Manifestations neurologiques révélatrices du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif : neuf cas

Manifestations neurologiques révélatrices du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif : neuf cas

Revue du Rhumatisme 76 (2009) 227–233 Article original Manifestations neurologiques révélatrices du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif : neuf cas...

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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 227–233

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Manifestations neurologiques révélatrices du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif : neuf cas夽 Neurological manifestation revealing primitif Gougerot-Sjögren syndrome: 9 cases Mohammed Abdoh Rafai ∗ , Fatima Zohra Boulaajaj , Fettouma Moutawakil , Nawal Addali , Bouchra El Moutawakkil , Hicham Fadel , Khalid Hakim , Meryem Bourezgui , Manal Sibai , Hicham El Otmani , Ilham Slassi Service de neurologie et explorations fonctionnelles, CHU Ibn Rochd, quartier des Hôpitaux, Casablanca, Maroc Accepté le 26 mars 2008 Disponible sur Internet le 14 f´evrier 2009

Résumé Introduction. – Les manifestations neurologiques du syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) sont diversement appréciées. Il s’agit essentiellement de l’atteinte du système nerveux périphérique. Méthodes. – Nous rapportons neuf cas d’atteintes neurologiques révélatrices d’un SGS primitif (SGSP) colligés sur une période de huit ans (1997–2004). Le diagnostic du SGSP a été retenu selon les critères élaborés par le groupe de consensus américano-européen révisé en 2002.Tout nos patients étaient de sexe féminin, avec une moyenne d’âge de 43 ans. L’atteinte neurologique était révélatrice dans tous les cas, il s’agissait d’une atteinte périphérique dans sept cas, isolée dans cinq cas et associée à une atteinte centrale dans deux cas. L’atteinte centrale a été observée dans cinq cas sous forme de myélopathie chronique ou de méningo-encéphalite aseptique. Discussion et conclusions. – L’étude des manifestations neurologiques du SGS se heurte à trois difficultés : l’absence d’homogénéité des critères diagnostiques utilisés ce qui rend difficile la comparaison des fréquences des complications neurologiques dans les différentes séries, le nombre limité des grandes séries et le fait que l’atteinte neurologique peut être révélatrice posant alors un problème de relation de cause à effet. © 2009 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif ; Manifestations neurologiques révélatrices ; Atteintes périphériques ; Complications centrales Keywords: Gougerot-Sjögren syndrome; Revealing neurological manifestation; Peripheral and central nervous systems involvement

1. Introduction Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une exocrinopathie auto-immune caractérisée sur le plan clinique par une xérophtalmie et une xérostomie [1–3]. C’est une affection mul-

夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2008.03.010). ∗ Auteur correspondant. Résidence Achokr, appartement 8, boulevard 2 mars, 4, rue Varsovie, Casablanca, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (M. Abdoh Rafai).

tisystémique plus fréquente chez l’adulte jeune de sexe féminin, elle peut être primitive ou secondaire associée à d’autres maladies auto-immunes [3–5]. L’atteinte neurologique, observée dans 20 à 25 % de cas [1,6–8] est largement dominée par les neuropathies périphériques, qui de ce fait sont les mieux caractérisées sur le plan clinique et physiopathologique. Certaines de ces manifestations neurologiques, telles les neuropathies sensitives sont classiques et fréquentes, d’autres sont méconnues et rares. Nous analysons les aspects cliniques, thérapeutiques et évolutifs de neuf patients ayant un SGS primitif (SGSP) avec atteinte neurologique révélatrice et discutons certaines particularités recensées dans notre série.

