Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 39 (2011) 497–500
Seizie`mes Journe´es nationales de la Fe´de´ration franc¸aise d’e´tude de la reproduction (Marseille, 21–23 septembre 2011)
Faisabilite´ de la conge´lation embryonnaire dans la pre´servation de la fertilite´ fe´minine Female fertility preservation: Feasibility of emergency IVF for embryo freezing B. Courbiere a,*,b, J. Saias-Magnan a,c, C. Metzler-Guillemain a,b,c, J. Perrin a,b,c, A. Noizet a, M. Gamerre a,b a
Poˆle de gyne´cologie-obste´trique et de me´decine de la reproduction, AP–HM La Conception, 147, boulevard Baille, 13005 Marseille, France Faculte´ de me´decine de Marseille, universite´ de la Me´diterrane´e Aix-Marseille II, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille, France c Centre d’e´tude et de conservation des œufs et du sperme humains, AP–HM La Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 05, France b
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 2 juin 2011 Accepte´ le 3 juin 2011 ˆ t 2011 Disponible sur Internet le 4 aou
Avec l’ame´lioration des traitements anticance´reux, la pre´servation de la fertilite´ fe´minine avant traitement gonadotoxique tend actuellement a` s’imposer comme une obligation me´dicole´gale, avec un devoir d’information pour la patiente. Lorsqu’une FIV en urgence peut eˆtre re´alise´e, dans le respect de la loi de bioe´thique, la conge´lation d’embryons est la technique la mieux maıˆtrise´e qui offre le plus de chances aux patientes d’obtenir une grossesse apre`s re´mission graˆce au transfert d’embryons congele´s. L’objectif de cet article a e´te´ de faire le point sur les indications, la faisabilite´, ainsi que sur les limites e´thiques et pratiques de la FIV en urgence avant traitement gonadotoxique en vue d’une conge´lation embryonnaire. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Cancer Pre´servation de la fertilite´ Insuffisance ovarienne pre´mature´e FIV en urgence Hyste´rectomie
A B S T R A C T
Keywords: Cancer Fertility preservation Emergency IVF Cancer Ovarian premature failure Hysterectomy
With the improvement of the anticancerous treatments, the preservation of the feminine fertility before gonadotoxic treatment tends at present to stand out as a legal obligation, with a duty of information to patients. When emergency IVF can be performed, the cryopreservation of embryos is the best mastered method which offers most chances to patients to obtain a pregnancy after cancer remission thanks to the transfer of frozen embryos. This article proposes an overview about the indications, the feasibility and the ethical and practical limitations of IVF emergency for embryo freezing before gonadotoxic anticancerous treatment. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Tenter de pre´server la fertilite´ fe´minine avant traitement gonadotoxique s’impose actuellement comme une obligation me´dicole´gale, car depuis le de´cret d’application paru en De´cembre 2006, « en vue de la re´alisation ulte´rieure d’une assistance me´dicale a` la procre´ation, toute personne peut be´ne´ficier du recueil et de la conservation de ses game`tes ou de tissu germinal (. . .), lorsqu’une prise en charge me´dicale est susceptible d’alte´rer sa fertilite´ (. . .) ». La toxicite´ gonadique des traitements anticance´reux est longtemps
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Courbiere). 1297-9589/$ – see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.gyobfe.2011.07.010
passe´e au second plan devant la gravite´ du pronostic des cancers. Ce n’est qu’avec l’ame´lioration de la survie des patientes, souvent au prix de l’intensification des traitements, que s’est pose´e la question de leur fertilite´ ulte´rieure [1–3]. La question de la qualite´ de vie apre`s cancer des patientes avec la mise en place de strate´gies pour pre´server la fertilite´ fe´minine est ainsi une question a` laquelle doivent re´pondre oncologues et me´decins de la reproduction. Les indications de pre´servation de la fertilite´ sont nombreuses, et comportent en particulier les traitements les plus gonadotoxiques comme les chimiothe´rapies avec des agents alkylants, les traitements mye´loablatifs avant greffe de moelle osseuse ou de cellules souches he´matopoı¨e´tiques ou une radiothe´rapie abdominopelvienne a` forte dose [4]. La strate´gie pour de´cider de la technique a` proposer a` une patiente doit eˆtre de´cide´e en fonction
