La tuberculose extrapulmonaire

La tuberculose extrapulmonaire

Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 566—578 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com SÉRIE « TUBERCULOSES ET MYCOBACTÉRIOSES » Coordon...

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Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 566—578

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

SÉRIE « TUBERCULOSES ET MYCOBACTÉRIOSES » Coordonnée par F.X. Blanc, J.-P. Janssens et M. Underner.

La tuberculose extrapulmonaire Extrapulmonary tuberculosis J. Mazza-Stalder a,∗, L. Nicod a, J.-P. Janssens b a b

Service de pneumologie, centre hospitalier universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse Service de pneumologie, hôpital cantonal universitaire, Genève, Suisse

Rec ¸u le 19 novembre 2010 ; accepté le 12 mai 2011 Disponible sur Internet le 29 mars 2012

MOTS CLÉS Tuberculose ; Extrathoracique ; Adénite ; Méningite ; Pleurésie ; Spondylodiscite ; Salpingite

KEYWORDS Extrapulmonar; Tuberculosis; Meningitis; Pleuritis; Pott’s disease



Résumé Les tuberculoses extrapulmonaires (TBE) représentent un pourcentage croissant de toutes les formes de tuberculose, atteignant 20 à 40 % d’entre elles selon les séries. La proportion de TBE semble plus élevée chez les sujets de race noire, les femmes et les patients immunosupprimés ; une proportion non négligeable des sujets atteints ont une radiographie du thorax normale lors du diagnostic. Les atteintes les plus fréquentes sont ganglionnaires, pleurales ou ostéoarticulaires. Les tuberculoses digestives, urogénitales ou méningées ne sont pas rares et leur diagnostic est souvent différé par un diagnostic différentiel large et par des tests diagnostiques qui manquent de sensibilité, y compris les cultures et les tests d’amplification génique. La présentation clinique des TBE est décrite de même que le rendement des divers tests à disposition. Les recommandations thérapeutiques internationales sont rappelées ainsi que des recommandations pratiques relatives aux différentes présentations cliniques. © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Extrapulmonary tuberculosis represents an increasing proportion of all cases of tuberculosis reaching 20 to 40% according to published reports. Extrapulmonary TB is found in a higher proportion of women, black people and immunosuppressed individuals. A significant proportion of cases have a normal chest X-Ray at the time of diagnosis. The most frequent clinical presentations are lymphadenitis, pleuritis and osteoarticular TB. Peritoneal, urogenital or meningeal tuberculosis are less frequent, and their diagnosis is often difficult due to the often wide differential diagnosis and the low sensitivity of diagnostic tests including cultures and genetic amplification tests. The key clinical elements are reported and for each form the diagnostic yield of available tests. International therapeutic recommendations and practical issues are reviewed according to clinical presentation. © 2012 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Mazza-Stalder).

0761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2011.05.021

La tuberculose extrapulmonaire

Abréviations TB TBE VPP VPN ADA PCR

tuberculose tuberculose extrapulmonaire valeur prédictive positive valeur prédictive négative adénosine déaminase polymerase chain reaction

Introduction Avec neuf millions de nouveaux cas et deux millions de morts chaque année, la TB est une des maladies infectieuses les plus répandues dans le monde et constitue un problème de santé publique majeur, surtout dans les pays en voie de développement. À l’échelle mondiale, l’OMS rapporte, parmi tous les cas de TB, 14 % de TBE sans atteinte pulmonaire concomitante [1]. Alors que la majorité des TB actives touchent le système respiratoire, plusieurs études rapportent une augmentation récente de l’incidence des TBE. Ainsi, aux États-Unis, la proportion de TBE est passée de 16 % en 1993 à 20,4 % en 2008, avec une prépondérance de TB ganglionnaires (41 %) ; viennent ensuite les atteintes pleurales (17,7 %), ostéoarticulaires (11 %), péritonéales (6,1 %), urogénitales (5,3 %), et méningées (4,7 %) [2]. En Angleterre en 2008, plus de 40 % des cas de TB rapportées sont des TBE, les populations nées en dehors du territoire britannique étant les plus touchées [3], tandis qu’en France le pourcentage des TBE est de l’ordre de 25 % à 27 % [4,5]. En Suisse les données publiées par l’OFSP pour la période 2001—2004 rapportent 37 % de cas de TBE. Une étude récente effectuée dans le canton de Genève, où l’incidence de TB est de 2,5 fois supérieure à la moyenne nationale suisse, révèle que 54 % de cas présentaient une atteinte extrapulmonaire (et 37 % une atteinte exclusivement extrathoracique) [6]. Dans un travail portant sur 705 cas de TB dans l’état de l’Arkansas (États-Unis), 85 cas (soit 12 %) présentaient une atteinte extrapulmonaire. La localisation la plus fréquente était ostéoarticulaire (27 %), puis lymphatique (17 %). Dans cette population, trois facteurs de risques indépendants ont été identifiés comme prédisposant à une TBE : • être de race noire ; • être du sexe féminin et ; • être infecté par le VIH [7]. Plus récemment, un travail du même groupe suggère que l’infection par une souche Beijing/w pourrait faciliter le développement d’une atteinte extrathoracique. Dans ce travail, parmi les sujets atteints de TBE, la population asiatique était le groupe ethnique prédominant (43 %) [8]. Il semble donc que l’incidence de TBE dépende non seulement de la région géographique et de l’ethnie, mais aussi de la souche de Mycobacterium tuberculosis (MTB).

