Journal of Neuroradiology (2011) 38, 223—231
ARTICLE ORIGINAL
L’hémosidérose superficielle du névraxe, une entité probablement sous-estimée Superficial siderosis, an underestimated entity S. Arion a,∗, P. Krolak-Salmon b,c, F. Cotton a,d a
Service de radiologie, centre hospitalier Lyon Sud, hospices civils de Lyon, 69495 Pierre Bénite cedex, France Université de Lyon, université Lyon 1, hôpital des Charpennes, 27, rue Gabriel-Péri, 69100 Villeurbanne, France c Inserm U1028, CNRS UMR 5292, centre des neurosciences de Lyon, 69675 Bron cedex, France d Université de Lyon, université Lyon 1, Creatis INSA—502, 69621 Villeurbanne cedex, France b
Disponible sur Internet le 2 juillet 2011
KEYWORDS Superficial siderosis; Sensorineural hearing loss; Ataxia; Pyramidal syndrome; Amyloid angiopathy
∗
Summary Objective. — To review the clinical and MRI aspects in a series of cases with superficial siderosis of the central nervous system. Methods. — We retrospectively reviewed the patients with imaging evidence of superficial siderosis, investigated in two radiological centers between January 2006 and January 2010. The patients with aneurysms or arterio-venous malformations were excluded from this study. Results. — Cortical hemosiderin deposits were present in 25 (0.2%) of the 5904 MRIs with a T2weighted gradient echo sequence. The classic association bilateral hypoacousia, ataxia and pyramidal signs were rarely found (two cases - 8%). Seven patients (28%) had a bilateral hearing impairment, seven (28%) a cerebellar syndrome and two (8%) a pyramidal syndrome. Sixteen patients (64%) had only supratentorial hemosiderin deposits. A cause of subarachnoid bleeding was identified in 76% of cases: amyloid angiopathy (40%), trauma (16%), cranio-spinal surgery (8%), cavernomas (8%) and brain tumors (4%). Conclusion. — Superficial siderosis seems to be more frequent than previously thought. The classic clinical triad is rare, although the asymptomatic cases are frequent. A source of subarachnoid bleeding is generally found. Amyloid angiopathy is a frequent etiology of superficial siderosis in elderly patients. In the absence of other causes of subarachnoid bleeding, superficial siderosis may become a magnetic resonance marker for amyloid angiopathy. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Auteur correspondant. Adresse e-mail : s
[email protected] (S. Arion).
0150-9861/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurad.2011.05.003
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Introduction L’hémosidérose superficielle du névraxe correspond à une accumulation d’hémosidérine à la surface du système nerveux central, en relation avec des épisodes d’hémorragie sous-arachnoïdienne, souvent passés inaperc ¸us [1,2]. La synthèse de l’hémosidérine dans les cellules gliales du système nerveux central a initialement un but protecteur contre l’effet neurotoxique du fer, mais son accumulation excessive entraîne des lésions nerveuses (démyélinisation, perte axonale et gliose) [2]. Les dépôts peuvent intéresser tout étage du névraxe (encéphale, moelle, segment des nerfs crâniens avec myéline de type central), mais certaines régions sont particulièrement vulnérables (le cervelet, la VIIIe paire crânienne, la moelle épinière) [1—3]. Cela explique la triade symptomatique typique associant une surdité de perception bilatérale, un syndrome cérébelleux et des signes pyramidaux [1]. L’IRM a une place centrale dans le diagnostic de l’hémosidérose, en objectivant les dépôts sur la séquence écho de gradient pondérée T2 (T2 EG) sous la forme d’un liseré hypo-intense à la surface du névraxe. Depuis l’utilisation systématique de cette séquence dans beaucoup de situations (par exemple, en cas de troubles cognitifs, d’épilepsie ou d’accident vasculaire cérébral), la présentation clinique et en imagerie de l’hémosidérose s’avère différente par rapport aux données initiales de la littérature. Ainsi, l’hémosidérose superficielle du névraxe a longtemps été considérée une