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Rev M~d Interne (1994) 15,740-743 © Elsevier, Paris
Communication br~ve
C o m p l i c a t i o n s c a r d i a q u e s de la m a l a d i e de Still de r a d u l t e : de la p~ricardite h la t a m p o n a d e parfois r~v~latrice MH Drouot 1, E Hachulla 1,, E Houvenagel 2, p y Hatron 1, RM Flipo 3, L Goullard 4, G Ducloux 5, B Devulder 1 I Service de m6decine interne, 3 service de rhumatologie, 4 service d'explorations cardiovasculaires, 5 service de cardiologie, CHRU, 59037 Lille Cedex; 2 service de rhumatologie, hOpital Saint-Philibert, 59160 Lomme, France (Re~u le 16 d6cembre 1993; accept6 le 20 juin 1994)
R~sum~ - La p6ricardite est une manifestation habituelle de la maladie de Still de l'adulte (MSA), sa fr6quence darts la litt6rature varie de 20 ~ 33%. La tamponade enest une complication exceptionnelle, moins de dix cas ont 6t6 rapport6s dans la litt6rature. Nous en rapportons deux ~ partir d'une s6rie de 18 MSA, dans un cas le tableau de tamponade a 6t6 r6v61ateur de la maladie. Nous avons 6tudi6 une population de 18 MSA r6pondant aux crit~res de Kahn et Delaire ; il s'agissait de 14 femmes et quatre hommes, d'~ge moyen au moment du diagnostic de 32 ans (e×tr~mes : 15-59 ans). Le retard diagnostique dans cette population 6tait en moyenne de 18 mois (extremes : 1-60). Nous avons observ6 deux tamponades, la premibre survenue chez une femme de 32 ans, 6tait inaugurale de la maladie ; il s'y associait une atteinte articulaire, une hyperleucocytose h neutrophiles, une fi~vre ; aucune autre 6tiologie n'6tait retrouv6e. Le drainage n'a, dans ce cas, pas 6t6 n6cessaire, l'utilisation rapide de cortico'fdes puis d'embols de m6thylprednisolone permettait d'obtenir une 6volution favorable. L'autre tamponade survenait chez un homme qui jusque-l~ avait une forme articulaire pr6dominant de la maladie, avec une 6volution de 13 ann6es. C'est h l'occasion d'une nouvelle pouss6e articulaire que s'installe l'6panchement p6ricardique puis le tableau de tamponade qui dans ce cas n6cessita, du fait de l'6chec des cortico'fdes oraux, un drainage chirurgical qui ramenait 800 ml. Ce patient 6tait jusque-l~ trait6 par AINS et synoviorth~se. Les embols de m6thylprednisolone apport~rent une rapide 6volution favorable. En conclusion, la tamponade est une complication exceptionnelle de la MSA parfois inaugurale ou survenant lors de l'6volution de la maladie parfois m~me dans les formes articulaires isol6es initialement. Le drainage chirurgical parfois, la corticoth6rapie ~ forte dose, voire par embols, peut permettre de passer le cap aigu initial. maladie de Still de l'adulte / atteinte cardiaque / p6ricardite / tamponade
Summary Cardiac manifestations in adult onset Still's disease: from the periearditis to the onset pericardial tamponade. Pericarditis is a common.r~anifestation of adult still's diseases (ASD), observed 'in 20% to 3% cases. Pericardial tampon"ade is more seldom, less than ten caseshave been reported in the literature. We reporte d two observations of patients with ASD and perieardial tamponade above a serie of 18 patients with ASD, in one case reaveale d the disease: The first patient was a 32-year-old women and had fever, arthritis, high white blood cell count and developed pericardial tamponade. The evolution was favourable with bolus of methylprednisolone. In the second case, cardiac tamponade occurred several years after the onset of the disease. Surgical drainage was first required (800 ml) because of inefficacity of oral prednisone. A dramatic improvement was observed after bolus of methylprednisolone. In conclusion pericardial tamponade is a seldom but sometimes the first manifestation o f ASD and may required in first intention bolus of methylprednisolone. adult Still disease / cardiac involvement / pericarditis / pericardiai tamponade
* Correspondance et tir~s ~ part : Dr E Hachulla, service de m6decine interne, h6pital Claude-Huriez, CHRU, 59037 Lille Cedex.