Les adénites tuberculeuses Anciennement connues sous le nom de « scrofula » (ou écrouelles), les adénites tuberculeuses constituent, avec l’atteinte pleurale, une des formes les plus fréquentes de

567 TBE. Dès le début du Moyen Âge et jusqu’au xixe siècle, les rois de France avaient, dit-on, le don de guérir les écrouelles par simple imposition des mains. La notion de guérison par le toucher royal se retrouve aussi dans l’histoire britannique et germanique. Plusieurs travaux notent une légère prédominance chez la femme (ratio homme/femme : 1/1,3) [9]. Les adénopathies prennent souvent l’aspect de masses de consistance dure, non mobiles, douloureuses et inflammatoires (Fig. 1). Dans une étude récente portant sur 106 cas d’adénite tuberculeuse, les aires ganglionnaires les plus fréquemment affectées était les aires cervicales (57 %), puis supraclaviculaires (26 %), sous-mandibulaires (13 %) et axillaires (12 %). Parmi les localisations moins fréquemment rapportées, notons les aires sous-mentonnières (4 %), inguinales (3 %), épitrochléennes (3 %) et auriculaires postérieures (3 %). Sont également décrites des adénites bilatérales [10]. Cette étude révèle aussi que 15 % de patients se présentaient d’emblée avec une TB pulmonaire concomitante. De plus, chez les patients ayant une radiographie de thorax anormale, on a pu documenter la présence d’une TB pulmonaire associée (cultures positives pour M. tuberculosis) dans 41 % de cas, d’où l’importance de toujours effectuer une radiographie de thorax (voire au moindre doute un scanner) et des cultures d’expectorations induites ou spontanées lors du bilan d’adénites présumées tuberculeuses. Notons que, dans les recommandations les plus récentes de l’OMS sur la tuberculose [1], les adénopathies intrathoraciques (médiastinales) sont considérées comme TBE. Le diagnostic différentiel de l’adénite périphérique isolée est large et comprend les syndromes lymphoprolifératifs, l’infection par des mycobactéries non tuberculeuses, la maladie des griffes de chat, les infections fongiques, la toxoplasmose ou les adénites bactériennes. La ponctionaspiration à l’aiguille fine est l’examen diagnostique de choix. Le rendement diagnostique de ce geste est plus élevé dans les pays à haute endémie de tuberculose et chez les patients infectés par le VIH [11—14]. La présence de bacilles tuberculeux est par ailleurs plus fréquente quand l’adénopathie contient beaucoup de matériel purulent. Dans une étude effectuée à Hong Kong, sur 90 cas d’adénites tuberculeuses confirmés histologiquement par excision chirurgicale, 69 (76 %) présentaient des trouvailles cytologiques compatibles avec une adénite granulomateuse à l’aspiration à l’aiguille fine effectuée avant l’excision, avec ou sans bacilles à l’examen direct [15]. Une étude rétrospective effectuée en Californie suggère une légère supériorité de la culture de biopsies chirurgicales (71 %) par rapport aux prélèvements à l’aiguille fine (62 %). Le rendement de l’examen direct était pauvre dans les deux types de prélèvements (21 vs 26 %) [10]. Le recours à la PCR augmente considérablement les performances diagnostiques et rend la biopsie-exérèse ganglionnaire rarement nécessaire. Elle n’est indiquée que quand un diagnostic de lymphome ou de malignité est suspecté ou quand le diagnostic n’a pas été possible avec l’aspiration à l’aiguille. En l’absence de BAAR à l’examen direct (sensibilité rapportée de 15 à 40 %) [16—19], la PCR pour MTB peut permettre un diagnostic avant le résultat des cultures définitives. De plus, la PCR pour MTB (ciblant le gène IS6110) combinée à l’aspiration à l’aiguille fine et

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J. Mazza-Stalder et al.

Figure 1. A. Adénite tuberculeuse chez une jeune patiente d’origine asiatique. B et C. Ponction de l’adénopathie à but diagnostique et évacuation de matériel caséeux. D. Fistulisation spontanée de l’adénopathie.

à la biopsie augmente la sensibilité (50—100 %) et la spécificité (86—100 %) diagnostiques [16—21]. La sensibilité de la PCR varie selon les kits utilisés : elle est meilleure sur des échantillons frais que fixés [18]. Une PCR négative n’exclut bien entendu pas la TB. Le traitement des adénites tuberculeuses, étayé par une étude de la British Thoracic Society Research Committee [22,23], repose sur une quadrithérapie antituberculeuse classique d’isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide (HREZ) deux mois, puis isoniazide et rifampicine (HR) quatre mois, avec un taux de rechute de l’ordre de 3 % [24]. L’augmentation paradoxale du volume de l’adénite ou l’apparition de nouveaux ganglions, qu’ils soient proches ou

à distance du site primaire, sont des complications relativement fréquentes des atteintes ganglionnaires tuberculeuses (10—22 %) [25—29]. Ces réactions paradoxales, considérées comme une manifestation d’hypersensibilité aux mycobactéries, semblent survenir plus souvent lors de tuberculoses extrathoraciques ou disséminées, et touchent le plus souvent les ganglions ou le SNC. L’âge, le sexe, l’ethnie ne sont pas prédictifs de ces manifestations, qui surviennent après plusieurs semaines voire plusieurs mois de traitement [25,28]. Dans 5 à 15 % des cas, des adénites peuvent apparaître de novo ou augmenter pendant voire après la fin du traitement : lors de ponction avec culture, ces adénites sont en principe stériles et ne justifient pas la reprise ou la

La tuberculose extrapulmonaire prolongation du traitement. L’aspiration évacuatrice répétée à l’aiguille fine et la « fistulisation dirigée » avec pose d’une mèche et rinc ¸ages à la bétadine sont des mesures qui permettent de soulager le patient [1] et évitent tant les fistulisations spontanées que les complications liées à une chirurgie élargie, aux conséquences souvent très inesthétiques. • Les adénites tuberculeuses constituent, avec l’atteinte pleurale, une des formes les plus fréquentes de TBE. • Les aires ganglionnaires les plus fréquemment atteintes sont les aires cervicales, supraclaviculaires, sous-mandibulaires et axillaires. • Le diagnostic différentiel de l’adénite périphérique isolée comprend les syndromes lymphoprolifératifs, l’infection par des mycobactéries non tuberculeuses, la maladie des griffes de chat, les infections fongiques, la toxoplasmose ou les adénites bactériennes. • L’examen diagnostique de choix est la ponctionaspiration à l’aiguille fine mais la culture de biopsies chirurgicales semble légèrement supérieure. • La PCR, indiquée quand on suspecte un diagnostic de lymphome ou de malignité ou quand le diagnostic n’a pas été possible avec l’aspiration à l’aiguille, augmente considérablement les performances diagnostiques et rend la biopsie-exérèse ganglionnaire rarement nécessaire. • Le traitement des adénites tuberculeuses repose sur une quadrithérapie antituberculeuse classique comprenant isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide (HREZ) pendant deux mois, puis isoniazide et rifampicine (HR) quatre mois, avec un taux de rechute de l’ordre de 3 %. • L’augmentation paradoxale du volume de l’adénite ou l’apparition de nouveaux ganglions sont des complications relativement fréquentes des adénites tuberculeuses.