pathologie exceptionnelle [1,4]. Même si les cas symptomatiques sont très rares, la prévalence des dépôts d’hémosidérine asymptomatiques semble importante : Vernooij et al. [5] retrouvent une hémosidérose en IRM chez 0,7 % des sujets asymptomatiques de plus de 60 ans. L’atteinte de la fosse cérébrale postérieure était considérée présente dans la majorité des cas [1]. Les formes avec une atteinte uniquement sus-tentorielle ont probablement été sous-évaluées, notamment pour l’hémosidérose secondaire à une angiopathie amyloïde, comme le suggèrent deux articles récents [5,6]. Les études expérimentales chez l’animal indiquaient enfin que l’hémosidérose ne survient qu’après des épisodes répétés d’hémorragie sous -arachnoïdienne [2]. Un épisode unique de saignement semble parfois suffisant : Bendel et al. [7] retrouvent une hémosidérose en IRM (1,5 T) chez 40 % des patients avec une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrysmale. Les cas secondaires à une rupture anévrysmale ou de malformation artérioveineuse représentent néanmoins une situation clinique particulière, l’hémosidérose étant le plus souvent une découverte fortuite fac ¸on fortuite sur les examens de suivi après l’épisode aigu. L’objectif de cet article était d’étudier l’aspect clinique et en imagerie d’une série de cas d’hémosidérose superficielle du névraxe (en excluant le cas particulier des anévrysmes et des malformations artérioveineuses).
Patients et méthodes Population Il s’agit d’une analyse rétrospective des dossiers clinicoradiologiques des patients avec des dépôts d’hémosidérine à
S. Arion et al. la surface du névraxe en IRM investigués dans deux centres radiologiques de Lyon entre janvier 2006 et janvier 2010. Les patients ont été sélectionnés par recherche informatisée à partir des comptes rendus d’examen en utilisant la base de données SIRILOG (Medasys SA, Gif-sur-Yvette, France). Les cas liés à une rupture anévrysmale ou de malformation artérioveineuse étaient exclus. Les données cliniques (âge, antécédents, motif de présentation, examen neurologique, bilan neuropsychologique pour les patients avec des troubles cognitifs) ont été recueillies à partir du dossier informatisé des patients.
Imagerie Les IRM cérébrales ont été réalisées sur un imageur 1,5 T (Phillips Intera et Siemens Magnetom Avanto). Seulement trois patients ont eu une IRM médullaire. Deux patients ont bénéficié d’une artériographie cérébrale (hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Bron). Les protocoles d’examen des deux centres incluaient une séquence T2 EG pour toute exploration de troubles cognitifs, d’épilepsie, d’accident vasculaire cérébral, de surdité. Les dépôts d’hémosidérine étaient retenus en présence d’un liseré hypo-intense périphérique sur la séquence T2 EG, sans anomalie correspondante en FLAIR, T1 ou diffusion. Pour les dépôts corticaux, un double liséré hypo-intense séparé par le signal liquidien normal des espaces sousarachnoïdiens était requis pour exclure les hémorragies sous-arachnoïdiennes (Fig. 1). Nous n’avons volontairement pas retenu les dépôts linéaires visibles sur un seul gyrus, parfois difficiles à différencier d’une hémorragie sousarachnoïdienne, mais uniquement les dépôts intéressant au moins deux gyrus adjacents. Pour chaque patient, nous avons analysé la répartition des dépôts d’hémosidérine, la présence d’une corrélation radio-clinique et l’étiologie de l’hémosidérose. Pour les patients avec des troubles cognitifs, nous avons également évalué de fac ¸on qualitative la taille des hippocampes (échelle de Sheltens) [8], la présence de critères de démence vasculaire en imagerie (selon les critères opérationnels de NINDS-AIREN) [9] et de signes d’angiopathie amyloïde (critères de Boston) [10].
Résultats Sur 13 029 examens IRM dans la période étudiée dont 5904 avec une séquence T2 EG, 25 patients présentaient des dépôts d’hémosidérine à la surface du névraxe (17 hommes et huit femmes avec un âge compris entre 50 et 83 ans, âge moyen de 73 ans).