1169-8330/$ – see front matter © 2009 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.03.011

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Tableau 1 Caractéristiques cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs des neuf patientes. Patiente

Âge / Sexe

56 / ♀

2

60 / ♀

3

46 / ♀

4

32 / ♀

5

55 / ♀

6

26 / ♀

7

65 / ♀

8

43 ♀

9

53 / ♀

Xérostomie Xérophtalmie Ph de raynaud

Xérostomie Xérophtalmie Ph de raynaud Arthralgie Xérostomie Xérophtalmie Érythème noueux Xérostomie Xérophtalmie 2 épisodes confusionnels spontanément régressifs

Xérostomie Xérophtalmie

Xérostomie Xérophtalmie Xérostomie Xérophtalmie Xérostomie Xérophtalmie

Xérostomie Xérophtalmie Parotidectomie gauche compliquée d’une PF iatrogène Arthralgies

Tableau clinique neurologique

Syndrome de sclérose latérale amyotrophique (tétraparésie flasque aréflexique amyotrophiante, fasciculations linguales, abolition du réflexe nauséeux) Syndrome de sclérose combinée de la moelle

Syndrome de section médullaire avec niveau cervical et troubles sphinctériens Tableau de méningo-encéphalite (Sd confusionnel, troubles du comportement, Sd méningé non fébrile, Sd tétra pyramidal) Tétraparésie spastique Névralgie du trijumeau Sd dépressif

Paraparésie spastique Radiculalgies aux MI Cécité bilatérale Paresthésies aux 4 membres Hypoesthésie vibratoire Syndrome de sclérose latérale amyotrophique (Tétraparésie flasque aréflexique, amyotrophique avec fasciculations, troubles de déglutition, diplégie faciale centrale) Paralysie périodique 4 épisodes récurrents d’IF des 4 membres avec myalgies Tétraparésie flasque + myalgies ROT présents

Paraclinique

Traitement

Evolution

Recul (ans)

IRM encéphalique/médullaire

ENMG

LCR

Autres

NF

Sd neurogene chronique type corne anterieur diffus (3 territoires)

NL

V.S. : 30 Hypergammaglobulinemie PES : normaux

CTC orale 1 mg/kg par jour Bolus CP

Favorable Autonomie complète

7

Lésion médullaire étendue de C2–C3 à D7–D8 avec PDC Pas de lésions encéphaliques Hypersignaux de la moelle cervicodorsale et en periventriculaire en séquences T2 sans PDC Hypersignaux T2 nodulaire de la SB périventriculaire et de la moelle (D6 à D8) sans PDC

Mononeuropathie multiple

NL

V.S. à 60 mm PEV : normaux

CTC orale 1 mg/kg par jour Bolus CP

Stationnaire

3

Polyneuropathie sensitivomotrice

HGG polyclonale

V.S. à 100 Hypergammaglobulinemie

CTC orale 1 mg/kg par jour

Discrète amélioration

6

NL

160 éléments, 90% lymphocytes Protéinorachie 2g/L Glycorachie 0,27 g/L HGG

V.S. à 30

CTC orale 1 mg/kg apr jour Bolus CP

Favorable

7

Hypersignaux T2 de la moelle cervicale et de la SB périventriculaire et du tronc cérébral sans PDC NLE

NL

HGG polyclonale

V.S. à 40

CTC orale 1 mg/kg par jour

Amélioration des troubles moteurs Régression partielle de la névralgie V

4

Polyneuropathie sensitivomotrice

HGG polyclonale

CTC orale 1 mg/kg par jour

Neuronopathie sensitive

NL

Favorable sur la plan moteur Cécité définitive Favorable

4

NF

V.S. à 50 FO : atrophie optique bilatérale V.S. à 60

NLE

Sd neurogene chronique type corne antérieur diffus (3 territoires)

NL

VS à 35

CTC orale 1 mg/kg par jour

Aggravation troubles moteurs et de déglutition

1

NF

NL

NF

BM : NLE Hypokaliémie à 2,3 mgEq/L PBR : néphrite tubulo-interstielle V.S. à 25

CTC orale 1 mg/kg par jour Alcalinisation des urines

Récupération totale

1

CTC orale 1 mg/kg par jour

3

ATCDs : antécédents ; BM : biopsie musculaire ; CTC : corticothérapie ; CP : cyclophosphamide ; ENMG : électroneuromyogramme ; FO : fond d’œil ; HGG : hypergammaglobulinorachie ; IF : impotence fonctionnelle ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; LCR : liquide céphalorachidien ; MI : membres inférieurs ; NF : non fait ; NL/E : normal/normale ; PBR : ponction biopsie rénale ; ROT : réflexes osteotendineux ; PDC : produit de contraste ; PEV : potentiels évoqués visuels ; PES : potentiels évoqués somesthésiques ; Ph : phénomène ; SB : substance blanche ; Sd : syndrome ; V.S. : vitesse de sédimentation.