Complications cardiaques de la maladie de Still de l'adulte
La maladie de Still de l'adulte (MSA) est caract6ris6e par l ' a s s o c i a t i o n plus ou moins complbte d ' u n 6tat fdbrile, de polyarthralgies voire d' arthrites, d ' u n e 6ruption m a c u l o p a p u l e u s e f u g a c e , d ' u n e a t t e i n t e multivisc6rale et de manifestations biologiques non spdcifiques dont l'hyperleucocytose ~ polynucl6aires neutrophiles, le syndrome inflammatoire, la ndgativit6 des anticorps antinucl6aires et l'absence de facteur rhumatoide sont les 616ments quasi constants [ 1]. La M S A est une entit6 rare, mais non exceptionnelle, rep r 6 s e n t a n t prbs de 5% des fibvres au long c o u r s [2-4]. Les pdricardites sont frdquemment retrouvdes au cours de la M S A (20 ~ 33% des cas) de diagnostic clinique ou rdvdldes par l'6chocardiographie syst6matique [1, 5-7]. D'autres manifestations cardiaques y sont assocides pour une plus faible part dont les myocardites (3% des cas) [1] voire les tamponades qui demeurent exceptionnelles, moins de dix cas publi6s ~ notre connaissance [8-12]. ,~ partir d ' u n e analyse r6trospective de 18 cas de M S A , diagnostiqu6es au cours de ces 10 dernibres ann6es, nous rapportons deux tableaux de tamponade dont un rdv61ateur de la maladie.
Observations La sErie analysde comprenait 18 patients (14 femmes, quatre hommes). L'fige moyen des premiers sympt6mes cliniques 6tait de 32 ans (extremes : 16-59 ans). L'~ge moyen au moment du diagnostic Etait de 39,5 ans (extremes : 16 63 ans). Le retard diagnostique dans cette sErie 6tait ,de 18 mois (extremes : 1 ~ 60 mois). Deux observations restent exceptionnelles par l'importance de l'6panchement pEricardique supErieur ~t 800 ml, accompagn6 de signes cliniques de tamponade, de dEfaillance cardiovasculaire conduisant les patients en milieu de rdanimation. La premiere observation est celle d'un patient de 26 ans suivi dans le service depuis plusieurs annEes pour une forme polyarticulaire de MSA Evoluant depuis 12 ans ; plusieurs traitements : antiinflammatoires non stEroidiens (AINS), corticoth6rapie orale associEe g l'allochrysine, plusieurs gestes locaux (synoviorthbse du coude, du poignet, du genou) lui ont 6tE propos6s. En raison d'une coxite destructrice, une proth~se totale de hanche bilat6rale est mise en place. En avril 1992, survient une hyperthermie 40°C accompagn6e de myalgies, de polyarthralgies avec angine. L'auscultation cardiaque r6v~le un frottement p6ricardique. Un Epanchement pEricardique mod6r6 est retrouv6 lors d'une premiere 6chocardiographie. Un traitement par AINS est d6but6 mais il s'av~re inefficace. L'Etat gEnEral s'alt~re et rapidement apparaissent des signes cliniques
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de tamponade. Le patient est transfdr6 en milieu cardiologique et b6ndficie d'une seconde Echocardiographie rapidement suivie d'un drainage p6ricardique Evacuant 800 ml de liquide s6rofibrineux. L'aspirine (100 mg/kg/j) ne modifie en rienTEtat clinique. Une corticothErapie orale est dEbutee (prednisone 1 mg/kg/j) permettant une rdgression lente des signes cliniques et du syndrome inflammatoire. Lors de la ddgression de celle-ci, le patient prEsente une nouvelle poussEe systEmique sans aggravation de l'Etat cardiaque nEcessitant le recours aux embols de m6thylprednisolone. Dans la deuxibme observation, la pleuropEricardite avec signes de prEtamponade Etait d'emblEe rEvElatrice de la MSA. I1 s'agissait d'une jeune femme de 32 arts, sans antEcddent particulier. La patiente nous 6tait adressEe devant une alteration franche de l'6tat gEnEral, une pharyngite avec angine 6rythEmateuse, des myalgies tr~s invalidantes, des polyarthralgies sans arthrite, une hyperthermie ~ 39°C. Le tableau clinique associait orthopnEe severe, tachycardie, et rash fugace maculopapuleux. Un Elargissement de l'ombre mEdiastinale et de volumineux Epanchements pleuraux Etaient retrouv6s ~t la radiographie thoracique. L'ECG ne rEvdlait qu'une tachycardie sinusale. L'Echocardiographie confirmait la presence d'un volumineux Epanchement pdricardique estimE 5 800 ml. Le brian biologique Etait marqu6 par un syndrome inflammatoire majeur (VS = 104 mm/h ; CRP = 200 mg/1), une hyperleucocytose ~ poly~uclEaires neutrophiles (50 300/mm 3 dont 91% de neutroptiiles), et une cytolyse hEpatique. Le dosage des enzymes musculaires Etait normal. Le bilan immunologique (latex Waaler-Rose, anticorps antinucl6aires, complexes immuns circulants) 6tait nEgatif. L'enquate bactEriologique complete (h6mocultures, examens cytobactEriologiques des urines, liquide pleural, coprocutture, examen parasitologique des selles, multiples sErologies) Etait negative. La patiente prEsentait trois crit~res majeurs de MSA et l'ensemble des crit~res mineurs sans crit~re d'exclusion. Un traitement par salicylds (aspirine 4 g/24 h) Etait d6but6 mais il se rEvdlait inefficace ainsi qu'une corticothdrapie orale (prednisone 60 rag/24 h). Devant la r6sistance ces deux traitements habituellement proposes dans la MSA, la patiente b6nEficiait de trois embols de methylprednisolone (1 g/24 h IV) comme cela a EtE propose par certains auteurs [11, 13, 14]. Une am61ioration spectaculaire 6tait obtenue tant sur le plan clinique qu'en imagerie m6dicale (rEgression des Epanchements pleuropdricardiques et normalisation de la biologie au 10e jour). Une corticothErapie orale 6tait p o u r s u i v i e ~ la dose de 1 mg/kg/j. L'Evolution restait favorable ~ 1 mois permettant un sevrage de la corticothdrapie puis son arr~t ~ 6 tools. L'6volution Etait 6maill6e par une nouvelle poussde syst6mique modErEe nEcessitant une reprise de celle-ci ~ 20 mg/j.