Les atteintes pleurales La pleurite tuberculeuse Avec l’atteinte ganglionnaire, la TB pleurale est la forme la plus fréquente de TBE (17,7 à 25,8 % des TBE aux ÉtatsUnis) et représente 3 à 5 % des cas de TB chez des sujets non infectés par le VIH dans les pays industrialisés [2,30,31]. Elle est plus fréquente lors d’infection par le VIH [32], chez l’enfant et l’adulte jeune [33] et survient classiquement trois à six mois après la primo-infection tuberculeuse [34,35]. Lorsque des antigènes de MTB, provenant de foyers pulmonaires sous-pleuraux ou ganglionnaires contigus, se déversent dans l’espace pleural, ils génèrent une réaction d’hypersensibilité retardée avec séquestration de lymphocytes T activés dans l’espace pleural [34,36]. La TB pleurale peut se manifester par l’apparition subaiguë de fièvre (86 %), de douleurs thoraciques (75 %) et de toux (70 %)

569 accompagnés de symptômes généraux, ou être entièrement asymptomatique [30]. Une étude espagnole effectuée chez 254 patients révèle que les épanchements tuberculeux sont en majorité lymphocytaires (93 %), exsudatifs et riches en cholestérol (entre 80 et 96 %), unilatéraux et en quantité modérée (≤ 2/3 de l’hémi-thorax concerné) et qu’ils sont plus fréquents chez les sujets de moins de 35 ans que chez des sujets plus âgés [33]. Les épanchements pleuraux tuberculeux sont en général pauci-bacillaires, avec un examen microscopique direct souvent négatif ; la culture est positive dans seulement un tiers des cas et les délais diagnostiques sont longs ; la sensibilité combinée de l’examen direct et de la culture est d’au maximum 50 % [37]. De nouvelles techniques contribuent actuellement au diagnostic. Ainsi, la détermination de l’activité de l’ADA dans le liquide pleural est un marqueur fiable pour le diagnostic de pleurites tuberculeuses pour autant qu’il s’agisse d’exsudats lymphocytaires (> 50 % de lymphocytes) car il peut y avoir des faux positifs dans les épanchements parapneumoniques à prédominance neutrophilique et lors d’empyème [38]. Rappelons à ce propos que pendant les premiers jours, un épanchement pleural tuberculeux peut être à prédominance neutrophilique [39]. Deux métaanalyses récentes rapportent pour l’ADA une sensibilité d’environ 92 % et une spécificité de 90 % (pour une valeur seuil à 40 U/L) [40,41]. Un travail espagnol récent, portant sur 2104 patients, dont 221 avec pleurésie tuberculeuse, a permis de documenter pour l’ADA (valeur seuil : 35 U/L) — lors d’exsudats lymphocytaires — une sensibilité de 93 %, une spécificité de 90 %, un rapport de vraisemblance de 10,05 lors de résultat positif, et de 0,07 lors de résultat négatif. Bien que la VPP soit faible dans ce travail (40 % des épanchements parapneumoniques et la moitié des épanchements liés à un lymphome avaient une ADA au-delà de la valeur seuil), la VPN était de 99,9 % [42]. Un autre travail espagnol, portant sur 218 patients avec épanchement pleural chez des sujets âgés de moins de 40 ans, dont 165 tuberculoses, a permis de générer une régression logistique comprenant l’ADA et la lymphocytose du liquide : ce modèle permettait de classer correctement 216 des 218 cas, présentant ainsi une sensibilité de 99,4 % et une spécificité de 98,1 % [43]. Notons encore, dans un travail effectué en Afrique du Sud comparant deux isoenzymes de l’ADA (1 et 2), et portant sur 957 échantillons dont 387 tuberculoses, les résultats suivants pour l’ADA (valeur seuil de 52,4 U/L) : sensibilité : 93,7 % ; spécificité : 88,7 % ; VPP : 85,5 %, et VPN : 95,2 %. Les résultats pour l’isoenzyme ADA2 étaient légèrement meilleurs [44]. Le taux d’interféron ␥ (IFN-␥) est aussi élevé dans les épanchements lymphocytaires tuberculeux (valeur seuil de 240 pg/mL) [45]. Une étude prospective récente effectuée en Afrique du Sud, portant sur 74 patients présentant des épanchements suspects de TB, a comparé l’utilité du dosage de l’IFN-␥ (non stimulé) dans le liquide pleural à celle de tests de production d’interféron gamma (Interferon gamma release assays : T-SPOT.TB® , Oxford Immunotec, et QuantiFERON-GOLD® , Cellestis) pour le diagnostic des épanchements pleuraux tuberculeux. Cette étude montre une supériorité nette du dosage de l’IFN-␥ non stimulé (QuantiFERON® Elisa) avec une sensibilité de 97 % (IC 95 % : 85—99) et une spécificité de 100 % (IC 95 % : 90—100) vs pour le T-SPOT.TB® une sensibilité de 83 % (IC 95 % : 68—92) et une

570 spécificité de 56 % (IC 95 % : 33—77) et pour le QuantiFERONGOLD® une sensibilité de 87 % (IC 95 % : 70—95) et une spécificité de 69 % (IC 95 % : 42—87) [46]. Ces dosages ne sont cependant pas encore réalisables de routine. L’ADA et l’IFN-␥ sont de bons marqueurs pour le diagnostic des épanchements pleuraux tuberculeux ; toutefois les valeurs prédictives positive et négative de ces tests varient beaucoup en fonction de la probabilité pré-test (et donc de la prévalence de la maladie dans la population concernée). Ainsi, dans une étude colombienne on estime par exemple que pour un épanchement pleural avec une probabilité pré-test de 50 %, un résultat d’ADA positif fait passer la probabilité post-test à 86 % [47,48]. La sensibilité de la PCR rapportée dans la littérature est variable : 59 % chez des patients avec TB confirmée histologiquement mais négative à la culture vs 86 % chez des patients avec TB confirmée à la culture [48]. Une métaanalyse récente rapporte que la PCR à une spécificité très élevé (98 %) pour le diagnostic d’épanchements tuberculeux mais une sensibilité très variable (43 à 77 %) : pour cette raison il faut interpréter les résultats de PCR-MTB négatifs avec beaucoup de précaution [49]. La combinaison d’examens tels que PCR, dosages de l’IFN-␥ et de l’ADA permet d’obtenir une sensibilité et spécificité supérieures à celle de chaque test utilisé séparément [48]. La méthode diagnostique de choix pour obtenir du matériel en vue d’un examen histologique et microbiologique reste la biopsie à l’aiguille d’Abrams, qui, dans des pays à haute endémie et à condition de disposer des compétences nécessaires, est préférée à la thoracoscopie [50—52]. Une étude récente effectuée en Afrique du Sud montre que la biopsie à l’aiguille d’Abrams guidée par ultrason thoracique est supérieure au trocard « Tru-cut » avec un rendement diagnostique de 81 % [53]. L’évolution naturelle de l’épanchement tuberculeux chez le sujet immunocompétent est la guérison spontanée en l’espace de quelques semaines à quelques mois dans 90 % de cas. Néanmoins, dans les cinq années qui suivent l’atteinte pleurale, 40 à 60 % des patients vont présenter une réactivation ou une progression vers une TB pulmonaire ou extrapulmonaire, d’où l’indication à un traitement classique (HREZ deux mois, puis HR quatre mois) [54].

