Les manifestations oculaires de la maladie de Behçet (étude de 50 patients consultant en dermatologie)

Les manifestations oculaires de la maladie de Behçet (étude de 50 patients consultant en dermatologie)

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La revue de médecine interne 26 (2005) 771–776 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Article original

Les manifestations oculaires de la maladie de Behçet (étude de 50 patients consultant en dermatologie) Ocular manifestation of Behçet disease (study of 50 patients consulting in dermatology department) K. Janati a,*, K. EL Omari a, H. Benchiki a, M. Hamdani b, H. Lakhdar a a

Service de dermatologie vénéréologie, CHU Ibn-Rochd, quartier des hôpitaux, Casablanca, Maroc b Service d’ophtalmologie, hôpital 20-Août, Casablanca, Maroc Reçu le 2 septembre 2004 ; accepté le 20 juin 2005 Disponible sur internet le 18 août 2005

Résumé Introduction. – La maladie de Behçet est une vascularite multisystémique. L’atteinte oculaire représente l’un des critères majeurs de cette affection. L’objectif de ce travail est de préciser les caractéristiques cliniques, thérapeutiques et pronostiques de l’atteinte oculaire chez les patients atteints de maladie de Behçet, pris en charge dans un service de dermatologie. Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective menée au service de dermatologie de l’hôpital CHU Ibn-Rochd (Casablanca, Maroc), de janvier 1990 à décembre 2003. Nous avons distingué deux groupes. Le premier groupe comportant 50 patients (44,2 %) ayant une maladie de Behçet avec atteinte oculaire et le deuxième groupe comportant 63 patients (55,8 %) ayant une maladie de Behçet sans atteinte oculaire. Résultats. – La moyenne d’âge était de 29 ± 8 ans dans le premier groupe vs 30 ± 7,9 ans dans le deuxième groupe. L’atteinte oculaire était plus fréquente dans le sexe masculin (p < 0,05). Les manifestations oculaires étaient dominées par l’atteinte uvéale et les périphlébites rétiniennes. La fréquence des atteintes cutanéomuqueuses et articulaires était similaire chez les deux groupes de patients, en revanche les atteintes vasculaires et neurologiques étaient plus fréquentes chez les malades ayant une atteinte oculaire. Le choix du traitement dépendait du type de l’atteinte oculaire. L’évolution vers une cécité était observée chez six patients (12 %). Discussion. – L’atteinte oculaire occupait le deuxième rang après l’atteinte cutanéomuqueuse dans notre étude. Le sexe masculin était le plus fréquemment touché. Les uvéites et les vascularites étaient les manifestations les plus fréquentes. Il faut insister sur la sévérité du Behçet oculaire et son risque évolutif vers la cécité surtout chez l’homme jeune. Le traitement est actuellement non encore codifié ; cependant, les résultats encourageants obtenus avec certaines thérapeutiques immunosuppressives seraient encore meilleurs si ce traitement était instauré précocement. Conclusion. – Cette étude nous a permis de revoir les manifestations oculaires de la maladie de Behçet dans la population marocaine par le biais d’une consultation de dermatologie. Il est à noter qu’elle est encore de mauvais pronostic à cause d’une part de son association fréquente à d’autres atteintes graves particulièrement vasculaires et neurologiques et d’autre part du retard de consultation constaté chez la plupart de nos patients. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. - Behçet disease is a multisystemic vascularitis. Ocular affection is one of the major criteria of this disease. The aim of this study is to specify the clinical, therapeutical characteristics and the prognosis factors of the ocular affection in patients having BD and admitted to the dermatology department.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Janati). 0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.06.015

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Patients and methods. – It is a retrospective investigation carried out in the dermalogy department of Ibn Rochd university hospital center of Casablanca, Morroco, from Jannuary 1990 until December 2003. Two patient groups have been distinguished. The first one involved 50 patients (44,2%) having BD with ocular affection, and the second group involved 63 patients having BD without ocular affection. Results. – The mean age was 29 ± 8 years in the first group VS 30 ± 7,9 years in the 2nd group. The ocular affection was more frequent in males than in females (P < 0.05). The ocular manifestations were marked by uveitis and retinal periphlebitis. The frequency of the cutaneomucosal and joint manifestations was similar in both groups, whereas neurologic and vascular with ocular affections. The choice of the treatment depended on the type of ocular affection. Evolution was marked by blindness in 6 patients (12%). Discussion. – The ocular affection comes second after the cutanous mucuous affection. Males are more clearly affected than females. This allows saying that there is a marked effect of the sexual hormones on the ocular affection. Age is not predictive of this ocular affection. The ocular affection was severe in our series and was dominated by uveitis and vascularitis. We insist on the severity of ocular Behçet and its evolution? Risk toward blindness especially concerning young man. Currently, the treatment is not codified; however, the encouraging outcome obtained with some immunosuppressive therapies would be better if this treatment was set up early. Conclusion. – This study enebed us to re-examine the ocular manifestations of the Behçet disease in the Maroccan population by the means of a consultation of Dermatology. Il should be noted that it is worse forecast because on the one hand of its frequent association to vascular and neurological affections and other share of the delay of consultation noted at the majority of our patients. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maladie de Behçet ; Manifestations oculaires Keywords: Behçet disease; Ocular manifestations

