Traitement hormonal substitutif de la ménopause et diabète

Traitement hormonal substitutif de la ménopause et diabète

Pour la science J. Sarfati, P. Touraine Service d’endocrinologie et médecine de la reproduction, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. ...

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Pour la science

J. Sarfati, P. Touraine Service d’endocrinologie et médecine de la reproduction, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.

Traitement hormonal substitutif de la ménopause et diabète

L’augmentation de la morbi-mortalité coronarienne observée chez la femme après la ménopause est habituellement attribuée au déficit estrogénique. Les nombreuses études observationnelles publiées jusqu’à la fin des années 1990 concluaient pratiquement toutes à un risque relatif d’événements coronarien ou cardiovasculaire diminué (compris entre 0,5 et 0,7) chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause, généralement un estrogène seul. Les résultats des études randomisées THS vs placebo, publiées à partir de 2002 et portant sur de larges populations de femmes ménopausées suivies pendant plusieurs années ont remis en question l’intérêt des THS en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire, en montrant l’absence de bénéfice de ces traitements sur la survenue d’événements coronariens, voire un risque augmenté, s’accompagnant d’une augmentation du risque d’accidents thrombo-emboliques et peut-être de cancer du sein. Il n’existe pas d’études randomisées spécifiques chez les femmes diabétiques ménopausées, mais les données disponibles indiquent que l’effet des THS n’est pas différent de celui observé chez les femmes ménopausées non diabétiques. Les analyses posthoc de plusieurs études randomisées de prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire semblent indiquer un effet préventif du THS sur la survenue d’un diabète patent, mais cet éventuel bénéfice ne justifie pas ce type de traitement en prévention du diabète en raison d’un rapport bénéfices/risques insuffisant. Les indications actuelles du THS de la ménopause, définies par l’Afssaps, sont donc limitées (troubles du climatère, à la dose minimale efficace et, pour une durée de deux à trois ans en moyenne), sans indication donc en prévention cardiovasculaire, ni en prévention ou traitement de l’ostéoporose post ménopausique.

par 4 ou 5. L’immense majorité (75 %) des diabétiques décède de complications de l’athérosclérose, au premier rang desquelles l’ischémie myocardique est responsable de 50 % des décès. Le diabète de type 2 survient, le plus souvent, après 50 ans et il touche environ 15 % des femmes ménopausées. Chez ces femmes ménopausées et diabétiques, il est important d’établir une balance bénéfice/risque de l’hormonothérapie de la ménopause. Le traitement hormonal substitutif (THS) a été initialement utilisé pour améliorer les symptômes climatériques de la ménopause. Sa prescription a été progressivement élargie à d’autres domaines, en particulier à la prévention du risque vasculaire. Cette indication a été bouleversée par les conclusions des deux grandes études américaines (Heart and Estrogen/progestin Study – HERS [1], et Women’s Health Initiative – WHI [2]) qui, pour la première fois, n’ont pas mis en évidence un effet bénéfique cardiovasculaire du THS.

La ménopause, facteur de risque cardiovasculaire Introduction

Correspondance : Philippe Touraine Service d’endocrinologie et médecine de la reproduction Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47-83, bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 E-mail : [email protected]

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Le diabète de type 2 est une maladie dont la prévalence augmente parallèlement au vieillissement, à la sédentarité et à l’obésité de la population. En France, on compte environ 2,5 millions de diabétiques (90 % sont des diabétiques de type 2) avec une augmentation de l’incidence de près de 5 % par an. Le diabète est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, il entraîne chez la femme une augmentation du risque relatif (RR) de la mortalité d’origine vasculaire multipliée

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La pathologie cardiovasculaire est une cause majeure de mortalité féminine (première cause de mortalité chez la femme après 60 ans). La femme, relativement protégée pendant sa période d’activité génitale, perd cet avantage après la ménopause. La ménopause coïncide avec une augmentation de fréquence des accidents cardiovasculaires, rejoignant, voire dépassant celle des hommes, du fait d’une plus longue espérance de vie (figure 1). La maladie coronaire se manifeste ainsi chez la femme 10 à

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Pour la science Effets métaboliques des estrogènes

 

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Figure 1 : Décès par cardiopathies ischémiques par tranches d’âge selon le sexe ; influence de la ménopause qui coïncide avec une augmentation des décès par cardiopathies ischémiques chez la femme [Données INSERM 1994].

20 ans plus tard que chez l’homme, mais est souvent plus sévère et se complique d’une mortalité plus importante [3, 4].