• L’atteinte pleurale peut être entièrement asymptomatique ou se manifester par une fièvre subaiguë, des douleurs thoraciques et une toux, accompagnées de symptômes généraux. • Les épanchements tuberculeux sont en majorité lymphocytaires, exsudatifs, riches en cholestérol, unilatéraux, modérés, souvent pauci-bacillaires, avec un examen microscopique direct souvent négatif et une culture positive dans seulement un tiers des cas. • L’ADA et l’IFN-␥ sont de bons marqueurs pour le diagnostic des épanchements pleuraux tuberculeux mais les valeurs prédictives positive et négative de ces tests varient beaucoup en fonction de la probabilité pré-test.

J. Mazza-Stalder et al. • La PCR est très spécifique pour le diagnostic d’épanchements tuberculeux mais sa sensibilité est variable. • La méthode diagnostique de choix pour obtenir du matériel en vue d’un examen histologique et microbiologique reste la biopsie à l’aiguille d’Abrams, préférée à la thoracoscopie dans les pays à haute endémie et à condition de disposer des compétences nécessaires. • L’évolution naturelle de l’épanchement tuberculeux chez le sujet immunocompétent est la guérison spontanée en quelques semaines à quelques mois dans 90 % de cas mais 40 à 60 % des patients vont présenter une réactivation ou une progression vers une TB pulmonaire ou extrapulmonaire, d’où l’indication à un traitement classique.

L’empyème tuberculeux Il s’agit d’un processus infectieux actif et chronique de l’espace pleural qui est fortement bacillifère. Rapportée relativement fréquemment dans les pays à haute endémie, il s’agit d’une présentation rare dans les pays industrialisés [55]. L’infection peut être d’évolution insidieuse et peu symptomatique. À la différence de la pleurite tuberculeuse, le liquide pleural de l’empyème est purulent, le plus souvent positif à l’examen microscopique pour recherche de BAAR et très cellulaire (> 100 000 neutrophiles). Le pH est inférieur à 7,20, le glucose inférieur à 20 mg/dL et le taux de LDH est supérieur à 1000 UI/L [56]. La thoracentèse thérapeutique est recommandée afin d’éviter un effet de « couenne » cicatricielle engaînant le poumon. L’« empyema necessitatis » est une complication rare de l’empyème tuberculeux : le matériel caséeux provenant de la plèvre fistulise à la peau. Plus rarement, le contenu caséeux peut se drainer vers l’œsophage, la colonne vertébrale, le tissu cellulaire souscutané paravertébral, le rétropéritoine ou le péricarde. Le scanner thoracique ou la résonance magnétique sont les examens de choix pour le diagnostic de ces complications. Le traitement repose sur le drainage en plus du traitement antituberculeux classique [57].

• L’empyème tuberculeux est une infection chronique de l’espace pleural qui est fortement bacillifère. • Le liquide pleural de l’empyème est purulent, le plus souvent positif à l’examen microscopique pour recherche de BAAR et très cellulaire (> 100 000 neutrophiles/␮l). • Le contenu caséeux peut se drainer vers la peau, l’œsophage, la colonne vertébrale, le tissu cellulaire sous-cutané paravertébral, le rétropéritoine ou le péricarde. • Le scanner ou l’IRM thoracique sont les examens de choix pour le diagnostic, et le traitement repose sur le drainage et le traitement antituberculeux classique.

La tuberculose extrapulmonaire

Les tuberculoses abdominales Elles représentent environ 6 % des tuberculoses extrapulmonaires. Les formes les plus fréquentes sont : la péritonite tuberculeuse, les adénites mésentériques, la tuberculose de la région iléocæcale et la colite granulomateuse.

La péritonite tuberculeuse La péritonite tuberculeuse est l’atteinte abdominale la plus fréquente. Elle résulte soit de la réactivation d’une TB latente suite à la dissémination hématogène d’un foyer pulmonaire, soit de la rupture d’un ganglion mésentérique, soit encore de l’extension d’une infection urogénitale ou intestinale. Le tableau clinique associe des douleurs abdominales diffuses et une ascite lymphocytaire. Il peut faire évoquer la présence d’une masse ovarienne avec ascite carcinomateuse et CA-125 élevé [58]. Il n’est pas rare que le diagnostic soit posé par l’aspect macroscopique typique (nodules ou plaques blanchâtres au niveau du péritoine) lors d’une laparoscopie ou laparotomie exploratrice et confirmé histologiquement après biopsie péritonéale. Le rendement de l’examen microscopique direct (0 à 6 %) et de la culture pour MTB sont décevants et le pronostic dépend de la rapidité de l’instauration d’un traitement efficace, d’où l’importance d’être agressif dans le diagnostic (biopsie péritonéale par laparoscopie) [59]. Les taux sanguins de CA-125 sont en général élevés, bien que souvent inferieurs à 500 UI/ml. Néanmoins, quelques cas avec des taux très élevés de CA125 (> 1000 UI/ml) ont été rapportés. La diminution des taux de CA-125 sous traitement antituberculeux semble être un bon indicateur de la réponse au traitement [60]. Le dosage de l’ADA dans le liquide péritonéal est un test rapide et utile dans le diagnostic chez des patients non cirrhotiques selon une méta-analyse récente avec une sensibilité et spécificité très élevés (100 % et 97 % respectivement à une valeur seuil de 39 UI/L) [61]. Quant à la PCR, peu de données sont disponibles : dans une étude turque portant sur 11 cas, la PCR pour M. tuberculosis dans le liquide péritonéal était positive dans toutes les ascites tuberculeuses avant laparoscopie exploratrice [62]. Néanmoins plus d’études sont nécessaires pour définir la sensibilité et la spécificité de la PCR lors d’ascites tuberculeuses.

