Une tumeur osseuse rare au radius : hémangiome capillaire

Une tumeur osseuse rare au radius : hémangiome capillaire

Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94, 413—416 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com FAIT CLINIQUE U...

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Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94, 413—416 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

FAIT CLINIQUE

Une tumeur osseuse rare au radius : hémangiome capillaire Intraosseous capillary hemangioma of the radial bone S. Chekili, K.B. Abdelghani ∗, R. Hajri, A. Laatar, M. Mestiri, L. Zakraoui Service de rhumatologie, hôpital Mongi-Slim, Sidi Daoud, La Marsa, 2046 Tunis, Tunisie Acceptation définitive le : 29 janvier 2008 Disponible sur Internet le 2 avril 2008

MOTS CLÉS Hémangiome ; Capillaire ; Radius ; Tumeur

KEYWORDS Hemangioma; Capillary; Radius



Résumé L’hémangiome est une tumeur vasculaire bénigne composée de capillaires dystrophiques dont les localisations préférentielles se retrouvent sur le rachis (70 % des cas). Les localisations osseuses sont rares, cette fréquence est en effet inférieure à 1 % dans les grandes séries de tumeurs osseuses. Nous rapportons ici le cas d’un jeune patient âgé de 35 ans qui a consulté pour des douleurs de l’avant-bras droit, évoluant depuis deux mois et d’allure inflammatoire, associées à une douleur vive à la palpation et à la mobilisation. Une lacune osseuse développée au niveau de la corticale postérieure du tiers moyen du radius a été objectivée sur la radiographie standard. L’IRM a mis en évidence une lésion périostée diaphysaire, respectant la partie centrale de l’os, l’endoste cortical et les parties molles. Le patient a eu une ablation chirurgicale de la tumeur. L’étude histologique a conclu à un hémangiome capillaire osseux. Il a été par la suite repris pour une ostéosynthèse du radius avec comblement du spongieux. L’évolution était favorable avec une consolidation et un comblement du foyer et une fonction normale du coude et du poignet. Le patient a repris son travail au troisième mois postopératoire. L’intérêt de cette observation réside dans la rareté du siège radial de cette variété tumorale dont les observations publiées sont peu fréquentes. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Hemangioma is a rare benign vascular tumor composed of dystrophic capillaries, preferentially located in the spinal region (70 %). Bony localizations are exceptional, less than 1 % of cases in large series of bone tumors. We report the case of a 35-year-old male who complained of pain the right forearm for two months. The pain was of an inflammatory type and was triggered by palpation and mobilization. The plain x-ray revealed a bony defect involving the posterior cortical of the mid-third of the radius. Magnetic resonance imaging revealed

Auteur correspondant. Adresse e-mail : kawther [email protected] (K.B. Abdelghani).

0035-1040/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rco.2008.01.006

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S. Chekili et al. a defect of the shaft cortex without involvement of the central part of the bone, the endostium or the soft tissue. Surgical resection was limited to the tumor. Histology reported intraossesous capillary hemangioma. The course was favorable with bone healing and gap filling, with normal elbow and wrist function. The patient resumed occupational activities three months after surgery. This case illustrates a rare localization of this tumor rarely reported in major series. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction L’hémangiome est une tumeur osseuse rare. Cette tumeur bénigne siège habituellement au rachis ou au crâne. L’atteinte d’un os long est peu fréquente. Nous rapportons l’observation originale d’un hémangiome capillaire osseux se localisant au radius. L’intérêt de cette observation réside, à la fois, dans la rareté du siège radial de cette variété tumorale dont les observations publiées sont très rares, mais aussi sur les aspects radiologiques de cette tumeur.

Observation Il s’agit d’un patient âgé de 35 ans, sans antécédents notables, qui nous a consulté pour des douleurs de l’avantbras droit évoluant depuis deux mois. Cette douleur était à type d’élancement, d’apparition progressive, à recrudescence nocturne et d’intensité croissante. L’examen notait une douleur vive à la palpation et à la mobilisation en regard de la partie moyenne de l’avant-bras. En revanche, l’examen du coude et du poignet du même côté étaient sans anomalie. La VS était à 2 mm et la CRP à 1 mg/l. Une lacune osseuse développée au niveau de la corticale postérieure du tiers moyen du radius droit a été objectivée sur la radiographie standard (Fig. 1). Il s’agissait d’une lacune d’allure bénigne, bien limitée, mesurant 25 mm de grand axe et 9 mm de diamètre. Elle soufflait localement la corticale osseuse et semblait comporter de fines crêtes osseuses. La paroi postérieure était très amincie, mais sans rupture associée.

Figure 1 Radiographie standard montrant la lacune osseuse bien limitée, soufflant la corticale au tiers moyen du radius.