Quel est le rôle de la carence oestrogénique ? De nombreuses études ont tenté d’associer ménopause et maladie cardiovasculaire, mais elles sont d’interprétation difficile en l’absence de prise en compte des autres facteurs de risque cardiovasculaires. Les meilleures informations semblent venir des grandes études prospectives américaines. Dans la Framingham Heart Study [5], les femmes ménopausées âgées de 50 à 59 ans, ont une incidence à 10 ans de maladies cardiovasculaires quatre fois plus importante que les femmes de la même tranche d’âge non ménopausées, mais il n’y a pas de prise en compte de l’âge et du tabagisme. La plus grande étude prospective à ce jour, la Nurses’ Health Study, conduite aux Etats-Unis chez près de 122 000 infirmières âgées de 30 à 55 ans à l’inclusion (dont 119 963 n’avaient pas de maladie coronarienne diagnostiquée), rapporte également un risque plus important de maladie coronarienne chez les femmes ménopausées (plus de 48 000) en comparaison aux femmes non ménopausées : avec un ajustement sur l’âge par tranches de cinq ans, le risque relatif (RR) de survenue de maladie coronarienne est de 1,7 [IC95% : 1,1-2,8] ; cependant, un

ajustement sur l’âge par année, réduit le RR à 1,2 qui devient non significatif [IC95% : 0,8-1,8] [6]. Les preuves d’une relation entre ménopause et morbi-mortalité cardiovasculaire sont beaucoup plus fortes chez les femmes qui ont eu une hystérectomie et une ovariectomie bilatérale. Une ovariectomie bilatérale est responsable d’une chute brutale du taux d’estrogènes, contrairement au déclin progressif de la ménopause naturelle. Une preuve de l’implication des estrogènes dans la maladie cardiovasculaire est de nouveau apportée par la Nurses’ Health Study [6] : on retrouve une augmentation importante du risque de maladie cardiovasculaire (RR : 2,2 [IC95% :1,2-4,2]) chez les femmes ayant eu une ovariectomie bilatérale et une hystérectomie sans supplémentation estrogénique exogène par comparaison aux femmes de même âge non ménopausées. Ce risque n’est pas augmenté chez les femmes utilisant des estrogènes exogènes (RR : 0,9 [IC95% :0,6-1,6]). De façon plus indirecte, il a été démontré que, chez les jeunes femmes ayant une insuffisance ovarienne prématurée, il existait, en l’absence de THS, une dysfonction vasculaire endothéliale qui disparaît après six mois de THS [7]. Donc, il existe une relation entre ménopause et maladie cardiovasculaire, ce qui était en faveur du caractère cardioprotecteur d’un traitement rétablissant le climat hormonal favorable de la préménopause.

Si l’effet des estrogènes a longtemps été attribué à leur effet sur le profil lipidique, leur effet athéroprotecteur dépend probablement davantage de l’action sur la paroi vasculaire. Les estrogènes modifient le profil lipidique, le risque thrombotique (fibrinogène, plasminogen activator inhibitor - PAI-1, facteur VII) et la production de molécules vasoactives comme l’oxyde nitrique (NO). Les estrogènes naturels modifient le profil lipidique de façon favorable et dose dépendante [8]. Les estrogènes naturels semblent aussi améliorer la tolérance aux hydrates de carbone. Ils ont des effets contradictoires sur la thrombose, dépendant du mode d’administration ; ainsi, lors de l’administration d’estradiol par voie transdermique, les effets sur l’hémostase sont minimes, alors que par voie orale, on constate un effet thrombogène veineux des estrogènes équins, probablement secondaire à l’effet de premier passage hépatique [9]. Les estrogènes inhibent le développement de l’athérosclérose et la réponse à l’agression par un mécanisme génomique et augmentent la vasodilatation par un mécanisme non génomique [10]. Les estrogènes sont des hormones stéroïdiennes et partagent avec les membres de cette famille la capacité de moduler la transcription de certains gènes. Deux types de récepteurs (ERα et ERβ) ont été mis en évidence au niveau des cellules de la paroi vasculaire. Publiée en 2004, une étude montre que des femmes porteuses de l’haplotype ESR1 de ERα ont un risque indépendant augmenté d’infarctus du myocarde [11]. Une autre étude, publiée en 2002 [12], a mis en évidence une association entre un génotype particulier de ERα (IVS1-401 C/C) et une augmentation plus importante sous THS du HDL-cholestérol (HDL-C), limitée à la sous fraction HDL3. Les estrogènes ont aussi des propriétés antioxydantes ; ils restaurent la fonction endothéliale et ont probablement une action sur les cellules du système immuno-inflammatoire. De façon associée, les estrogènes augmentent la biodisponibilité du NO, molécule protectrice,

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responsable de l’essentiel de la vasodilatation et produite physiologiquement par les cellules endothéliales. Enfin, ils stimulent la régénération de l’endothélium après agression et préviennent la prolifération néo-intimale des cellules musculaires lisses [10]. En résumé, les estrogènes jouent un rôle protecteur sur la paroi artérielle. Cet effet permettrait d’expliquer les résultats bénéfiques du THS chez la femme, retrouvés dans la plupart des études observationnelles.

