Étude prospective randomisée comparant la radiofréquence et la résection chirurgicale pour les carcinomes hépatocellulaires de petite taille

Étude prospective randomisée comparant la radiofréquence et la résection chirurgicale pour les carcinomes hépatocellulaires de petite taille

J Radiol 2007;88:1842-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés analyse commentée Étude...

91KB Sizes 0 Downloads 90 Views

J Radiol 2007;88:1842-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

analyse commentée

Étude prospective randomisée comparant la radiofréquence et la résection chirurgicale pour les carcinomes hépatocellulaires de petite taille S Chagnon Analyse de l’article « A prospective randomized trial comparing percutaneous local ablative therapy and partial hepatectomy for small hepatocellular carcinoma ». Ann Surg 2006;243:321-8.

Résumé Objectif : comparer les résultats de la radiofréquence (RF) et de la résection chirurgicale dans le traitement du carcinome hépatocellulaire (CHC) unique. Rationnel : quoique la RF soit utilisée dans le traitement des petits CHC, on ne sait pas si cette technique est aussi efficace que la résection chirurgicale dans la survie à long terme. Méthode : étude prospective randomisée portant sur 180 patients présentant un CHC unique inférieur ou égal à 5 cm. Suivi des patients par examens cliniques, biologiques et d’imagerie. Résultats : sur les 90 patients randomisés pour la RF, seuls 71 ont reçu ce traitement, car 19 patients n’ont pas donné leur consentement pour ce traitement. Sur les 90 patients randomisés pour la résection chirurgicale, la résection a porté sur un seul segment chez 69 patients, deux segments chez 16 patients et trois segments ou plus chez 3 patients. Une alcoolisation per-opératoire a été réalisée chez 2 patients. Un seul patient est décédé en postopératoire immédiat. Les complications étaient plus fréquentes et plus sévères après chirurgie qu’après RF. La survie globale à 1, 2, 3 et 4 ans après RF et chirurgie était respectivement de 95,8 %, 82,1 %, 71,4 %, 67,9 % et 93,3 %, 82,3 %, 73,4 % et 64 %. Les taux de survie sans récidive étaient respectivement de 85,9 %, 69,3 %, 64,1 %, 46,4 % et 86,6 %, 76,8 %, 69 % et 51,6 %. Il n’y avait pas de différence significative entre ces deux traitements. Conclusion : la radiofréquence est aussi efficace que la résection chirurgicale dans le traitement du CHC unique inférieur ou égal à 5 cm. La RF a l’avantage d’être moins invasive que la chirurgie. En matière de CHC sur cirrhose, le problème majeur des hépatectomies est le risque d’insuffisance hépatocellulaire postopératoire ; l’apparition de nouveaux nodules dans le foie restant est évidemment possible. Quant à la RF, des études prospectives randomisées ont déjà montré qu’elle était plus efficace que l’alcoolisation des CHC, avec un taux plus élevé de nécrose tumorale, moins de sessions thérapeutiques, un taux de récidive locale plus bas et une meilleure survie.

Commentaire

Patients et méthodes Le diagnostic de CHC sur cirrhose a été fait selon les critères de Barcelone (deux techniques d’imagerie avec injection de contrasService de Radiologie, Hôpital Ambroise Paré, 9, avenue Charles de Gaulle, 92104 BoulogneBillancourt Cedex. Correspondance : S Chagnon E-mail : [email protected]

te montrant un aspect typique de CHC ou alpha-fœto-protéine supérieure à 400 ng/ml).

Critères d’inclusion • âge compris entre 18 et 75 ans ; • CHC unique mesurant moins de 5 cm ; • pas de métastase extra-hépatique ; • pas de thrombose portale proximale ou des veines hépatiques visible radiologiquement ; • child A, pas d’encéphalopathie, pas d’ascite réfractaire, pas d’hémorragie digestive ; • rétention du vert d’indocyanine à 15 minutes inférieure à 30 % ; • taux de plaquettes supérieur à 40 000/mm3 ; • pas de traitement antérieur du CHC ; • patient pouvant être traité soit par la chirurgie soit par la RF. La décision d’inclusion a été multidisciplinaire, avec consentement du patient ; l’étude, randomisée, a été approuvée par le comité d’éthique.