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de son aˆge, de la pre´sence ou non d’un compagnon, de l’existence ou non d’un projet parental, de la nature de la pathologie, du type de traitement, et aussi en fonction de l’urgence de l’instauration du traitement anticance´reux. Plusieurs techniques sont actuellement de´veloppe´es dans l’espoir de pre´server la fertilite´ fe´minine [5] : la cryoconservation ovarienne [6], la conge´lation d’ovocytes matures [7], la maturation folliculaire in vitro [8]. La conge´lation embryonnaire apre`s fe´condation in vitro (FIV) re´alise´e en urgence est une strate´gie propose´e par de nombreuses e´quipes [9], mais n’est pas au sens strict une technique de pre´servation de la fertilite´ fe´minine, car elle implique le couple. C’est cependant une technique pre´vue par la le´gislation franc¸aise dans ce contexte car « la conge´lation peut aussi eˆtre propose´e (. . .) avant traitement potentiellement ste´rilisant dans le cadre de la pre´servation de la fertilite´ » (Arreˆte´ du 11 Avril 2008 relatif aux re`gles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance me´dicale a` la procre´ation). L’objectif de cet article a e´te´ de faire le point sur les indications, la faisabilite´, ainsi que sur les limites e´thiques et pratiques de la FIV en urgence avant traitement gonadotoxique en vue d’une conge´lation embryonnaire. 2. Place actuelle de la conge´lation embryonnaire en oncofertilite´ De toutes les techniques de´crites visant a` pre´server la fertilite´ fe´minine, la conge´lation d’embryons est la technique la mieux maıˆtrise´e car faisant partie des pratiques de routine en Assistance me´dicale a` la procre´ation (AMP) [10,11]. Cette strate´gie est probablement celle qui offre le plus de chances aux patientes d’obtenir une grossesse apre`s re´mission graˆce au transfert d’embryons congele´s [12], avec un taux cumule´ de grossesse aux alentours entre 30 et 40 % [4]. Ainsi, l’e´quipe de Donnez de´crit – quand cela est techniquement possible – une politique de pre´servation syste´matique de la fertilite´ depuis 1996 avant le de´but de la chimiothe´rapie chez toutes les femmes de moins de 35 ans ayant un risque d’insuffisance ovarienne pre´mature´e [13]. La cryoconservation ovarienne est propose´e comme alternative en deuxie`me intention, si une FIV en urgence avec conge´lation d’embryons n’est pas re´alisable sur le plan pratique [14]. La conge´lation embryonnaire, en e´tant moins mutilante qu’une ovariectomie pour cryoconservation, permet aussi de proposer une pre´servation de la fertilite´ a` des patientes dont les risques d’insuffisance ovarienne pre´mature´e, quoique non syste´matiques, sont mal quantifiables et/ou partiels [15]. Par exemple, la chimiothe´rapie des patientes atteintes d’un cancer du sein n’est pas syste´matiquement pourvoyeuse d’insuffisance ovarienne pre´mature´e et ne repre´sente pas a` ce titre une indication optimale de cryoconservation ovarienne [16]. Cependant, la chimiothe´rapie du cancer du sein alte`re la re´serve ovarienne [17]. Ainsi, le temps que ces patientes aient fini leur traitement de cinq ans par hormonothe´rapie et aient un avis oncologique favorable pour une grossesse, il existe un risque e´leve´ d’avoir une re´serve ovarienne alte´re´e [18]. Dans ce contexte, plusieurs auteurs pre´conisent une FIV pour conge´lation embryonnaire pendant la pe´riode entre la chirurgie carcinologique et le de´but de la chimiothe´rapie, a` l’aide d’une stimulation ovarienne par antiaromatases (le´trozole) ou antiœstroge`nes (tamoxife`ne), afin de limiter les taux d’œstroge`nes circulants [16,19,20]. La conge´lation embryonnaire a aussi e´te´ propose´e par certaines e´quipes dans les cas de tumeurs borderline re´cidivantes sur ovaire unique, conduisant a` une ovariectomie et une castration chirurgicale [21]. Dans le cas des tumeurs borderline de l’ovaire, la cryoconservation de tissu ovarien sain n’est pas toujours re´alisable en pratique [22]. Dans le cas d’une tumeur borderline re´cidivante de stade IIIa, Gallot et al. avaient re´alise´ une stimulation ovarienne