Ménopause et évolution des facteurs de risque cardiovasculaires Lipides et lipoprotéines De tous les facteurs de risque cardiovasculaire, les lipides et les lipoprotéines sont les plus fortement liés aux estrogènes [13]. Les résultats de plusieurs études ont constaté un moins bon profil lipidique chez les femmes en post-ménopause en comparaison aux femmes en pré- et périménopause [14-16]. En effet, la ménopause s’associe à une modification du profil lipidique chez la femme : augmentation du cholestérol total, du LDL-cholestérol (LDL-C), de la proportion de lipoprotéines LDL petites et denses, des triglycérides et de la lipoprotéine(a) - Lp(a) ; diminution du HDL-C [17]. Après la ménopause, ces désordres lipidiques athérogènes contribuent à l’apparition précoce de la maladie coronaire. Un taux élevé de triglycérides et un faible taux de HDL-C s’associent à un risque relatif important d’infarctus du myocarde chez la femme d’âge moyen [18]. Dans une méta-analyse publiée en 1996 [19], regroupant 17 études prospectives avec une population incluant 11 000 femmes, l’analyse des résultats a retrouvé une augmentation du risque de maladie coronaire de 75 % chez les femmes hypertriglycéridémiques vs. 30 % dans le groupe des hommes. Mais, il est encore difficile d’associer directement le taux d’estrogènes aux modifications du profil lipidique. Kuller et al. [20] n’ont pas trouvé d’association significative entre le taux d’estrone endo-

gène et celui des lipides chez les femmes en postménopause de la Healthy Women’s Study. Les femmes ayant un taux d’estradiol plus élevé ont un profil lipidique plus favorable que celles ayant un taux d’estradiol plus bas, mais dans les analyses longitudinales, il n’y a pas d’association conséquente entre les modifications d’estrone ou d’estradiol et celle des lipoprotéines.

Glucose et insuline Les données évaluant le statut de ménopause ou le taux d’estrogènes et la glycémie et l’insulinémie restent assez limitées. Certaines études suggèrent que la ménopause naturelle n’a pas d’impact sur la concentration en insuline et la glycémie [16], alors que d’autres ont retrouvé une association entre la ménopause et le taux d’insulinémie à jeun [21].

Pression artérielle Les études lors de ménopause naturelle n’ont pas retrouvé d’association entre le statut de ménopause et la pression artérielle [16].

Historique du THS : des études observationnelles aux études randomisées : un mythe s’écroule ! Le premier THS a été commercialisé aux Etats-Unis en 1942 sous forme de comprimés d’estrogènes conjugués d’origine équine (Premarin®), associés ou non à des progestatifs. Depuis, les prescriptions annuelles n’ont cessé d’augmenter jusqu’en 2003, pour représenter l’un des cinq médicaments les plus vendus au monde. En France, les produits utilisés sont majoritairement les estrogènes naturels ou 17-β estradiol, par voie cutanée ou orale, associés ou non à un progestatif (selon que la femme ait été ou non hystérectomisée).

Les études observationnelles De très nombreuses études, pour la plupart observationnelles, ont été publiées et ont montré que le THS (essentiellement un estrogène seul à cette époque) était bénéfique sur le risque cardiovasculaire.

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En 1985, pour la première fois, l’effet bénéfique vasculaire du THS est remis en cause : deux études contradictoires sont publiées dans le même numéro du New England Journal of Medicine. Des différences entre l’âge des femmes incluses et des définitions différentes des événements servant de critère de jugement principal ont été avancées pour expliquer les divergences de conclusion entre ces deux études [4]. La première étude, la Framingham Heart Study [22], est un suivi prospectif de 1 234 femmes ménopausées, âgées de 50 à 63 ans. Malgré un profil cardiovasculaire favorable et le contrôle des principaux facteurs de risque, l’utilisation d’estrogènes a été associée à une augmentation du RR (à peu près doublé) de morbidité cardiovasculaire et du risque de maladie cérébro-vasculaire. La conclusion de l’étude est moins tranchante : l’effet bénéfique vasculaire de l’utilisation des estrogènes n’est pas retrouvé. La deuxième étude, la Nurses’ Health Study [23], présente les données à quatre ans du suivi de 121 964 infirmières, âgées de 30 à 55 ans. Chez les 32 317 femmes ménopausées, indemnes de maladie coronarienne à l’inclusion, il est constaté une diminution du risque de survenue d’événements cardiovasculaires chez les utilisatrices de THS. En comparaison avec le risque chez des femmes n’ayant jamais utilisé de THS (plus de 10 000), le RR après ajustement à l’âge, est de 0,5 ([IC95% :0,3-0,8], p = 0,007) pour les utilisatrices dites « occasionnelles » (utilisation antérieure de THS, sans prise actuelle) et de 0,3 ([IC95% : 0,2-0,6], p = 0,001) pour les utilisatrices « permanentes » (traitement par THS toujours en cours). Le RR était similaire pour les évènements cardiovasculaires fatals et non fatals et persistait après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, diabète, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, obésité, antécédents familiaux vasculaires, utilisation antérieure de contraceptifs...). Ces données étaient en faveur de l’hypothèse que l’utilisation d’estrogènes après la ménopause diminue le risque de maladies coronaires. Les données du suivi à 10 ans, publiées en 1991, ne remettaient pas en cause ces données, montrant un