RF Elle a été réalisée par un système d’électrodes expansibles, avec un diamètre de 3,5 cm (RadioTherapeutics). L’anesthésie était locale ou épidurale ou consistait en une sédation intraveineuse, selon le désir du patient. Chaque session thérapeutique a pu comporter jusqu’à trois applications RF ; pour les tumeurs de plus de 3 cm, l’aiguille a pu être placée en différents sites tumoraux. Pendant la RF, la sphère hyperéchogène devait dépasser le volume du CHC.

Résection chirurgicale Elle a été réalisée sous anesthésie générale, avec des marges d’au moins 1 cm.

Suivi Une TDM biphasique a été faite quatre semaines après le traitement, puis tous les deux mois pendant les deux premières années. Un bilan hépatique et un dosage d’alpha-fœto-protéine a été réalisé à chaque visite. Après la deuxième année, le suivi s’est espacé à tous les 3 mois. Le diagnostic de tumeur viable était fait en cas de prise de contraste intratumorale à la phase artérielle ou portale. L’IRM était réalisée si la TDM était douteuse. Une deuxième séance de RF était proposée en cas de récidive locale. La présence de tumeur viable résiduelle malgré plusieurs traitements RF posait l’indication d’une chimio-embolisation. La mortalité opératoire était définie comme un décès avant la sortie du patient ; les auteurs ont également comparé les taux de

S Chagnon

Étude prospective randomisée comparant la radiofréquence et la résection chirurgicale pour les carcinomes

mortalité à 30 et 60 jours entre les deux bras. Toutes les complications, incluant la graduation de la douleur, ont été notées.

Taille de l’échantillon Compte tenu du risque présumé de taux de récidive à 2 ans, un nombre de patients supérieur ou égal à 70 par bras a été jugé suffisant.

1843

complications postopératoires les plus fréquentes étaient l’insuffisance hépatique, l’hémorragie digestive, l’ascite et un ictère persistant plus de 30 jours. Seuls 3 patients ont présenté une brûlure cutanée minime après RF. Une fièvre de 38,5° a été observée chez 8 patients après RF. Aucune complication hémorragique, infectieuse, aucun ensemencement tumoral le long du trajet de l’aiguille n’a été observé après RF.

Analyse statistique Toutes les données ont été notées prospectivement. La comparaison entre les deux groupes a utilisé le test de Student et du chi 2. Les taux de survie globale et sans récidive ont été calculés avec le test de Mantel-Cox. La valeur pronostique des différents facteurs influant sur la survie globale a fait l’objet d’une analyse multivariée. Les différences ont été considérées comme significatives si p était < 0,05.

Résultats Groupes de patients Le taux de nécrose totale, après une ou plusieurs séances de RF, observé en scanner était de 91,5 % (il n’était que de 62 % après la première session de RF). Le taux de nécrose des tumeurs de moins de 3 cm était de 97,3 %. Deux patients ont fait l’objet d’une chimio-embolisation pour contrôler la maladie, en raison de tumeurs résiduelles non contrôlées par les séances de RF. Parmi les 90 patients opérés, deux avaient des tumeurs multiples qui ont fait l’objet d’alcoolisation ; un patient avait une hyperplasie nodulaire focale et non un CHC ; les 87 patients restants avaient une bonne corrélation avec la TDM préopératoire. Dans les deux bras, il n’y avait pas de différence significative concernant l’âge, le sexe, le diamètre tumoral (environ la moitié des patients avaient un CHC de moins de 3 cm et l’autre moitié un CHC mesurant entre 3,1 et 5 cm), l’alpha-fœto-protéine, la bilirubine, l’albumine et la rétention au vert d’indocyanine ; seul le taux des ALAT était significativement plus important dans le bras RF. Concernant le suivi, la moyenne était de 29 mois pour la chirurgie et de 28 mois pour la RF.