Manifestations cliniques Sept patients présentaient des manifestations cliniques considérées en rapport avec l’hémosidérose en raison du siège des dépôts et de l’absence d’explication alternative clinique ou en imagerie : un syndrome cérébelleux (sept cas - 28 %), une hypoacousie bilatérale (sept cas - 28 %), un
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Figure 1 Hémosidérose découverte lors d’un épisode d’hémorragie sous-arachnoïdienne chez un patient de 76 ans avec une angiopathie amyloïde possible. Scanner sans injection (A), montrant une hémorragie sous-arachnoïdienne. IRM séquence T2 FLAIR axiale (B) montrant l’hémorragie sous-arachnoïdienne en hypersignal (tête de flèche). Séquence écho de gradient pondérée T2 axiale (C) : asignal du sillon central en rapport avec l’hémorragie sous-arachnoïdienne (tête de flèche) et liséré cortical en asignal en rapport avec une hémosidérose (flèche).
syndrome pyramidal bilatéral (deux cas - 8 %) et un syndrome vestibulaire (deux cas - 8 %). Pour les autres 18 patients, les anomalies cliniques ayant motivées la réalisation de l’IRM étaient : un accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique sur angiopathie amyloïde (n = 2) ; infarctus cérébral (n = 2) ; convulsions liées à un épisode d’hémorragie sous-arachnoïdienne (n = 1) et des troubles cognitifs (n = 14). Seulement deux patients (8 %) avaient le tableau clinique classique associant une surdité, une ataxie cérébelleuse et un syndrome pyramidal bilatéral. Des épisodes d’hémorragie sous-arachnoïdienne symptomatique étaient présents dans uniquement un cas. Dix des 14 patients avec des troubles cognitifs avaient une autre maladie neurodégénérative pouvant expliquer le
déficit clinique (angiopathie amyloïde - deux cas, maladie d’Alzheimer - trois cas, démence mixte - un cas, maladie à corps de Lewy - un cas, démence vasculaire - trois cas). Pour les quatre autres patients, l’hémosidérose superficielle était la seule anomalie visible en IRM. Ces quatre patients avaient un syndrome dysexécutif marqué, corrélé à la présence de dépôts d’hémosidérine frontaux bilatéraux.
Étiologies Une cause d’hémorragie sous-arachnoïdienne a été retrouvée à partir des données cliniques et d’imagerie dans 19 cas sur 25 (76 %) :
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Figure 2 Un cas d’atteinte sus-tentorielle isolée chez une patiente de 83 ans avec une angiopathie amyloïde possible adressée pour bilan de troubles cognitifs. Séquence écho de gradient pondérée T2 axiale (A) : dépôts d’hémosidérine frontaux bilatéraux ; séquelle d’hématome frontal gauche (B) ; pas d’atteinte sous-tentorielle (C).
• angiopathie amyloïde (Fig. 2) : dix patients (40 %). Quatre patients avaient une angiopathie amyloïde probable et deux une angiopathie amyloïde possible selon les critères de Boston. Quatre patients ne remplissaient pas les critères de Boston (absence d’hématome lobaire), mais présentaient de multiples microsaignements cortico-souscorticaux, avec respect des noyaux gris centraux et du tronc cérébral. Compte tenu de l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire et de l’âge de ces patients (compris entre 70 et 81 ans, avec une moyenne de 77 ans), le tableau radiologique était considéré évocateur d’une angiopathie amyloïde ; • antécédents de traumatisme crânien : quatre patients (16 %) (40, deux et respectivement deux ans avant l’apparition des symptômes cliniques ; le quatrième patient avait présenté de multiples chutes avec traumatismes crâniens dans un contexte d’éthylisme chronique Fig. 3) ; • cavernomes : deux patients (8 %) ;
• antécédents de chirurgie crânienne : deux patients (8 %) (un patient opéré d’un kyste bénin mal étiqueté de la fosse cérébrale postérieure 25 ans avant l’apparition des symptômes (Fig. 4) et un patient avec chirurgie d’un cavernome paraventriculaire un an avant l’apparition des manifestations cliniques) ; • métastases cérébrales hémorragiques d’un carcinome bronchique : un cas (4 %).