1. Introduction La maladie de Behçet (MB) est une vascularite multisystémique d’étiologie inconnue, dont l’évolution est caractérisée par une alternance de poussées et de rémissions. L’atteinte oculaire représente l’un des critères diagnostiques majeurs de cette affection [1]. À côté de cet intérêt diagnostique, elle présente également un intérêt pronostique et thérapeutique. Bien que les corticoïdes et les immunosuppresseurs soient efficaces, la cécité en demeure la complication la plus redoutable. L’objectif de notre travail est de préciser les caractéristiques cliniques, thérapeutiques et pronostiques de l’atteinte oculaire chez les patients atteints de MB, pris en charge dans un service de dermatologie. 2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective menée au service de dermatologie de l’hôpital, CHU Ibn-Rochd de janvier 1990 à décembre 2003. Nous avons recruté tous les patients consultants ou hospitalisés dans notre service durant cette période et présentant au premier plan une atteinte cutanée et/ou oculaire. Les patients atteints de MB, pris en charge dans d’autres unités (ophtalmologie, rhumatologie, neurologie, médecine interne, ...) ont été exclus de l’étude. Le diagnostic de MB a été retenu selon les critères internationaux [1]. Le recueil des données s’est fait grâce à une fiche préétablie précisant les paramètres suivants : l’âge, le sexe, la notion de cas familiaux, la date d’apparition des signes oculaires par rapport aux signes cutanéomuqueux, le délai de consultation et les données de l’examen clinique particulièrement ophtalmologique. Ce dernier a comporté la mesure de l’acuité visuelle, l’examen à la lampe à fente et l’étude du fond d’œil. Les lésions oculaires spécifiques de la MB étaient notées.

L’angiographie à la fluorescéine était faite si nécessaire. Les données thérapeutiques et évolutives étaient précisées pour chaque patient. Toutes les fiches d’exploitation ont été saisies sur Epi info. Nous avons évalué les facteurs pronostiques pouvant être associés à l’atteinte oculaire à savoir l’âge, le sexe, l’existence de cas familiaux de MB et l’association à d’autres atteintes graves notamment vasculaires et neurologiques. Pour cela, nous avons distingué deux groupes de patients, le premier comportant les patients atteints de MB avec atteinte oculaire et le deuxième groupe comportant les patients atteints de MB sans atteinte oculaire.

3. Résultats Sur 113 cas de MB suivis durant cette période, 50 patients avaient une atteinte oculaire, soit 44,2 % des cas constituant le premier groupe. La moyenne d’âge était de 29 ± 8 ans (extrêmes : 11–45 ans) dans le premier groupe vs 30 ± 7,9 ans (extrêmes : 13–52 ans) dans le deuxième groupe (Tableau 1). Soixante-quatre patients (56 %) étaient âgés de moins de Tableau 1 Caractéristiques cliniques des 113 patients Signes cliniques

ˆ ge moyen A Sexe ratio H/F Aphtes buccaux Aphtes génitaux Pseudofolliculite Érythème noueux Atteintes articulaires Atteintes neurologiques Atteintes vasculaires

Patients avec atteinte oculaire n = 50 % 29 ± 8 2,33 50 100 35 70 31 62 6 12 15 30 17 34 11 16

