G Model
ARTICLE IN PRESS Revue du rhumatisme xxx (2017) xxx–xxx
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Lettre à la rédaction Mains douloureuses et gonflées trois mois après une greffe de poumon : périostite suraiguë avec exostoses induites par le voriconazole夽
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Voriconazole Périostite Exostoses Douleur Gonflement Doigts Greffe Ostéoarthropathie hypertrophiante Pierre-Marie Fluorose
Nous rapportons un cas de périostite suraiguë des mains chez un ® homme de 49 ans n’ayant pourtant pris du voriconazole (V-Fend ) que pendant trois mois à titre prophylactique (400 mg × 3/jour, puis × 2/jour) après une greffe des poumons pour mucoviscidose. La suspicion initiale d’ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique a été reconsidérée au vu des fixations scintigraphiques, qui étaient typiques des périostites avec exostoses induites par le voriconazole, car affectant non seulement les diaphyses des doigts, mais aussi celles des humérus, fémurs, tibias et les côtes (Fig. 1). Le scanner montrait mieux que les fixations dans ces derniers sites correspondaient à de petites exostoses. La fluorurie était à 4 fois la normale (5,4 mg/g de créatininémie, pour une normale < 1,2 mg/g) et a pu être sous-estimée, car le patient était aussi dialysé en raison d’une insuffisance rénale récente. Les taux sériques de voriconazole étaient par contre dans la fourchette thérapeutique de 1,5 à 4,5 mg/L (de 2,22 à 4,83 mg/L : moyenne de 3,22 mg/L sur
4 dosages). Les phosphatases alcalines étaient élevées à 4,71 kat/L (normale de 0,92 à 2,15), versus seulement 0,89 kat/L juste avant la greffe. Cinq jours après l’arrêt du voriconazole (réalisé sous ajustement étroit du taux des immunosuppresseurs, compte tenu des propriétés d’induction enzymatique du voriconazole), les douleurs ont disparu et ne sont pas réapparues ensuite. Une cinquantaine de cas de périostites induites par le voriconazole ont été rapportés [1–8], mais celui-ci est singulier de part la très brève période d’exposition au traitement (2 mois) avant les premiers signes cliniques et la survenue de la périostite très floride des mains (Fig. 2). La régression des signes à l’arrêt du voriconazole atteste encore de sa responsabilité [1–9], mais leur mécanisme reste discuté. Dans un test in vitro, le voriconazole, mais pas le fluconazole, a majoré la prolifération et la différentiation des ostéoblastes humains [10]. Même si une induction de l’ostéogenèse par le fluor présent dans le voriconazole reste plausible, ce travail a aussi montré que le voriconazole possède la capacité de majorer la sécrétion de vascular endothelial growth factor (VEGF) et de platelet-derived growth factor (PDGF), lesquels majorent l’activité ostéoblastique [10]. Ceci cadrerait avec l’observation faite chez 32 patients souffrant d’hémopathies malignes traitées par voriconazole (n = 20), posaconazole (n = 8) et itraconazole (n = 4), que les douleurs osseuses et périostites n’ont été observées que chez les patients sous voriconazole [9], comme déjà noté [1]. Le dosage des taux sérique de fluor pourrait toutefois rester utile pour prédire ces périostites, car il reste aussi plus élevé (en moyenne 5 fois la normale) chez les patients traités par voriconazole que chez ceux prenant d’autres triazolés [9]. Il est surtout important de souligner que même si les vives douleurs disparaissent très vite à l’arrêt du traitement, celui-ci doit être réalisé avec précaution et sous la surveillance des spécialistes des immunosuppresseurs chez les patients greffés. En effet, du fait des propriétés d’induction enzymatique du voriconazole, il faut très vite en réajuster les doses pour éviter un rejet du greffon.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2015.11.011. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2016.12.025 ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ 1169-8330/© 2017 Societ es.
REVRHU-4709; No. of Pages 3
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Fig. 2. Périostite multifocale agressive touchant surtout les diaphyses des phalanges proximales et distales des 2es aux 5es rayons, non visible sur des clichés faits deux mois plus tôt.
Financement Aucun. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Thompson 3rd GR, Bays D, Cohen SH, et al. Fluoride excess in coccidioidomycosis patients receiving long-term antifungal therapy: an assessment of currently available triazoles. Antimicrob Agents Chemother 2012;56:563–4. [2] Moon WJ, Scheller EL, Suneja A, et al. Plasma fluoride level as a predictor of voriconazole-induced periostitis in patients with skeletal pain. Clin Infect Dis 2014;59:1237–45. [3] Wermers RA, Cooper K, Razonable RR, et al. Fluoride excess and periostitis in transplant patients receiving long-term voriconazole therapy. Clin Infect Dis 2011;52:604–11. [4] Tarlock K, Johnson D, Cornell C, et al. Elevated fluoride levels and periostitis in pediatric hematopoietic stem cell transplant recipients receiving long-term voriconazole. Pediatr Blood Cancer 2015;62:918–20. [5] Raghavan M, Hayes A. Voriconazole-associated soft tissue ossification: an undescribed cause of glenohumeral joint capsulitis. Skeletal Radiol 2014;43:1301–5. [6] Tailor TD, Richardson ML. Case 215: voriconazole-induced periostitis. Radiology 2015;274:930–5. [7] Bucknor MD, Gross AJ, Link TM. Voriconazole-induced periostitis in two posttransplant patients. J Radiol Case Rep 2013;7:10–7. [8] Ayub A, Kenney CV, McKiernan FE. Multifocal nodular periostitis associated with prolonged voriconazole therapy in a lung transplant recipient. J Clin Rheumatol 2011;17:73–5. [9] Gerber B, Guggenberger R, Falser D, et al. Reversible skeletal disease and high fluoride serum levels in hematologic patients receiving voriconazole. Blood 2012;120:2390–4. [10] Allen KC, Sanchez Jr CJ, Niece KL, et al. Voriconazole enhances osteogenic activity of human osteoblasts in vitro through a fluoride-independent mechanism. Antimicrob Agents Chemother 2015;59:7205–13.
Benoît Metayer a Caroline Bode-Milin b Catherine Ansquer b Alain Haloun c Yves Maugars a Jean-Marie Berthelot a,∗ Fig. 1. Scintigraphie osseuse au technétium. Fixations aux humérus, fémurs, tibias et côtes. Un scanner couplé a montré que les fixations ponctuelles aux humérus, fémurs, tibias et côtes correspondaient à de petites exostoses acquises.
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Service de rhumatologie, CHU de Nantes, Hôtel-Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France b Service de médecine isotopique, CHU de Nantes, 44093 Nantes, France c Service de pneumologie, CHU de Nantes, 44093 Nantes, France
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∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-M. Berthelot)
Accepté le 22 novembre 2015 Disponible sur Internet le xxx