Quels critères le rhumatologue doit-il connaître et utiliser pour suivre une polyarthrite rhumatoïde ?

Quels critères le rhumatologue doit-il connaître et utiliser pour suivre une polyarthrite rhumatoïde ?

Revue du Rhumatisme 72 (2005) 207–212 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Mise au point Quels critères le rhumatologue doit-il connaître et ut...

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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 207–212 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Mise au point

Quels critères le rhumatologue doit-il connaître et utiliser pour suivre une polyarthrite rhumatoïde ? Selecting criteria for monitoring patients with rheumatoid arthritis e Martin Soubrier a,*, Maxime Dougados b a

b

Service de rhumatologie, hôpital G.-Montpied, place Henri-Dunant, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand, France Service de rhumatologie-B, AP-HP hôpital Cochin, université René-Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France Reçu le 1 mars 2004 ; accepté le 3 mai 2004 Disponible sur internet le 28 juillet 2004

Résumé Les objectifs thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde sont au nombre de quatre : contrôler les manifestations cliniques, prévenir les dégâts structuraux, éviter le handicap fonctionnel, réduire la surmortalité. L’activité de la polyarthrite conditionne les dégâts structuraux, le handicap fonctionnel, et en partie la surmortalité d’origine cardiovasculaire. Dans la polyarthrite rhumatoïde établie, le handicap fonctionnel dépend également des dégâts structuraux. L’appréciation de l’activité de la polyarthrite, de la réponse aux traitements, des dégâts structuraux et du handicap fonctionnel sont envisagés et une proposition de « suivi standardisé » afin d’homogénéiser nos pratiques est proposée. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Four treatment objectives govern the management of rheumatoid arthritis: to control the clinical manifestations, to prevent structural damage, to prevent functional impairments, and to reduce excess mortality. Disease activity determines the extent of structural damage, the severity of functional impairments, and in part the excess mortality related to cardiovascular disease. In established rheumatoid arthritis, the functional impairments depend also on the extent of the structural damage. Methods for assessing disease activity, treatment responses, structural damage, and functional impairments are reviewed herein. A standardized follow-up protocol is suggested as a means of achieving greater uniformity in clinical practice. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Activité de la maladie ; Radiographie ; Handicap fonctionnel Keywords: Rheumatoid arthritis; Disease activity; Radiography; Functional impairment

1. Positionnement du problème Les objectifs thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde sont au nombre de quatre : contrôler les manifestations cliniques, prévenir les dégâts structuraux, éviter le handicap fonctionnel, réduire la surmortalité. e

Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. Résumé * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Soubrier). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2004.05.012

Les relations entre l’activité de la polyarthrite rhumatoïde, les dégâts structuraux et le handicap fonctionnel sont étroites. Ainsi, le handicap fonctionnel est lié à la fois à l’activité de la polyarthrite rhumatoïde et aux dégâts structuraux. Dans la polyarthrite récente, les dégâts structuraux et le handicap fonctionnel ne sont pas corrélés. Dans la polyarthrite rhumatoïde établie, les dégâts structuraux rendent compte de 30 à 70 % selon les séries du handicap fonctionnel [1]. Toutefois, quel que soit le stade évolutif de la polyarthrite, l’activité de la polyarthrite conditionne aussi le handicap fonctionnel. L’étude d’une cohorte de 112 femmes suivies pendant 12 ans