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1

Signes généraux/ATCDs

4/6 4/6 4/6 4/6 4/6 5/6 (−) (−) (−) (−) (−) (−) (−) (−) (+) (−) NF (+) NF NF NF NF NF NF

4/6 4/6 NF (−) NF (+) NF NF

BGSA : biopsie des glandes salivaires accessoires ; NF : non fait ; SF : signes fonctionnels ; RB : rose bengale.

III III III IV III IV (+) NF NF NF NF NF (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) (+) 4 5 6 7 8 9

(+) (+) (+) (+) (+) (+)

(+) (+) (+) (+) (+) (+) 2 3

(+) (+)

NF NF NF NF NF NF

Sialose Canal incathétérisable NF NF NF NF NF NF NF NF

(−) (−) NF Normale (+) (+) (+)

Schirmer ≤ 5 mm/5 min

R.B ≥ 4

Sialadénite chronique stade III IV II

NF

Ac Anti-SSB Scintigraphie salivaire Sialographie parotidienne Débit salivaire non stimulable

Signes objectifs salivaires Critère Histologique (BGSA selon Chisholm et Masson) Signes objectifs oculaires

(+)

L’ensemble de nos patients était de sexe féminin avec une moyenne d’âge de 43 ans (extrême de 26 à 65 ans). La notion de xérostomie et de xérophtalmie a été retrouvée chez toutes les patientes. Les signes neurologiques initiaux ont précédé l’apparition du syndrome sec chez sept patientes avec un délai moyen de 23,4 mois (pour des extrêmes de cinq mois à six ans).

1

3.1. Résultats cliniques

SF buccaux

Le Tableau 1 résume les caractéristiques cliniques, paracliniques et évolutives des patients et le Tableau 2 résume les critères diagnostiques retenus pour chaque cas.

SF oculaire

3. Résultats

Cas no

Et en outre d’authentifier l’atteinte neurologique, comportant selon les cas une IRM encéphalique et/ou médullaire, un électroneuromyogramme et l’étude du liquide céphalorachidien (LCR). Un complément d’investigation a été réalisé selon l’orientation clinique. Tous les patients ont rec¸u un traitement à base de corticothérapie orale à la dose de 1 mg/kg par jour associée ou non à un traitement immunosuppresseur. L’évolution a été jugée sur l’amélioration subjective et les données de l’examen clinique. Le recul moyen de notre série est de quatre ans.

Tableau 2 Critères diagnostiques européens révisés par le groupe du consensus américano-européen validés chez les neuf patientes.

• un test de Schirmer ; • une biopsie des glandes salivaires accessoires (BGSA) ; • un bilan inflammatoire (vitesse de sédimentation, fibrinogène, électrophorèse des protéines sériques) ; • un hémogramme ; • un ionogramme sanguin ; • des enzymes musculaire ; • un bilan rénal (urée, créatinine, protéinurie de 24 heures) ; • un bilan hépatique ; • un bilan immunologique : ◦ anticorps antinucléaires, ◦ anticorps anti-ADN natif, ◦ facteur rhumatoïde (FR), ◦ anticorps anti-SSA et anti-SSB.

Critère immunologique

Nous avons étudié rétrospectivement sur une durée de huit ans (1997–2004), neuf patients présentant un SGSP retenu sur les critères du consensus américano-européen (2002) avec atteinte neurologique centrale et/ou périphérique. Le caractère primitif a été retenu sur l’absence de pathologies associées. Nous avons exclu de l’étude les patients présentant une maladie pouvant expliquer l’atteinte neurologique. Dans ce sens nous avons recherché les antécédents d’une radiothérapie cervicofaciale, d’une hépatite C, d’une infection à VIH, d’un lymphome préexistant, d’une sarcoïdose, d’une réaction au greffon contre l’hôte et l’utilisation de médicaments anticholinérgiques. Tous nos patients ont bénéficié d’un bilan complet permettant en outre de confirmer le diagnostic du SGSP, comportant :

