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ACTUALITÉS LES BRÈVES DE « DOULEURS » Sous la direction de Maurice Bensignor Brefs échos des congrès et des sociétés savantes, notes de lecture des revues spécialisées à l’usage des cliniciens, cette rubrique est ouverte à tous. Son ambition n’est pas de constituer un recueil d’histoires de chasse mais d’ouvrir des perspectives aux curieux et aux chercheurs pour susciter des progrès fondés sur des bases expérimentales solides, la revue DOULEURS encourage tous ses lecteurs à lui faire parvenir des informations brèves issues de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs expériences, de leurs travaux, de leurs voyages ou de leurs navigations sur le web. Une référence bibliographique pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un court commentaire critique seront bienvenus.
Anesthésiques locaux + sufentanyl : des effets antibactériens J.M. Vo Van, Z. Tamanai-Shacoori, M. Le Roy, L. Legrand, M. Bonnaure-Mallet. Antibacterial effects of 2 dilute solutions of bupivacaine-sufentanil and ropivacaine-sufentanil. EFIC, Prague, 2-6 /9/2003. P417.F L’effet antibactérien de 2 associations couramment utilisées en anesthésie locorégionale (bupivacaïne ou ropivacaÏne + sufentanil) a été testé. La concentration des anesthésiques locaux était de 0,08 %, celle du sufentanyl de 0,4 µg/ml. Les bactéries ayant servi à l’étude étaient escherichia coli (E. coli CIP 7624), staphylococcus aureus (S. aureus ATCC 9144) et enterococcus faecalis (E. faecalis CIP 3818). Le mélange ropivacaine + sufentanil n’a pas modifié la croissance d’E. faecalis. En revanche, il inhibait le développement d’E. coli et de S. aureus de 30 % (p < 0,001) et 32 % (p < 0,05) respectivement par rapport au contrôle. Le mélange bupivacaïne + sufentanil avait un effet inhibiteur sur E. faecalis (10 % ; p < 0,05), E. coli (64,4 % ; p < 0,001) et S. aureus (32 % ; p < 0,05). Les auteurs concluent que ces associations d’anesthésiques locaux et d’opioïde possèdent une activité antibactérienne, qui pourrait probablement contribuer à la faible incidence des infections péridurales. ■
Auriculothérapie : un adjuvant dans les douleurs cancéreuses D. Alimi, C. Rubino, E. Pichard-Léandri, S. Fermand-Brulé, M.-L. Dubreuil-Lemaire, C. Hill. Analgesic Effect of Auricular Acupuncture for Cancer Pain. A Randomized, Blinded, Controlled Trial. Journal of Clinical Oncology 2003;21:4120-6. L’auriculothérapie (acupuncture auriculaire) a été proposée comme adjuvant antalgique dans certaines douleurs cancé-
reuses. Cette étude a concerné 90 patients dont le traitement antalgique se révélait insuffisant, randomisés en 3 groupes. Groupe A : 2 séances d’auriculothérapie appliquée en un point où un signal électrodermique (SED) avait été détecté. Deux groupes placebo : application en dehors d’un point de détection d’un SED ; ou mise en place d’une agrafe sur un point placebo. Le score EVA devait être au moins de 30 mm après traitement antalgique d’au moins 1 mois adapté à l’intensité et au type de douleur. L’efficacité du traitement était évalué 2 mois après la randomisation. L’intensité de la douleur était diminuée de 36 % à 2 mois dans le groupe A. Il y avait peu de changement dans les groupes placebo (2 %). La différence était statistiquement significative (P < .0001). Les auteurs concluent à un net bénéfice de l’auriculothérapie chez des patients insuffisamment soulagés par un traitement analgésique stable. ■
Calcifications discales après injection de corticoïdes 24es Journées Françaises de Pharmacovigilance. Rapportée par la Revue Prescrire 2003;23:840. Le Centre régional de pharmacovlgllance (CRPV) de Reims a colligé 49 observations de calcifications de disques vertébraux consécutives à l’njection intradiscale d’un glucocorticoïde. Dans 38 cas, il s’agissait de I’hexacétonide de triamcinolone (Hexatrione®), et dans 11 cas du cortivazol (Altim®). Les calcifications ont été mises en évidence en moyenne 26 mois après l’injection de I’hexacétonide de triamcinolone et 17 mois après celle de cortivazol. 38 patients ont subi une ou plusieurs interventions chirurgicales en raison des douleurs attribuées à ces calcifications. Plusieurs de ces observations ont été publiées de manière