pour FIV en urgence, avec une ponction ovocytaire re´alise´e juste avant l’ovariectomie [23]. La conge´lation embryonnaire dans le domaine de l’oncofertilite´ engendre toutefois, d’une part, des difficulte´s techniques en terme d’organisation, par exemple par manque de temps avant le de´but de la chimiothe´rapie ; d’autre part, des proble`mes e´thiques et d’ordre le´gislatif. En effet, la conge´lation embryonnaire n’est pas au sens strict du terme un moyen de pre´servation de la fertilite´ fe´minine, mais plutoˆt un moyen de pre´servation de la fertilite´ du couple. 3. Indications Afin d’eˆtre dans le respect des lois de bioe´thique, une proce´dure de FIV en urgence ne peut eˆtre propose´e qu’aux patientes en couple, avec un projet parental au moment du diagnostic de la maladie. Certaines e´quipes e´tendent ces indications aux patientes en couple stable, sans ne´cessairement de projet parental imme´diat. Pourtant, il doit eˆtre expresse´ment explique´ a` la patiente que les embryons ainsi obtenus ne lui appartiendront pas, et qu’ils ne pourront pas lui eˆtre transfe´re´s en cas de se´paration du couple ou de de´ce`s du conjoint. La prise en charge de ces couples au cours des consultations d’oncofertilite´ doit ide´alement comporter, en plus de la consultation, clinicobiologique, une prise en charge psychologique du couple, ensemble et se´pare´ment [24]. En effet, le projet parental n’existait pas dans certains couples jusqu’a` l’annonce de la maladie ; et c’est l’annonce du risque de ste´rilite´ post-traitement qui peut induire « par re´flexe de vie » un de´sir d’enfant qui n’existait pas jusqu’alors. C’est pourquoi, si pour une femme, le fait de pre´server sa fertilite´ semble eˆtre une e´vidence, le fait de congeler des embryons dans un couple peut eˆtre proble´matique pour un compagnon qui n’avait jusqu’alors pas de projet parental. Le compagnon risque d’eˆtre pris dans un dilemme entre ses propres de´sirs et la culpabilite´ de faire perdre ses chances de maternite´ ulte´rieure a` sa femme. 4. Aspects pratiques : conditions de re´alisation L’aˆge de la patiente et la re´serve ovarienne folliculaire peuvent constituer des facteurs limitants a` la re´alisation d’une FIV en urgence. Il n’existe pas de consensus quant a` un aˆge limite de prise en charge, certaines e´quipes allant jusqu’a` plus de 40 ans [25,26]. L’e´tude de Quintero et al., rapportant 70 cas de FIV en urgence avant chimiothe´rapie, excluait pour ce type de prise en charge les patientes de plus de 40 ans et/ou pre´sentant un taux de FSH a` J3 > 12 IU/mL, ainsi que les patientes ayant de´ja` be´ne´ficie´ d’une chimiothe´rapie ante´rieure ou d’une radiothe´rapie pelvienne [26]. Dans cette e´tude, les patientes atteintes d’un cancer pre´sentaient une moins bonne re´ponse ovarienne, en comparaison avec un groupe te´moin apparie´. Les auteurs avancent comme hypothe`se a` cette diminution de la re´ponse ovarienne un e´tat catabolique propre au cancer, avec malnutrition, perte de poids et risque de dysfonction hypothalamique, associe´ a` un e´tat de stress qui serait a` l’origine d’une diminution de la fertilite´ [27]. Cette hypothe`se est controverse´e par d’autres e´tudes qui n’ont pas retrouve´ de diminution de la re´ponse ovarienne chez les patientes atteintes d’un cancer, comme l’e´tude de Knopman et al. (n = 28 patientes) qui de´crivait une moyenne de 14 9 ovocytes ponctionne´s [25]. L’e´tude Pal et al. observait sur une petite se´rie (8 cycles de FIV chez 5 patientes) une diminution du nombre d’ovocytes matures de bonne qualite´ [28]. Dans l’e´tude de Michaan et al. concernant 22 cycles de FIV re´alise´s en urgence avant toute chimiothe´rapie a` l’aide d’un protocole court, le nombre d’embryons obtenus e´tait de 5,4 4,5 et e´tait comparable a` celui du groupe te´moin [29]. La re´alisation d’une FIV apre`s un ou deux cycles de chimiothe´rapie a montre´ une mauvaise re´ponse ovarienne a` la stimulation par les gonadotrophines, probablement en conse´quence d’une diminution de la re´serve ovarienne et d’une destruction des
