Recommandations de pratiques cliniques, qu’en pensent les internes?

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Presse Med 2004; 33: 1233-7 F. Riou, D.Veillard, P. Jarno, M.-B. Coutté Correspondance : Françoise Riou, Service d’épidémiologie et hygiène hospital...

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Presse Med 2004; 33: 1233-7

F. Riou, D.Veillard, P. Jarno, M.-B. Coutté

Correspondance : Françoise Riou, Service d’épidémiologie et hygiène hospitalières, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex Tél. : 02 99 28 93 31 [email protected] Reçu le 21 juillet 2003 Accepté le 17 mars 2004

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© 2004, Masson, Paris

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Recommandations de pratiques cliniques, qu’en pensent les internes?

Summary

Résumé

Clinical practice guidelines what do the internists think ?

Objectif Étudier l’opinion et les attentes des internes de médecine des hôpitaux publics de la région Bretagne à l’égard des recommandations de pratique clinique (RPC). Méthode Enquête transversale par questionnaire anonyme autoadministré à questions fermées concernant l’âge, le sexe, le statut (résident de médecine générale [RMG] ou interne en diplôme d’études spécialisées [DES]), l’ancienneté et le contexte d’exercice, le point de vue personnel des internes sur les RPC, les caractéristiques de celles qu’ils utilisent, leur opinion sur l’utilité et l’impact prévisible d’efforts d’amélioration de l’élaboration et d’incitation à l’utilisation des recommandations. Analyse descriptive et test statistique (χ2) des associations entre les réponses concernant les RPC et les caractéristiques des internes. Résultats Sur 106 questionnaires analysés (taux de réponse : 50 %), 96 internes (90 %) estimaient que les avantages des RPC étaient supérieurs à leurs inconvénients ; 66 (62 %) déclaraient utiliser des RPC dans leur pratique courante. Quatre-vingt-cinq (80 %) estimaient utiles des efforts d’amélioration de l’élaboration des RPC et 97 (91 %) répondaient de même pour leur diffusion et leur accompagnement. Des RPC concernant à la fois le diagnostic et la thérapeutique de pathologies courantes, élaborées au niveau national et adaptées localement, présentées de façon synthétique dans un guide de poche et transmises directement par les médecins du service, auraient le plus de chance d’être utilisées. Conclusion Tout programme qui viserait au développement de l’utilisation des RPC dans les services hospitaliers devrait prendre en compte la grande réceptivité des internes, mais aussi la nécessaire implication des médecins seniors dans l’accompagnement spécifique de leur diffusion.

Objective Study the opinion and expectations of the internists in the public hospitals in the Brittany area regarding Clinical Practice Guidelines (CPG). Methods Cross-sectional survey using an anonymous, selfadministered questionnaire, with closed questions concerning age, gender and status (internist in general medicine (IGM) or internist specialization student [ISS]), years and context of practice, the personal opinion of the residents regarding the CPG, the nature of those that they apply, their opinion on the interest and foreseeable impact of efforts in improvements and elaboration and prompting to use the guidelines. Descriptive analysis and statistics (chi 2) were made of the associations between the replies concerning the CPG and the characteristics of the internists. Results Among the 106 questionnaires analysed (reply rate: 50%), 96 internists (90%) felt that the advantages of the CPG were greater than their inconveniences and 66 (62%) claimed they applied the CPG in routine practice. Eighty-five (80%) considered efforts to improve the elaboration of CPG were of interest and 97 (91%) replied likewise regarding their accompanied diffusion. Guidelines concerning both diagnosis and treatment of common diseases, developed on national level and adapted locally, presented in summarized pocket-sized form and transmitted directly by the physicians of the department would have the best chance of being used. Conclusion Any program aimed at developing the use of CPG in hospital departments should take into account the enthusiasm of the internists, but also the implication of senior physicians required in their specific accompanied diffusion. F. Riou, D. Veillard, P. Jarno, M.B. Coutté Presse Med 2004; 33: 1233-7 © 2004, Masson, Paris

