Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2009) 95S, S134—S138
TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉDIE DE L’OUEST (SOO). RÉUNION DU HAVRE, JUIN 2008. COMMUNICATIONS
Fractures—luxations des IPP des doigts longs. Traitement par broches IPP-stop. À propos de huit cas Fractures—dislocations of the PIP of the fingers. Treatment with PIP-stop pins. About eight cases P. Beaudet a,∗, P. Bellemère b, T. Apard c, Y. Kerjean b , le service Nantes assistance mainb a
Clinique chirurgicale orthopédique et traumatologique, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France Clinique Jeanne-d’Arc, rue des Martyrs, 44100 Nantes, France c Département de chirurgie osseuse, CHU d’Angers, 1, rue Larrey, 49009 Angers cedex 9, France b
MOTS CLÉS Fracture ; Luxation ; Fracture—Luxation ; Interphalangienne proximale ; IPP ; Doigts longs
KEYWORDS Fracture; Dislocation;
∗
Résumé Il existe de nombreuses techniques pour le traitement des fractures—luxations d’articulations interphalangiennes proximales des doigts. Cette étude rapporte l’expérience de la technique IPP-stop. La série comportait huit patients, sept hommes et une femme de 38 ans d’âge moyen, opérés avant le 15e jour pour une fracture—luxation d’articulation interphalangienne proximale par broche IPP-stop. Quatre fois la fracture intéressait plus de 40 % de la surface articulaire de P2. Six fois le brochage IPP-stop était isolé, deux fois y étaient associées une à trois broches d’ostéosynthèse. À un recul moyen de 21 mois, l’arc de mobilité de l’IPP était de 74◦ (40 à 100), avec un déficit d’extension moyen de 10◦ . La mobilité moyenne de l’IPD était de 57,5◦ (30 à 80). L’intensité moyenne des douleurs était de 0,8 sur dix avec un maximum à deux. Le Quick DASH était à 2,6 (0 à 6,8). Il n’y a pas eu de complication septique, ni de reprise. Cette technique simple semble aussi efficace que les techniques plus compliquées, y compris lorsque la surface fracturée est importante. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The authors reported eight patients (seven males and one female) of 38-years-old operated before the 15th day for a fracture—dislocation of the proximal interphalangeal joint with a PIP-stop pin. In four cases, the fracture involved more than 40% of the articular surface of the second phalange. In six cases, the PIP-stop pinning was isolated. In two cases, one to three pins was associated. At the mean follow-up of 21 months, the arc of motion of the PIP was
Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (P. Beaudet).
1877-0517/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2009.04.016
Fractures—luxations des IPP des doigts longs
Fracture—dislocation; Proximal interphalangeal joint; PIP; Long fingers
S135
74◦ (40 to 100), with a mean extension loss of 10◦ . The mean motion of the DIP was 57,5◦ (30 to 80). The mean intensity of the pain was 0,8 on 10 with a maximum of two. The Quick DASH was 2,6 (0 to 6,8). Neither septic complication nor surgical revision was observed. This single technique seems to be as effective as more complicated techniques, even when the surface of the fracture is considerable. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Le nombre important des techniques proposées pour le traitement des fractures—luxations d’articulations interphalangiennes proximales des doigts longs témoigne de la difficulté à en trouver une satisfaisante.
Matériel et méthode L’étude rétrospective portait sur une série continue de huit patients opérés pour une fracture—luxation d’articulation interphalangienne proximale, entre novembre 2002 et janvier 2007. Sept hommes et une femme de 38 ans d’âge moyen (24 à 58) ont été victimes de cinq fractures situées au quatrième doigt, deux au troisième et une au cinquième. Quatre fois la fracture intéressait plus de 40 % de la surface articulaire de P2, deux fois la surface fracturée était de 20 à 40 % et deux fois, seule 20 % de la surface articulaire était fracturée. En dessous de 20 % de surface articulaire fracturée, la lésion était considérée et traitée comme une luxation d’interphalangienne. Sept patients ont été opérés dans les 48 heures et un au 14e jour. Trois patients étaient victimes d’un traumatisme par un ballon, deux étaient victimes de chute sur la voie publique, il y avait trois accidents domestiques. N’ont été incluses que les lésions fermées, les fractures—luxations à déplacement dorsal et donc à fragment palmaire, auxquelles s’adresse le brochage IPP-stop. La classification radiologique de Schenck [1] qui prend en compte le pourcentage de surface fracturée et le degré de luxation a été utilisée. Les grades I ont été traités orthopédiquement comme des luxations pures. Ont été inclus deux grades II, deux grades III et quatre grades IV.