Ac Anti-SSA

2. Méthodes

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4/6

Total des critères

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Dans deux cas, les manifestations neurologiques se sont installées deux ans et demi en moyenne après le syndrome sec. Cependant, aucune patiente n’était suivie pour le diagnostic d’un SGS. L’atteinte nerveuse périphérique a été notée dans sept cas. Elle était isolée dans cinq cas, associée à une atteinte centrale dans deux cas. Elle s’agissait d’une atteinte de la corne antérieure isolée dans un cas (observation no 1) avec sur le plan clinique une tétraparésie flasque, aréflexique, amyotrophiante et fasciculations. L’atteinte de la corne antérieure était associée à une atteinte pyramidale définissant un syndrome de sclérose latérale amyotrophique dans le deuxième cas (observation no 8). La survenue d’une dysphonie et d’une dysphagie témoignait d’une diffusion de l’atteinte motoneuronale an niveau bulbaire. Dans deux cas l’atteinte était de type tronculaire : une neuropathie sensitive des quatre membres avec une hypoesthésie vibratoire dans un cas et une polyneuropathie sensitivomotrice dans l’autre cas. L’atteinte musculaire a été notée dans un cas (observation no 9) associant des myalgies diffuses et une tétraplégie flasque. Les nerfs crâniens étaient touchés chez cinq patientes. Elle concernait : • • • •

le nerf facial (un cas) ; le nerf optique (un cas) ; le grand hypoglosse (deux cas) ; le trijumeau (un cas).

L’atteinte du système nerveux central (SNC) était notée chez cinq patientes réalisant un syndrome de sclérose combinée de la moelle dans un cas (syndrome pyramidal et syndrome cordonal postérieur). Un syndrome de section médullaire cervicodorsale dans un cas. Une méningo-encéphalite dans un cas (un syndrome méningé non fébrile avec céphalées, vomissements et raideur méningée) et un tableau de myéloradiculite avec névrite optique bilatérale dans un cas. Chez la dernière patiente, il s’agissant d’une atteinte multifocale encéphalique et médullaire. 3.2. Résultats paracliniques Une étude électroneuromyographique (ENMG) a été réalisée chez toutes nos patientes dans le but de confirmer et de caractériser une atteinte nerveuse périphérique symptomatique ainsi que de rechercher une atteinte périphérique infraclinique associée à l’atteinte centrale. L’ENMG s’est révélé sans anomalie dans trois cas. Dans les autres cas, l’ENMG a montré un tracé de type neurogène. Il s’agissait d’une atteinte axonale dans les cas no 3 et cas no 6, myélinique dans le cas no 7 et axonomyélinique dans le cas no 2. Une neuronopathie motrice pure de type corne antérieure a été observée dans deux cas (observations no 1 et no 8). L’étude topographique des lésions a montré une polyneuropathie sensitivomotrice dans deux cas (observations no 3 et no 7), une mononeuropathie multiple (MNM) dans un cas (observation no 2), une neuropathie sensitive dans un cas (observation no 6) et une atteinte de type corne antérieure dans deux cas (observations no 1 et no 8). L’IRM cérébromédullaire a été réalisée dans six

Fig. 1. IRM médullaire en séquence T2, coupe sagittale : multiples lésions en hypersignal au niveau bulbaire et sur la longueur de la moelle cervicale.