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montre qu’il existe une corrélation forte entre l’activité de la polyarthrite et le handicap fonctionnel au début de l’affection. À un stade plus tardif, les détériorations structurales rendent compte d’une partie du handicap fonctionnel qui reste toutefois beaucoup plus fortement corrélé à l’activité de la polyarthrite [2]. Des résultats similaires ont été rapportés par Wolfe [3]. L’étude de 32 525 observations de 1833 patients suivis pour une polyarthrite rhumatoïde montre que le handicap fonctionnel, augmente de façon faible avec le temps et est plus influencé par l’activité de la maladie, la douleur, les facteurs sociaux que par les anomalies structurales [3]. Même chez les patients dont la polyarthrite rhumatoïde est en rémission, le handicap fonctionnel est plus lié à l’activité résiduelle de la polyarthrite qu’aux dommages structuraux [4]. Les dégâts structuraux au cours de la polyarthrite surviennent précocement. La revue de la littérature réalisée en par Van der Heijde en 1995 montre que 75 % des patients ayant une polyarthrite rhumatoïde récente développent des érosions dans les deux premières années [5]. Les séries plus récentes donnent des résultats quelque peu divergents. Parmi les 111 patients de la Mayo Clinic ayant une polyarthrite rhumatoïde récente (< 1 an) seuls 52 % d’entre eux développent des érosions après deux ans de suivi [6]. À l’inverse des érosions sont présentes après deux ans d’évolution chez 90 % des 181 patients suédois qui ont une polyarthrite évoluant depuis un an [7]. La progression des dégâts structuraux est variable selon les études. Certaines montrent après une progression initiale, une stabilisation des lésions, alors que les lésions continuent de progresser dans d’autres études [8]. La recherche de facteurs prédictifs des dégâts structuraux a fait l’objet de nombreux travaux. Lors du diagnostic, la présence de facteurs rhumatoïdes, d’anticorps anti-citrulline et d’érosions aux mains ou aux pieds sont considérées, par tous les auteurs, comme des facteurs prédictifs de dégâts structuraux ultérieurs alors que des discussions persistent quant à la présence de l’épitope partagé [9]. L’évolutivité de la polyarthrite conditionne de façon claire l’évolution structurale bien qu’il existe des variations individuelles [10–12] et qu’une aggravation radiologique soit possible même chez des patients en rémission [13]. Un excès de mortalité au cours de la polyarthrite rhumatoïde a été documenté par de très nombreuses études avec un ratio standardisé de mortalité moyen de 1,7 [14,15]. Cet excès de mortalité est secondaire à une cause cardiovasculaire dans plus du tiers des cas. Dans une cohorte de 448 patients suivis pendant 22 ans, 34 % des décès sont attribuables à une cause vasculaire [16]. Dans la série de Wolfe, la cause du décès était dans 361 cas sur 898 (40 %) d’origine cardiovasculaire alors que le chiffre attendu était de 161 (RR 2,24) [17]. Les patients ayant une PR séropositive ont une surmortalité cardiovasculaire dès les premières années d’évolution de leur polyarthrite [18]. Plusieurs facteurs pourraient contribuer à cette surmortalité d’origine cardiovasculaire. Dans la population générale, il est clairement établi que l’augmentation de la CRP est corrélée avec la survenue d’évènements

ischémiques cardiaques [19,20]. Il est par ailleurs démontré que le TNFa a un rôle athérogène. Cette relation entre athérome et inflammation pourrait rendre compte en partie de la surmortalité cardiovasculaire observée dans les polyarthrites les plus actives ne répondant pas aux traitements de fond. La diminution du risque coronarien chez les patients ayant une polyarthrite rhumatoïde traitée par anti-TNFa par rapport à des patients non traités par une biothérapie conforte cette hypothèse [21]. L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque indépendant d’athérosclérose [22]. Une hyperhomocystéinémie a été documentée dans la polyarthrite rhumatoïde [23]. Elle peut être favorisée par le traitement de la polyarthrite puisque le méthotrexate et la salazopyrine entraînent en raison de leur action antifolates une hyperhomocystéinémie [24]. L’existence d’une dyslipémie au cours de la polyarthrite rhumatoïde pourrait être un facteur de risque supplémentaire. Ainsi, une diminution du HDL cholestérol avec une augmentation du rapport cholestérol total/HDL ont été documentées dans les polyarthrites rhumatoïdes actives [25–27]. L’appréciation de l’activité de la polyarthrite et de la réponse aux traitements sera abordée en premier puisque l’activité de la polyarthrite conditionne les dégâts structuraux, le handicap fonctionnel, et en partie la surmortalité d’origine cardiovasculaire. Nous envisagerons ensuite comment les dégâts structuraux et le handicap fonctionnel peuvent être appréciés. Une proposition de « suivi standardisé » afin d’homogénéiser nos pratiques sera proposé.

