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ment reçu et à l’environnement familial. Il convient d’élaborer des référentiels nationaux validés et actualisés pour cette surveillance à long terme, la prise en charge d’éventuelles complications tardives, l’évaluation de la qualité de vie, et d’enregistrer les données de façon prospective. Références [1]
Desandes E, Clavel J, Berger C, et al. Cancer incidence among children in France, 1990–1999. Pediatr Blood Cancer 2004;43:749–57. [2] Lacour B, Desandes E, Mallol N, et al. Le registre lorrain des cancers de l’enfant : incidence, survie 1983–1999. Arch Pediatr 2005;12:1577–86. [3] Hudson MM, Jones D, Boyett J, et al. Late mortality of long-term survivors of childhood cancer. J Clin Oncol 1997;15:2205–13. [4] Pemberger S, Jagsch R, Frey E, et al. Quality of life in long-term childhood cancer survivors and the relation of late effects and subjective wellbeing. Support Care Cancer 2005;13:49–56. [5] Hudson MM, Mertens AC, Yasui Y, et al. Health status of adult longterm survivors of childhood cancer: a report from the Childhood Cancer Survivor Study. JAMA 2003;290:1583–92. [6] Jenkinson HC, Hawkins MM, Stiller CA, et al. Long-term populationbased risks of second malignant neoplasms after childhood cancer in Britain. Br J Cancer 2004;91:1905–10. [7] Vaudre G, Trocme N, Landman-Parker J, et al. Vécu des adolescents guéris d’une leucémie aiguë lymphoblastique. Arch Pediatr 2005;12: 1591–9. [8] Hays DM, Landsverk J, Sallan SE, et al. Educational, occupational, and insurance status of childhood cancer survivors in their fourth and fifth decades of life. J Clin Oncol 1992;10:1397–406. [9] Kadan-Lottick NS, Robison LL, Gurney JG, et al. What do childhood cancer survivors know about their past diagnosis and treatment? JAMA 2002;287:1832–9. [10] Oeffinger KC, Mertens AC, Hudson MM, et al. Health care of young adult survivors of childhood cancer: a report from the Childhood Cancer Survivor Study. Ann Fam Med 2004;2:61–70.
M.-D. Tabone* D. Sommelet Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] (M.-D. Tabone). Disponible sur internet le 11 mai 2006 *Auteur
correspondant.
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L’incidence de l’insuffisance rénale chronique (IRC) ne peut être précisément connue ; en revanche, celle de l’insuffisance rénale terminale (IRT), imposant un traitement par transplantation ou dialyse, est de 7 à 8 par million d’enfants de moins de 15 ans en France et dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Même si, parmi l’ensemble des IRT de l’adulte, moins de 5 % ont débuté avant l’âge de 18 ans, le devenir des enfants IR doit faire partie de la culture de tout pédiatre car notre mission est de les conduire à l’âge adulte dans des conditions optimales. Cela signifie que l’information et l’accompagnement doivent être précoces et adaptés au contexte médical, mais aussi aux capacités cognitives, physiques, sociales, psychologiques, familiales et environnementales de chaque individu. 1. Progression de l’insuffisance rénale chronique Même en l’absence de pathologie rénale, la filtration glomérulaire (FG) décroît régulièrement à partir de l’âge de 40 ans d’environ 1 ml/min par an de sorte que, du fait du vieillissement de la population, la proportion d’individus de 80 ans correspond à des insuffisants rénaux « physiologiques » puisque leur FG est de 60 à 80 ml/min. À cela s’ajoutent potentiellement de nombreux facteurs pouvant altérer la fonction rénale : hypertension artérielle, dyslipidémie, tabagisme, obésité, hyperuricémie, diabète, néphrotoxicité (en particulier, automédication par antiinflammatoires non stéroïdiens), grossesse, etc. En situation d’IR, tous ces éléments vont prendre une importance considérable et constitueront de véritables facteurs de progression de l’IR ; il est donc essentiel d’informer précocement enfants et parents de tous ces risques, pour la plupart évitables ou contrôlables. Au stade d’IRT, il est logique de penser qu’un patient passera par plusieurs types de traitement de suppléance (transplantation, dialyse, transplantation, dialyse, etc.) au cours de sa vie. Aussi, le pronostic global va dépendre de la notion d’« exposition » aux risques associés à l’IRT, où s’intriquent les complications de la maladie initiale, de l’IRC, de la transplantation, de la dialyse et des comorbidités fréquemment associées. On estime ainsi que la survie après 15 ans de patients dont l’IRT a débuté après l’âge de 2 ans est de 92 % et que, chez les patients IRT âges de 35 ans, le risque de décès est équivalent à celui d’un sujet de 70 ans. Cette surmortalité est essentiellement le fait de la pathologie cardiovasculaire (hypertension artérielle, arrêt cardiaque, accidents vasculaires cérébraux), du risque accru de cancer, des anomalies phosphocalciques, de la dénutrition, des infections, de l’inflammation, etc.