cas, afin de confirmer une atteinte centrale patente ou de rechercher une atteinte du SNC associée à l’atteinte périphérique. Il s’agissait de lésions en hypersignal T2 nodulaires, confluentes, à disposition antérieure, étendues au niveau de la moelle cervicodorsale dans quatre cas (Fig. 1). Un rehaussement des lésions après injection du produit de contraste a été noté dans un cas. Ces lésions médullaires étaient associées à des lésions encéphaliques dans trois cas, sous forme d’une image nodulaire au niveau de la substance blanche périventriculaire dans un cas (Fig. 2), et de lésions de topographie et de taille variables dans les autres cas (Fig. 3). La neuro-imagerie a été normale par ailleurs. L’étude du LCR, réalisée chez huit patientes, objectivait une hypergammaglobulinorachie dans quatre cas à disposition polyclonale dans trois cas. Dans le cas de méningo-encéphalite, l’étude du LCR révéla une cytorachie à 162 éléments/mm3 avec une prédominance lymphocytaire à 90 %, une protéinorachie à 2 g/L et une glycorachie à 0,27 g/L. Le LCR était normal chez les autres patientes. Aucune biopsie nerveuse n’a été réalisée. Par ailleurs, la patiente avec paralysie périodique (cas no 9) a bénéficié d’une biopsie musculaire qui s’est révélée normale. 3.3. Traitement et évolution Toutes les patientes ont rec¸u une corticothérapie orale à 1 mg/kg par jour pendant six semaines, suivie d’une dégression progressive en fonction des modalités évolutives. Une dose d’entretien de 10 à 20 mg par jour a été maintenue chez toutes nos patientes. Devant des reprises évolutives une ré-augmentation des doses s’est avérée nécessaire (cas no 1, 4, 6, 9). Des bolus de méthylprednisolone ont été administrés chez deux patientes, devant la sévérité du tableau clinique initial (cécité bilatérale

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fut favorable chez six patientes avec une amélioration nette et régression de la symptomatologie initiale. Ailleurs, l’état fut stationnaire dans un cas et défavorable dans deux cas. 4. Discussion

Fig. 2. IRM encéphalique en coupe axiale : lésions multiples en hyposignal T1 (trous noirs) au niveau de la substance blanche périventriculaire et juxtacorticale.

brutale : cas no 6) ou la non réponse initiale à la corticothérapie per os (cas no 2). Le recours à un traitement immunosuppresseur a été nécessaire dans trois cas (bolus de cyclophosphamide à la dose de 600 mg/m2 sur une durée moyenne de 16 mois). Aucun traitement par échanges plasmatique ou immunoglobuline intraveineuse n’a été administré chez nos patientes. L’évolution

Fig. 3. IRM cérébrale en séquence T2, coupe axiale : hypersignaux multiples de taille et de topographie variables.

L’atteinte neurologique au cours du SGSP est diversement appréciée vu l’absence d’homogénéité des critères diagnostiques utilisés [5,8–11]. L’atteinte nerveuse périphérique, de loin la plus étudiée, est rapportée dans 10 à 30 % des cas. La plupart des auteurs considèrent qu’elle est liée à une vascularite du vasa nervorum. [7,10,12]. La polyneuropathie sensitivomotrice, manifestation de loin la plus fréquente retrouvée dans 60 % des atteintes nerveuses périphériques [7,13], a été observée dans deux cas. La neuronopathie sensitive, décrite comme la deuxième atteinte périphérique au cours du SGSP, est la plus caractéristique [14,15]. Cliniquement, elle est caractérisée par une atteinte sensitive prédominante sur la sensibilité lemniscale, une topographie des troubles souvent asymétrique et une prédominance aux membres supérieurs [13,14]. Les MNM, sont moins fréquentes au cours du SGSP qu’elles ne le sont au cours des autres maladies de système, elles sont généralement d’évolution plus rapide et plus invalidante [4,7,12,16]. Nous en avons recensé un cas dans notre série. Une attention particulière doit être attirée sur l’atteinte du motoneurone retrouvée chez deux de nos patientes sous forme d’un syndrome de sclérose latérale amyotrophique et d’une atteinte de la corne antérieure. En effet, cette atteinte serait exceptionnelle au cours de SGSP [17] et peut être associée à une atteinte du SNC [18]. Les quelques rares observations rapportées dans la littérature font état d’une amélioration sous traitement par corticothérapie et immunosuppresseur suggérant que ces manifestations étaient plus une complication du SGSP qu’une association fortuite [13]. La première patiente de notre série présentait une atteinte isolée de la corne antérieure avec une évolution satisfaisante sous corticothérapie orale et bolus de cyclophosphamide. La paralysie périodique hypokaliémique est une complication rare au cours du SGSP, elle n’était rapportée que dans une vingtaine de cas. Elle est le plus souvent révélatrice de l’affection [19]. Dans notre étude, cette complication a été notée chez la neuvième patiente qui présentait des épisodes récurrents d’impotence fonctionnelle des quatre membres avec myalgies. Le bilan biologique retrouvait une hypokaliémie, une acidose plasmatique hypochlorémique et un pH urinaire alcalin témoin de l’acidose tubulaire distale, due à la néphropathie tubulo-intérstitielle confirmée à la ponction biopsie rénale. La corticothérapie orale, la supplémentation potassique et l’alcalisation régulière des urines ont permis de prévenir d’autres rechutes [20]. L’atteinte des nerfs crâniens, souvent multiples et récidivante, n’a été rapportée que dans quelques cas. Tous les nerfs crâniens peuvent être touchés. L’atteinte du trijumeau uni- ou bilatérale, est la plus fréquente (un cas de notre série), suivie par l’atteinte faciale et l’atteinte oculomotrice [10,13,16,21,22].