Aspect en imagerie Huit des 25 patients présentaient à la fois des dépôts suset sous-tentoriels (32 %), 16 patients uniquement des dépôts sus-tentoriels (64 %) (Fig. 2, 3 et 5), un patient uniquement une atteinte sous-tentorielle (4 %). Trois des 16 patients avec une atteinte uniquement sus-tentorielle présentaient une atteinte focale, définie comme limitée à un lobe cérébral.
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Figure 3 Atteinte sus-tentorielle isolée chez un patient de 83 ans aux antécédents de traumatisme crânien présentant un syndrome frontal. Séquence écho de gradient pondérée T2 axiale montrant des dépôts d’hémosidérine frontaux bilatéraux (A, B).
La distribution des dépôts chez les patients avec une atteinte sus-tentorielle est détaillée dans le Tableau 1. Cette atteinte sus-tentorielle isolée était plus fréquente dans le sous-groupe de patients avec une angiopathie amyloïde dans notre série (70 % contre 58 % pour les autres étiologies confondues), mais cette différence n’était pas significative (test de Fisher : p = 0,7). Au niveau de la fosse cérébrale postérieure, les dépôts intéressaient le cervelet dans tous les cas avec une atteinte sous-tentorielle (neuf cas), notamment le vermis supérieur et la partie supérieure des hémisphères cérébelleux (neuf cas). L’atteinte du tronc cérébral était présente dans cinq cas.
Tableau 1 —Distribution d’hémosidérine. Localisation des dépôts
Nombre de cas (%)
des
dépôts
sus-tentoriels
Détails
Frontal
20 (80 %)
Orbito-frontal - 10 Pré-frontal - 11 Frontal mésial - 14 Dorso-lateral - 19 Bilateral - 16 Hémisphère dominant - 20
Temporal
17 (68 %)
Temporo-basal - 5 Temporo-polaire - 6 Convexité temporale - 13 Temporal interne - 3 Bilatéral - 7 Hémisphère dominant - 9
Pariétal
15 (60 %)
Bilatéral - 9 Hémisphère dominant - 15
Occipital
8 (32 %)
Bilatéral - 2
Insula
4 (16 %)
Bilatéral - 4
Six des neuf patients avec des dépôts cérébelleux avaient une atrophie cérébelleuse (évaluation qualitative) (Fig. 4E), tous ces patients présentaient un syndrome cérébelleux. Les trois patients avec des dépôts cérébelleux, mais sans atrophie ne présentaient pas de syndrome cérébelleux. Des dépôts d’hémosidérine à la surface des VIIIe paires crâniennes n’étaient visibles sur la séquence T2 EG que chez trois des sept patients avec une hypoacousie (Fig. 6) et chez un des deux patients avec un syndrome vestibulaire. Un des deux patients avec des antécédents de chirurgie crânienne présentait une brèche durale avec un pseudoméningocèle occipital (Fig. 7B). Les patients aux antécédents de traumatisme crânien ne présentaient pas de collection péri-encéphalique. L’IRM médullaire n’avait pas été réalisée chez ces patients, mais il n’y avait pas de signes cliniques d’arrachement radiculaire. Seulement trois patients ont eu une IRM médullaire. Un de ces patients avec des signes cliniques de myélopathie avait des dépôts circonférentiels sur l’ensemble du cordon médullaire (Fig. 7). Les deux autres n’avaient pas de dépôts d’hémosidérine médullaire. Les deux patients avec des troubles sphinctériens n’avaient pas eu d’exploration médullaire. Dans deux cas, l’artériographie cérébrale réalisée pour rechercher une étiologie de saignement chronique (anamnèse et bilan IRM négatifs) était normale.