Quel avenir avec une insuffisance rénale depuis l’enfance ? 2. L’avenir des transplantés Aging with chronic renal failure from childhood Mots clés : Insuffisance rénale chronique ; Insuffisance rénale terminale ; Dialyse ; Transplantation Keywords: Chronic Transplantation
renal
failure;
End-stage
renal
failure;
Dialysis;
La demi-vie des greffons rénaux est actuellement de l’ordre de 15 ans, de sorte qu’un individu transplanté dans l’enfance aura de grandes chances d’être retransplanté à une ou plusieurs reprises dans sa vie. Cette information doit accompagner toute situation où l’IRT est prévisible. Mais la retransplantation expose à plusieurs risques : moindre survie actuarielle des gref-
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fons au fil des greffes, risque d’immunisation anti-HLA, cumul des effets secondaires des immunosuppresseurs, risque accru de lymphomes–cancers et d’infections, perturbations métaboliques, altération progressive de la qualité de vie, etc. Il est donc essentiel de corriger les facteurs d’altération progressive de la fonction d’un greffon : optimisation de l’immunosuppression, rigueur de l’observance, contrôle de la pression artérielle, limitation de la néphrotoxicité (anticalcineurines), néphroprotection éventuelle, nutrition adaptée, etc. 3. L’avenir des dialysés En théorie, l’avenir de tout dialysé est d’être transplanté lorsqu’il n’a pas pu bénéficier d’une greffe préemptive. Mais certaines situations imposent des périodes prolongées en dialyse : immunisation anti-HLA, récidives itératives de la maladie initiale après greffe (hyalinose segmentaire et focale, syndrome hémolytique et urémique atypique), non-observance ayant entraîné la perte de plusieurs greffons, etc. Mais la prolongation de la dialyse comporte des problèmes spécifiques : difficulté croissante des abords vasculaires en hémodialyse, altération progressive des capacités du péritoine en dialyse péritonéale, hyperparathyroïdie, complications cardiovasculaires (calcifications et athérome), complications ostéoarticulaires (amylose), inflammation chronique (rôle du, stress oxydant), intolérance psychologique, survenue de cancers (rein et voies urinaires notamment), etc. Il est impossible de maîtriser parfaitement toutes ces complications, mais il convient d’insister sur la qualité du contrôle du produit phosphocalcique, sur la normalisation de la pression artérielle, sur la qualité de l’épuration (notion de « dose » de dialyse personnalisée) et de la biocompatibilité, sur la protection des abords vasculaires et péritonéaux, sur la rigueur des apports nutritionnels et sur la maîtrise de la volémie, sur le maintien d’une fonction rénale résiduelle chaque fois que cela est possible, sur la correction de l’anémie et des troubles hydroélectrolytiques, et sur le contrôle des facteurs thrombogènes (Lp [a], homocystéinémie, état micro-inflammatoire). Globalement, le maintien d’un patient en dialyse prolongée reste un échec et conduit inexorablement à un phénomène de vieillissement accéléré. Malheureusement cette situation est fréquente dans les pays où la transplantation ne peut être offerte à tout patient IR. 4. Qualité de vie, insertion sociale, familiale et professionnelle
Malgré les progrès thérapeutiques (nutrition, traitement conservateur, hormone de croissance), la taille finale reste inférieure à la normale (~155 cm pour les femmes, ~165 cm pour les hommes) et n’est atteinte que vers 18 à 20 ans, ce qui peut affecter la qualité de vie et l’image de soi, mais aussi compromettre certaines activités physiques et/ou professionnelles. Chez les greffés, elle dépend essentiellement du niveau de fonction rénale et de la corticothérapie cumulée ; chez les dialysés, elle dépend beaucoup de la qualité de l’épuration mais n’évite pas le recours quasi systématique à l’hormone de croissance. Outre la taille, l’apparence extérieure des patients dont l’IR est ancienne comporte souvent des anomalies : cicatrices (fistule artérioveineuse, cathéters, chirurgie urologique), anomalies