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RR de maladie coronarienne, ajusté pour l’âge et les principaux facteurs de risque cardiovasculaire, de 0,83 [IC95% :0,651,05], p < 0,01) pour les utilisatrices « occasionnelles » et de 0,56 ([IC95% : 0,4-0,8], p < 0,01) pour les utilisatrices « permanentes », vs. les femmes n’ayant jamais utilisées de THS [24]. Ces publications ont donné lieu à plusieurs méta-analyses des études observationnelles alors disponibles, destinées à évaluer l’effet de l’utilisation d’un THS (un estrogène seul le plus généralement) sur le risque cardiovasculaire. Celle de Stamler et al. [25], portant sur 31 études, a montré une réduction du RR d’événements coronariens chez les utilisatrices d’estrogène seul vs. non utilisatrices (RR : 0,56 [IC95% : 0,500,61]), mais les auteurs ont souligné la grande hétérogénéité de ces études. La méta-analyse de Grady et al. [26], portant sur 35 études, confirmait ce résultat chez les utilisatrices permanentes de THS vs. jamais utilisatrices (RR de maladie coronarienne 0,65 [IC95% : 0,76-0,89]), sans différence notable entre maladie coronarienne fatale ou non fatale [26] (figure 2). Globalement, les différentes méta-analyses montraient (vs. non utilisatrices), une diminution du RR d’événements coronariens de 35 à 45 % chez les femmes ménopausées utilisant un estrogène seul. Seule la méta-analyse de Grady et al. [26] avait incluse des études (mais trois seulement) portant sur l’association d’un estrogène et d’un progestatif, leur estimation était une réduction du RR d’événements coronariens de 35 % environ.

Figure 2 : Méta-analyse de 35 études observationnelles : influence du traitement hormonal substitutif (essentiellement par estrogènes seuls) sur le risque d’accident coronarien (fatal et non-fatal) et le risque d’accident vasculaire cérébral ; n = nombre d’études pour chaque type d’événement [D’après réf. 26].

Le défaut principal de toutes ces études, hors le fait qu’elles portaient principalement sur l’utilisation d’un estrogène seul, est l’absence de randomisation ; il ne s’agissait pas d’essais cliniques randomisés, qui seuls permettent d’établir formellement une relation causale entre le THS et la diminution du risque cardiovasculaire. Il faudra attendre 1998, pour que soit publiée la première étude randomisée qui va modifier complètement les perspectives du THS dans la prévention des évènements cardiovasculaires.

Les études randomisées HERS est la première grande étude randomisée [1] évaluant un THS vs. placebo. Le volet Hormone Trial a inclus 2 763 femmes, ayant un utérus intact, d’âge moyen 67 ans, suivies pendant cinq ans (suivi moyen : 4,1 ans). Deux groupes ont été randomisés entre THS (0,625 mg d’estrogènes conjugués équins et 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone) ou placebo. Le critère de jugement principal était la survenue d’un infarctus du myocarde non mortel ou un décès par accident coronarien, chez ces femmes en prévention secondaire, ayant toutes une coronaropathie avérée à l’inclusion. À la fin de l’étude, il n’a pas été retrouvé de différence significative entre les deux groupes (HR : 0,99 [IC95% : 0,80-1,22]) : l’administration combinée d’oestrogènes équins et d’acétate de médroxyprogestérone n’a pas réduit les événements coronariens, en dépit d’un bénéfice sur le HDL-C (augmenté de 10 %) et le LDL-C (diminué de 11 %) vs. le groupe placebo (p < 0,001 pour les deux comparaisons), les triglycérides augmentant toutefois de 8 % (p < 0,001) dans le groupe THS vs. groupe placebo. De façon surprenante, un accroissement des événements coronariens (mortels ou non, cumulés) a été constaté la première année de traitement dans le groupe THS vs. placebo (HR : 1,52 [IC95% :1,01-2,29]), compensé par une diminution des événements coronariens (mortels ou non mortels cumulés) les quatrième et cinquième années de traitement (HR : 0,67 [0,43-1,04]). S’il est vrai que ces deux hormones étaient très peu utilisées en France,