Suivi Neuf patients ont eu un suivi en imagerie, mais la durée de surveillance était courte (entre trois et 34 mois, avec une moyenne de huit mois). Deux patients ont présenté une aggravation clinique et une majoration des dépôts d’hémosidérine sur l’IRM (un cas d’angiopathie amyloïde et le patient avec des métastases hémorragiques). Sept patients ne présentaient pas d’évolution clinique ou en imagerie malgré la persistance de la cause de saignement chronique (trois cas idiopathiques, trois cas d’angiopathie amyloïde et un patient avec des antécédents de chirurgie crânienne).
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Figure 4 Patient de 73 ans aux antécédents de chirurgie de la fosse cérébrale postérieure, avec des troubles de la marche. Séquence T2 axiale montrant les dépôts d’hémosidérine à la surface du tronc cérébral et du cervelet (A, B, C), ainsi que du cortex hémisphérique (D). Les dépôts à la surface de la VIIIe paire crânienne sont mal visible (C). Atrophie vermienne (E).
Discussion L’hémosidérose superficielle du névraxe a longtemps été considérée une pathologie exceptionnelle. Plusieurs articles récents suggèrent que sa prévalence a largement été sous-estimée avant l’utilisation de l’IRM et notamment de la séquence T2 EG qui permet d’objectiver les dépôts d’hémosidérine [5,6]. Nous avons également observé une fréquence non négligeable d’hémosidérose
(0,2 % des IRM avec une séquence T2 EG). Bien sur, ce pourcentage n’est qu’un reflet imparfait de la prévalence réelle de l’hémosiderose en raison de biais de recrutement (sélection rétrospective des patients à partir des comptes rendus d’examen avec risque de sous-estimation, exclusion des examens sans séquence T2 EG, exclusion des cas intéressant un seul gyrus et de la situation particulière des anévrysmes et des malformations artérioveineuses).
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Figure 5 Atteinte uniquement sus-tentorielle chez un patient de 79 ans avec une hémosidérose idiopathique présentant des troubles cognitifs isolés. Séquence écho de gradient pondérée T2 axiale montrant des dépôts d’hémosidérine hémisphériques gauches et frontaux droits (A—C). Pas d’atteinte infratentorielle.
Avec l’utilisation des IRM 3T, plus sensible aux artefacts de susceptibilité magnétique, ces dépôts d’hémosidérine pourraient s’avérer encore plus fréquents. La présentation clinique classique de l’hémosidérose associe une hypoacousie (81 % des cas), une ataxie cérébelleuse (81 %) et des signes pyramidaux (53 %) [4]. Cette triade symptomatique semble en vérité rare : elle concernait 57 % des cas dans une revue de la littérature de Levy et al.[4] et seulement deux de nos cas (8 % des cas). Selon la littérature, 24 % des cas d’hémosidérose présentent des troubles cognitifs [1]. Quatorze de nos 25 présentaient des troubles cognitifs. Dix de ces patients présentaient une autre maladie neurodégénérative, donc la contribution de l’hémosidérose au déficit cognitif était difficile à établir en l’absence d’une exploration neuropsychologique standardisée. Les quatre autres patients présentaient un syndrome frontal, ainsi que des dépôts frontaux en imagerie (Fig. 3). Une autre différence par rapport à la présentation classique de l’hémosidérose dans notre série était l’absence d’atteinte de la fosse cérébrale postérieure dans 64 % des cas, fait exceptionnel dans les cas symptomatiques de la
Figure 6 Patient de 70 ans, surdité de perception bilatérale. IRM séquence axiale pondérée écho de gradient pondérée T2 : dépôts d’hémosidérine en asignal à la surface de la VIIIe paire crânienne (flèches).
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S. Arion et al.