Pour mieux caractériser cette lésion, une IRM du bras gauche a été pratiquée. Elle a mis en évidence une lésion périostée de siège diaphysaire, assez bien limitée, ovalaire, dont le plus grand axe était parallèle à l’axe radial. Elle s’étendait sur 4 cm et se développait en dehors du périoste, respectant ainsi la partie centrale de l’os, l’endoste cortical et les parties molles. Cette lésion présentait un signal intermédiaire sur les séquences pondérées en T1 (Fig. 2A), un hypersignal sur les séquences T2 et un rehaussement périphérique après injection de gadolinium (Fig. 2). Les chirurgiens orthopédistes ont opté pour une résection de la tumeur. La voie d’abord était postérieure centrée sur la lacune osseuse. La corticale postéro-interne était soufflée, de consistance molle et d’aspect violacé. Une résection de cette corticale aux ciseaux à os en os sain a été pratiquée sur une longueur d’environ 5 cm. Le fragment osseux enlevé était de 3 cm de long et comblé par un matériel brunâtre,

Figure 2 IRM :A : coupe axiale en T1 : lésion périostée en signal intermédiaire ; B : coupe sagittale en T1 : lésion de signal intermédiaire étendue sur 4 cm ; C : coupe axiale en T1 après injection de gadolinium, montrant la lésion diaphysaire se réhaussant en périphérie respectant la partie centrale de l’os, l’endoste cortical et les parties molles ; D : coupe sagittale en T1 après injection de gadolinium : rehaussement périphérique ; E : coupe axiale en T2 : hypersignal de la lésion périostée ; F : coupe sagittale en Fatsat : hypersignal hétérogène.

Une tumeur osseuse rare au radius : hémangiome capillaire

Figure 3 Radiographie standard montrant le matériel d’ostéosynthèse et le comblement du foyer.

hémorragique et friable. Lors de la résection, il s’est produit un trait de refend avec une fracture du radius. L’intervention n’était pas hémorragique et les suites opératoires immédiates étaient simples. L’étude histologique du fragment avait montré des amas compacts de capillaires à paroi mince, séparés par quelques tractus conjonctifs, associés à quelques dépôts d’hémosidérine. L’aspect était celui d’un hémangiome osseux de type capillaire. Sept jours plus tard, a été réalisée une ostéosynthèse du radius par plaque vissée avec comblement de spongieux à partir de la crête iliaque antérieure. L’évolution était favorable avec une consolidation et un comblement du foyer (Fig. 3). Trois mois plus tard, le patient était satisfait de la fonction de son coude et a repris son travail.

Discussion À propos de cette observation, quelques éléments caractéristiques de la tumeur méritent d’être rappelés. L’hémangiome est une tumeur vasculaire composée de capillaires ou de vaisseaux dystrophiques dont les localisations osseuses sont rares, cette fréquence est en effet inférieure à 1 % dans les grandes séries de tumeurs osseuses [1]. Les localisations préférentielles se retrouvent sur le rachis et le crâne (70 % des cas) [2]. Tous les éléments squelettiques peuvent certainement être atteints mais les os longs le sont moins [3]. L’incidence au radius est rare, estimée à 0,8 % [4]. Kenan et al. ont rapporté trois cas d’hémangiome des os longs : deux d’entre eux siégeant au tibia et le dernier au fémur [5]. En tant que lésion osseuse isolée, aucune localisation à l’avant-bras n’a été signalée dans la littérature. La localisation métaphysaire intramédullaire est la plus fréquente [5]. La localisation périostée, comme chez notre patient, est plus rare. Celle corticale est encore plus rare.