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évolution permanente des connaissances et des techniques médicales,entraînant une progression des publications scientifiques, a motivé le développement de travaux de synthèse à l’attention des praticiens. Les recommandations de pratiques cliniques (RPC), « propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le malade dans leur décision concernant le caractère approprié des soins dans des circonstances cliniques données selon l’Anaes» en font partie. Généralement élaborées et diffusées à une échelle nationale,elles sont particulièrement utiles pour les médecins dont le champ de pratique est très large,ce qui est le cas

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de la majorité des internes. Les RPC sont élaborées ou validées par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) et les moyens consacrés à leur diffusion sont importants,mais leur appropriation par les 1,2 prescripteurs,dont les internes,est loin d’être acquise . Rares sont les études faisant état de l’opinion des médecins et des internes à l’égard d’un outil mis à leur dispo3-5 sition et sur lequel beaucoup s’interrogent .Nous avons réalisé une enquête sur l’opinion et les attentes des internes de médecine des hôpitaux publics de la région Bretagne à l’égard des RPC, réalisée entre avril et septembre 2001. La Presse Médicale - 1233

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Méthodes Il s’agissait d’une enquête transversale par questionnaire auto-administré à questions fermées.

POPULATION Les internes de spécialités (DES) et les résidents en médecine générale (RMG), poste au moment de l’enquête dans les services de médecine adulte des hôpitaux publics de la région Bretagne, ont été identifiés à partir des listes d’affectation des stages fournies par les deux Facultés de médecine de la région.Les internes en congé maternité ou longue maladie ainsi que ceux effectuant leur service national au moment de l’enquête ont été exclus.Cent trente-trois RMG et 78 DES répondaient aux critères d’inclusion.

RECUEIL DE DONNÉES Le questionnaire était anonyme et auto-administré.Il était constitué d’une majorité de questions fermées construites sur la base des résultats d’une enquête quali6 tative et de la littérature internationale, portant sur les 2,7 facteurs d’appropriation des RPC par les praticiens .La première version a été testée auprès d’un panel de médecins hospitaliers et d’internes de la région. Ce questionnaire (disponible auprès des auteurs) comportait 4 parties explorant : • les caractéristiques individuelles, à savoir âge,sexe, statut, ancienneté, contexte d’exercice ; • le point de vue personnel des internes sur les RPC en général, la proximité de leur propre définition avec celle de l’Anaes, l’identification des avantages et des inconvénients, les caractéristiques de celles qu’ils utilisent éventuellement dans leur pratique courante ; • leur opinion sur l’utilité d’efforts d’amélioration de l’élaboration des recommandations et leur impact prévisible sur leur pratique personnelle ; • leur opinion sur l’utilité d’efforts d’incitation à l’utilisation des recommandations et l’impact prévisible sur leur pratique personnelle. Pour ces deux dernières parties, les questions étaient introduites selon les termes : « Utiliseriez-vous les RPC si… ? » et les réponses comportaient les items suivants : « moins/autant/plus/beaucoup plus ».Au questionnaire était jointe la définition d’une RPC selon l’Anaes ainsi que des exemples de recommandations réalisées et diffusées par l’agence et par des groupes de médecins des deux CHU de la région,de présentations et de formats variés.La diffusion s’est faite, selon la taille de l’établissement, par voie postale ou par l’intermédiaire d’un médecin relais exerçant au sein des établissements hospitaliers concernés. Une relance par voie postale et par contact téléphonique a été effectuée en seconde intention. 1234 - La Presse Médicale

ANALYSE DES DONNÉES Les données ont été saisies et analysées sous le logiciel SPSS version 10.0.Toutes les questions ont été analysées et nous n’avons pas fixé de taux de réponses minimum. Les quelques questions ayant un taux de non-réponses supérieur à 10 % ont été signalées dans l’exposé des résultats.Nous avons étudié la fréquence des réponses à chaque question.Une variable “niveau de spécialisation” a été créée en tenant compte des variables statut et ancienneté. Les réponses concernant les parties “efforts d’amélioration” ont été recodées en variables dichotomiques (« utiliseriez-vous moins ou autant les RPC ? » et « utiliseriez-vous plus ou beaucoup plus les RPC ? »).Nous avons testé les associations statistiques entre les caractéristiques des internes et leurs réponses aux questions concernant les RPC, sauf l’influence du type d’établissement parce qu’une grande partie d’entre eux changent d’établissement à chaque nouveau stage. 2 Nous avons utilisé le test du χ avec un seuil de signification à p < 0,05.