Technique opératoire La technique IPP-stop aura bientôt 30 ans [2]. Elle est souvent citée mais peu publiée, avec trois articles seulement dans les années 1990, sur deux à 14 cas [3—5]. Elle a été réalisée sans délai, sous bloc tronculaire. La fracture est réduite par traction dans l’axe et mise en flexion de l’IPP. Ensuite, sous scopie, le degré minimal de flexion qui permet de garder un bon centrage est repéré. Il faut parfaitement contrôler l’interligne sous scopie, de face et de profil. Une broche de dix dixièmes est alors introduite par un court abord entre la bandelette médiane et une bandelette latérale de l’extenseur, dans la tête de P1. Elle peut rester centromédullaire ou être fichée dans la corticale antérieure. On contrôle alors la course articulaire dans le secteur de flexion autorisé par la broche qui agit comme une butée. L’articulation doit rester centrée.
Contrairement à la technique originelle, qui laisse dépasser la broche, celle-ci a été sectionnée en sous-cutané pour éviter le risque d’arthrite septique. Le pansement était laissé jusqu’au 15e jour et doit être léger pour autoriser une autorééducation immédiate. L’ablation de la broche a été réalisée entre le 30e et le 45e jour, puis la kinésithérapie est débutée. Six fois le brochage IPP-stop était isolé, deux fois y étaient associées une à trois broches d’ostéosynthèse.
Critères d’analyse Ont été évaluées les mobilités, la force, la douleur, la fonction par un autoquestionnaire quick DASH [6], le délai de récupération, la satisfaction et le résultat radiologique en termes de recentrage.
Résultats À un recul moyen de 21 mois (trois à 36), l’arc de mobilité de l’IPP était de 74◦ (40 à 100), avec un déficit d’extension moyen de 11,6◦ . Deux raideurs : une à 0/40 et une à 25/75 étaient relevées. Dans ces deux cas, il existait un fragment palmaire long qui avait fait l’objet d’une ostéosynthèse complémentaire par broches. La deuxième était toutefois dans le secteur utile. Les six autres résultats étaient considérés comme bons. La mobilité moyenne de l’IPP était de 57,5◦ (30 à 80). La distance pulpe—paume était en moyenne de 0,6 cm (zéro à deux). Cinq patients ne ressentaient aucune douleur, deux ressentaient des douleurs à l’effort seulement et un ressentait des douleurs climatiques. L’intensité moyenne des douleurs était de 0,67 sur dix avec un maximum à deux. La force de préhension moyenne a été de 96 % de celle du côté opposé. La force de la pince pouce—doigt traumatisée était en moyenne de 88 %. Le Quick DASH était à 2,6 (0 à 6,8). L’ablation de matériel a été nécessaire dans tous les cas, entre le 24e et le 60e jour. Sept patients étaient très satisfaits, un était satisfait, il n’y a eu aucun déc ¸u, ni mécontent. Le recentrage radiologique a été obtenu dans six cas, dans un cas il persistait une subluxation postérieure de 1 mm, dans un cas la radiographie n’était pas exploitable. L’apparition d’arthrose n’a pas été étudiée par manque d’iconographie au dernier recul, mais aucune perte du recentrage n’a été constatée au cours du suivi initial. Une pseudarthrose du fragment marginal antérieur a été observée deux fois, sans compromettre le résultat clinique (Fig. 1). Il n’y a pas eu de complication septique, ni de reprise chirurgicale.
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P. Beaudet et al. Tableau 3 Résultats rapportés d’études concernant les techniques de reconstruction articulaire par autogreffe d’hamatum ou arthroplastie à la plaque palmaire de EatonLittler. Auteur
Hastings [13]
Année 1999 Technique Hamatum Nombre de cas 5 ROM IPP 77
Figure 1 M. Cha 42 ans. A. Fracture Seno 1 Schenck CII, du quatrième doigt. B. Un parfait recentrage a été obtenu par une broche IPP-stop, mais le fragment palmaire n’est pas réduit. C. Pseudarthrose du fragment palmaire. D. ROM 75◦ , fonction excellente.
Tableau 1 Résultats rapportés par deux études concernant des broches IPP-stop.
Auteur Année Nombre de cas ROM IPP
Broche IPP-stop
Broche IPP-stop
Inoue [3] 1991 14 94◦
Twymann [4] 1993 2 70◦ et 95◦
Discussion La technique est décrite pour permettre de maintenir un bon recentrage de l’articulation, afin d’autoriser la mobilisation précoce. Ce sont les deux principes essentiels que doit respecter toute technique de traitement des fractures—luxations. Ces deux principes sous-tendent les différentes techniques proposées et sont consensuels [7,8]. Les résultats de la série étudiée sont proches de ceux obtenus par la même technique par d’autres auteurs (Tableau 1). Ils sont dans la moyenne de ceux des séries d’ostéosynthèse à foyer ouvert (Tableau 2) ou des résultats obtenus par les différentes techniques de reconstruction articulaire (Tableau 3). Ils semblent moins régulièrement excellents que dans certaines séries de fixateurs externes (Tableau 4). Ceux-ci font l’objet de la quasi-totalité des publications actuelles sur les fractures—luxations des IPP.
