Maladie de Dercum : une complication grave au cours d'une maladie rare. À propos d'un cas

Maladie de Dercum : une complication grave au cours d'une maladie rare. À propos d'un cas

Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 247–250 http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/ CAS CLINIQUE Maladie de Dercum : une complica...

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Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 247–250

http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/

CAS CLINIQUE

Maladie de Dercum : une complication grave au cours d’une maladie rare. À propos d’un cas Dercum’s disease: a severe complication in a rare disease. A case report D. Haddad *, B. Athmani, A. Costa, S. Cartier Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, centre hospitalier de Gonesse, 25, rue Pierre-de-Theilley, 95503 Gonesse, France Reçu le 19 août 2004 ; accepté le 13 décembre 2004

MOTS CLÉS Adipose douloureuse ; Postménopause ; Obésité ; Stéatocutanéonécrose ; Septicémie

KEYWORDS Adiposis dolorosa; Postmenopausal; Obesity; Steatocutaneousnecrosis; Septicaemia

Résumé La maladie de Dercum ou adipose douloureuse est une pathologie rare et méconnue. La présentation clinique est caractéristique avec quatre symptômes cardinaux. Elle se manifeste par des douleurs au niveau de tumeurs adipeuses, en général chez la femme ménopausée. Le but de cet article est de présenter la maladie à partir d’un cas clinique peu fréquent : un choc septique secondaire à une stéatocutanéonécrose d’une tumeur adipeuse. La maladie reste rare. L’étiologie est à ce jour inconnue, et différentes hypothèses (endocriniennes, métabolique, génétique) sont avancées. De multiples complications peuvent survenir mais les septicémies graves sont peu rencontrées. Le traitement est soit médical (perte de poids, corticoïdes, lidocaïne intraveineuse) soit chirurgical (exérèse–suture, lipoaspiration). © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Dercum’s disease or adiposis dolorasa is unusual and unknown. Four symptoms are typical. It is characterized by painful subcutaneous fatty tumors in postmenopausal woman. We present this disease through the study of an uncommon clinical case: a sceptic choc following the “steato-cutaneous-necrosis” of a fatty tumor. The disease remains rare. The etiology is to this day unknown and different hypothesis (endocrinous, metabolic, genetics) are put forward. Multiple complications can occur but severe septicemia is rare. The treatment can be medical (loss of weight, corticoids, intravenous lidocaine) or surgical (surgical excision or liposuction). © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La maladie de Dercum ou adipose douloureuse est une pathologie rare et méconnue. Elle est caracté-

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Haddad).

risée par des douleurs au niveau de tumeurs adipeuses, en général chez la femme en post ménopause. La revue de littérature confirme la rareté de la maladie ; si les complications y sont décrites les septicémies graves, quant à elles, le sont peu. Nous rapportons le cas d’une patiente hospitalisée pour un choc septique secondaire à une stéatocutanéonécrose d’une tumeur adipeuse. La patiente a dans

0294-1260/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.anplas.2004.12.007

248 un premier temps été prise en charge en réanimation afin de stabiliser son état hémodynamique. Puis dès que son état général nous l’a permis, nous avons traité la cause du choc. Le but de ce travail est de présenter ce cas clinique et de discuter de la maladie de Dercum, son étiologie, son diagnostic, son traitement.

Cas clinique Mme L, 63 ans, aux antécédents cardiovasculaires (trouble du rythme cardiaque, phlébite du membre inférieur), présente des tumeurs adipeuses dans le cadre d’une obésité morbide avec un indice de masse corporelle IMC à 46,4 (110 kg, 1 m 54). Le diagnostic de maladie de Dercum a été posé quatre ans auparavant. Ces tumeurs sont apparues après la ménopause et ont progressivement augmenté de volume. Elles prédominent au niveau des cuisses mais sont aussi localisées au niveau des bras, du pubis et de l’abdomen. Celles des cuisses mesurent environ 30 cm de diamètre. La patiente est hospitalisée en urgence en réanimation en juillet 2002 suite à un choc septique dont l’origine est une stéatocutanéonécrose localisée à la face interne de la cuisse gauche. La nécrose présente un diamètre de 15 cm avec une zone inflammatoire de 30 cm. Des prélèvements infectieux sont réalisés et on retrouve les germes E. coli et Enterococcus. Un parage chirurgical devient urgent. Compte tenu de son état général et de ses antécédents, l’anesthésie générale est contre-indiquée. La mise à plat sous couverture antibiotique est alors établie au lit du patient (Fig. 1). La nécrose est excisée et des panse-