Résultats DESCRIPTION DES RÉPONDANTS ET DES NON-RÉPONDANTS Sur les 211 internes inclus (tableau 1), 106 ont répondu au questionnaire (50 %). Selon leur statut et leur ancienneté, ils se répartissaient ainsi : • 64 RMG (taux de réponses : 48 %) ; e • 22 DES juniors,c’est-à-dire jusqu’au 4 semestre inclus (taux de réponses : 47 %) ; e • 20 DES seniors, c’est-à-dire au-delà du 5 semestre inclus (taux de réponses : 64 %). Parmi eux, 45 étaient de sexe masculin (taux de réponses : 52 %) et 61 de sexe féminin (taux de réponses : 49 %).

Tableau 1

Caractéristiques des 106 répondants Caractéristiques

Répondants

Population totale incluse

N%

N

Sexe

Homme Femme

46 (53 %) 60 (48 %)

86 125

Statut

DES seniors DES juniors RMG

20 (64 %) 22 (47 %) 64 (48 %)

31 47 133

50 (54 %) 34 (39 %) 22 (67 %)

92 86 33

Type d’hôpital dans lequel ils étaient en stage au moment de l’enquête : CHU Grand CHG Petit CHG

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LE POINT DE VUE GÉNÉRAL DES INTERNES SUR LES RPC Quatre-vingt-seize des 106 internes (90 %) estimaient que les avantages des RPC étaient supérieurs à leurs inconvénients et ont cité au moins 2 avantages parmi ceux proposés. Les plus cités étaient l’aide à la décision (80 %), l’aide-mémoire ponctuel (60 %) et l’harmonisation des pratiques (57 %).Vingt-six (25 %) n’ont cité aucun inconvénient et 42 (40 %) un seul.L’inconvénient le plus cité était le caractère trop rigide des RPC (45 %).

LES RPC UTILISÉES DANS LA PRATIQUE COURANTE Soixante-six internes sur 106 (62 %) disaient utiliser des RPC dans leur pratique clinique courante : 55 (83 %) en utilisaient entre 1 et 5 et la plupart (58 %) de façon plutôt régulière. Les thèmes de ces RPC concernaient 9 fois sur 10 des “pathologies courantes” ne nécessitant pas obligatoirement et systématiquement de prise en charge spécialisée immédiate. Soixante-quinze pour cent des internes utilisaient des RPC présentées dans un guide de poche. Seuls 17 internes (26 %) avaient reçu une information spécifique sur les RPC qu’ils utilisaient soit par courrier soit lors d’une réunion ou encore, pour quelques-uns, directement par les médecins de leur service. Les internes qui n’utilisaient pas de RPC répondaient à plus de 80 % qu’ils n’en avaient pas à leur disposition, les autres, que les RPC à leur disposition ne les satisfaisaient pas.

ment pourraient les inciter à plus utiliser les RPC. Parmi eux, 73 (75 %) répondaient qu’ils utiliseraient plus des RPC qui leur seraient directement transmises par un médecin senior du service.Par contre,7 % répondent de même si cette diffusion était assurée par l’administration de leur hôpital et 42 % par l’Anaes. Enfin, 45 % des RMG utiliseraient plus des RPC diffusées par leur faculté de médecine et 51 % des DES par les sociétés savantes (tableau 3). De plus, un accompagnement spécifique à la diffusion paraît nécessaire à une majorité des internes. En effet,73 d’entre eux (75 %) utiliseraient plus des RPC dont la diffusion s’accompagnerait d’une information régulière par les médecins du service. Ils étaient une majorité à souhaiter que cette information puisse avoir lieu à chaque changement de service (73 %) et à chaque changement de centre hospitalier (55 %). Enfin, 2 internes sur 3 estimaient que l’utilisation de RPC dans une perspective d’évaluation des pratiques à visée d’autoformation les inciterait à plus les utiliser et 1 sur 2 était prêt à participer à des actions d’évaluation des pratiques dans un but d’autoformation.