ces nouvelles données vont alors être un frein au développement de la thérapeutique hormonale substitutive. Les résultats de l’étude HERS ont été confortés par les résultats d’autres études randomisées [27], ne montrant pas d’effet du THS sur la progression de l’athérosclérose coronaire et le risque d’événements coronariens, que ce soit avec un estrogène équin comme dans HERS ou avec le 17-β estradiol associé ou non à l’acétate de médroxyprogestérone [28]. L’étude HERS fut poursuivie en ouvert (HERS II), avec 2 321 femmes suivies pendant 2,7 ans supplémentaires [29]. Les résultats furent là encore décevants : il n’y avait toujours pas de diminution du risque d’événements coronariens dans le groupe THS, dans lequel la compliance au THS diminuait par ailleurs régulièrement (seules 45 % des femmes étaient encore compliantes à 6 ans). En cumulant les événements coronariens de HERS I et de HERS II, il n’existait plus aucune modification du risque dans le groupe THS (HR : 0,99 [IC95% : 0,841,17]). Après environ 6,8 ans de THS, ces femmes en prévention cardiovasculaire secondaire ne bénéficiaient donc pas d’un effet protecteur. La seconde étude randomisée de grande ampleur est le volet Hormone Trial de la Women’s Health Initiative (WHI). Publiée en 2002 [2], lors de l’arrêt anticipé de l’étude après 5,2 ans de suivi moyen (au lieu des 8,5 ans prévus), c’est la première étude randomisée portant sur un grand groupe de femmes en prévention cardiovasculaire primaire : 16 608 femmes ayant un utérus intact, randomisées en deux groupes : THS (0,625 mg d’estrogènes conjugués équins et 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone) ou placebo. Les critères de jugement principaux étaient la survenue d’événements coronariens (infarctus du myocarde non mortel ou décès par maladie coronaire) et de cancer du sein. Une analyse finale a été réalisée en 2003 [30], incluant l’ensemble des données non encore disponibles lors de la publication de 2002. À 5,2 ans, le HR de survenue d’évènements coronariens était de 1,24 [IC95% : 1,00-1,54] en faveur du groupe placebo, correspondant donc à

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profil vasculaire » que celles qui n’en prennent pas, mais, l’effet bénéfique du THS semblait persister après ajustement pour les différents facteurs de risque. Il existe probablement des facteurs non mesurables qui nous rappellent l’importance de réaliser des études randomisées. Les femmes de l’étude HERS sont âgées, porteuses de plaques athéromateuses, plus sensibles à l’effet immédiat pro-thrombotique du THS. Dans l’étude WHI, les volontaires américaines ne sont pas représentatives de la population française, elles sont plus âgées et plus obèses, mais dans cette étude WHI, le THS augmente le RR d’événements cardiovasculaires chez toutes les femmes ménopausées recevant l’association estrogène et progestatif étudiée. Il est important de rappeler que cette association (estrogènes conjugués équins et acétate de médroxyprogestérone) n’est qu’exceptionnellement prescrite en France, mais en l’absence d’étude randomisée française ou européenne [32], force est de prendre en compte ces résultats. Les résultats de ces deux grandes études randomisées remettent donc en question la notion de l’effet protecteur des oestrogènes sur le risque vasculaire et de leur innocuité chez des femmes à haut risque vasculaire comme la femme diabétique.

une augmentation du risque relatif de survenue d’un évènement coronarien de 24 % dans le groupe de femmes utilisant le THS (figure 3). Comme dans l’étude HERS, le risque de survenue d’un évènement cardiovasculaire était plus important la première année (HR : 1,81 [IC95% : 1,09-3,01] toujours en faveur du groupe placebo. De plus, il existait une augmentation de 31 % du risque relatif d’accident vasculaire cérébral dans le groupe THS (HR : 1,31 [IC95% : 1,02-1,68]), essentiellement liée aux accidents ischémiques (HR : 1,44 [IC95% : 1,09-1,90]) et non aux accidents hémorragiques (HR : 0,82 [IC95% : 0,43-1,56]) [31]. On retrouve pourtant, comme dans les études précédentes, une amélioration du bilan lipidique : à un an de traitement, diminution de 12,7 % du LDL-C et augmentation de 7,3 % du HDL-C dans le groupe THS vs. groupe placebo, avec toutefois une élévation modérée (de 6,9 %) des triglycérides [30].

Comment comprendre cette différence entre études randomisées et études observationnelles ? Les études observationnelles comportent un grand biais de sélection, les femmes ménopausées qui prennent un traitement hormonal substitutif de la ménopause, présentent un « meilleur



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Figure 3 : Survenue d’événements coronariens mortel ou non mortel (critère de jugement principal) au cours du volet Hormone Trial de l’étude Women’s Health Initiative, conduite chez 16 608 femmes en prévention cardiovasculaire primaire, suivies en moyenne pendant 5,2 ans ; courbe de Kaplan-Meier d’estimation du risque cumulé d’événements coronariens selon le groupe de randomisation (traitement hormonal substitutif vs. placebo) [D’après réf. 30].