de la peau et des phanères (aspect vieilli de la peau, teint particulier, hyperkératose, verrues, tumeurs, lichens), etc. Sur le plan familial, un tiers des patients réside au domicile des parents. Pour les deux tiers vivant dans leur propre domicile, seulement 15 % vivent en couple et, dans ce cas, l’avenir est logiquement associé à la possibilité de procréer. La fertilité peut être compromise par la maladie initiale ou par les traitements reçus, qu’ils soient médicaux (cyclophosphamide, ganciclovir) ou chirurgicaux (reconstructions urogénitales). La grossesse chez les femmes transplantées est devenue commune mais nécessite quelques précautions : substitution du mycophénolate mofétil (Cellcept®) par l’azathioprine (Imurel®) en raison du risque tératogène, nécessité d’une fonction rénale stable avec créatininémie inférieure à 150 μmol/L, pression artérielle contrôlée et protéinurie inférieure à 1 g/24 heures. Les enfants de mère greffée ont un risque accru de prématurité et de retard de croissance intra-utérin, mais n’ont pas de risque connu de malformation, de déficit immunitaire ou d’altération de la fonction rénale. En revanche, la grossesse est quasi impossible chez les femmes hémodialysées, mais peut être tentée lorsque le traitement repose sur une stratégie de dialyse quotidienne ou de dialyse longue ; les chances de succès sont équivalentes en dialyse péritonéale. Là encore, le risque de prématurité et de retard de croissance intra-utérin est élevé. Les capacités physiques sont améliorées par les possibilités d’entraînement adapté, la correction de l’anémie, le contrôle de la pression artérielle, l’amélioration de la nutrition et de l’hydratation, et l’aide des associations (www.trans-forme.org). Sur le plan professionnel, un tiers des patients a un emploi (pour moitié à temps partiel ou avec horaires aménagés) et la presque totalité des patients IR bénéficie d’une indemnité d’invalidité. 5. Conclusion
La réalité et la qualité de l’insertion sociale, familiale et professionnelle sont inversement proportionnelles au temps requis par la prise en charge globale de l’IR ; elle sera donc optimale après une transplantation réussie et parfois désastreuse lorsque la période de dialyse se pérennise. La transition de la pédiatrie à la médecine d’adultes se fait habituellement à l’âge de 18 ans et doit être optimisée afin que le jeune adulte ne se sente pas « abandonné » ; là encore, préparation et accompagnement sont nécessaires.
L’insuffisance rénale raccourcit l’espérance de vie d’autant plus qu’elle survient dans l’enfance ; cette surmortalité est essentiellement le fait de la pathologie cardiovasculaire. D’autres complications sont directement liées à la qualité de l’observance thérapeutique, particulièrement critique lors de la transition de l’environnement pédiatrique à la prise en charge en médecine d’adultes. Ces deux pénalités sont de mieux en mieux cernées et les progrès de la prise en charge globale lais-
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sent espérer que la survie globale et la qualité de vie des enfants insuffisants rénaux s’amélioreront à l’âge adulte. Malgré cela, l’insuffisance rénale chronique et terminale est un domaine où la pathologie iatrogène occupe une place majeure. Pour en savoir plus André JL. Le devenir des enfants insuffisants rénaux chroniques. Arch Pediatr 2000;7:343–8. Cochat P, Nobili F, Vessière V, et al. Adolescence, greffe de rein, etc. Courrier Transplant 2005;5:225–30. Eknoyan G, Lameire N, Barsoum R, et al. The burden of kidney disease: improving global outcomes. Kidney Int 2004;66:1310–4. Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (www.fnair.asso.fr). Gjertson DW, Cecka JM. Determinants of long-term survival of pediatric kidney grafts reported to the united network for organ sharing kidney transplant registry. Pediatr Transplant 2001;5:5–15. Pareckh RS, Caroll CE, Wolfe RA, et al. Cardiovascular mortality in children and young adults with end-stage kidney disease. J Pediatr 2002;141:191–7.