L’INFLUENCE DES CARACTÉRISTIQUES INDIVIDUELLES DES INTERNES

Seul le niveau de spécialisation génère des réponses différentes statistiquement significatives. L’opinion des internes divergeait sur l’impact prévisible de RPC élaborées par des groupes de médecins incluant ou non des

LES EFFORTS D’AMÉLIORATION DES RPC Quatre-vingt-cinq internes sur 106 (80 %) estimaient que des efforts d’amélioration des RPC pourraient les inciter à plus les utiliser.Parmi eux,67 (79 %) utiliseraient plus les RPC dont les thèmes traiteraient de pathologies médicales courantes susceptibles d’être rencontrées dans tous les services ;de même,si elles traitaient à la fois de l’étape diagnostique et de l’étape thérapeutique.Cinquante-sept (67 %) utiliseraient plus des RPC élaborées au niveau national puis adaptées au niveau local.Deux tiers des DES seniors les utiliseraient davantage si elles étaient élaborées exclusivement par des spécialistes du sujet traité et 52 % des RMG si des médecins non spécialistes de ce sujet étaient associés à cette élaboration (tableau 2). Cinquante-cinq internes (65 %) utiliseraient plus des RPC présentées sous une forme synthétique et 48 (56 %) s’ils disposaient d’un argumentaire plus détaillé à côté de cette présentation synthétique.Enfin,65 internes (76 %) utiliseraient plus des RPC présentées sur un format guide de poche, 51 (60 %) sur un format A4 et 38 (45 %) sur support informatique.

LES EFFORTS DE DIFFUSION ET D’ACCOMPAGNEMENT Quatre-vingt dix-sept internes sur 106 (91 %) estimaient que des efforts portant sur la diffusion et l’accompagne23 octobre 2004 • tome 33 • n°18

Tableau 2

Impact attendu du mode d’élaboration des RPC sur les pratiques déclarées, en fonction du niveau de spécialisation des internes Condition

Nombre total de répondants

Les internes déclarent qu’ils utiliseraient les RPC : plus

p

n ( %)

autant ou moins n ( %)

10 (63 %) 5 (29 %) 7 (13 %)

6 (37 %) 12 (71 %) 47 (87 %)

< 0,006

16 17 54

3 (19 %) 4 (24 %) 28 (52 %)

13 (81 %) 13 (76 %) 26 (48 %)

< 0,03

Si elles étaient élaborées en 83 associant des médecins en formation DES seniors 16 DES juniors 17 RMG 54

3 (19 %) 1 (6 %) 22 (41 %)

13 (81 %) 16 (94 %) 32 (59 %)

< 0,0002

Si elles étaient élaborées par des spécialistes du thème traité DES seniors DES juniors RMG Si elles étaient élaborées par l'associaton de spécialistes et de non-spécialistes du thème traité DES seniors DES juniors RMG

83 16 17 54 83

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spécialistes du sujet traité (tableau 2) :les DES seniors utiliseraient plus les RPC si elles étaient élaborées uniquement par des spécialistes (p < 0,006), alors que les RMG les utiliseraient plus si les groupes d’élaboration associaient des non-spécialistes (p < 0,03). Quant à la participation des internes à ces groupes, seuls les RMG répondaient que celle-ci les inciteraient à plus utiliser les RPC ainsi élaborées. Si la plupart étaient très réticents à une diffusion par l’administration, leurs opinions divergeaient sur l’impact prévisible de la voie de diffusion (tableau 3) : les DES préféraient une diffusion par une société savante (p < 0,006) et les RMG une diffusion par leur faculté d’origine (p < 0,04). Enfin, les RMG et les DES juniors estimaient, plus souvent que les DES seniors, que leur association à une évaluation des pratiques les inciterait à plus utiliser les RPC (p < 0,03).