415 Il s’agit fréquemment de tumeurs uniques, comme observé chez notre patient. On note une prédominance féminine, trois femmes pour un homme [6]. Ces tumeurs touchent généralement les adultes jeunes mais tous les âges peuvent être intéressés [7] avec un pic d’incidence vers la cinquième décennie [8]. Macroscopiquement, la tumeur apparaît comme une lésion bien limitée, de couleur rouge sombre. Elle peut donner l’aspect en nid d’abeilles avec de l’os trabéculaire intralésionnel et des cavités vasculaires dispersées [8]. Histologiquement, les hémangiomes osseux peuvent être de type caverneux, de type capillaire ou mixte [9]. Les hémangiomes caverneux sont composés de vaisseaux, à paroi épaisse, regroupés en amas. Le type capillaire comporte le même type de lésions mais les vaisseaux paraissent plus petits et sont séparés par un stroma osseux normal [10]. Les hémangiomes caverneux se localisent habituellement au crâne et les types capillaires siègent préférentiellement au rachis. Dans notre observation, la tumeur était de type capillaire. L’aspect de la lésion est tellement spécifique qu’il est parfois jugé inutile de pratiquer un immunophénotypage [4]. Les cellules fixent généralement les anticorps—antifacteurs VII, CD31 et CD34 [8]. Dans notre cas, cette étude n’a pas été pratiquée. La pathogénie des hémangiomes est inconnue, ils peuvent être congénitaux d’origine dysembryogénique ou par lésion d’un hamartome [11]. Ils peuvent également être en rapport avec un traumatisme ancien [7]. Le retentissement clinique de l’hémangiome est essentiellement fonction de sa localisation et de son extension [12]. Le plus souvent, il est asymptomatique, découvert fortuitement à l’occasion d’un examen radiologique pratiqué pour une autre raison. Dans certains cas, la douleur peut être au premier plan, elle est de type inflammatoire [5]. L’hémangiome des os longs peut aboutir à des fractures pathologiques [8]. Dans notre observation, la douleur était également de type inflammatoire. La présence d’un hémangiome cutané permet d’attirer l’attention sur la coexistence possible d’un hémangiome osseux. Sur les radiographies standard, l’aspect typique de l’hémangiome d’un os long associe une zone d’ostéolyse assez bien limitée et une corticale amincie et soufflée sans être rompue [12]. Des trabéculations dispersées au sein de la lésion peuvent être observées. Les limites de l’os en regard sont floues donnant l’aspect de « bulles de savon » [4]. Cet aspect n’a pas été retrouvé chez notre patient. Les hémangiomes périostés se manifestent par une image en shallow cup-shaped depression, entourée par un liseré de sclérose périphérique [5]. Cet aspect a été retrouvé chez notre patient. Cependant, le liseré de sclérose parfois retrouvé bordant l’ostéolyse n’a pas été objectivé. L’IRM occupe une place importante par le fait qu’elle permet une analyse multiplanaire directe et représente un pouvoir de caractérisation tissulaire. L’aspect habituel est caractérisé par un hypersignal osseux sur les séquences pondérées en T1 [3]. L’hypersignal en T1 observé habituellement traduit l’étendue de la composante graisseuse de la lésion. Dans notre observation, cet aspect habituel n’a pas été noté. En effet, l’image présentait un signal intermédiaire en T1, reflétant certainement le faible contenu de la tumeur en graisse. Le signal élevé en T2, observé dans les différentes études, a été retrouvé chez notre patient.

416 Le degré du signal en T2 dépend généralement du degré de vascularisation [13]. Les hémangiomes symptomatiques donnent un signal de type tissulaire avec un bas signal sur la séquence TI et un signal élevé sur la séquence T2 [14]. L’angiographie n’a pas été pratiquée dans notre observation. Elle permet d’apprécier l’état vasculaire de la tumeur et de réaliser une embolisation préopératoire des pédicules nourriciers de l’hémangiome. En ce qui concerne notre observation, sur les critères radiocliniques (et avant l’examen histologique), plusieurs diagnostics pouvaient être discutés, tels que qu’un abcès de Brodie, un ostéome ostéoïde ou un kyste anévrismal périosté. Plusieurs éléments plaident en faveur de l’origine bénigne, notamment l’absence de syndrome inflammatoire biologique, le respect de la corticale, l’absence d’envahissement des parties molles, l’intégrité du périoste, celui-ci n’est que modérément épaissi et simplement repoussé, sans effraction. Les hémangiomes asymptomatiques découverts fortuitement ne nécessitent aucun traitement. L’exérèse chirurgicale représente la méthode thérapeutique la plus admise pour les hémangiomes symptomatiques. Cette chirurgie peut être précédée d’une embolisation artérielle. Elle est surtout utilisée en préopératoire pour deux raisons : afin de minimiser les risques d’hémorragie, en premier lieu, et d’avoir des repères anatomiques précis qui risquent d’être cacher par le saignement [3,12,15]. Quelle que soit la localisation, le curetage et parfois même la simple biopsie peuvent être difficiles et même dangereux à cause du potentiel hémorragique de ces tumeurs. Dans notre observation, l’intervention n’a pas été hémorragique. Le pronostic des hémangiomes opérés est différent selon le type histologique [10], mais généralement le pronostic est excellent [4]. En effet, le risque de récidive est faible et la dégénérescence en un angiocarcinome est exceptionnelle [8]. L’évolution chez notre patient a été favorable sans récidive avec un recul de deux ans.

Conclusion L’hémangiome de l’os est une tumeur rare. Sa localisation aux os longs des membres est encore plus rare. Sa traduction clinique et radiologique est non univoque et peut, de ce fait, poser un sérieux problème de diagnostic positif. L’étude his-

S. Chekili et al. tologique permet généralement de confirmer le diagnostic. Le pronostic est excellent.

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