Patients sans atteinte oculaire n = 63 % 30 ± 7,9 0,9 63 100 40 63,5 36 57 8 12,7 24 38 6 9,5 4 6,3

p

0,46 0,46 0,58 0,11 0,01 0,06

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30 ans, dont 24 patients avaient une atteinte oculaire et 40 patients ne l’avaient pas. La répartition selon le sexe était la suivante : 35 hommes/ 15 femmes dans le premier groupe et 30 hommes/33 femmes dans le deuxième groupe. Ainsi, l’atteinte oculaire était significativement plus fréquente chez l’homme (p < 0,05). Le délai moyen de consultation était de 36 jours (extrêmes : 15–120 jours). L’atteinte oculaire est survenue trois ans en moyenne après l’apparition des signes cutanés (extrêmes : 2 mois–10 ans). Elle était révélatrice de la maladie dans six cas (12 %). L’acuité visuelle initiale était supérieure à 5/10 dans 42 % des cas, entre 1/10 et 5/10 dans 30 % des cas et inférieure à 1/10 dans 28 % des cas (Fig. 1). Le Tableau 2 montre les différentes manifestations oculaires constatées chez nos patients au cours de la première consultation. L’atteinte uvéale était prédominante (86 %). Douze malades avaient une uvéite totale (24 %), 21 une uvéite postérieure (42 %) et dix une uvéite antérieure (20 %). Un hypopion était retrouvé dans quatre cas. Les périphlébites rétiniennes étaient également fréquentes, retrouvées dans 16 cas (32 %). D’autres lésions ont été également observées à type d’œdème papillaire (11 cas), vascularite rétinienne (16 cas) et atrophie optique séquellaire secondaire à une hypertension intracrânienne (deux cas). L’angiographie à la fluorescéine réalisée chez 16 patients, montrait une périphlébite rétinienne dans dix cas, une papillite dans quatre cas, une ischémie rétinienne dans un cas et une thrombose de la veine centrale de la rétine dans un cas. Les manifestations extraoculaires retrouvées chez nos patients sont résumées dans le Tableau 1. La fréquence des atteintes cutanéomuqueuses et articulaires était similaire dans les deux groupes. Les atteintes neurologiques et vasculaires étaient significativement plus importantes chez les malades ayant une atteinte oculaire.

Fig. 1. Acuité visuelle initiale chez 50 patients suivis pour maladie de Behçet. Tableau 2 Signes oculaires observés chez 50 malades (n = 100 yeux) Type d’atteinte oculaire Uvéite antérieure Uvéite postérieure Panuvéite Hyalite Périphlébite rétinienne Maculopathie Œdème papillaire Choriorétinite Épisclérite Atrophie optique

Nombre d’yeux 10 21 12 11 16 15 11 10 2 2

Pourcentage (%) 20 42 24 22 32 30 22 20 4 4

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Le choix du traitement dépendait du type de l’atteinte oculaire et de sa sévérité. Les patients présentant une uvéite antérieure étaient mis sous corticothérapie orale (prédnisone : 1 mg/kg par jour). Après examen ophtalmologique de contrôle réalisé à un mois du traitement, une dégression de 5 mg/3 semaine était préconisée jusqu’à la dose de 20 mg/jour où une dégression plus lente était indiquée. Les patients présentant une uvéite postérieure étaient mis sous bolus de cyclophosphamide (600 mg/m2), associés à la prednisone (20 mg/jour). En cas de panuvéite le traitement reposait sur la prednisone à la dose de 1 mg/kg par jour en association aux bolus de cyclophosphamide. Le solumédrol en bolus (500 mg/jour pendant trois jours), était indiqué chez les patients présentant une vascularite rétinienne (16 cas). Le chlorambucil était employé à la dose de 0,1 à 0,2 mg/kg par jour pendant 12 semaines en association à la corticothérapie générale chez cinq malades suivis dans notre service pendant les années 1990. La colchicine a été utilisée chez tous les patients en association aux autres traitements pendant la phase d’entretien. Un traitement local à base de corticoïdes en collyre et de cycloplégiques (atropine) a été associé aux traitements précédents chez 25 patients (50 %). Le suivi moyen était de trois ans (extrêmes : six mois–huit ans). Les lésions oculaires se sont bilatéralisées chez dix patients (20 %). Quinze patients (30 %) avaient présenté de nouvelles poussées oculaires survenues pendant la dégression des corticoïdes ou après arrêt intempestif des thérapeutiques. Elles étaient jugulées par une réaugmentation des doses thérapeutiques. L’évolution en fonction de type de l’atteinte oculaire initiale est illustrée dans le Tableau 3. De façon générale, l’acuité visuelle s’est stabilisée chez 24 patients (48 %) et s’est améliorée chez neuf patients (18 %). Une évolution vers une cécité a été notée chez six patients (12 %), elle était liée à des synéchies iridocristalliennes dans quatre cas et à une atrophie optique secondaire à une thrombophlébite cérébrale dans deux cas. Onze patients étaient perdus de vue. Des complications oculaires liées à l’utilisation de la corticothérapie ont été notées chez dix patients (21,7 %), à type de cataracte et/ou d’hypertension intraoculaire. L’évolution de l’atteinte cutanéomuqueuse était rapidement favorable chez 88 patients (77,8 %). Chez 25 patients (14 cas avec atteinte oculaire et 11 cas sans atteinte oculaire), la persistance des poussées invalidantes d’aphtose bipolaire nous avait conduit à remplacer la colchicine par la thalidomide (100 mg/jour). Les résultats thérapeutiques étaient satisfaisants : disparition complète des aphtes dans 20 cas et diminution spectaculaire de la fréquence des poussées dans cinq cas.