2. Évaluation de l’activité de la polyarthrite rhumatoïde La première définition de l’activité de la polyarthrite rhumatoïde a été proposée par la FDA. Un patient est considéré comme ayant une maladie active s’il répond au moins à trois des quatre paramètres suivants : plus de six articulations douloureuses, plus de trois synovites, dérouillage matinal supérieur à 45 minutes, vitesse de sédimentation supérieure à 28 mm à la 1re heure. La définition de critères de réponse au traitement par le Collège américain de rhumatologie (Tableau 1) a amené à prendre en considération d’autres critères pour juger de l’activité de la polyarthrite [28]. Ainsi, sont pris en compte en plus du nombre d’articulations douloureuses et gonflées et de l’importance du syndrome inflammatoire (VS, CRP), l’évaluation de l’état fonctionnel (auto-questionnaire) de la douleur (patient), de l’activité globale de la maladie (patient, praticien). Il n’existe toutefois pas à partir de ces paramètres de critères permettant de définir l’activité de la polyarthrite. Un indice composite permettant de juger de l’activité de la polyarthrite rhumatoïde a été développé par l’EULAR [29,30]. Le DAS (Disease Activity Score) a été construit à partir du suivi prospectif durant trois ans de 113 patients ayant une polyarthrite récente non encore traitée. La polyarthrite était considérée comme active si un traitement de

M. Soubrier, M. Dougados / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 207–212 Tableau 1 Critères de réponse ACR 20 ≥ 20 % d’amélioration du nombre d’articulations douloureuses a ≥ 20 % d’amélioration du nombre de synovites a ≥ 20 % d’amélioration de 3 parmi les 5 items suivants : • évaluation de la douleur par le patient b • évaluation globale par le patient c • évaluation globale par le praticien d • auto questionnaire évaluant le statut fonctionnel e • marqueur biologique de l’inflammation f a

Sur 28 articulations, au moins, où douleur et synovite sont notées sur un mode binaire (oui/non). b Échelle visuelle analogique (EVA) horizontale ou échelle de Likert, sur la douleur actuelle du patient. c Échelle visuelle analogique horizontale ou échelle de Likert, sur l’évaluation globale de l’activité de sa maladie par le patient. d Échelle visuelle analogique horizontale ou échelle de Likert, sur l’évaluation globale de l’activité de la maladie par le praticien. e Instrument d’auto évaluation validé, fiable et sensible au changement (HAQ). f Vitesse de sédimentation ou C réactive protéine (CRP).

fond était institué ou modifié. La polyarthrite rhumatoïde était considérée comme peu active si aucun traitement de fond n’était institué ou si le traitement de fond n’était pas modifié durant au moins un an ou si le traitement de fond était interrompu en raison d’une rémission. L’analyse statistique (régression logistique multiple) permettait de déterminer les facteurs cliniques et biologiques rendant possible le calcul d’un score d’activité. Ce score d’activité prend en compte de façon décroissante l’indice de Ritchie (étude de 53 sites articulaires avec cotation de la douleur en 4 classes), la présence d’une synovite recherchée sur 44 sites articulaires, la vitesse de sédimentation et l’appréciation globale de la maladie par le patient sur une échelle visuelle analogique. L’équation est complexe (54 × 'NAD + 0,065 × NAG + 0,33 × Ln(VS) + 0,0072 × EVA) mais le DAS, et toutes ces variantes possibles, peut être très facilement et rapidement calculé (www.das-score.nl). Si l’on ne dispose pas de l’appréciation globale du patient, l’adjonction d’une constante à la place de l’appréciation globale du patient dans l’équation du DAS, permet de rendre les deux scores d’activité interchangeables. En considérant le DAS, une polyarthrite rhumatoïde est très active lorsque le DAS est > 3,7, modérément active si 2,4 < DAS ≤ 3,7, peu active lorsque le DAS est ≤ 2,4. Dans un second temps, le DAS28 a été développé [31]. Le DAS28 prend en compte l’étude de 28 articulations (2 épaules, 2 coudes, 2 poignets, 10 MCP, 10 IPP, 2 genoux), la vitesse de sédimentation et l’évaluation globale par le patient de la maladie sur une échelle visuelle analogique. Contrairement au DAS, la douleur est, tout comme la synovite, présente ou absente. Le DAS et le DAS28 ne sont pas interchangeables. Le DAS28 peut cependant être calculé à partir du DAS et non l’inverse (DAS28 = 1,072 × DAS + 0,938). Le DAS28 donne des chiffres plus élevés que ceux du DAS original. Ainsi, en considérant le DAS28, une polyarthrite rhumatoïde est très active lorsque le DAS28 est > 5,1, modérément active si 3,2 < DAS28 ≤ 5,1, peu active lorsque le DAS28 est ≤ 3,2.