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follicules antraux [9]. Dans l’e´tude de Dolmans et al. utilisant un protocole de stimulation court, il n’avait pas e´te´ possible d’obtenir d’ovocytes chez les trois patientes ayant be´ne´ficie´ au pre´alable de 2 a` 3 cures de chimiothe´rapie pour leuce´mie aigue¨. Chez une patiente ayant eu une FIV en urgence apre`s une cure de chimiothe´rapie par ACVBP pour lymphome non hodgkinien, un seul embryon avait pu eˆtre congele´ sur les 4 ovocytes matures ponctionne´s [9]. Pour Dolmans et al., il n’y a pas lieu de proposer une FIV en urgence dans une intercure chez les patientes pour qui le de´but de la chimiothe´rapie ne peut eˆtre retarde´. Dans l’e´tude de Ginsburg et al., les taux de naissances vivantes e´taient diminue´ chez les patientes ayant be´ne´ficie´ d’une FIV apre`s traitement anticance´reux en comparaison avec des patientes prises en charge pour cancer sans chimothe´rapie adjuvante (13 % vs 40 %) [30]. La re´alisation d’une FIV en urgence impose de pouvoir disposer d’environ 20 jours entre le diagnostic et le de´but du traitement [16]. Quand le traitement anticance´reux doit eˆtre de´bute´ en urgence, comme dans le cas des leuce´mies, il est impossible d’attendre la re´alisation d’un cycle de stimulation ovarienne par gonadotrophines. L’e´quipe d’Oktay a propose´ chez les patientes en deuxie`me partie de cycle de ponctionner des ovocytes immatures au stade de ve´sicule germinale, en vue d’une maturation ovocytaire in vitro et d’une conge´lation embryonnaire [31]. Chian et al. ont re´cemment rapporte´ une premie`re naissance obtenue suite a` la ponction d’ovocytes immatures au cours d’un cycle naturel, et ensuite mature´s pour vitrification. [32]. Cette e´quipe propose ainsi une technique innovante de pre´servation de la fertilite´ fe´minine, bien que ce cas de´crit ait e´te´ re´alise´ en dehors d’un contexte de pre´servation de la fertilite´ pour cancer. La stimulation ovarienne est classiquement contre-indique´e en cas de tumeurs hormonosensibles comme le cancer du sein en raison d’une hyperœstroge´nie induite [13]. Cependant, de plus en plus d’auteurs proposent de re´aliser une FIV en urgence pour pre´servation de la fertilite´ dans le cadre du cancer du sein, en veillant a` limiter le taux d’œstroge`nes circulants par le biais d’une stimulation ovarienne par antiœstroge`nes ou antiaromatases [20,29,33]. En France, ces mole´cules n’ont pas d’AMM pour l’induction de l’ovulation. Ces tentatives de stimulation ovarienne « en urgence » ont comme particularite´ de devoir eˆtre de´bute´es rapidement, sans avoir parfois d’indications sur la re´serve ovarienne. Il est en ge´ne´ral difficile d’attendre le de´but du cycle pour connaıˆtre les taux de FSH plasmatique et d’œstradiole´mie et avoir un compte exhaustif des follicules antraux. En revanche, le dosage de l’AMH est possible a` tout moment du cycle et meˆme sous contraception hormonale, ce qui permet d’avoir une indication concernant la re´serve ovarienne folliculaire [34]. Cependant, Decanter et al. ont montre´ que l’AMH chutait de`s le de´but des cures de chimiothe´rapie, ce qui rend ce dosage ininterpre´table si une FIV en urgence e´tait de´cide´e dans une intercure [34]. 5. E´tat des connaissances sur le devenir des enfants Actuellement, bien que de nombreux auteurs s’accordent sur l’inte´reˆt de cre´er des centres de re´fe´rences d’oncofertilite´ avec des registres de suivi [16,25], il n’existe pas a` notre connaissance de fichiers colligeant spe´cifiquement le suivi des enfants ne´s d’ovocytes ou d’embryons congele´s dans le cadre d’une pre´servation de la fertilite´ avant ou au cours d’un traitement anticance´reux. En effet, il est ne´cessaire de s’interroger sur les effets aneuge`nes et clastoge`nes e´ventuels des chimiothe´rapies sur l’ADN ovocytaire et des embryons, lorsqu’une FIV est re´alise´e dans une intercure, c’esta`-dire peu de temps apre`s une cure initiale de chimiothe´rapie [35]. Dans une e´tude chez des souris expose´es au cyclophosphamide, Meirow et al. avaient observe´ des porte´es de taille diminue´e, avec des taux plus e´leve´s d’avortement spontane´s et de malformations