P. Cochat* R. Oueis F. Cazet Département de pédiatrie, Inserm U499, centre de référence des maladies rénales héréditaires, hôpital Édouard-Herriot, université Claude-Bernard, Lyon, France Adresse e-mail :
[email protected] (P. Cochat). Disponible sur internet le 12 mai 2006 *Auteur
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Cardiopathie congénitale à l’âge adulte, nouvelle prise en charge Grown up congenital heart disease, current management Mots clés : Cardiopathie congénitale ; Cardiopathie cyanogène ; Tétralogie de Fallot ; Syndrome d’Eisenmenger Keywords: Congenital heart defect; Cyanotic disease; Tetralogy of Fallot; Eisenmenger syndrome
L’incidence des cardiopathies congénitales est d’environ de 5 à 8 pour 1000 naissances vivantes. Une minorité d’entre elles est liée à des anomalies génétiques ou à des anomalies acquises pendant la grossesse (virus, toxique ou maladie maternelle). Avant l’avènement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert, 60 % des enfants atteints de cardiopathie congénitale mourraient. De nos jours, 70 à 80 % atteignent l’adolescence et l’âge adulte. On estime aux États-Unis leur nombre à plus de 500 000 patients [1]. La majorité des patients ayant une cardiopathie congénitale bénéficie actuellement d’une cure chirurgi-
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cale dans la première année de vie. Cela ne signifie pas que ces patients sont guéris ; certains d’entre eux posent des problèmes spécifiques. Par ailleurs, un certain nombre de patients atteints l’âge adulte sans recours à la chirurgie, car la cardiopathie est bien tolérée ou, au contraire car elle est irréparable et alors le plus souvent cyanogène. Chez tous ces patients, le problème cardiologique est intriqué avec les problèmes extracardiologiques : médicaux avec des séquelles pulmonaires des thoracotomies, séquelles neurologiques des 1res circulations extracorporelles, séquelles orthopédiques (scolioses) et psychologiques. La phase de transition de la pédiatrie à l’âge adulte est un moment particulièrement difficile pour le suivi et l’observance du traitement. Les difficultés sociales sont nombreuses : accès à l’emploi, aux assurances, reconnaissance difficile du handicap cardiologique. Enfin se posent chez les femmes les problèmes de grossesse et de contraception. 1. Les structures nécessaires pour la prise en charge des patients Étant donné la spécificité des problèmes posés à l’adolescence et à l’âge adulte, la prise en charge par l’équipe de pédiatrie est rapidement insuffisante. Le personnel soignant est en fait accoutumé à dialoguer avec les parents. C’est pourtant le moment où il est nécessaire de détailler au patient sa pathologie, et ses conséquences afin d’éviter les conduites dites à risque (non suivi du traitement, addictions aux drogues ou au tabac, non-observance de la contraception, grossesse non programmée, non-prévention de l’endocardite d’Osler). Les médecins et le personnel paramédical doivent être formés à cette prise en charge. Une consultation dite de transition est indispensable. Au cours de celle-ci, la cardiopathie est expliquée au patient. L’orientation professionnelle, les problèmes de tolérance d’une grossesse éventuelle sont également discutés. L’orientation vers une structure adulte peut se faire ensuite. Dans le secteur adulte, la formation doit alors se faire vers les spécialistes non accoutumés à ces pathologies, et aux spécificités de ces patients, tant sur le plan médical que psychologique. Les explorations de ces patients doivent être faites par des médecins formés au contact des « congénitalistes ». En effet, chez l’adulte l’imagerie non invasive est déterminante mais l’échographie, qui a un rôle prépondérant chez l’enfant, est très limitée. L’IRM et le scanner sont alors fondamentaux. Les spécialistes de rythmologie doivent également faire face à ces patients complexes avec des séquelles rythmiques parfois multiples, mais ces patients bénéficient pourtant beaucoup des nouvelles techniques de rythmologie. Le cathétérisme cardiaque est également complexe et souvent beaucoup plus long que chez les enfants. Enfin les réinterventions chez ces patients sont complexes et souvent à haut risque de morbimortalité. Seuls des chirurgiens expérimentés dans les cardiopathies congénitales peuvent opérer ces patients [1]. C’est dire qu’une prise en charge très spécialisée est nécessaire chez ces patients dont la cohorte croît rapidement [2]. Nous ne détaillerons ici que les cardiopathies qui bénéficient d’avancées technologiques.