dants avaient une vision positive des référentiels médicaux. Les internes (90 % d’attitudes positives) semblent donc encore plus favorables à ce type d’outil que leurs aînés. Ils ne perçoivent pas les inconvénients potentiels (caractère trop rigide, perte de l’esprit critique) comme des obstacles majeurs, alors que l’harmonisation des pratiques, qui est l’un des objectifs 10 du développement des RPC , est perçue comme un avantage par une forte majorité d’entre eux. Cependant, les recommandations dont ils disposent ne satisfont complètement qu’une minorité des répondants.La plupart,y compris parmi les utilisateurs actuels,estiment nécessaires des efforts d’amélioration. Concernant le contenu des RPC, 80 % des internes, y compris parmi les DES, utiliseraient d’abord des recommandations traitant de thèmes plutôt généralistes, c’est-à-dire de pathologies susceptibles d’être prises en charge dans tout type de service de méde5 Discussion cine. Lors de l’enquête réalisée au CHU de Grenoble , 65 % des médecins reconnaissaient avoir besoin de référentiels pour les Avec un taux de réponses à cette enquête de 50 %, nous pensons pathologies hors du champ de leur spécialité. Le fait que les que la proportion des internes ayant une opinion favorable à internes soient en cours de formation,associés à l’exercice de plus l’égard des RPC n’a pas été surévaluée par rapport à celle de l’en- en plus spécialisé des médecins seniors, explique probablement semble de la population interrogée.Ceux qui n’ont pas répondu et pour partie leurs choix. que nous avons contactés par téléphone ont surtout évoqué leur Alors que l’élaboration rigoureuse de RPC est une opération commanque de temps,lié à leur surcharge de travail et leur manque de plexe qui nécessite des moyens humains et financiers importants 11,12 , l’étape suppléconnaissances pratiques à l’égard du thème du questionnaire. justifiant sa réalisation à une échelle nationale Parmi les internes qui ont répondu au questionnaire, le taux de mentaire de l’adaptation locale semble pertinente à double titre. réponses était indépendant du niveau de spécialisation ; seuls 2 Elle permet d’une part d’adapter les RPC à des contraintes ou des d’entre eux estimaient que les inconvénients des RPC étaient supé- spécificités locales (par exemple liées aux moyens à disposition) et d’autre part elle favorise leur appropriation par les utilisateurs rieurs à leurs avantages. 3,13-17 .Notre enquête a confirmé qu’une telle potentiels eux-mêmes Lors de nos recherches documentaires, nous n’avons pas obtenu d’enquête explorant spécifiquement les opinions et les attitudes étape pouvait favoriser l’utilisation des RPC. des internes à l’égard des RPC. Les rares publications, notamment Les DES répondent en majorité qu’ils utiliseraient plus des RPC éla5,8,9 borées par des groupes de médecins composés uniquement de francophones, sur ce sujet concernent des médecins seniors . 5 L’enquête grenobloise réalisée en 1998 auprès de chefs de service spécialistes du thème traité, alors que la majorité des RMG souhaiet responsables d’unité fonctionnelle indiquait que 69 % des répon- tent la présence de non- spécialistes dans ces groupes.Ces résultats rejoignent les divergences observées entre les médecins spécialistes et non spécialistes lors des Tableau 3 enquêtes américaines et canadiennes réalisées en 8 16 Impact attendu du mode de diffusion des RPC en fonction 1994 et en 1999 . Il apparaît donc qu’à cet égard du niveau de spécialisation des internes l’opinion des internes et des médecins soit liée avant tout à leur spécialisation. Condition Nombre total Les internes déclarent p La forme des RPC est importante et les RPC synthéde répondants qu’ils utiliseraient les RPC : tiques ont le plus de chances d’être adoptées. Ces plus autant résultats rejoignent l’accueil favorable fait au guide ` ou moins n ( %) n ( %) de poche mis en place au CHU de Rennes et pré6 Si elles étaient diffusées senté sous forme d’arbres décisionnels .Trois par leur faculté d’origine 97 internes sur 4 approuvent un format guide de poche DES seniors 17 3 (18 %) 14 (82 %) qui correspond parfaitement à la nécessité de rendre DES juniors 20 4 (20 %) 16 (80 %) < 0,04 l’information accessible au plus près de l’acte de RMG 60 27 (45 %) 33 (55 %) prescription.Si l’outil informatique est relativement Si elles étaient diffusées 97 peu cité, c’est probablement en partie parce que par les sociétés savantes peu d’internes y ont facilement accès dans leur serDES seniors 17 10 (59 %) 7 (41 %) DES juniors 20 9 (45 %) 11 (55 %) < 0,006 vice. L’impact positif de l’outil informatique dans le 18 RMG 60 10 (17 %) 50 (83 %) domaine diagnostique n’est pas démontré . 1236 - La Presse Médicale

