Rev Mid Interne (1995) 16, Supp12, 257s-259s © Elsevier, Paris
Syndrome intlammatoire avec images pulmonaires migratrices H Levesque l , N Cailleux l , S Dominique2, J Metayer3, H Courtois 1 IService de medecine interne, CHU Rouen-Bois-Guillaume, 76031 Rouen Cedex; 2c1inique pneumologique, 3laboratoire d'anatomie et de cytologie pathologiques, CHU Rouen, 76()()() Rouen
Expert-consultant: E Vidal-Cathala Service de m6d9cine interne, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges
LES FAITS CLINIQUES Dne femme de 78 ans, aux antecedents de cholecystec• tomie et d' HTA traitee par clonidine et diltiazem, etait hospitalisee en juillet 1994 pour une alteration de I'etat general avec syndrome inflammatoire. L' histoire clinique debutait en mai 1994, par un syn• drome pseudogrippal avec fievre, myalgies et toux se• che rapporte a une infection bronchique (amoxicilline pendant 10 jours). La persistance d'une febricule avec une asthenie profonde, un amaigrissement (3 kg) et une
Fig 1. Images de condensations alveolaires parahilaires et lobaires inferieures droites sur la radiographie thoracique ini• tiale.
toux seche conduisait ason hospitalisation. L'examen clinique etait normal en dehors de crepitants dans l'he• michamp pulmonaire droit. Les examens complemen• taires mettaient en evidence un syndrome inflamma• toire (VS 110 mm, proteine C reactive 103 mg/I, hyperalpha 2-globulinemie a 11,2 gil sans pic mono• clonal) avec une anemie inflammatoire. Les tests hepa• tiques, la fonction renale et les enzymes musculaires etaient normaux. La serologie rhumatoi'de et I' ensem. ble du bilan immunologique (complement, anticorps antinucleaires, ANCA...) etaient negatifs. Les radiogra• phies des sinus, Ie panoramique dentaire et I' echogra• phie abdominopelvienne etaient normaux. En revan• che, la radiographie pulmonaire retrouvait des images de condensation alveolaire predominant dans les re• gions parahilaire et basale droites (fig 1), mieux preci• sees en scanographie sous forme de petits foyers siegant en distalite (fig 2). La bronchoscopie ne montrait qu'un aspect de bronchomalacie et Ie lavage bronchoalveo• laire une hyperceUularite de 0,156 gil (84% de macro-
Fig 2. Foyers peripheriques de condensation alveolaire en tomodensitometrie.
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Les Printemps de la medecine interne mle concordante avec Ie syndrome inflammatoire). Le lavage bronchoalveotaire (LBA) et la coloration de Perls permettraient Ie diagnostic. L'EFR, outre Ie syndrome restrietif, montrerait une elevation du TLCO ; - une pneumopathie d'hypersensibilite pourrait donner un tel tableau cllnique et radiologique mais les resultats du LBA seraient differents ; - une sarcoidose doit ~tre discutee, m~me si plusieurs ar• guments vont son encontre : evolution rapide en 3 mois vers un stade III, absence de Iymphocytose au LBA qui signerait une evolution rapide comme I'EFR ; - Ia maladie de Wegener [2, 3J peul, cet 4ge, sa reveler par ce tableau clinique et radiologique. Les attelntes renale et ORL peuvent manquer. La negativite des ANCA et les resultats du LBA ne sont cependant pas en faveur de ce diagnostic; - la granulomatose Iymphomatoide de Liebow peut debu• ter par cette symptomatologie mais II exlste en general une Iymphocytose alveolaire ; - Ie demier diagnostic aevoquer, peut-~tre Ie plus vraisem• blable, est celul de bronchiolite obliterante avec pneumonie organisee. En sa faveur, outre les opacites migratrices, Ie de• but clinique subaigu avec fievre, toux, alteration de I'etat ge• neral, Ie syndrome inflammatoire ell'4ge de survenue. L'EFR est compatible avec cette hypothese diagnostique, ainsi que Ie LBA et Ia negativite du bilan immunologique.
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Fi& 3. Radiographie pulmonaire au :m jour menant en evi• dence la migration spontanee des images de condensation, presentes au niveau lobaire inferieure gauche. phages), marquee par une augmentation des polynu• clwres neutrophiles (7%) ; Ie faible nombre des lym• phocytes (6%) ne permettait pas d'interpreter l'index CD4+/ CD8+. Les epreuves fonctionnelles respiratoi• res objectivaient un syndrome restrictif associe a une diminution du transfert alveolocapillaire. L'evolution etait marquee par une regression spontanee des images basales droites et I' apparition de nouvelles images de condensation controlaterales (fig 3).
Avis de I'expert-consultant celte patiente de 78 ans prasente une affection prolongee de debut pseudo-grlppal, un syndrome inflammatoire et un point d'appel respiratoire remarquable par Ie caractere migrateur des Images pulmonaires.
Son staM Immunologique n'est pas connu, mais une cause Infectleuse (baetarienne, virale ou fongique) esl peuprObable, en raison de I'evolutlon des images pulmonaires.