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Des cas de polyradiculonévrites chroniques, de neuropathies dysautonomiques et du syndrome du canal carpien ont été rapportés au cours du SGSP [5,10] ; ces manifestations sont absentes de notre étude. Les manifestations neurologiques centrales sont extrêmement variées et aucune n’est caractéristique. Leur fréquence varie entre 20 et 25 % des cas [1,11,13] et leur pathogénie demeure inconnue. La vascularite constitue le mécanisme le plus souvent évoqué, mais un processus auto-immun a été également proposé [14]. Dans près de 60 %, elles sont associées à une neuropathie périphérique [1,4,10,13,16]. L’atteinte encéphalique peut être diffuse se traduisant par une méningo-encéphalite aseptique qui est rare au cours du SGSP [23–25]. Le cas no 4 de notre série, présentait un syndrome méningé non fébrile, un syndrome confusionnel récurrent et un syndrome ataxospasmodique. L’étude du LCR retrouvait une méningite lymphocytaire avec hyperprotéinorachie et hypoglycorachie. Ces données étaient en faveur d’une méningo-encéphalite et faisaient évoquer en premier une origine infectieuse notamment tuberculeuse. La négativité du bilan infectieux, les antécédents d’épisodes similaires spontanément régressifs et les données biologique ont permis de poser le diagnostic d’une méningo-encéphalite aseptique et de la rattacher à un SGS. L’atteinte médullaire, isolée ou associée à une atteinte encéphalique, est plus rare. Elle peut réaliser un tableau de myélopathie chronique ou de myélite aiguë transverse [8,13,26–28]. Dans notre série, l’atteinte médullaire a été retrouvée chez trois patientes réalisant un cas de sclérose combinée de la moelle, un cas de myélopathie cervicale et un cas de myéloradiculite. Des cas de névrite optique ont aussi été décrits au cours du SGSP. Celle-ci peut être révélatrice, comme chez notre sixième patiente [1,2,29]. Enfin, un syndrome parkinsonien uni- ou bilatéral et des crises comitiales, généralisées ou partielles sont également cités comme complications du SGSP [6,27,30]. Dans les méningo-encéphalites aseptiques (MEA), le LCR est anormal dans tous les cas avec une réaction cellulaire constante et élevée à prédominance lymphocytaire avec hyperprotéinorachie (0,79 à 1,82 g/L) et une synthèse intrathécale de gammaglobulines [13]. En dehors de ce tableau l’étude du LCR est peu contributive. Le scanner cérébral peut être normal ou révéler une atrophie cortico-sous-corticale, ou des hypodensités de la substance blanche rehaussés ou non par l’injection de produit de contraste [26]. L’IRM peut être normale ou révéler des anomalies non spécifiques à type d’hypersignaux T2, punctiforme ou nodulaire, de la substance blanche périventriculaire ou juxtacorticale intéressant plus rarement les noyaux gris centraux ou le cortex [10,13]. Il n’y a pas nécessairement de corrélation entre ces anomalies IRM et la présence de signes neurologiques [14,31]. Le diagnostic différentiel à l’étape radiologique se pose avec une scléros en plaques, un neurobehcet, une périarthrite noueuse et le neurolupus [32]. Au cours des myélopathies, les résultats de l’IRM médullaire varient en fonction du mode évolutif [28]. Au cours des myélites aiguës, on note un hypersignal T2 dont la localisation est corrélée à la clinique. Par ailleurs, l’IRM médullaire peut être normale (cas no 6 de notre série) si elle est