Survie Des analyses ont été faites à la fois en intention de traiter, mais aussi en excluant les 19 patients qui n’ont pas donné leur consentement pour la RF, en comparant alors les 71 patients traités par RF aux 90 patients traités par résection chirurgicale. Dans les deux cas, il n’existait aucune différence significative dans les deux bras, aussi bien en survie globale qu’en survie sans récidive (cf. taux de survie dans le résumé). Il n’y avait pas non plus de différence entre les deux bras lorsque l’on comparait la survie globale et sans récidive des tumeurs de moins de 3 cm et de celles comprises entre 3 et 5 cm. L’analyse multivariée n’a retrouvé qu’un seul facteur pronostique influant sur la survie : il s’agissait du taux d’albumine sérique.

Mortalité et morbidité Le taux de mortalité chirurgicale était de 1,1 %, celui de la RF était de 0 %. Les complications majeures étaient significativement plus importantes après chirurgie qu’après RF (55 % versus 0,04 %). Les

J Radiol 2007;88

Douleur et durée d’hospitalisation Tous les patients opérés ont présenté une douleur modérée à sévère ayant nécessité l’utilisation d’antalgiques ; seuls 16 patients ont nécessité l’emploi d’antalgiques après RF (p < 0,05). La durée d’hospitalisation après chirurgie était significativement plus importante après chirurgie (19,7 jours +/– 5,61) qu’après RF (9,18 +/ – 3,06).

Discussion L’hépatectomie partielle est considérée jusqu’ici comme le gold standard (hors transplantation) du traitement des CHC résécables ayant une bonne fonction hépatique et un bon état général. La mortalité péri-opératoire de la résection hépatique est proche de 0 % sur foie sain, mais elle peut atteindre 5 % sur foie de cirrhose. L’hépatectomie partielle est donc souvent contre-indiquée d’emblée, en raison d’anomalies importantes de la fonction hépatique, de co-morbidités ou d’un siège par exemple central du CHC qui imposerait une résection trop importante de foie. Cette étude randomisée était éthiquement acceptable en raison des taux de survie après RF et résection chirurgicale proches dans les études non randomisées. Cette étude montre que la survie globale et sans récidive pour les CHC uniques inférieurs ou égaux à 5 cm est la même pour la résection chirurgicale et la RF. La RF a l’avantage sur la chirurgie de comporter moins de complications postopératoires, moins de douleur et un temps d’hospitalisation beaucoup plus court. En cas de tumeur résiduelle viable, une autre session de RF peut être réalisée.

Analyse critique La critique majeure est l’exclusion de 19 sur 90 patients randomisés pour la RF en raison du refus de consentement ; ce refus était, d’après les auteurs, grandement influencé par la croyance médicale que la résection chirurgicale reste le meilleur traitement pour le CHC ; cependant, les analyses statistiques de survie, en intention de traiter ou après exclusion de ces patients, ne montrent dans les deux cas aucune différence entre les deux bras. Le suivi moyen est également un peu court, d’environ 2 ans ; les auteurs pensent, compte tenu des résultats des courbes de survie, qu’il n’y aurait pas de différence significative de survie sur un suivi plus long ; ceci reste à démontrer en pratique. Enfin, le nombre de patients de cette étude était relativement petit ; les auteurs pensent encore qu’un nombre plus important n’aurait pas affecté les résultats, puisque les courbes de survie pour les deux traitements sont exactement les mêmes. On peut s’étonner de la durée d’hospitalisation longue des patients, particulièrement pour la RF. Il est enfin dommage que cet article ne comporte pas d’étude comparative de coût.

1844

Étude prospective randomisée comparant la radiofréquence et la résection chirurgicale pour les carcinomes

Conclusion Il s’agit, à notre connaissance, de la première étude prospective randomisée sur ce sujet ; elle démontre que la RF et la résection hépatique offrent aux patients atteints de CHC unique de moins de 5 cm le même taux de survie globale et sans récidive.

S Chagnon

La RF a l’avantage sur la résection chirurgicale de donner de meilleurs résultats postopératoires immédiats en terme de mortalité et de complications, en raison de son caractère moins invasif ; enfin, la durée d’hospitalisation de la RF est évidemment beaucoup plus courte que celle de la chirurgie, ce qui constitue un avantage en matière de confort du patient et de coût (non étudié dans cette étude).

J Radiol 2007;88