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dans la descendance. Les taux les plus e´leve´s de malformations (33 %) e´taient observe´s en cas de conceptions issues d’ovocytes expose´es au cyclophosphamide lors des stades pre´coces de la croissance folliculaire [36]. Plusieurs semaines apre`s la fin de l’exposition, le taux de malformations conge´nitales redescendait au niveau de celles du groupe te´moin. Du fait de ces donne´es expe´rimentales, Meirow et al. conseillaient d’e´viter de re´aliser une FIV pour conge´lation embryonnaire au cours ou dans les suites imme´diates d’une chimiothe´rapie. Les e´tudes de cohortes des enfants ne´s de me`res aux ante´ce´dents de traitement anticance´reux sont cependant rassurantes et ne montrent pas d’augmentation du risque d’anomalies chromosomiques ni d’anomalies conge´nitales [37–39]. Cependant, dans l’e´tude de Signorello et al., ces patientes pre´sentent un risque d’avoir un enfant pre´mature´ multiplie´ par deux ; ce risque e´tant encore plus important en cas d’ante´ce´dent d’irradiation ute´rine, avec 50 % d’enfants pre´mature´s et 18,2 % de restriction de croissance (< 108 percentile) [40]. 6. Cas particulier de la pre´servation de la fertilite´ en cas d’hyste´rectomie La pre´servation de la fertilite´ fe´minine dans les cancers gyne´cologiques, lorsqu’une hyste´rectomie est indique´e, est propose´e par de nombreuses e´quipes, en particulier dans les pays ou` la grossesse pour autrui est autorise´e [41,42]. Cette attitude est cependant discutable et discute´e dans un pays comme la France [43]. Dans la le´gislation franc¸aise, la gestation pour autrui n’est pas autorise´e, et l’exportation de game`tes ou tissus germinaux en vue de faire appel a` une me`re de substitution dans un autre pays n’est pas autorise´e par l’agence de la biome´decine (De´cret no 2008588 du 19 Juin 2008). Toute atteinte ou tentative d’atteinte a` la filiation est se´ve`rement punie sur le plan pe´nal Code pe´nal (Section IV du Code pe´nal : des atteintes a` la filiation, article 227-12). La conge´lation d’embryons dans ce contexte, en vue d’une transplantation ute´rine, appartient encore a` la recherche expe´rimentale [43]. En effet, si des grossesses ont e´te´ obtenues chez la souris [44] et le rat [45,46], aucune grossesse n’a jamais e´te´ de´crite apre`s transplantation ute´rine chez des mammife`res. A` notre connaissance, une seule transplantation ute´rine humaine a e´te´ re´alise´e en 2000 par Fageeh et al. chez une patiente de 26 ans, hyste´rectomise´e a` la suite d’une he´morragie de la de´livrance. La donneuse de 46 ans avait e´te´ hyste´rectomise´e pour une pathologie ovarienne be´nigne. Les suites de cette transplantation ont e´te´ marque´es par un e´pisode initial de rejet, d’abord controˆle´ par un traitement immunosuppresseur, puis par une thrombose des anastomoses vasculaires, ayant conduit a` l’ablation de l’ute´rus transplante´ [47]. La possibilite´ de transfe´rer dans un ute´rus allotransplante´ des embryons issus d’une FIV en urgence apre`s transplantation ute´rine semble peu probable dans un avenir proche, tant les obstacles techniques et e´thiques semblent nombreux. Au pre´alable, il sera indispensable d’e´tudier l’adaptation des anastomoses vasculaires aux changement gravidiques apre`s invasion trophoblastique et a` l’augmentation de volume de l’ute´rus, les re´percussions fœtales d’une grossesse dans un transplant (risques de pre´e´clampsie, de restriction de croissance), e´valuation de la balance be´ne´fices–risques pour la patiente (interventions chirurgicales, traitement immunosuppresseur instaure´ chez une femme initialement non malade, hormis le fait d’eˆtre ste´rile) [48]. Jusqu’a` pre´sent, la greffe d’organe n’est re´alise´e que chez des patients dont le pronostic vital est engage´. Est-il acceptable de faire courir a` une femme les risques et la morbidite´ d’une transplantation ute´rine dans l’unique but de procre´er ? Dans notre e´quipe, nous estimons qu’il est difficile de proposer des techniques de pre´servation de la fertilite´ en cas d’hyste´rectomie a` but compassionnel, ou dans l’espoir tre`s hypothe´tique de