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Enfin, le choix de l’organisme en charge de la diffusion des recommandations n’est pas neutre. En effet, alors que la majorité des DES juniors et seniors accordent leur crédit aux sociétés savantes,la majorité des RMG font d’abord confiance à leur faculté de médecine de rattachement.Une diffusion à partir d’une entité nationale bien identifiée telle que l’Anaes semble également judicieuse puisque 42 % des internes utiliseraient plus les RPC diffusées selon cette voie. Cela paraît d’autant plus intéressant à souligner qu’actuellement les internes ne sont pas destinataires des RPC diffusées par cette agence. La transmission directe par les médecins des services où ils sont en stage est susceptible d’influencer positivement l’attitude de 3 internes sur 4 par rapport aux RPC. On retrouve ici l’effet “leader d’opinion” 7 déjà identifié dans d’autres études à défaut d’être parfaitement défini . Parallèlement, la demande d’un accompagnement spécifique de la diffusion des RPC est très forte. Seuls 26 % des internes disant utiliser des RPC au quotidien considèrent qu’ils ont reçu une information spécifique sur ces recommandations. C’est la disponibilité de ceux que les internes reconnaissent comme les plus à même de leur dispenser cette information, c’est-à- dire les médecins des services dans lesquels ils sont en stage, qui est en cause. Les conclusions de l’enquête qualitative sur l’essoufflement de l’expérience 6 menée depuis 1993 au CHU de Rennes sont intéressantes . Si les médecins se sont fortement mobilisés pour l’élaboration de recommandations, leur implication dans la diffusion et son accompagnement auprès des internes a été très faible. De même, moins de la moitié des médecins ayant participé à l’enquête grenobloise déclaraient mettre à disposition des internes du service des référentiels médicaux (protocoles, conférences de consensus, recommandations de pratique clinique) et 1 sur 3 disait réaliser une information systématique auprès des nouveaux internes,sans qu’une procédure 5 ne soit jamais formalisée .Il serait intéressant de recueillir le niveau d’information des internes de cet établissement sur ces référentiels.

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Conclusion Cette enquête, menée en 2001, confirme l’attitude très positive des internes en médecine à l’égard des RPC malgré une carence assez nette d’informations.Si les avis favorables et les souhaits d’une amélioration du contenu,de la forme et de la diffusion de RPC sont largement majoritaires quels que soient leurs statuts (DES seniors, DES juniors ou RMG), quelques divergences apparaissent quant aux modalités d’élaboration et de diffusion.Tout programme qui viserait au développement de l’utilisation des RPC dans les services hospitaliers devrait donc prendre en compte la grande réceptivité des internes à l’égard d’un tel outil mais aussi la nécessaire implication des médecins seniors dans l’accompagnement spécifique que nécessite leur diffusion. ■ CE

Q U I É TA I T C O N N U

Les attitudes et opinions, par rapport aux recommandations de pratique clinique, des médecins français étaient connues de façon globale, sans référence à leur type de pratique. • Les attitudes et opinions des internes de spécialités et les résidents en médecine générale n’avaient jamais été explorées.



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Q U ’ A P P O R T E L’ A R T I C L E

Les internes et résidents français sont globalement favorables aux recommandations de pratique clinique, mais ils se disent (en 2001) peu informés par les médecins des services dans lesquels ils sont en stage. • Ils privilégient les recommandations portant sur les pathologies courantes et le format “guide de poche”. • Ils les utiliseraient d’autant plus qu’ils y seraient régulièrement sensibilisés par leurs aînés.



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