La colite granulomateuse Les manifestations cliniques sont aspécifiques : douleurs abdominales, fièvre, perte de poids, anorexie. Les formes pseudo-chirurgicales avec occlusion intestinale sont moins fréquentes. La région cæcale est affectée dans 42 % des cas [63]. L’atteinte du côlon transverse sans implication de la région iléocæcale est possible, mais rare [64]. En général, le diagnostic est posé par l’aspect typique à la colonoscopie, avec présence d’ulcères, de nodules, d’une déformation de la valve iléocæcale ou de polypes inflammatoires. À l’histopathologie, la présence de multiples lésions granulomateuses, caséeuses ou non, doit faire évoquer le diagnostic de TB intestinale. La culture pour MTB est positive dans le tissu intestinal obtenu par colonoscopie dans 6 à 69 % de cas [63]. Les sténoses résiduelles ne sont pas rares et peuvent nécessiter une sanction chirurgicale [65].

571 • Les tuberculoses abdominales représentent environ 6 % des tuberculoses extrapulmonaires. • On distingue plusieurs localisations : péritonite tuberculeuse, adénites mésentériques, tuberculose de la région iléocæcale et colite granulomateuse. • La péritonite tuberculeuse, l’atteinte abdominale la plus fréquente, se manifeste par des douleurs abdominales diffuses et une ascite lymphocytaire. • Son pronostic dépend de la rapidité de l’instauration d’un traitement efficace, d’où l’importance d’être agressif dans le diagnostic (biopsie péritonéale par laparoscopie, dosage plasmatique de CA-125, dosage de l’ADA dans le liquide péritonéal, mais l’intérêt de la PCR reste à évaluer). • Les manifestations cliniques de la colite granulomateuse sont aspécifiques : douleurs abdominales, fièvre, perte de poids, anorexie et le diagnostic est en général posé par l’aspect typique à la colonoscopie, avec présence d’ulcères, de nodules, d’une déformation de la valve iléocæcale ou de polypes inflammatoires. • En anatomie pathologique, on note de multiples lésions coliques granulomateuses, caséeuses ou non.

Tuberculose du système nerveux central La méningite tuberculeuse L’atteinte tuberculeuse du SNC représente environ 1 % des cas de TB mais ses conséquences sont potentiellement dévastatrices avec une mortalité rapportée dans les pays en voie de développement de l’ordre de 44 à 69 % [49]. L’atteinte méningée se présente classiquement avec un tableau clinique associant fièvre, fatigue, baisse de l’état général, myalgies, et céphalées quelques semaines avant l’apparition d’une irritation méningée. La rigidité de nuque est décrite dans 25 % des cas, avec des signes méningés dans une proportion plus élevée de patients. Parfois, on constate une altération de l’état de conscience avec des symptômes déficitaires focaux et/ou une atteinte des nerfs crâniens. La présence d’une hémiplégie ou d’une tétraplégie, conséquence d’infarctus cérébraux, témoigne d’une atteinte cérébrale avancée. La ponction avec analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) révèle la présence d’une pléocytose avec une lymphocytose à plus de 60 %. Les protéines sont élevées (de l’ordre de 100 mg/dl) avec une hypoglycorrachie (glucose souvent inférieur à 50 % du taux plasmatique). Le diagnostic de certitude est posé sur la base de la présence de bacilles tuberculeux dans le LCR soit à l’examen direct (5 à 20 % des cas) soit à la culture (40 % des cas) [49,66]. Une étude récente rapporte une nette amélioration du rendement diagnostique de la microscopie en prélevant au moins 6 mL de LCR et en augmentant le temps consacré à l’analyse des lames (au moins 30 minutes) [67]. La PCR pour MTB dans le LCR est très utile pour un diagnostic rapide en attendant la culture, mais sa sensibilité n’est que de l’ordre de 56—70 %, avec une spécificité rapportée de 87 à 98 % [66].

572 Au vu de cette faible sensibilité, la négativité de la PCR ne doit pas être utilisée pour exclure le diagnostic de méningite tuberculeuse [49,68]. L’imagerie cérébrale par scanner ou IRM révèle classiquement un épaississement et un rehaussement des méninges surtout dans les régions basales, avec parfois un élargissement de ventricules. La plupart des médicaments antituberculeux traversent la barrière hémato-encéphalique surtout en présence d’une inflammation méningée. L’isoniazide, la rifampicine, la pyrazinamide et la cyclosérine traversent la barrière hémato-encéphalique même en l’absence d’inflammation méningée, tandis que l’éthambutol et la streptomycine (S) le font seulement en présence d’une inflammation méningée. Le schéma de traitement proposé par l’OMS [1] est une quadrithérapie (HRZS) pendant deux mois, suivie d’une bithérapie (HR) pendant sept à dix mois (durée totale de neuf à dix mois) ; la streptomycine — lorsqu’elle est disponible (ou l’amikacine, bien que cela ne soit pas spécifié), devraient — selon l’OMS — remplacer l’ethambutol pendant la phase initiale du traitement. Les recommandations ATS/CDC/ISDA 2003 ne proposent le recours à un aminoglycoside ou à une fluoroquinolone parentérale qu’en cas d’altération de l’état de conscience (HRZE deux mois puis HR sept à dix mois). À moins d’une forte suspicion de résistance aux tuberculostatiques [1], l’adjonction de dexaméthasone intraveineuse (0,4 mg/kg pour la semaine 1 ; 0,3 mg/kg pour la semaine 2 ; 0,2 mg/kg pour la semaine 3 et 0,1 mg/kg pour la semaine 4) suivie d’un traitement per os de 4 mg/j avec des doses dégressives de 1 mg par semaine améliore la survie chez des patients âgés de plus de 14 ans qui souffrent d’une méningite tuberculeuse [69]. Cependant dans cette étude, contrairement à d’autres travaux avec une plus petite casuistique [70], il n’a pas été démontré de bénéfice des stéroïdes quant à l’importance des séquelles neurologiques chez les survivants.