D. Haddad et al. ments par compresses type alginate de calcium (Algostéril®) + compresses bétadinées sont réalisés à la fréquence de deux fois par jour pendant quinze jours puis d’une fois par jour pendant un mois. L’antibiothérapie première est Péni G 5 MU × 3/ jour + métronidazole (Flagyl®) 500 mg × 3/jour puis après les résultats bactériologiques relais par quinolone-ofloxacine (Oflocet®) 400 mg × 2/jour. L’évolution clinique aussi bien sur le plan hémodynamique que sur le plan local est rapide dès le début du parage. Le bourgeonnement débute dès l’excision de la nécrose et au terme d’un mois le résultat est satisfaisant pour permettre à la patiente de quitter l’hôpital. Les pansements sont poursuivis à domicile tous les deux jours par une infirmière. À deux mois après la sortie de la patiente nous décidons de finaliser le traitement. Nous réalisons une exérèse-suture en fuseau de la tumeur graisseuse résiduelle (Fig. 2). La pièce opératoire pèse 2 kg pour une taille de 25 cm/12 cm. Les suites de cette deuxième intervention sont simples malgré un écoulement temporaire de la plaie jugulée en moins d’un mois par des irrigations à la Bétadine®.

Discussion Étiologie de la maladie de Dercum Elle demeure inconnue. Une étiologie unique ne semble pas envisageable devant la diversité des symptômes de la maladie. Les causes évoquées sont endocriniennes (désordres thyroïdien, hypophysaire, surrénalien) [6], métaboliques (métabolisme lipidique défectueux), neurologiques (histologique-

Figure 1 A : aspect de la stéatocutanéonécrose lors de la prise en charge ; B : évolution après la mise à plat chirurgicale et la réalisation de pansements réguliers (à 2 mois).

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Figure 2 A, C : exérèse–suture du fuseau cutanéograisseux ; B : pièce opératoire (2 kg, 25 cm/12 cm).

ment il existe une nécrose des cellules adipeuses autour des nerfs dans ces tumeurs graisseuses) [7], génétique (de transmission autosomique dominante) [9].

Diagnostic de la maladie de Dercum Elle est caractérisée par quatre symptômes cardinaux [5,11,13] : • une douleur adipeuse localisée le plus fréquemment au niveau de la tumeur graisseuse ou diffuse. Cette douleur existe de façon spontanée ou au toucher ; • une obésité morbide chez les femmes en postménopause. Le ratio est de 30 femmes pour 1 homme [12]. Les tumeurs sont localisées préférentiellement au niveau des extrémités proximales, de l’abdomen, des genoux, de l’aine, plus rarement au niveau des avants bras, des poignets, des mains, de la face ; • une asthénie, une insomnie ; • des phénomènes neurologiques : instabilité émotionnelle, dépression, épilepsie, confusion, démence, parfois un éthylisme chronique.

Complications Le pronostic vital est rarement mis en jeu mais la maladie peut être associée ou se compliquer d’arthralgies, de myxœdème, de céphalées, de

cyanose, de flush, de tremblements, de tachypnée, de dyspnée (lors de l’exacerbation de la douleur), d’infarctus du myocarde congestif, d’hypertension [7,11]. Les complications septiques sont rares. Dans la littérature le cas d’un choc septique, tel que notre patiente l’a présentée, n’est pas décrit. Nous avons donc émis des hypothèses pour expliquer la survenue de cet événement. La cytostéatonécrose a pu être d’origine vasculaire compte tenu de ses antécédents (thrombose veineuse par insuffisance veineuse, microthrombose capillaire par embol artériel d’origine cardiaque–AC/FA) ou secondaire à une nécrose spontanée dans le cadre de sa maladie de Dercum.

Traitement de la maladie de Dercum Le traitement est de deux types : médical ou chirurgical [10]. La douleur étant la principale demande, des traitements antalgiques sont utilisés. Les antalgiques usuels tel que le paracétamol, l’aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont inefficaces. Les corticoïdes (prednisolone 20 mg/jour) produisent quelques effets sans que le mécanisme d’action ne soit connu. Des traitements avec lidocaïne intraveineuse (perfusion 5 mg/kg pendant 30–90 minutes) entraînent une absence de douleur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ces traite-

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D. Haddad et al.

ments sont souvent contraignants [1,8]. Par ailleurs les patients tentent de perdre du poids avec des régimes très restrictifs mais l’obésité est souvent réfractaire. Même lorsqu’un retour à un poids normal est réalisable, les tumeurs graisseuses persistent ainsi que la douleur associée. La chirurgie par exérèse–suture semble plus efficace sur la douleur avec des résultats à distance car la cause est traitée [2]. Une alternative peut être la lipoaspiration. La morbidité de cette technique est plus faible (moins de séromes et absence de cicatrice) mais il est souvent nécessaire de réaliser des séances itératives afin de répondre correctement à l’attente des patients [3,4].

Conclusion La maladie de Dercum présente un tableau clinique caractéristique qui permet à tout chirurgien plasticien de la reconnaître. Avec les différentes thérapeutiques à sa disposition, il peut ainsi soulager le principal symptôme dont se plaignent les patients, la douleur. Il peut également prévenir certaines complications parmi lesquelles les complications infectieuses qui peuvent devenir gravissimes, comme le démontre le cas de notre patiente. Le traitement chirurgical reste de loin le plus efficace et la discussion se fera entre exérèse–suture et lipoaspiration.

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