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Le DAS et le DAS28 viennent d’être développés en utilisant la C-réactive protéine à la place de la vitesse de sédimentation [32]. Les seuils définissant l’activité de la polyarthrite rhumatoïde ne sont pas modifiés par l’introduction de la CRP. Ainsi, une polyarthrite rhumatoïde est très active si le DAS CRP est > 3,7 ou si le DAS28 CRP est > 5,1. Le SDAI (Simple Disease Activity Index) est la somme algébrique de cinq paramètres : nombre d’articulations gonflées (28 articulations étudiées), nombre d’articulations douloureuses (28 articulations étudiées), activité de la maladie jugée par le patient et le praticien (échelle visuelle analogique de 0 à 10), C-réactive protéine (mg/dl) [33]. Cet indice a été validé en utilisant les bases de données ayant servi au développement du léflunomide. Une polyarthrite rhumatoïde est très active lorsque le SDAI est > 40, modérément active lorsque le SDAI est ≥ 20 et < 40 ; peu active lorsque le SDAI est < 20.

3. Évaluation de la réponse au traitement Les critères de suivi d’une polyarthrite rhumatoïde doivent être validés, reproductibles, sensibles aux changements et non redondants [34]. Trois critères répondent à cette définition : les critères ACR, les critères EULAR, les critères du SDAI. Les critères ACR (Tableau 1) ont été validés sur leur capacité à discriminer un patient amélioré sous traitement actif vs placebo. Dans les essais thérapeutiques, le seuil de 20 % a été retenu comme critère principal de jugement. Il faut cependant prendre garde à la définition de ces critères. S’agit-il de prendre en compte que les chiffres obtenus au début et à la dernière visite de l’étude ? entre les chiffres obtenus au début et à la dernière visite où le malade était encore sous traitement à l’étude ? Un malade sorti d’essai était-il systématiquement considéré comme non-répondeur ? A-t-on pris en compte le temps au bout duquel le malade répondait à ces critères ? En fonction des réponses à ces questions, le pourcentage peut varier. De la même façon ont été définis des critères ACR 50 et 70 qui répondent à la définition des critères ACR 20 mais en exigeant des améliorations de 50 et 70 % respectivement. Une amélioration ACR 50 ou ACR 70 sera recherchée à l’échelon individuel. Quoiqu’il en soit, Le calcul du score de l’ACR est très difficile en pratique quotidienne et les critères ACR ne permettent pas de déterminer l’activité résiduelle de la polyarthrite. Contrairement aux critères ACR, les critères de réponse EULAR sont fondés sur le niveau atteint de l’activité de la maladie (DAS ou DAS28) et les modifications du score DAS ou DAS28 [35]. Ils classent les patients en trois catégories : non-répondeurs, répondeurs modérés ou bons répondeurs (Tableau 2). En ce qui concerne le SDAI, une diminution de 22 points correspond à une amélioration majeure sous traitement, alors que l’amélioration est considérée comme modérée si la varia-

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Tableau 2 Critères EULAR de réponse DAS à la mesure finale ≤ 2,4 > 2,4 et ≤ 3,7 > 3,7

Amélioration du DAS28 par rapport à la DAS28 à la mesure finale valeur de base > 1,2 > 0,6 et ≤ 1,2 ≤ 0,6 ≤ 3,2 Bon répondeur > 3,2 et ≤ 5,1 Répondeur modéré > 5,1 Nonrépondeur

tion du SDAI est comprise entre 10 et 21 points. Une diminution de neuf points du SDAI correspond à une diminution du DAS de –0,6 et une diminution de 16 points du SDAI correspond à une diminution du DAS de –1,2. Les critères de rémission proposés par l’ACR sont stricts [36]. Le patient doit répondre depuis au moins deux mois consécutifs à cinq au moins des six critères suivants : raideur matinale inférieure à 15 minutes, absence de fatigue, absence de douleur articulaire lors de l’interrogatoire, absence de douleur articulaire lors de la pression des articulations ou lors du mouvement, absence de gonflement des articulations des tissus mous ou des gaines tendineuses, absence de syndrome inflammatoire (VS < 30 chez la femme, < 20 mm chez l’homme). En utilisant le DAS, Prevoo a montré que la rémission pouvait être définie par un DAS < 1,6 [37]. Si l’on utilise le DAS28, celui-ci doit être inférieur à 2,6 pour parler de rémission (valeur calculée à partir du DAS). En fait, il est possible que la rémission puisse être définie par un DAS28 < 3,1 mais ceci demande à être confirmé [38].