Tableau 2
Cervigni [14]
Durham-Smith [15]
2003 Hamatum 3 76
1992 Eaton-Littler 71 86
Les attelles IPP-stop demandent un suivi rapproché et une compliance parfaite du patient. Nous proposons cette technique alors qu’elle semble inférieure à certains fixateurs externes pour le résultat final en termes de mobilité car : • elle est simple à réaliser, donc aisément reproductible ; • ne nécessite pas un entraînement particulier contrairement aux fixateurs externes dont la pose s’apparente parfois à un casse-tête ; • elle est simple à suivre car on ne craint pas le démontage d’une ostéosynthèse, ni la mauvaise tolérance d’un fixateur externe (0 à 60 % d’infections sur broche selon les séries) ; • elle est plus simple à porter par le patient qu’un fixateur externe, notamment au niveau des troisième et quatrième doigts, grâce à un encombrement nul. Les résultats sont corrects en termes de mobilité et excellents en termes de morbidité. La technique reste valable si la surface fracturée est importante. Le principal inconvénient est finalement la limitation des indications : si on pense que certaines lésions risquent de ne pas se recentrer correctement en flexion, alors il ne faut accepter de se lancer dans leur traitement que si on maîtrise l’utilisation d’une solution de secours type fixateur externe. Attention, notamment en cas d’impaction centrale. Nous ne recommandons pas les techniques mixtes associant broche IPP-stop et ostéosynthèse, qui, utilisées deux fois dans note série, ont conduit aux deux seuls mauvais résultats. Au moindre doute, le traumatologue prudent devra donc adresser son patient à un confrère spécialisé.
Résultats rapportés d’études concernant des ostéosynthèses à foyer ouvert.
Auteur
Weiss [9]
Touam [10]
Hamilton [11]
Lee [12]
Année Technique
1996 Abord en canon de fusil, cerclage 12 89◦
1995 Broches ou vis par voie latérale 10 73◦
2006 Vis par voie palmaire
2006 Vis en rappel par voie dorsale 12 85◦
Nombre de cas ROM IPP
9 70◦
1997 12 31 73◦ 2 1994 10 Non mentionné 87◦ 0 1994 7 38 80◦ Non mentionné 1993 7 35 95◦ 0 1987 16 26 83◦ 0 Année Nombre de cas Âge moyen ROM IPP Infections sur broches
1996 14 32 74,78◦ Non mentionné
2004 13 37 84,5◦ 2
1997 11 36 84◦ 6
Schenck [1] Suzuki [21] De Soras [20] Innami [19] Desmukh [18] Agee [16]
Allisson [17]
S137
Conclusion
Auteur
Tableau 4
Comparaison des résultats des études portant sur les fixateurs externes posés sur des lésions récentes.
Krakauer [22]
Fractures—luxations des IPP des doigts longs
Avec cette technique simple et peu invasive, des résultats tout à fait comparables à ceux obtenus avec des techniques plus compliquées sont obtenus, au prix d’un déficit d’extension un peu plus important et sans complication notable dans cette courte série. Le brochage IPP-stop est utilisé avec succès même lorsque la surface fracturée est importante et il a l’avantage d’être utilisable lorsqu’il existe une comminution de la marge antérieure. Il permet un suivi moins intensif qu’avec les attelles IPP-stop. Elle mérite d’être connue par les traumatologues non spécialistes de la main.
Débat D. Le Nen (Brest) : Cette technique mérite de faire partie de l’arsenal thérapeutique des fractures—luxations des IPP. Deux artifices sont à souligner : l’introduction de la broche entre les bandelettes médiane et latérale de l’extenseur par un petit abord et la recoupe de la broche sous la peau pour limiter le risque d’arthrite septique aux conséquences désastreuses. Par contre, il ne faut pas mettre cette technique en concurrence avec la fixation externe dont le but est la distraction alors que la finalité de la broche d’arthrorise est d’éviter la subluxation dorsale. M. LeBourg (Rennes) : En effet, il vaut mieux comparer cette méthode avec les techniques orthopédiques IPP-stop qui ont le même but même si la surveillance en est difficile. De plus, les séries de fixation externe sont particulièrement hétérogènes en mêlant des cas récents et secondaires. P. Beaudet : Il existe cependant des séries dont l’effectif est tout à fait comparable.
Conflits d’intérêts Aucun.
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