Les tuberculomes intracrâniens Les tuberculomes sont des masses granulomateuses avasculaires avec un centre nécrotique (caséum) qui mesurent le plus souvent entre 2 et 8 cm, entourées de tissu cérébral normal avec un œdème périlésionnel. Les patients peuvent se présenter avec de la fièvre, des céphalées, des vomissements, des déficits neurologiques focaux et un œdème papillaire. L’expression clinique peut cependant rester très discrète. Le scanner cérébral permet de mettre en évidence un signe évocateur, mais dont la spécificité a été remise en question : le « Target sign » : lésion sphérique avec un nid central, le tuberculome, et un anneau périphérique qui correspond à l’œdème périlésionnel qui rehausse après l’administration du contraste [71]. L’IRM est aussi utile dans le diagnostic, après injection de contraste, et révèle le rehaussement de l’anneau périphérique. La biopsie stéréotaxique permet d’établir le diagnostic définitif et d’obtenir du matériel pour l’analyse histo-pathologique et microbiologique. Les tuberculomes intracraniaux peuvent produire un effet de masse et nécessiter une intervention chirurgicale. Ils peuvent se développer sous un traitement bien conduit même en l’absence de résistance aux tuberculostatiques. Leur survenue fait partie des réactions paradoxales évoquées dans le chapitre

J. Mazza-Stalder et al. consacré aux adénites tuberculeuses [26,29,28]. De fait, les tuberculomes sont une des manifestations les plus fréquentes des réactions paradoxales au traitement chez le sujet immunocompétent, avec les atteintes ganglionnaires et pleurales [29,72]. Il faut avoir un index de suspicion élevé quant à la présence de tuberculomes lors d’immunosuppression (VIH), et lors d’atteinte multisystémique et/ou miliaire. Parmi le diagnostic différentiel, il faut évoquer d’autres infections (toxoplasmose) [73] ; une neurocysticercose [74], ou une néoplasie (lymphome, métastases) [75]. • L’atteinte tuberculeuse du SNC représente environ 1 % des cas de TB mais ses conséquences sont potentiellement dévastatrices. • L’atteinte méningée se manifeste par un syndrome méningé avec parfois altération de l’état de conscience, symptômes déficitaires focaux et/ou atteinte des nerfs crâniens. • La ponction lombaire montre une pléocytose avec lymphocytose à plus de 60 %, une hyperprotéinorrachie et une hypoglycorrachie. • Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de bacilles tuberculeux dans le LCR (examen direct et culture). • La PCR est peu sensible. • Le schéma de traitement proposé par l’OMS est une quadrithérapie (HRZS) pendant deux mois, suivie d’une bithérapie (HR) pendant sept à dix mois, en remplac ¸ant l’éthambutol par la streptomycine à la phase initiale du traitement. • Les recommandations ATS/CDC/ISDA 2003 ne proposent le recours à un aminoglycoside ou à une fluoroquinolone parentérale qu’en cas d’altération de l’état de conscience (HRZE deux mois puis HR sept à dix mois). • Sauf si on suspecte une résistance bacillaire, l’adjonction de dexaméthasone intraveineuse améliore la survie chez des patients âgés de plus de 14 ans mais la corticothérapie ne modifie pas le risque de séquelles neurologiques. • Les tuberculomes intracrâniens se manifestent par de la fièvre, des céphalées, des vomissements, des déficits neurologiques focaux et un œdème papillaire. • Le scanner et l’IRM sont utiles au diagnostic, et la biopsie stéréotaxique permet d’établir le diagnostic définitif. • Les tuberculomes sont une des manifestations les plus fréquentes des réactions paradoxales au traitement chez le sujet immunocompétent, avec les atteintes ganglionnaires et pleurales.

Tuberculose ostéoarticulaire Elles représentent environ 30 % des tuberculoses extrapulmonaires.

La tuberculose extrapulmonaire

Tuberculose de la colonne vertébrale (Mal de Pott) Décrite par l’orthopédiste londonien Sir Percival Pott en 1780, la spondylodiscite tuberculeuse ou Mal de Pott, est l’atteinte ostéoarticulaire tuberculeuse la plus fréquente dans les pays en voie de développement. L’atteinte vertébrale est le plus souvent d’origine hématogène, plus rarement par inoculation directe. L’infection touche d’abord l’os spongieux, hautement vascularisé, puis s’étend vers le disque intervertébral, et la vertèbre adjacente. Les symptômes initiaux associent la présence de douleur(s) rachidienne(s) localisée(s) et reproductible(s) à la palpation, accompagnées de symptômes généraux (fièvre, asthénie, perte de poids et sueurs nocturnes). Les atteintes multiétagées sont fréquentes [76] et doivent être recherchées systématiquement (par IRM). Les localisations les plus fréquentes sont thoracique basse et lombaire haute. Dans une étude récente effectuée en Turquie [77] portant sur plus de 690 cas de tuberculose vertébrale, les localisations étaient, par ordre de fréquence, thoracique (56 %), lombaire (23 %), thoracolombaire (17 %) et cervicale (4 %). Les méthodes diagnostiques de choix sont l’imagerie de la colonne vertébrale par scanner ou IRM. La ponction biopsie sous contrôle CT permet d’obtenir la preuve bactériologique. Les abcès froids sont fréquents (ca. 50 %) et doivent être recherchés systématiquement [76]. Ils peuvent se développer sous un traitement bien conduit, et progresser vers l’espace épidural (entraînant des symptômes neurologiques), l’espace pleural, la musculature périvertébrale, le psoas, le tissu sous-cutané, voire fistuliser postérieurement à la peau. Le drainage des collections sous scanner est recommandé avec pose éventuelle d’un pigtail (Fig. 2). Les atteintes neurologiques sont aussi fréquentes (paraou tétra- parésie ou paralysie). Elles résultent soit d’une compression médullaire ou radiculaire, soit d’un processus inflammatoire (arachnoïdite et myélite, avec lésions de type vasculitique). Dans la série de Turgut et al. [77], 69 % des patients présentaient un déficit neurologique. La contribution des stéroïdes reste débattue. Comme pour les abcès froids, les déficits neurologiques peuvent apparaître sous traitement et ces cas doivent faire l’objet d’une surveillance neurologique clinique régulière. Le traitement médical proposé actuellement par l’OMS [1] est une quadrithérapie classique de deux mois (HRZE) suivi d’une bithérapie (HR) pendant quatre mois, même si les avis d’experts de l’American Thoracic Society, des Centers for Disease Control et de l’Infectious Diseases Society of America proposent de poursuivre la bithérapie (HR) sept mois [78]. Le traitement chirurgical est seulement indiqué en cas de compression médullaire avérée. • La spondylodiscite tuberculeuse ou Mal de Pott, est l’atteinte ostéoarticulaire tuberculeuse la plus fréquente dans les pays en voie de développement. • Les symptômes initiaux sont les douleurs rachidiennes localisées et reproductibles à la palpation, accompagnées de symptômes généraux (fièvre, asthénie, perte de poids et sueurs nocturnes).