4. Discussion Dans notre série, l’atteinte oculaire occupe le deuxième rang après l’atteinte cutanéomuqueuse, ce qui est comparable à la littérature [2–7]. Son incidence est de l’ordre de 70 %

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Tableau 3 Différents types d’atteintes oculaires selon les séries Série

n

atteinte oculaire (%)

Panuvéite (%)

Hamza [5] Ouazzani [6] El Belhadji [9] Filali [3] Benamour [2] Cochereau-Massin [16] Notre série

24 123 520 162 316 41 113

100 100 80 50,6 72 68 44,2

33,3 72 37 – – – 24

[7]. L’homme est nettement plus touché que la femme, avec une prédominance des formes sévères. Le rôle aggravant des androgènes a été suggéré [8,9], mais des recherches manquent à ce sujet. L’âge moyen des deux groupes de patients était comparable, mais la gravité de l’atteinte oculaire paraît inversement proportionnelle à l’âge, les mêmes résultats ont été rapportés dans la littérature [10]. La fréquence des formes familiales varient entre 2 et 18 % selon les populations [11,12]. Elles semblent être plus graves que les formes sporadiques, et sont fortement associées à l’antigène HLA B51 [13]. Dans notre série, l’existence d’une MB familiale ne semble pas être un facteur de risque d’atteinte oculaire. Nous avons observé que les atteintes neurologiques et vasculaires étaient fréquemment associées à l’atteinte oculaire, ce qui pourrait être le fait d’une forme plus sévère de la maladie chez certains patients. L’atteinte oculaire était révélatrice de la MB chez six patients (12 %) dans notre série. Dans la littérature, cette atteinte peut être inaugurale dans 8 à 71 % des cas [4,14]. Elle est le plus souvent unilatérale initialement. Cependant, la bilatéralisation des lésions semble inéluctable en l’absence de traitement et survient dans les deux à trois premières années après le début de la maladie [15]. L’atteinte ophtalmologique était d’emblée bilatérale chez 64 % des cas dans notre série, dans 60 % pour El Belhadji [16] et 61,3 % pour Cochereau [17]. La bilatéralisation en cours de l’évolution apparaissait dans 20 % dans notre série, 13 % dans celle de Cochereau [16] et 33 %dans celle d’El Belhadji [17]. L’atteinte uvéale était la plus fréquente dans notre étude, avec dans 56 % une atteinte du segment postérieur. Les mêmes données sont retrouvées dans les séries publiées (Tableau 3). L’hypopion est le signe le plus évocateur, mais il n’est ni pathognomonique ni constant au cours de la MB. Sa fréquence est de 6 % environ [18], 8 % dans notre série. Les vascularites rétiniennes sont dominées par l’atteinte veineuse, leur fréquence avoisine 32 % [14]. Elles étaient observées dans 52 % des cas chez nos malades. Les lésions artérielles sont rares et tardives, aucun cas n’a été retrouvé dans notre étude. La neuropathie optique dans la MB se traduit par un œdème papillaire inflammatoire et ischémique. Son évolution se fait vers l’atrophie optique à long terme. La cataracte du Behçet oculaire représente 20 % de toutes les cataractes dans le Nord du Maroc. Elle constitue un obs-