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THS et facteurs de risque cardiovasculaires chez la femme diabétique Différentes études ont été publiées sur les effets du THS chez la femme diabétique, sur le métabolisme glucidique, lipidique, sur la pression artérielle, l’épaisseur intima-média, mais il s’agit essentiellement soit d’études observationnelles, soit d’études randomisées portant sur de petits effectifs. Une étude limitée, publiée en 1997 [33], a évalué l’effet du THS sur le métabolisme glucidique, lipidique et l’androgénicité biologique (taux de sex-hormone binding globulin – SHBG, et de testostérone libre) chez des femmes diabétiques ménopausées. Vingt-cinq femmes ayant un diabète de type 2, sous régime seul ou sous antidiabétiques oraux, avec un indice de masse corporelle moyen de 30,4 kg/m 2, ont été randomisées en deux groupes : THS (17-β estradiol 2 mg et acétate de noréthistérone 1 mg) ou placebo pendant trois fois 28 jours. Le THS semble améliorer le métabolisme glucidique chez la femme diabétique, permettant une réduction significative du taux moyen d’hémoglobine glyquée (HbA1c), de 8,7 % à l’inclusion dans les deux groupes, à 7,5 % dans le groupe traité (p < 0,001) vs. 9,0 % dans le groupe placebo. La glycémie à jeun diminue de façon concordante dans le groupe THS, de 12,1 mmol/l à 9,5 mmol/l (p < 0,001) et n’est pas modifiée dans le groupe placebo. Dans cette étude, on retrouve chez la femme diabétique les effets bénéfiques du THS sur le plan lipidique, rapportés chez la femme non diabétique : augmentation du HDL-C (de 1,10 mmol/l à 1,33 mmol/l ; p < 0,001) et diminution du LDLC (de 3,74 mmol/l à 2,86 mmol/l, p < 0,001), alors qu’ils ne sont pas modifiés dans le groupe placebo. Les triglycérides ne sont pas modifiés. Étonnamment, dans le groupe HRT, le poids augmente, de façon significative mais peu importante (de 1,3 kg en moyenne, p < 0,001), alors que la masse grasse reste stable sous THS mais diminue dans le groupe placebo (p < 0,05 vs. placebo). L’effet sur les glycémies semble donc être un effet direct de l’estradiol, sans relation avec le poids.

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Une autre étude de petite taille [34], randomisée, retrouve ces effets bénéfiques du THS par voie orale sur le métabolisme glucidique et lipidique, chez des femmes diabétiques ménopausées. Par contre, les effets de la voie transdermique restent discutables. Les effets bénéfiques sur le métabolisme glucidique et lipidique ne sont pas retrouvés lorsque le THS est administré par voie transdermique [34]. Cet effet atténué de la voie transdermique sur le cholestérol a été décrit chez les femmes non diabétiques : la capacité des estrogènes transdermiques à stimuler le récepteur hépatique des LDL est moins importante que celle des estrogènes pris par voie orale. Mais, dans une autre étude [35], l’administration d’un THS par voie transdermique permet une amélioration du profil lipidique vs. placebo (diminution de 8 % du cholestérol total et de 22 % des triglycérides, p < 0,05)). Ces deux études [34, 35], sont des études randomisées, mais incluant de petits effectifs (33 et 43 femmes diabétiques respectivement), de courte durée (trois et six mois). Pour évaluer l’effet du THS par voie transdermique, le traitement hormonal de référence en France, il est indispensable de mettre en place des études de plus grande ampleur. L’étude d’autres marqueurs de l’athérosclérose, comme l’épaisseur intima-média [36] et la relaxation vasculaire [37], est en faveur d’un bénéfice du THS chez la femme diabétique. En revanche, plusieurs études n’ont pas montré d’effet sur la pression artérielle du THS chez la femme diabétique [38].

THS et événements cardiovasculaires chez la femme diabétique Comme chez la femme non diabétique, les études qui ont initialement évalué le risque vasculaire du THS chez les femmes diabétiques, sont essentiellement des études observationnelles. Une seule grande étude prospective [39], non randomisée, s’est intéressée aux évènements cardiovasculaires chez la femme diabétique âgée de plus de 50 ans. Elle a porté sur les données, enregistrées de janvier 1995 à décembre 1998, de 25 000 femmes diabétiques,

âgées de plus de 50 ans, adhérentes à un programme d’assurance volontaire de Californie. Elles ont été subdivisées en deux groupes : 24 420 femmes diabétiques n’ayant pas présenté d’infarctus du myocarde récent, d’âge moyen 64,9 ans, et 580 femmes diabétiques ayant eu un infarctus du myocarde récent, d’âge moyen 69,2 ans. L’objectif était d’évaluer l’incidence des infarctus du myocarde selon les différents THS utilisés. Au total, 1 110 événements sont survenus dans le premier groupe. Après ajustement pour les différents facteurs de risque cardiovasculaire, le THS montre un effet protecteur chez ces femmes diabétiques. L’utilisation fréquente (traitement poursuivi au long cours) du THS est associée à une diminution du risque d’infarctus du myocarde de 16 % (HR : 0,84 [IC95% : 0,720,98]). La diminution est de 23 % lorsque le THS associe estrogène et progestatif (HR : 0,77 [IC95% : 0,61-0,97]) et de 12 % (HR : 0,88 [IC95% : 0,73-1,05], non significatif) lorsque le THS ne comporte qu’un estrogène seul. De plus, le risque

d’infarctus du myocarde est aussi lié à la dose d’estrogènes : il est diminué si les femmes prennent une dose dite faible ou moyenne (soit < 0,625 mg d’estrogènes ou 0,625 mg d’estrogènes conjugués équins respectivement), mais ne l’est plus lorsque la dose d’estrogènes est supérieure à 0,625 mg d’estrogènes conjugués équins. Ces résultats suggèrent une relation entre dose d’estrogènes et risque d’infarctus du myocarde, mais le petit nombre de femmes utilisant une forte dose d’estrogènes peut expliquer à lui seul l’absence de diminution de risque dans ce groupe. Ces résultats sont en contradiction avec ceux de WHI, mais comme nous l’avons indiqué précédemment, ces études observationnelles comprennent des biais, les utilisatrices de THS ayant probablement un meilleur profil vasculaire. Dans le deuxième groupe, celui des 580 femmes diabétiques ayant un infarctus du myocarde récent, les résultats diffèrent, avec 89 récidives identifiées. Le risque de récurrence est nettement augmenté chez les utilisatrices fréquentes de THS