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changements le´gislatifs concernant la grossesse pour autrui ou dans le but d’une greffe d’ute´rus. Notre point de vue est cependant tre`s discute´ et peut eˆtre amene´ a` e´voluer en cas de nouvelles avance´es scientifiques. Conclusion La conge´lation d’embryons apre`s FIV en urgence dans un contexte de pre´servation de la fertilite´ fe´minine est probablement la technique offrant actuellement le plus de chances de grossesse pour une patiente devant subir un traitement gonadotoxique. La vitrification ovocytaire est l’alternative de choix, en e´liminant tous les proble`mes e´thiques et juridiques engendre´s par la conge´lation d’embryon pour pre´server la fertilite´ fe´minine. E´tant donne´ l’ame´lioration des chances de survie apre`s cancer et le poids me´dicole´gal croissant de l’information donne´e aux patientes avant traitement potentiellement ste´rilisant, il serait inte´ressant d’harmoniser les pratiques de pre´servation de la fertilite´ fe´minine, ide´alement dans le cadre de re´seaux d’oncofertilite´, afin d’offrir aux patientes atteintes d’un cancer les meˆmes strate´gies de prise en charge. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Bath LE, Wallace WH, Critchley HO. Late effects of the treatment of childhood cancer on the female reproductive system and the potential for fertility preservation. BJOG 2002;109:107–14. [2] Byrne J, Fears TR, Gail MH, Pee D, Connelly RR, Austin DF, et al. Early menopause in long-term survivors of cancer during adolescence. Am J Obstet Gynecol 1992;166:788–93. [3] Kim SS. Fertility preservation in female cancer patients: current developments and future directions. Fertil Steril 2006;85:1–11. [4] Sonmezer M, Oktay K. Fertility preservation in female patients. Hum Reprod Update 2004;10:251–66. [5] Bringer-Deutsch S, Belaisch-Allart J, Delvigne A. Preservation of fertility in case of sterilizing treatment. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris);39:S53–66. [6] Donnez J, Silber S, Andersen CY, Demeestere I, Piver P, Meirow D, et al. Children born after autotransplantation of cryopreserved ovarian tissue. A review of 13 live births. Ann Med 2011;43:437–50. [7] Grifo JA, Noyes N. Delivery rate using cryopreserved oocytes is comparable to conventional in vitro fertilization using fresh oocytes: potential fertility preservation for female cancer patients. Fertil Steril 2010;93:391–6. [8] Cao YX, Chian RC. Fertility preservation with immature and in vitro matured oocytes. Semin Reprod Med 2009;27:456–64. [9] Dolmans MM, Demylle D, Martinez-Madrid B, Donnez J. Efficacy of in vitro fertilization after chemotherapy. Fertil Steril 2005;83:897–901. [10] Varghese AC, Nagy ZP, Agarwal A. Current trends, biological foundations and future prospects of oocyte and embryo cryopreservation. Reprod Biomed Online 2009;19:126–40. [11] Frederick JL, Ord T, Kettel LM, Stone SC, Balmaceda JP, Asch RH. Successful pregnancy outcome after cryopreservation of all fresh embryos with subsequent transfer into an unstimulated cycle. Fertil Steril 1995;64:987–90. [12] Sabatini ME, Wolkovich AM, Macklin EA, Wright DL, Souter I, Toth TL. Pronuclear embryo cryopreservation experience: outcomes for reducing the risk of ovarian hyperstimulation syndrome and for fertility preservation in cancer patients. J Assist Reprod Genet 2011;28:279–84. [13] Donnez J, Martinez-Madrid B, Jadoul P, Van Langendonckt A, Demylle D, Dolmans MM. Ovarian tissue cryopreservation and transplantation: a review. Hum Reprod Update 2006;12:519–35. [14] Revel A, Schenker J. Ovarian tissue banking for cancer patients: is ovarian cortex cryopreservation presently justified? Hum Reprod 2004;19:14–9. [15] Partridge AH, Gelber S, Peppercorn J, Ginsburg E, Sampson E, Rosenberg R, et al. Fertility and menopausal outcomes in young breast cancer survivors. Clin Breast Cancer 2008;8:65–9. [16] de Ziegler D, Streuli I, Vasilopoulos I, Decanter C, This P, Chapron C. Cancer and fecundity issues mandate a multidisciplinary approach. Fertil Steril 2010;93:691–6. [17] Partridge AH, Ruddy KJ, Gelber S, Schapira L, Abusief M, Meyer M, et al. Ovarian reserve in women who remain premenopausal after chemotherapy for early stage breast cancer. Fertil Steril 2010;94:638–44. [18] Dunn L, Fox KR. Techniques for fertility preservation in patients with breast cancer. Curr Opin Obstet Gynecol 2009;21:68–73.
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