4. Évaluation des dégâts structuraux Dans la polyarthrite rhumatoïde, les radiographies standard permettent d’apprécier de façon objective les dégâts structuraux. Leur répétition permet d’évaluer la progression de la maladie et d’apprécier l’effet des traitements de fond. Les érosions osseuses et le pincement articulaire sont les deux anomalies les plus spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde. La progression radiographique doit être jugée sur des radiographies standard des mains et des poignets de face sur la même plaque ainsi que sur des clichés des deux pieds de face sur la même plaque. Plus de dix scores radiographiques ont été développés afin d’apprécier la progression radiographique [8]. Trois d’entre eux sont couramment utilisés dans les essais thérapeutiques. Le score de Sharp, le score de Sharp modifié par van der Heije, le score de Larsen. 4.1. Le score de Sharp Il évalue la présence d’érosions sur 17 sites articulaires et d’un pincement sur 18 sites aux mains [39]. Une note de 0 à 5 est donnée pour chacune des articulations en fonction de l’importance des érosions (score total d’érosion : 0–170).

Une note de 0 à 4 est donnée pour le pincement articulaire (score total de pincement 0–144). 4.2. Le score de Sharp modifié par van der Heijde Dans le score de Sharp modifié par van der Heijde, la présence d’érosion est recherchée dans 16 sites articulaires aux mains, et dans six sites articulaires aux pieds [40]. Un score d’érosion de 0 à 5 est donné aux mains, de 0 à 10 aux pieds (score total d’érosion aux mains : 0–160 ; aux pieds 0–120). Un pincement articulaire est recherché dans 15 sites aux mains, six sites aux pieds, avec une note de 0 à 4 en fonction du stade de pincement (score total de pincement aux mains 0–120, aux pieds 0–48). 4.3. Le score de Larsen Dans le score de Larsen les érosions et le pincement articulaire sont confondus au sein d’une seule échelle de cotation de 0 à 5 [41]. Aux mains les métacarpophalangiennes, les interphalangiennes proximales sont cotées ainsi que le poignet considéré comme une seule articulation (0–25) Aux pieds, les articulations étudiées sont les quatre dernières métatarsophalangiennes et l’interphalangienne proximale du I. Le score total obtenu est ainsi de 200 (0–150 aux mains, 0–50 aux pieds). À l’échelon individuel, seul le score de Sharp modifié par van der Heidje permet d’apprécier de façon sensible (79 %) et spécifique (84 %) les modifications radiographiques qui conduisent un groupe d’experts à modifier le traitement de fond (variation de 5 points) [42]. L’idéal serait donc d’apprécier la progression radiographique par le score de Sharp modifié par van der Hejde. Cela est pour deux raisons au moins inenvisageable en pratique courante : nécessité d’apprentissage, temps de réalisation 20 à 25 minutes environ [8]. La comparaison des radiographies doit nous permettre d’apprécier au quotidien l’aggravation des dégâts structuraux [43].

5. Appréciation de l’incapacité fonctionnelle L’incapacité fonctionnelle est la conséquence la plus évidente de la polyarthrite rhumatoïde. La mesure du statut fonctionnel est un reflux global de l’état de santé du patient. L’adaptation française du Standford Health Assessment Questionnaire (HAQ) explore huit domaines d’activité de la vie quotidienne avec deux à trois questions pour chacune [44]. Chaque question est notée de 0 à 3 selon la difficulté ressentie par le patient. (0 = aucune difficulté ; 1 = quelques difficultés ; 2 = beaucoup de difficultés ; 3 = impossible). La note pour chacun des huit domaines est celle correspondant à la note la plus forte obtenue parmi les deux ou trois questions incluses dans ce domaine. En cas de données manquantes, la note du domaine correspond à la plus forte note des questions comportant une réponse. La notion de nécessité d’une aide

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et/ou d’un recours à des appareils adaptés modifie cette notation : la note pour le domaine correspondant doit alors être de 2 au moins. L’indice fonctionnel est la somme des cotations des divers domaines concernés, divisée par le nombre de domaines évalués (normalement 8). Le score obtenu est donc compris entre 0 et 3. La variation cliniquement pertinente du HAQ est de 0,22.