Points essentiels • L’augmentation de la morbi-mortalité coronarienne observée chez la femme après la ménopause est attribuée au déficit estrogénique. • Jusqu’à la fin des années 1990, les études observationnelles concluaient généralement à une diminution significative du risque relatif d’événements coronarien ou cardiovasculaire chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause. • Les larges études randomisées, à long terme vs placebo, chez des femmes ménopausées, ont remis en question l’intérêt des THS en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire : absence de bénéfice (voire risque augmenté) sur la survenue d’événements coronariens, mais augmentation du risque d’accidents thromboemboliques, et peut-être à long terme de cancer du sein. • Il n’existe pas d’études randomisées spécifiques chez les femmes diabétiques ménopausées. • Les analyses post-hoc des études randomisées de prévention cardiovasculaire, semblent indiquer un effet préventif du THS sur la survenue d’un diabète. En raison d’un rapport bénéfices/risques insuffisant, ce type de traitement n’est pas justifié en prévention du diabète. • L’Afssaps a précisé (juin 2006) les indications du traitement hormonal de la ménopause : à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible, lorsque les troubles du climatère sont suffisamment gênants pour altérer la qualité de vie, avec réévaluation annuelle. Dans des conditions limitées très précises, un traitement peut être envisagé chez la femme ménopausée à risque élevé de fractures. Chez les femmes ménopausées en bonne santé, sans trouble du climatère et sans facteur de risque d’ostéoporose, un traitement hormonal de la ménopause n’est pas recommandé. Il n’y a pas d’indication dans un but de prévention cardiovasculaire.

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Traitement hormonal substitutif de la ménopause et diabète

(HR : 1,78 [IC95 % : 1,06-2,98]) et il est encore plus augmenté chez celles pour qui le traitement a été instauré depuis moins de un an (HR 3,84 [IC95 % : 1,609,20]). Ces résultats viennent confirmer ceux de l’étude HERS sur l’absence d’effet protecteur du THS en prévention secondaire et retrouvent, comme dans HERS et WHI, une augmentation d’incidence des événements cardiovasculaires lors de la première année de traitement (respectivement en prévention secondaire et primaire dans ces études). Dans l’étude HERS, les femmes diabétiques représentaient moins de 1 % de l’effectif du fait des critères de non-inclusion. Dans le volet Hormone Trial de WHI, elles représentaient moins de 19 % de l’effectif, également réparties entre les deux groupes de randomisation, les résultats en terme d’augmentation du risque d’événements coronariens durant les 5,2 ans de suivi, sont du même ordre que pour l’ensemble de la population incluse, avec un risque relatif d’événements coronariens augmenté de 45 % chez les femmes diabétiques recevant le THS vs. les diabétiques du groupe placebo (HR : 1,45 [IC95 % : 0,84-2,51]) [30].

THS en prévention du diabète ? Lors des nombreuses études observationnelles, le THS de la ménopause a été associé à une diminution des taux de glycémie à jeun. L’étude randomisée HERS [40] a évalué l’effet du THS de la ménopause sur le développement d’un diabète au cours d’un suivi de 4,1 ans, et encore s’agissait-il d’une analyse post-hoc. Parmi les 2 029 femmes de cette étude de prévention cardiovasculaire secondaire qui ont une maladie coronarienne mais n’ont pas de diabète à l’inclusion, 6,2 % de celles qui reçoivent le THS (0,625 mg d’estrogènes conjugués et 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone), et 9,5 % de celles qui reçoivent un placebo ont développé un diabète (HR : 0,65 [IC95 % : 0,480,89]). Chez les femmes coronariennes, le THS a diminué l’incidence du diabète de 35 %. Il faut traiter 30 femmes pendant quatre ans pour prévenir un cas de diabète [IC95 % : 18-103]. Mais cet effet