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Le debut bruyant, "avolution radiologique vont egalement I'encontre du diagnostic de metastases hematogenes d'un cancer meconnu. Le caraetere migrateur des lesions pulmonaires peut faire evoquer plusleurs diagnostics:
- II est exceptionnel que les hElmorragles intra-alveolaires pulmonaires [1J se ravelent ainsi (absence d'h9moptysie, ane-
1 Baltestl JP. Quint L H~morragies pulmonaires diffuses. Expression cliniques, ~tlologies. Ann Mfki IntslTl81991 ;142: 347-52 2 Le Thl Huang Du, Weschsler B, Cabane J et al. Granulomatose de Wegener: aspects cliniques, problemes nosologiques. Revue de la IItt~rature ~ propos de 30 observations. Ann Med Interne 1988;139:169--82 3 Hollman GS. Kail GS, Hallahan CW st al. Wegener granulomatosis: an analysis of 158 patients. Ann Intem Med 1992;116:488-98
DEMARCHE DIAGNOSTIQUE Devant ces images de condensations alveolaires dans un contexte febrile avec syndrome inflammatoire, une origine infectieuse etait evoquee. La recherche d'une tuberculose, mais aussi d'une infection a pyogenes, a mycobacterie atypique, virale ou parasitaire etait nega• tive. Une origine toxique ou medicamenteuse etait ega• lement llvancee, mais rapidement eliminee par I' anam• nese et les explorations respiratoires. L' aspect radiographique pulmonaire pouvait egalement faire discuter un carcinome bronchioloalveolaire. un Iym• phome pulmonaire, un syndrome d' hemorragie ou de lipoproteinose alveolaire, et surtout, une pneumopathie a eosinophiles. La negativite de I' enquete initiale et I'evolution migratrice des images radiologiques inci• taient a evoquer Ie diagnostic de bronchiolite oblite• rante avec pneumopathie organisee idiopathique (BOOP : Bronchiolitis Obliterans Organizing
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Communications
Pneumonia), confinnee par la biopsie pulmonaire sous pleuroscopie. L'etude histologique montrait des zones marquees par un epaississement des parois alveolaires, associees ades images de pneumopathie desquamative avec presence de nombreux macrophages dans les lu• mieres alveolaires, voice des territoires avec une obli• teration complete et des images caracteristiques de bronchiolite obliterante (fig 4). L'etude bact6riologi• que des fragments restait negative. L'evolution sous corticoi'des (I mglkglj) etait spectaculairement favora• ble avec amelioration rapide de l'etat general, dispari• tion du syndrome inflammatoire et des images pulmo• naires a la quatrieme semaine, persistant a 3 mois (prednisolone 0,5 mglkg). Cependant, Ie recul est in• suffisant pour predire si un arret des corticoi'des sera possible ou si cette BOOP est la manifestation inaugu• rale d'une maladie systemique.
DISCUSSION La BOOP est une entite anatomoclinique rare, primi• tive ou secondaire, dont la definition et la classification sont actuellement mieux precisees [1-3]. Elle se carac• terise par une obstruction des petites voies aeriennes par des bourgeons charnus endoluminaux. L'obstruction des bronchioles tenninales respiratoires et des canaux aJv~'laires definit la bronchiolite obliterante, I' obstruc• ti~n des canaux alveolaires distaux et des alveoles de• finissant la pneumopathie~rganisee [4]. La presenta• tion' clinique est assez stereotypee s'installant sur un mode subaigu par un syndrome pseudo-grippal, suivi d'une alteration moderee de l'etat general avec toux seche dans un contexte febrile. La radiographie pulmo• naire retrouve des opacites alve~laires volontiers mi• gratrices. En tomodensitometrie, celles-ci sont volon• tiers petites (3 a 10 mm) distales, arrondies et irregulieres. II s'y associe un syndrome inflammatoire, un syndrome restrictif et une hypercellularite au lavage bronchoalveolaire. Bien que ces signes pris individuel• lement ne soient pas specifiques, I' ensemble de ce ta• bleau clinique est tres evocateur du diagnostic qui ne sera affirme que par la biopsie pulmonaire [5]. En l'ab-
Fig 4. Biopsie pulmonaire : aspect de pneumopathie intersti• tielle en foyers. Formation d'un polype fibreux realisant I'as• pect de bronchiolite obliterante (BOOP : bronchiolitis oblite• rans organizing pneumonia). Coloration Mmateine eosine safran, grossissement x 400.
sence d'etiologie retrouvee (infection, medicaments, collagenose, lupus erythemateux, polyarthrite rhuma• toi'de, polymyosite, autres maladies inflammatoires [enteropathies, cirrhose biliaire primitive). hemopa• thies) sera evoque Ie diagnostic de BOOP idiopathique. Cependant cette entite reste un diagnostic d'elimina• tion, ce d'autant qu'elle peut etre la manifestation inau• gurale d'une maladie systemique. L'evolution sous cortico'ides, dont les modalites restent a definir, est en regie favorable.
REFERENCES
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Epler GR. Bronchiolitis obliterans organizing pneumonia: defini• tion and clinical features. Chest 1992; I02(Suppl):2S-6S King TE. Overview of bronchiolitis. C/in Chest Med 1993;14:607-10 Colby TV. Pathologic aspects of bronchiolitis obliterans organi• zing pneumonia. Chest 1992; 102(Suppl):38S-43S Suavik SB. The concept of bronchiolitis organizing obliterans pneumonia. Chest 1989;96:999-1004 Cordier JF. Cryptogenic organizing pneumonitis. Bronchiolitis obliterans organizing pneumonia. C/in Chest Med 1993;14:677• 92