réalisée très précocement et au cours des myélopathies chroniques [8,13,28]. Le traitement des manifestations neurologiques du SGSP n’est pas codifié et l’évaluation de l’efficacité thérapeutique est inexistante [10,13]. Habituellement, le traitement comprend une corticothérapie orale à forte dose (1 mg/kg par jour), parfois précédée par des bolus intraveineux en cas d’atteinte sévère. L’association aux immunosuppresseurs est indiquée au cours des atteintes sévères, évolutives ou résistantes à la corticothérapie seule [8,13]. Alexander propose le cyclophosphamide en cure mensuelle par voie intraveineuse pendant un an minimum associé en début du traitement à une corticothérapie [33]. L’azathioprine peut constituer une alternative [10,13], même si certains auteurs le considèrent comme inefficace [6,33]. Le méthotrexate et la ciclosporine sont considérés comme peu efficaces [13]. L’utilisation d’un traitement immunosuppresseur doit être bien mesurée vu le risque accru de survenue de lymphome malin au cours de SGSP [10,13]. Les échanges plasmatiques ont été proposés en association ou après échec de la corticothérapie [27]. L’évolution demeure très variable et imprévisible allant d’une amélioration spectaculaire à l’absence d’effet. 5. Conflits d’intérêts Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt. Références [1] Alexander El, Malinow K, Lejewski JE. Primary Sjögren’s syndrome with central nervous system disease mimicking multiple sclerosis. Ann Droit Int Med 1986;104:323–30. [2] Rapoport P, Merle H, Smadja D, et al. Bilateral optic neuropathy disclosing primary Gougerot-Sjögren syndrome. J Fr Ophtalmol 1997;20:767–70. [3] Youinou Y. Sjögren’s syndrome: A quintessential B cell-induced autoimmune disease. Joint Bone Spine 2008;75:1–2. [4] Hietaharju A, Yli-Kerttula U, Häkkinene V, et al. Nervous system manifestations in Sjögren’s syndrome. Acta Neurol Scand 1990;81:144–52. [5] Bousquet E, Ecoiffier M, Tubery M, et al. Manifestations systémiques du syndrome de Gougerot-Sjögren primaire. Nature et fréquence à propos de 34 cas. Presse Med 1997;26:995–9. [6] Visser LH, Koudstaal PJ, Van De Merwe JP. Hemiparkinsonism in a patient with primary Sjögren’s syndrome. A case report and a review of the literature. Clin Neurol Neurosurg 1993;95:141–5. [7] Gemignani F, Marbini A, Pavesi G, et al. Peripheral neuropathy associated with primary Sjögren’s syndrome. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1994;57:983–6. [8] Delalande S, de Seze J, Fauchais AL, et al. Neurologic manifestations in primary Sjögren syndrome: a study of 82 patients. Medicine 2004;83:280–91. [9] Vidal E, Delaire L, Berdah JF, et al. Systemic signs of primary GougerotSjögren syndrome (48 cases). Ann Med Interne (Paris) 1994;145:168–74. [10] Amoura Z, Lafitte C, Piette JC. Gougerot-Sjögren syndrome. Neurologic complications. Presse Med 1999;28:1209–13. [11] Mrabet D, Meddeb N, Ajlani H, et al. Cerebral vasculitis in a patient with rheumatoid arthritis. Joint Bone Spine 2007;74:201–4. [12] Mellgren SI, Conn DL, Stevens JC, et al. Peripheral neuropathy in primary Sjögren’s syndrome. Neurology 1989;39:390–4. [13] Lafitte C. Manifestations neurologiques du syndrome de Sjögren primitif. Rev Neurol 2002;158:959–65. [14] Griffin JW, Cornblath DR, Alexander E, et al. Ataxic sensory neuropathy and dorsal root ganglionitis associated with Sjögren’s syndrome. Ann Neurol 1990;27:304–15.

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