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MH Drouot et al
Discussion Les atteintes cardiovasculaires sont fr6quentes dans la M S A . La p6ricardite reste la manifestation cardiaque la plus observ6e (20 ~ 30% des cas) selon les s6ries [1, 6, 7, 15]. Habituellement bien tol6r6e sur le p l a n h 6 m o d y n a m i q u e , r 6 p o n d a n t r a p i d e m e n t aux traitements (AINS, corticothdrapie orale), associ6e aux autres atteintes syst6miques de la maladie, celleci peut ~tre r6v61arice de la M S A et engager le pronostic vital. L ' e x a m e n anatomopathologique du p6ricarde a rarement 6t6 6tudi6. Une fibrohyalinose non sp6cifique du p6ricarde 6tait observde lors d ' u n e p6ricardite constrictive [16], un exsudat avec inflammation lymphohistiocytaire et prolif6ration fibrovasculaire dans un cas de t a m p o n a d e [8]. L ' 6 v o l u t i o n vers une tamponade reste exceptionnelle mais repr6sente une complication grave mettant en jeu la vie du patient [8-13]. L'atteinte myocardique est rare estim6e ~ 3% [1]. Plus souvent observ6e au cours de la maladie de Still de l'enfant, elle est responsable de cardiom6galie et d'insuffisance cardiaque [17, 18]. L'atteinte de l ' e n docarde est exceptionnelle au cours de la M S A , responsable d'insuffisance aortique ou mitrale [19-21]. Les manifestations cardiaques telles les p6ricardites, myocardites, rdpondent habituellement favorablement ~ la corticoth6rapie orale, l'atteinte valvulaire peut n6cessiter un remplacement valvulaire. Une de nos observations est particuli~re par son mode de r6v61ation d ' u n e part (une pleurop6ricardite avec prdtamponade) et par sa r6sistance aux th6rapeutiques habituelles d'autre part (les AINS puis la corticothdrapie orale 6taient inefficaces n6cessitant le recours aux embols de m6thylprednisolone par voie intraveineuse). Certains auteurs prdconisent l'utilisation des embols soit lors de l'6chec de la corticoth6rapie orale ou des AINS, soit au cours de manifestations syst6miques graves. I1 s'agirait d ' u n e thdrapeutique <>, relay6e par une corticoth6rapie orale permettant de passer un cap difficile [10-12, 14, 15]. L'dvolution de la M S A est variable, parfois sous une forme syst6mique pr6dominante, chronique ou avec des accbs, parfois sous une forme articulaire pr6dominante chronique ou avec des acc~s, se compliquant parfois d'arthrites 6rosives ; d a n s d'autres cas, la gu6rison est obtenue aprbs une seule pouss6e [5]. Les embols de m d t h y l p r e d n i s o l o n e pourraient ~tre conseill6s dans le traitement des formes syst6miques graves de M S A mais n'apporteraient pas de b6n6fice sur les m a n i f e s t a t i o n s a r t i c u l a i r e s c h r o niques [11].
Les manifestations cardiaques sont fr6quentes au cours de la M S A , parfois r6v61atrices et graves. La r6alisation d ' u n e 6chocardiographie cardiaque doit atre syst6matique pour ddpister les formes infracliniques qui peuvent se d6compenser rapidement. La tamponade est une complication exceptionnelle mais qui peut survenir brutalement. Si le drainage pdricardique est n6cessaire dans les formes mal tol6r6es h6modynamiquement, l'ufilisation d ' e m b o l s de m6thylprednisolone peut permettre de passer le cap d ' u n e situation urgente.
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