573 • Les atteintes multi-étagées sont fréquentes et doivent être recherchées systématiquement par scanner ou IRM. • Les abcès froids (susceptibles de diffuser) et les atteintes neurologiques (para- ou tétra-parésie ou paralysie) sont fréquents. • Le drainage des collections sous scanner est recommandé avec pose éventuelle d’un pigtail. • Le traitement médical proposé actuellement par l’OMS est une quadrithérapie classique de deux mois (HRZE) suivi d’une bithérapie (HR) pendant quatre mois (sept mois pour l’American Thoracic Society, les Centers for Disease Control et l’Infectious Diseases Society of America).

La péricardite tuberculeuse La présentation clinique associe un syndrome fébrile insidieux à des signes de péricardite ou de tamponnade cardiaque. Il n’est pas rare que les patients présentent un épanchement pleural tuberculeux concomitant. Le diagnostic de péricardite tuberculeuse est difficile à poser : l’examen direct est rarement positif dans le liquide péricardique, car il s’agit en général d’un liquide à prédominance lymphocytaire pauci-bacillaire, et l’histopathologie peut s’avérer non conclusive. L’ADA est élevée avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 68 % à une valeur seuil à 30 U/L [79,80] et de respectivement 87 % et 89 % à une valeur seuil de 40 U/L[81]. L’IFN-␥ est aussi contributif au diagnostic, avec une sensibilité et une spécificité très élevées à une valeur seuil à 200 pg/L [80]. La PCR dans le liquide péricardique offre l’avantage d’un diagnostic rapide avec une sensibilité de l’ordre de 81 % et une spécificité de l’ordre de 75 % [82]. Le scanner thoracique peut montrer un péricarde irrégulier, épaissi avec des adénopathies médiastinales. L’échographie transthoracique met typiquement en évidence un épanchement péricardique avec une tendance à la formation de franges fibrineuses perpendiculaires au péricarde. Le diagnostic de péricardite tuberculeuse est certain si on isole le bacille de Koch dans le liquide ou la biopsie péricardique. Il ne faut pas hésiter à débuter une quadrithérapie antituberculeuse si le contexte clinique suggère fortement ce diagnostic, car tout délai dans l’initiation du traitement peut avoir un impact important sur la mortalité. Le traitement de la péricardite tuberculeuse repose sur une quadrithérapie antituberculeuse classique. Des péricardiocenthèses répétés sont fréquemment nécessaires pour le traitement de la péricardite constrictive et il est préférable de procéder à une péricardiectomie. Une étude randomisée contrôlée effectuée dans la région du Transkei en Afrique du Sud a montré qu’une corticothérapie orale (prednisolone) semble réduire la mortalité secondaire à la péricardite tuberculeuse (HR : 0,64, 95 %CI : 0,41—0,99 ; p = 004) [83]. Néanmoins plus d’études à large échelle sont nécessaires avant de recommander une corticothérapie systématique [84]. Notons encore la possibilité d’une myocardite concomitante.

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Figure 2. A. Abcès froids paravertébraux bilatéraux chez un patient de 28 ans traité pendant 12 mois pour une spondylodiscite tuberculose. B. Drainage par pigtail de l’abcès froid à droite.

• La péricardite tuberculeuse se manifeste par un syndrome fébrile insidieux et des signes de péricardite ou de tamponnade cardiaque. • L’examen direct du liquide péricardique est rarement positif. • Le diagnostic repose sur l’examen du liquide péricardique (à prédominance lymphocytaire paucibacillaire, avec anatomie pathologique souvent non conclusive), l’ADA (sensible et spécifique), l’IFN-␥ (très sensible et spécifique), la PCR dans le liquide péricardique (qui offre l’avantage d’un diagnostic rapide) et sur l’imagerie (scanner et échographie). • Le diagnostic de certitude est la mise en évidence du bacille dans le liquide ou la biopsie péricardique. • Dès la suspicion du diagnostic, il faut débuter rapidement une quadrithérapie antituberculeuse classique.

destruction du parenchyme rénal et extension au système collecteur. L’imagerie montre des irrégularités du calice rénal avec un aspect typique (papillon). L’extension aux uretères produit initialement des ulcérations avec irrégularités de la muqueuse, puis finit par induire une fibrose urétérale. L’atteinte urétérale—de même que l’atteinte ganglionnaire autour de la jonction urétéro-vésicale - peuvent induire une hydronéphrose, même sous traitement, qu’il convient de rechercher systématiquement par échographie lors du diagnostic, et après deux mois de traitement. C’est seulement avec l’atteinte de la vessie que le malade devient symptomatique avec pollakiurie et douleurs mictionnelles et/ou hématurie. La présence d’une pyurie stérile est caractéristique. L’examen bactériologique des urines (microscopie, culture), permet de poser le diagnostic avec une sensibilité rapportée entre 37 à 79 %. La PCR permet de poser le diagnostic en 24 à 48 heures avec une sensibilité de 75 à 94 % [85]. Des formes de cystite sévères entraînant un effondrement du volume de la vessie nécessitent parfois une reconstruction.

Tuberculose urogénitale Elle représente environs 5,3 % des TBE. Chez l’homme, elle peut atteindre les deux reins, les uretères, la vessie, la prostate, les canaux déférents, l’épididyme et les testicules. Chez la femme, l’atteinte la plus fréquente est la salpingite.

