte´ a` suivre des recommandations, de´crite pour d’autres pathologies, serait lie´e a` leur me´connaissance, leur trop grand nombre et une mauvaise diffusion, ainsi qu’a` une inertie clinique des praticiens [17]. Concernant le de´pistage de l’infection a` Ct, les recommandations ne semblaient pas connues par toutes les e´quipes. Il peut eˆtre difficile de faire la part des crite`res de de´pistage recommande´s et des crite`res de de´pistage lie´s aux facteurs de risque. Pourtant, le de´pistage des infections a` Ct fait partie des 100 objectifs de sante´ publique en France : « offrir un de´pistage syste´matique des chlamydioses a` 100 % des femmes a` risque d’ici a` 2008 » [18,19]. La mise en place d’e´valuation des pratiques pourrait eˆtre un moyen de diffuser ces recommandations. Les interventions type « reminder » ou rappel sont des interventions d’efficacite´ de´montre´e selon l’ANAES [20]. Dans notre e´tude, l’un des freins e´voque´s e´tait le refus de pre´le`vement de la part de la patiente. La possibilite´ d’effectuer des pre´le`vements non invasifs, simples et rapides, comme un e´chantillon d’urines et surtout l’autopre´le`vement vaginal, permettrait probablement de contourner en partie ces refus [21,22]. Les rapports de l’Inspection ge´ne´rale des affaires sociales (IGAS) de 2010 et 2011 ont souligne´ qu’aucune nouvelle politique ou organisation de de´pistage n’a e´te´ pre´conise´e et qu’aucun dispositif d’e´valuation n’a e´te´ mis en place malgre´ la recentralisation des activite´s de pre´vention et de lutte contre certaines maladies [23]. Ceci pourrait expliquer l’he´te´roge´ne´ite´ des pratiques que nous avons observe´e. L’IGAS a de´crit les

organismes de planification, de conseils et d’e´ducation familiale comme un « ensemble de structures qui n’est pas organise´ en un dispositif cohe´rent » [23]. Dans notre re´gion, cette situation perdure, les e´quipes interroge´es lors de notre e´tude avaient des organisations et des fonctionnements multiples avec des financements diffe´rents. L’organisation des centres et la pre´vision des financements de pre´le`vements e´taient un des e´le´ments qui comptaient dans le suivi des recommandations. En ce sens, le plan VIH IST 2010–2014 a initie´ l’optimisation du dispositif CDAG/CIDDIST en l’articulant davantage avec les CPEF et les autres centres de sante´ [18], ce qui malheureusement ne se traduit pas dans l’arreˆte´ du 1er juillet 2015, centre´ sur les CDAG CIDDIST et non les CPEF [24]. Il est a` espe´rer que les acteurs sur le terrain s’articulent au mieux. 5. Conclusion Les CPEF de Poitou-Charentes de´pistent l’infection a` Ct chez les femmes de moins de 25 ans et chez celles ayant eu un nouveau partenaire dans l’anne´e selon la pre´sence ou non de facteurs de risque (rapport non prote´ge´, partenaire infecte´. . .). Un effort de clarification sur les populations cibles du de´pistage est ne´cessaire : de´pister les femmes de moins de 25 ans et celles ayant eu un nouveau partenaire dans l’anne´e, quels que soient leurs autres facteurs de risque. De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] European center for disease prevention and control guidance. Chlamydia control in Europe. Report. Stockholm [Internet]; 2009 [cite´ le 30/01/ 2016]http://www.ecdc.europa.eu/en/publications/Publications/ Annual-Epidemiological-Report-2013.pdf. [2] Goulet V, Laurent E, Semaille C, les biologistes du re´seau RENACHLA. Augmentation du de´pistage et des diagnostics d’infections a` Chlamydia trachomatis en France : analyse des donne´es RENACHLA (2007–2009). BEH 2011;26–27–28:316–20. [3] World Health Organization. Infections sexuellement transmissibles [Internet]; 2016, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs110/fr/. [4] Goulet V, de Barbeyrac B, Raherison S, Prudhomme M, Semaille C, Warszawski J, et al. Prevalence of Chlamydia trachomatis: results from the first national population-based survey in France. Sex Transm Infect 2010;86(4):263–70. [5] Bohbot JM. Chlamydia trachomatis : l’ennemi de la trompe. Gynecol Obstet Fertil 2011;39(11):636–9. [6] Anaes. E´valuation du de´pistage des infections urige´nitales basses a` Chlamydia trachomatis en France. Paris: Agence nationales d’accre´ditation et d’e´valuation en sante´; 2003. [7] Schachter J, Chernesky MA, Willis DE, et al. Vaginal swabs are the specimens of choice when screening for Chlamydia trachomatis and Neisseria gonorrhoeae: results from a multicenter evaluation of the APTIMA assays for both infections. Sex Transm Dis 2005;32:725–8. [8] Centers for disease control and prevention. Sexually transmitted diseases guidelines treatment. Morb Mortal Wkly Rep 2010;59:45–7. [9] De Barbeyrac B, Tillati K, Raherison S, et al. De´pistage de l’infection a` Chlamydia trachomatis dans un centre de planification familiale et un centre d’orthoge´nie, Bordeaux, France, 2005. BEH 2006;37–38:277–9.

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