Uvéite antérieure (%) – – 30 20,3 32 53 20

Uvéite postérieure (%) 52,08 – 45 14,8 – – 32

Vascularite rétinienne (%) 10,4 51 32 11,1 28 100 52

tacle dans la surveillance de l’acuité visuelle et du segment postérieur. Dans notre série, nous avons retrouvé six cataractes secondaires aux poussées répétées des uvéites et à la corticothérapie (12 %). Le pronostic oculaire de la MB est très mauvais en cas de retard de prise en charge. L’évolution des lésions a abouti à une cécité bilatérale dans 12 % des cas dans notre étude, 15,85 % dans la série de Filali Ansari [4], et dans 12,34 % dans la série de Benamour [3]. Le traitement de l’atteinte oculaire de la maladie de Behçet est encore non codifié : • actuellement, de nombreux auteurs [17–19] s’accordent à utiliser rapidement les immunosuppresseurs, soit d’emblée soit en fonction de la gravité ou de la bilatéralité des lésions ; • le risque de rechute après arrêt total ou ponctuel des traitements est possible ; • les différents traitements utilisés ne sont pas dénués d’effets secondaires notamment oculaires ; • dans notre contexte, le coût élevé des traitements, le retard de consultation et donc de prise en charge précoce de l’atteinte oculaire, aggravent le pronostic. En pratique, l’inflammation oculaire antérieure requiert la mise en route urgente d’un traitement, afin de prévenir la répétition des poussées responsables de complications oculaires (synéchies iridocristalliniennes, glaucome, ...). Sa prise en charge repose sur un traitement local à base de corticoïdes en collyre et de cycloplégique (atropine) associé le plus souvent à un traitement par voie générale [14]. Lorsqu’il existe des signes de gravité (hypopion, hyalite, vascularite rétinienne), l’administration de la corticothérapie en bolus, relayée par une corticothérapie orale s’impose. Les immunosuppresseurs facilitent le sevrage cortisonique, mais ne doivent pas être employés seuls, en raison de leur latence d’action. Leur prescription est légitime quand une récupération fonctionnelle est envisageable et qu’un suivi régulier est possible. De nombreux immunosuppresseurs ont démontré leur efficacité [6,18,19]. Les bolus de cyclophosphamide sont actifs sur l’atteinte oculaire, neurologique et vasculaire [6], la dose utilisée est de 600 à 1000 mg/bolus par mois [20]. L’azathioprine à la dose de 2,5 mg/kg par jour réduit le développement de nouvelles atteintes oculaires et la fréquence de leur poussée [21]. Le chlorambucil a aussi démontré son activité sur l’atteinte oculaire, son utilisation pendant une courte durée

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(inférieure à 16 semaines), à faible dose permet de réduire son pouvoir leucémogène [22]. D’autres traitements ont fait l’objet de certaines études avec des résultats prometteurs. La ciclosporine A paraît efficace chez 70 à 80 % des patients avec une atteinte oculaire réfractaire au traitement conventionnel par corticostéroïdes, azathioprine ou cyclophosphamide. Sa concentration serait élevée dans l’humeur aqueuse au cours des uvéites sévères. Elle est utilisée à la dose de 5 mg/kg par jour. Ses principaux effets secondaires sont l’hypertension artérielle et la néphrotoxicité [21,23]. Le tacrolimus (FK 506) possède une activité similaire à celle de la cyclosporine A, voire supérieure, pour contrôler l’uvéite avec une tolérance meilleure [24–26]. L’efficacité thérapeutique de l’interféron-a dans la MB est discutée. La dose préconisée est de 3 à 9 millions d’unités, trois fois par semaine pendant une durée moyenne de six mois. Son utilisation a été bénéfique dans certains cas rebelles [27,28] et il paraît être plus efficace que la pénicilline dans le traitement et la prophylaxie des complications oculaires et vasculaires de la maladie [21,29]. L’infliximab est un anticorps monoclonal de type IgG dirigé contre le TNF-a dont l’action anti-inflammatoire est reconnue dans la maladie de Crhon et la polyarthrite rhumatoïde. Son activité au cours de la MB résistante aux traitements classiques est de plus en plus rapportée [30–32]. Il permet un contrôle rapide de l’inflammation oculaire, ce qui diminue le risque de développement des lésions irréversibles. Il est utilisé par voie intraveineuse à la dose de 5 mg/kg par cure. La colchicine à la dose de 1 à 2 mg par jour indiquée dans le traitement des formes bénignes de la maladie, est également utile dans les formes sévères notamment oculaires ; elle permet de diminuer la posologie des immunosuppresseurs et de les relayer au décours des poussées [33]. La prise en charge des complications oculaires est également importante pour améliorer le pronostic visuel des patients : chirurgie de la cataracte et du glaucome, traitement au laser des ischémies rétiniennes étendues et persistantes.

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5. Conclusion Cette étude nous a permis de revoir les manifestations oculaires de la MB dans la population marocaine par le biais d’une consultation de dermatologie. S’il n’y a rien d’original en ce qui concerne la fréquence de l’atteinte oculaire et sa présentation clinique, il est à noter qu’elle est de plus mauvais pronostic à cause d’une part de son association fréquente à d’autres atteintes graves particulièrement vasculaires et neurologiques et d’autre part du retard de consultation constaté chez la plupart de nos patients.

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