Reins, uretères et vessie Le BK atteint les reins par voie hématogène, le plus souvent à partir d’un foyer pulmonaire. Les bacilles se logent au niveau de la jonction cortico-médullaire et forment des granulomes, qui peuvent rester stables pendant des nombreuses années et se réactiver par la suite et occasionner une papillite. Au stade initial le malade est asymptomatique. Avec la progression de la maladie, il peut se produire une nécrose papillaire avec formation de cavités,

Tuberculose génitale féminine et infertilité Chez 94 % de femmes souffrant d’une TB génitale, les trompes de Fallope sont atteintes, et ce presque toujours bilatéralement. La voie de dissémination est hématogène. La présentation clinique est souvent asymptomatique et découverte lors d’investigations gynécologiques liées à une infertilité. La salpingite tuberculeuse entraîne une stérilité chez 44 à 73 % des femmes affectées [85]. L’hystérosalpingographie peut révéler des trompes et ovaires calcifiées ainsi que des irrégularités de la cavité utérine (Fig. 3). Dans une étude effectuée en Inde portant sur 576 hystérosalpingographies (HSG) effectuées lors d’investigations pour infertilité, 37 cas de TB génitale féminine (6,3 %) ont été identifiés. Trente de ces 37 cas présentaient une obstruction tubaire (81 %), 17 cas, une

La tuberculose extrapulmonaire

575 séquelles cicatricielles tubaires et endométriales, une diminution de la fonction ovarienne contribue aussi à l’infertilité dans ce groupe de patientes [88]. • La tuberculose urogénitale, chez l’homme, peut atteindre les deux reins, les uretères, la vessie, la prostate, les canaux déférents, l’épididyme et les testicules ; chez la femme, l’atteinte la plus fréquente est la salpingite. • Le tableau est souvent asymptomatique jusqu’à ce que la maladie s’étende à la vessie (pollakiurie et douleurs mictionnelles et/ou hématurie, et pyurie stérile caractéristique) • Le diagnostic repose sur l’examen bactériologique des urines et la PCR. • Chez la femme souffrant d’une TB génitale, les trompes de Fallope sont très fréquemment atteintes, et pratiquement toujours bilatéralement, avec survenue fréquente d’une stérilité. • Le diagnostic repose sur l’hystérosalpingographie et la biopsie de l’endomètre mais la sensibilité de l’examen direct et de la culture ne sont pas très élevées.

Tuberculoses disséminées

Figure 3. A. Tuberculose péritonéale chez une patiente d’origine somalienne de 37 ans. Les lésions blanchâtres sur le péritoine correspondant à des lésions granulomateuses diffuses. B. Obstruction tubaire bilatérale chez la même patiente. L’hystérosalpingographie révèle une absence de passage du produit de contraste à travers les trompes, et le passage du contraste dans les réseaux lymphatiques adjacents.

dilatation tubaire (46 %), et 11 patientes (30 %) présentaient des adhérences pelviennes. Neuf patientes (24 %) avaient des trompes rigides dites « en tuyau de pipe » [86]. Néanmoins ces trouvailles radiologiques typiques ne sont pas suffisantes pour poser le diagnostic. La biopsie de l’endomètre peut apporter le diagnostic mais la sensibilité de la culture (40 %) et de l’examen direct (60 %) à la recherche des mycobactéries ne sont pas très élevées [87]. La PCR pour MTB effectuée dans le liquide ou le tissu endométrial peuvent être ici très utiles. La présence de granulomes nécrosants dans le tissu endométrial suggère fortement le diagnostic de tuberculeuse dans un contexte clinique évocateur même en l’absence de confirmation bacteriologique. La probabilité de grossesse chez une femme ayant des séquelles d’une salpingite et/ou endométrite tuberculeuse est faible malgré un traitement antituberculeux et une fécondation in vitro. Il semble qu’en plus des

Il y a de plus en plus d’évidence qu’il existe une relation entre l’expression phénotypique de la tuberculose et le système immunitaire de l’hôte. Ainsi, le Toll like receptor 2 (TLR2) permet la reconnaissance de M. tuberculosis et déclenche l’immunité innée en réponse à l’infection mycobactérienne. Des auteurs vietnamiens ont récemment montré une association entre la présence d’une mutation de ce récepteur (TLR2 snp 597 C) et la survenue d’une tuberculose disséminée avec atteinte méningée (TBM) par opposition à des individus n’ayant pas cette mutation et qui n’avaient qu’une atteinte pulmonaire localisée (récepteur mutant vs sujets témoins, OR = 3,26, 95 % CI : 1,81—18). L’association était encore plus importante quand la radiographie du thorax montrait une image de miliaire (témoin vs TB miliaire avec TBM, OR 5,28, 95 % IC 2,20—12,65) [89]. D’autres mutations qui prédisposent à la réactivation des tuberculoses ont été rapportées. Ces gènes sont bien décrits en tant qu’éléments clés dans l’amplification de l’immunité cellulaire : la chémokine « macrophage chemotactic protein 1 » MCP1 ; les récepteurs pour le interféron gamma, l’interleukine 12 et d’autres encore [68].

Conclusion Les tuberculoses extrapulmonaires sont fréquentes, en particulier chez les sujets de race noire, les femmes et les patients immunosupprimés. Elles se présentent le plus souvent sous forme d’adénopathies, d’épanchements pleuraux, d’atteintes ostéoarticulaires. De manière générale, les TBE sont de diagnostic plus difficile que les atteintes des voies respiratoires, car moins bacillaires que les atteintes pulmonaires : l’examen microscopique direct, quel que soit le

576 type de prélèvement, est plus rarement positif. Ainsi, le diagnostic des atteintes digestives, urologiques ou méningées repose avant tout sur un index de suspicion clinique élevé. Les techniques de biologie moléculaire (amplification génétique) sont d’un apport précieux notamment pour accélérer le diagnostic, mais leur sensibilité reste la plupart du temps insuffisante pour exclure une TBE. Les traitements conservateurs sont le plus souvent indiqués, bien que le drainage dirigé et parfois répété d’abcès (adénites, abcès froids) soit nécessaire. Des stéroïdes sont indiqués dans les formes méningées et probablement dans les épanchements péricardiques. POINTS ESSENTIELS • La plupart des TB actives touchent le système respiratoire, mais plusieurs études rapportent une augmentation récente de l’incidence des TB extrapulmonaires. • L’incidence de la TBE dépend non seulement de la région géographique et de l’ethnie, mais aussi de la souche de Mycobacterium tuberculosis. • Les localisations extrapulmonaires sont multiples : pleurales, abdominales, du système nerveux central, ostéoarticulaires, cardiaques, urogénitales. • Les TBE sont de diagnostic plus difficile que les atteintes des voies respiratoires, car moins bacillaires. • Le diagnostic des atteintes digestives, urologiques ou méningées repose avant tout sur un index de suspicion clinique élevé, et les techniques de biologie moléculaire sont un appoint utile.

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Déclaration d’intérêts

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. [19]

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