6. Proposition de suivi standardisé Il est bien entendu difficile de proposer un suivi standardisé, chaque praticien a ses habitudes... Il est évident qu’il faut continuer à recueillir les données classiques du suivi de la polyarthrite rhumatoïde : traitements en cours, nombre de réveils nocturnes, durée du dérouillage matinal, nombre d’articulations douloureuses, nombre d’articulations gonflées, importance du syndrome inflammatoire jugée sur la VS et la CRP. La question est actuellement de savoir s’il faut suivre les polyarthrites rhumatoïdes en tenant compte d’un indice d’activité de la maladie et de modifier le traitement en fonction des résultats de celui-ci. Parmi les indices à notre disposition (DAS, DAS28, SDAI), il nous semble que les données du DAS sont trop longues à recueillir pour être utilisées en pratique quotidienne. À l’inverse, les données du DAS28 sont facilement et rapidement recueillies et le calcul du DAS28 est très rapide. Le DAS28 a été très largement employé dans de nombreux essais thérapeutiques et nous semble devoir être préféré pour l’instant au SDAI. L’utilisation du DAS28 au cours du suivi de la polyarthrite nous semble avoir trois avantages : prendre conscience que la polyarthrite rhumatoïde n’est pas aussi bien contrôlée qu’on pouvait le penser, apprécier la réponse au traitement, uniformiser notre langage entre cliniciens. L’utilité de suivre les polyarthrites rhumatoïdes avec un indice d’activité et de modifier le traitement en fonction de celui-ci vient de faire l’objet d’une communication au dernier congrès de l’ACR [45]. Cent dix patients ayant une polyarthrite évolutive ont été randomisés et ont été traités soit de façon classique soit de façon intensive. Le traitement intensif avait pour but de maintenir un DAS < 2,4. Ceci était obtenu en renforçant le traitement de fond selon un protocole pré-défini (un seul traitement de fond, association de plusieurs traitements de fond donnés à la posologie maximale, adjonction de corticoïdes, association méthotrexate ciclosporine). À 18 mois, 67 % des patients étaient répondeurs ACR 70 contre seulement 18 % des patients traités de façon classique. Le HAQ était très nettement amélioré et la progression radiographique moindre (HAQ : –0,97 vs –0,47 p < 0,05 ; score de Sharp modifié + 3,5 vs + 6,9 p = 0,057). Il nous semble qu’il y ait également une nécessité absolue de suivre l’évolution des dégâts structuraux. Le bilan radiographique nous semble devoir être réalisé de façon biannuelle durant les deux premières années d’évolution de la polyarthrite puisque c’est dans cette période que l’évolution

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structurale est la plus rapide. Le bilan radiographique sera ensuite réalisé de façon annuelle et lors de toute modification thérapeutique. L’aggravation des dégâts structuraux, surtout si la polyarthrite reste active amènera à intensifier le traitement de fond (adjonction de plusieurs traitements de fond, et/ou recours aux biothérapies) [43]. Si l’outil HAQ a fait l’objet de son utilité dans l’appréciation des traitements et si cet outil est préconisé par beaucoup d’auteurs dans le suivi des patients en pratique quotidienne, force est de reconnaître que très peu de médecins l’utilisent dans le cadre de leur pratique quotidienne. Enfin, en raison de la surmortalité cardiovasculaire, il semble nécessaire de contrôler la tension artérielle et le bilan lipidique de façon régulière. L’existence d’une dyslipémie amènera en fonction des autres facteurs de risque cardiovasculaire à débuter un traitement hypolipémiant. L’emploi d’une statine semble judicieux puisqu’elle paraît avoir une action immunomodulatrice dans la polyarthrite rhumatoïde [46].

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