Figure 7 Le même patient, séquence T2 TSE sagittale (A, B) : dépôts d’hémosidérine à la surface du cordon médullaire. Pseudoméningocèle occipitale (flèche) et atrophie du vermis (B). Sur la séquence écho de gradient pondérée T2 axiale (C) : les dépôts à la surface de la moelle cervicale sont mieux visibles.
littérature [1,11]. Linn et al. [6] suggèrent que l’atteinte sus-tentorielle isolée pourrait être une caractéristique des hémosidéroses secondaires à une angiopathie amyloïde. Dans notre série, cette atteinte sus-tentorielle isolée était plus fréquente chez les patients avec une angiopathie amyloïde (70 % contre 58 % pour les autres étiologies), mais cette différence n’était pas significative. L’identification d’une cause de saignement est essentielle, car l’hémosidérose peut révéler une angiopathie amyloïde, une pathologie tumorale, des anomalies vasculaires ou une pathologie durale (par exemple brèches durales postchirurgie ou traumatisme) [1,4,12]. L’IRM cranio-spinale est une étape essentielle dans le bilan étiologique, permettant d’identifier dans la plupart des cas une cause d’hémorragie sous-arachnoïdienne. L’étiologie la plus fréquente de l’hémosidérose dans notre série était l’angiopathie amyloïde, même en ne considérant que les patients remplissant les critères de Boston, en accord avec des études récentes suggérant que l’angiopathie amyloïde est une cause sous-estimée d’hémosidérose chez le patient âgé [5,6]. Ce résultat n’est pas surprenant compte tenu du fait que l’angiopathie amyloïde est une étiologie fréquente d’hémorragie sousarachnoïdienne non traumatique chez le sujet âgé [13,14] (40 % des cas dans l’étude de Raposo et al.) [13]. Linn et al. [6] retrouvent une hémosidérose dans 60,5 % des cas
d’angiopathie amyloïde. Fait intéressant, l’hémosidérose était la seule anomalie en IRM dans 5,3 % des cas de cette étude, les signes classiques en imagerie de l’angiopathie amyloïde (hématomes lobaires ou microsaignements) manquant [6]. Plusieurs auteurs discutent donc la possibilité d’introduire l’hémosidérose parmi les critères de diagnostic non invasif de l’angiopathie amyloïde après exclusion des autres causes d’hémorragie sousarachnoïdienne [5,6,15,16,17]. À la différence de notre étude, dans la série de Kumar et al. [12], l’hémosidérose était le plus souvent liée à la présence d’une brèche durale (50 % des cas versus un seul cas dans notre série). La plupart des patients de cette étude avaient des antécédents de chirurgie ou de traumatisme cranio-spinal. L’absence d’exploration médullaire dans la majorité des cas de notre série, notamment dans quatre cas d’hémosidérose idiopathique pourrait être responsable d’une sous-estimation de cette étiologie. En cas de négativité du bilan étiologique en IRM, une artériographie cérébrale est préconisée [1,11], pour détecter des malformations vasculaires occultes. Cette attitude est probablement à moduler en fonction de l’âge et du contexte clinique. Par exemple, chez les sujets âgés (la plupart des patients de notre étude), les malformations vasculaires sont une étiologie exceptionnelle d’hémosidérose, donc chez ces patients l’artériographie ne semble pas indiquée.
L’hémosidérose superficielle du névraxe, une entité probablement sous-estimée Le seul traitement disponible est l’éradication de la cause de saignement chronique quand cela est possible [1,4,12]. Dans notre série, uniquement trois des 25 patients (12 %) avaient une cause curable d’hémorragie sous-arachnoïdienne.
Conclusion L’hémosidérose superficielle du névraxe est une constatation fréquente en IRM. Les cas symptomatiques d’hémosidérose restent néanmoins exceptionnels. L’IRM a un rôle clé dans le diagnostic de cette pathologie, en objectivant les dépôts d’hémosidérine sur la séquence T2 EG et en permettant de retrouver dans la plupart des cas une cause de saignement. L’identification de la source d’hémorragie sous-arachnoïdienne est essentielle, car la l’hémosidérose peut être le témoin d’une angiopathie amyloïde, d’une pathologie tumorale ou durale. L’angiopathie amyloïde apparaît comme une étiologie fréquente d’hémosidérose chez le sujet âgé. La présence d’une hémosidérose superficielle du névraxe pourrait devenir un critère diagnostic de l’angiopathie amyloïde, en l’absence d’une autre cause d’hémorragie sous-arachnoïdienne.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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