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50 détaillée. Le CRPV de Reims a interrogé 58 rhumatologues de la région Champagne Ardennes et obtenu un taux de réponse de 47 %. 22 % des répondeurs avaient observé des complications de l’injection intradiscale de corticoïdes. 37 % ont affirmé qu’ils avaient connaissance d’une utilisation actuelle de cette technique. L’injection intradiscale de ces corticoïdes est réalisée en dehors des conditions de l’AMM. Les RCP des spécialités concernées, version dictionnaire Vidal 2003, mentionnent que Hexatrione® est indiquée pour les injections intra-articulaires et Altim® pour les injections intra et périarticulaires, les injections des parties molles et la voie épidurale dans les radiculalgies. Au vu de ces données, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé a contre-indiqué I’administration par voie intradiscale de Hexatrione® et Altim®. Son communiqué mentionne par ailleurs que, par mesure de précaution, il convient de ne pas administrer en intradiscal les autres glucocorticoïdes injectables. Outre ces complications potentiellement graves (compressions médullaires par des calcifications extensives), le risque infectieux serait à lui seul rédhibitoire. ■
Cystite interstitielle et thérapie génique Chuang Y. Chou A. Wu P. Chiang P. Yu T. Yang L. Yoshimura N. Chancellor M. Gene Therapy for Bladder Pain With Gene Gun Particle Encoding Pro-Opiomelanocortin cDNA. The Journal of urology 2003:170. La cystite interstitielle est en rapport avec une hypersensibilité vésicale associée à des douleurs à la distension. Beaucoup d’inconnues persistent quant à la physiopathologie et au traitement de cette affection qui peut devenir invalidante. Ce travail est fondé sur l’hypothèse que l’expression localisée et ciblée d’opioïdes endogènes dans la vessie pourrait être utile dans le traitement de la douleur. Cette étude a développé une sonde génétique pour transférer un précurseur de la beta endorphine : la pro-opiomelanocortine (POMC cDNA) in vivo. Elle a investigué ensuite les effets sur l’activité vésicale après irritation vésicale induite par de l’acide acétique (AA) chez des rates adultes. Trois jours après injection dans le mur vésical de POMC cDNA humaine obtenue par clonage, une cystométrie continue était effectuée sous anesthésie en injectant 0,08 ml/mn de sérum physiologique suivi d’acide acétique à 0,3 %. Un test immuno-histo-chimique était utilisé pour détecter les endorphines. L’intervalle entre les contractions vésicales était diminué autour de 70 % après AA chez les animaux contrôles. Chez les rates ayant reçu le POMC cDNA, la réaction à l’AA était moins importante (diminution de 35 % de l’intervalle entre les contractions). Cet effet antinociceptif était
réversé par la naloxone (1 mg/kgIM). Les auteurs concluent que le gène POMC peut être transféré dans la vessie, avec pour conséquence une augmentation locale d’endorphine et une diminution de la réponse nociceptive à l’irritation vésicale. Cette thérapie génique pourrait être utile dans le traitement de la cystite interstitielle ou d’autres douleurs viscérales. ■
IRS : attention aux associations 24e Journées Françaises de Pharmacovigilance. Rapportée par la Revue Prescrire 2003;23:833-4. NEUROLEPTIQUES Le Centre régional de pharmacovigilance de Tours a rapporté 37 observations d’effets indésirables extrapyramidaux : dyskinésies, syndromes parkinsoniens, etc., liés à la prise concomitante d’un antidépresseur inhibiteur dit sélectif de la recapture de la sérotonine (IRS) et d’un neuroleptique, éventuellement utilisé comme antiémétique. Pour 14 patients, le neuroleptique était pris depuis longtemps sans signe extrapyramidal et l’antidépresseur débuté récemment. Dans 10 cas, les deux ont été débutés ensemble. Les 5 IRS disponibles en France ont été impliqués, ainsi que 12 neuroleptiques. Dans 6 cas, il s’agissait de neuroleptiques « cachés » derrière un usage antiémétique : métoclopramide (Primpéran®), métopimazine (Vogalène®). Les effets indésirables extrapyramidaux sont fréquents sous neuroleptiques. Ils sont plus rares sous antidépresseurs IRS. Dans certaines observations, la chronologie est très en faveur du rôle de l’IRS. C’est le cas lorsqu’un neuroleptique était pris depuis longtemps et que les symptômes extrapyramidaux sont apparus peu après le début de traitement par un IRS. Une interaction médicamenteuse est évoquée. Une interaction pharmacocinétique du fait de l’effet inhibiteur du CYP 450 par les IRS pourrait augmenter les concentrations plasmatiques de certains neuroleptiques. Une interaction pharmacodynamique, puisque les IRS interviennent aussi sur le système dopaminergique, pourrait aussi expliquer une addition d’effets indésirables extrapyramidaux.
VENLAFAXINE + TRAMADOL : SYNDROME SÉROTONINERGIQUE Le Centre régional de pharmacovigilance de I’Hôpital Saint-Vincent de Paul à Paris a présenté une observation de syndrome sérotoninergique lié à I’association trama-