bénéfique ne contrebalance pas le surrisque coronarien (et l’augmentation du risque d’accident thrombo-embolique, et de cancer du sein à long terme), conduisant les auteurs à conclure que les effets métaboliques sont insuffisants pour recommander l’utilisation d’un THS en prévention cardiovasculaire secondaire. Le volet Hormone Trial de l’étude WHI a également donné lieu à une analyse posthoc [41]. À l’issue d’un suivi moyen de 5,6 ans de 15 641 femmes ménopausées, âgées de 50 à 79 ans, et ayant un utérus intact, l’incidence cumulée de nouveaux cas de diabète traité était de 3,5 % dans le groupe THS (0,625 mg d’estrogènes conjugués équins et 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone) et de 4,2 % dans le groupe placebo (HR : 0,79 [IC95 % : 0,67-0,93], p = 0,04), sans variation notable après ajustement sur l’IMC et le tour de taille. Les évaluations de l’insulinosensibilité (indice d’insulinorésistance du modèle HOMA – homeostasis model assessment- HOMA-IR) ont mis en évidence une diminution significative de l’insulinorésistance à un an en faveur du groupe traité (p = 0,03). L’autre volet de l’étude WHI [42], mené jusqu’au terme prévu (suivi moyen de 7,1 ans), chez 10 739 femmes ménopausées ayant eu une hystérectomie avant leur inclusion, âgées également de 50 à 79 ans, et recevant soit un THS par estrogène seul (0,625 mg d’estrogènes conjugués équins), soit un placebo, conclut à une incidence cumulée de nouveaux cas de diabète traité de 8,3 % dans le groupe estrogène seul et de 9,3 % dans le groupe placebo (HR : 0,88 [IC95 % : 0,77-1,01], p = 0,072), un effet de prévention sur l’apparition du diabète qui est donc plus faible que celui observé avec un traitement associant estrogène et progestatif. Là encore, une diminution significative de l’insulinorésistance à un an, en faveur du groupe traité (p < 0,01), était constatée sur l’indice HOMA-IR, mais une différence ne subsistant plus à trois et six ans. Pour ces deux dernières analyses, l’hypothèse était celle d’un effet du THS sur l’insulinorésistance indépendant du poids. Mais comme pour l’étude HERS, la recommandation des auteurs était que ces résultats potentiellement favorables, ne justifiaient pas l’utilisation d’un THS en prévention cardiovasculaire primaire à long terme.

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En pratique, les recommandations actuelles : la mise au point de l’Afssaps de juin 2006 [43] • Le traitement hormonal substitutif de

la ménopause n’est indiqué que lorsque les troubles du climatère perçus par la patiente sont suffisamment gênants pour altérer sa qualité de vie. Le traitement sera instauré à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible (deux à trois ans en moyenne). Le traitement sera réévalué au moins une fois par an, en considérant l’évolution du rapport bénéfice/risque. • Une fenêtre thérapeutique est recommandée lors de la réévaluation annuelle : la reprise du traitement sera fonction de la persistance du syndrome climatérique et de sa sévérité, et la confirmation par la patiente de son souhait de poursuivre le traitement. • En prévention primaire des fractures

ostéoporotiques, le traitement hormonal substitutif est le seul traitement dont l’effet est démontré, mais pour l’Afssaps, en prévention du risque fracturaire, le rapport bénéfice/risque de ce traitement est défavorable. L’administration d’un traitement hormonal substitutif peut être envisagée chez la femme ménopausée qui a un risque élevé de fractures : – lorsque la patiente présente des troubles du climatère qu’elle perçoit comme altérant sa qualité de vie ; – lorsque la patiente présente une intolérance à un autre traitement indiqué dans la prévention de l’ostéoporose et après une évaluation individuelle précise et soigneuse du rapport bénéfice/risque. • Chez les femmes ménopausées en bonne santé sans trouble du climatère et sans facteur de risque d’ostéoporose, la prescription d’un traitement hormonal de la ménopause n’est pas recommandée. • Il n’y a aucune indication d’un traite-

ment hormonal de la ménopause dans un but de prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire [43, 44].

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Pour la science Conclusion

based prospective studies J Cardiovasc Risk 1996;3:213-9.

Il n’existe pas d’étude randomisée, à l’heure actuelle, évaluant le traitement hormonal substitutif chez des femmes ménopausées diabétiques. Les études observationnelles, chez la femme diabétique, retrouvent les effets bénéfiques du traitement hormonal substitutif sur le métabolisme lipidique, et de façon plus discutable sur le métabolisme glucidique, comme chez la femme non diabétique. Mais, malgré l’amélioration de ces différents paramètres métaboliques, les études randomisées en prévention primaire ou secondaire chez des femmes ménopausées non diabétiques n’ont pas constaté d’effet cardio-protecteur du traitement hormonal substitutif. À ce jour, ces études restent notre unique référence. On peut donc supposer, comme le suggère d’ailleurs l’analyse du petit groupe de diabétiques incluses dans le volet Hormone Trial de WHI, que le traitement hormonal substitutif chez la femme diabétique ne démontrera pas d’effet bénéfique cardio-protecteur. Il ne doit donc être utilisé, d’après les recommandations de l’Afssaps, qu’en traitement des symptômes climatériques de la ménopause. Il n’est pas contre-indiqué par le diabète, mais il est contre-indiqué en cas de situation à risque vasculaire. Un bilan complet de la macro-angiopathie, associé à une prescription au cas par cas, est donc nécessaire avant toute éventuelle instauration de ce traitement.

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